Avec David Duhamel, docteur en économie, auteur de "Un monde sans enfant" (Editions Buchet Chastel)
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00:00– Bon matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:03– Notarité, David Duhamel, docteur en économie et auteur de
00:06« Un monde sans enfants » aux éditions Boucher-Chastel.
00:08À partir des chiffres que je vous ai donnés, des chiffres de l'INSEE,
00:12nous allons réfléchir au monde futur, à ce que sera le monde de nos enfants,
00:16de nos petits-enfants ou de nos arrière-petits-enfants.
00:20David Duhamel, c'est inéluctable, c'est inéluctable, la natalité baisse en France
00:27comme ailleurs, dans le monde d'ailleurs, partout, même en Chine,
00:32la natalité baisse, partout ça baisse.
00:34– Ah oui, surtout en Chine en fait, effectivement la natalité française baisse
00:38mais ce n'est pas un problème français, ce n'est pas un problème européen,
00:42ce n'est pas un problème occidental, ce n'est pas un problème chrétien,
00:45c'est un problème mondial et effectivement la Chine c'est la catastrophe
00:48mais on a aussi des endroits tout à fait bizarres où ça baisse,
00:51par exemple l'Inde est passée maintenant à deux enfants par femme,
00:54c'est-à-dire qu'en Inde, qui était vraiment l'exemple typique de la surpopulation,
00:58on fait maintenant autant d'enfants qu'on en faisait en France en 2010
01:02et dans certains états du sud on en fait moins qu'en France,
01:04donc c'est vraiment même dans les endroits les plus incroyables du monde
01:07où on pensait que ça allait exploser,
01:10qu'il va y avoir des problèmes de natalité majeurs.
01:12– Alors je viens d'apprendre quelque chose, grâce à vous,
01:15je ne savais pas que dans le sud de l'Inde on faisait moins d'enfants qu'en France,
01:19c'est absolument incroyable, alors on en fait peu en France,
01:22de moins en moins, je disais pour l'instant,
01:25plus de naissances que de décès en 2024,
01:29mais c'est juste, 663 000 naissances contre 646 000 décès,
01:34ça va s'inverser ? – Oui c'est sûr.
01:36– Les femmes font des enfants de plus en plus,
01:38ou ont des enfants, font j'aime pas trop,
01:41ont des enfants de plus en plus âgés,
01:43on est à 31 ans et un mois pour le premier enfant,
01:4831 ans et un mois,
01:50quelles sont les conséquences de cette dénatalité ?
01:54– Elles sont gigantesques, elles sont tentaculaires,
01:56en fait c'est un petit peu compliqué de répondre une chose,
02:00ce qu'il faut savoir c'est qu'en France la pente de la descente
02:04n'est pas très pentue,
02:06bon la pente pentue c'est pas très joli,
02:07mais ce que je veux dire par là c'est que ça descend finalement moins vite
02:10que dans d'autres pays où c'est la catastrophe absolue,
02:12je veux juste rappeler qu'en Corée du Sud ils sont à 0,7.
02:15– 0,7 en Corée du Sud ?
02:17– 0,7 ça veut dire que 100 personnes font 35 enfants
02:21qui font de mémoire 12 petits-enfants,
02:23donc il y a vraiment un entonnoir terrible.
02:26Donc nos problèmes de natalité,
02:28en tous les cas les pays riches du monde entier,
02:31à une exception près, tueraient pour les avoir.
02:34Ensuite les conséquences, elles sont économiques,
02:36elles sont culturelles, elles sont politiques,
02:38elles sont absolument partout,
02:41alors on parle souvent de la question des retraites,
02:43comment est-ce qu'on peut financer les retraites
02:44quand il y a de moins en moins de personnes qui travaillent,
02:46il y a de plus en plus de personnes qui sont…
02:47– Qui touchent les retraites ? – Exactement.
02:49Mais moi je suis plus sensible encore à la question politique,
02:52c'est-à-dire que ce qu'on fait quand l'électorat est finalement vieux,
02:58en plus on sait que les gens plus vieux votent davantage.
03:00– De plus en plus vieux ?
03:01– Naturellement les politiciens vont chercher les voies là où elles sont,
03:04c'est tout à fait normal,
03:05et donc ça va mettre en place des politiques publiques
03:07qui vont favoriser un électorat
03:08qui n'a pas vraiment les yeux vers le futur,
03:11donc où vont être les investissements pour l'éducation,
03:13pour l'enseignement supérieur ?
03:15On a des problèmes gigantesques,
03:18on a des problèmes d'innovation,
03:19on sait que les personnes passées à un certain âge,
03:22et je m'inclue, peuvent avoir une intelligence
03:25qui fonctionne encore très bien,
03:26mais on peine à innover, l'innovation c'est un truc de jeune,
03:29comment une société peut continuer à être innovante ?
03:32On peut avoir des problèmes géopolitiques,
03:33que ce qu'on fait quand on n'a plus de soldats,
03:36la Corée du Sud se pose la question terriblement,
03:39certains voient l'invasion ukrainienne
03:41comme une tentative de Poutine de récupérer du peuple,
03:44et notamment du peuple slave.
03:45Oui, parce qu'en Russie aussi, la dénatalité est très forte.
03:49Ah oui, oui, en Russie, et puis ça fait longtemps,
03:51en Russie ils ont un déficit d'hommes aussi,
03:52alors ils ont moins un problème de vieillissement de la population
03:56parce que leurs hommes meurent tôt,
03:59principalement à cause de la vodka, dans les années 2000 surtout,
04:02mais oui, la Russie ça va très mal,
04:05la Chine c'est catastrophique,
04:07l'Europe du Sud c'est terrible,
04:09l'Europe de l'Est j'en parle pas,
04:10enfin bon, la France s'en sort plutôt mieux,
04:13mais de toute façon, ça baisse,
04:15ça va continuer de baisser,
04:16le solde naturel va s'inverser,
04:19et surtout, moi je pense qu'on ne voit pas encore
04:21à quel point la jeune génération fera encore moins d'enfants,
04:25celle qui a grandi dans un environnement numérique.
04:28Mais ce qui est vrai par exemple,
04:30parce que certains pensent évidemment aux problèmes migratoires,
04:33ce qui est vrai en Europe, c'est vrai aussi en Afrique,
04:36c'est vrai aussi dans les pays musulmans,
04:39c'est vrai aussi, je dis franchement les choses.
04:42– Oui, oui, alors vous avez effectivement la question de l'immigration,
04:44donc la baisse de la natalité est générale,
04:47elle arrive à des rythmes différents suivant les régions,
04:50quand on parle de l'Afrique,
04:51effectivement la population africaine va augmenter énormément,
04:54mais on devrait éviter de parler de l'Afrique
04:57tellement l'Afrique est vaste et diverse,
04:58en fait l'Afrique du Nord et l'Afrique australe
05:01est déjà très avancée dans sa transition démographique,
05:04il n'y aura pas d'explosion démographique
05:05du Nord et du Sud de l'Afrique,
05:07en revanche l'Afrique intertropicale,
05:10elle, il y a plein de pays différents avec des situations variées,
05:13elle est encore en gros à 4 enfants par femme,
05:15donc oui, ça va augmenter beaucoup
05:18et se posera la question des flux migratoires.
05:20– Mais toute l'Afrique australe et le Maghreb,
05:22c'est beaucoup moins que 4 enfants par femme.
05:25– Oui, de mémoire je crois que c'est entre 2 et 3 dans l'Afrique australe
05:30et autour de 3 dans le Maghreb,
05:32il faut savoir surtout que c'était 7 il n'y a pas si longtemps,
05:36– Donc ça baisse aussi très fortement.
05:37– Ça baisse très fortement.
05:39Maintenant, dans nos sociétés se pose la question de l'immigration
05:42et de sa désirabilité, et aujourd'hui politiquement,
05:45un homme ou une femme politique qui dirait
05:47« moi l'immigration je trouve ça super, ouvrons les frontières »,
05:50c'est du suicide, les électorats du monde entier
05:52considèrent que l'immigration, voient l'immigration de manière négative,
05:56mais ça c'est en politique, les économistes en général
05:59ont tendance à dire qu'une économie a absolument besoin d'immigrer.
06:04– D'autant plus si la natalité baisse.
06:06– La natalité baisse, c'est sûr,
06:07donc ce qui se passe c'est qu'on a des gouvernements
06:10parfois très à droite, parfois très opposés à l'immigration,
06:13qui par ailleurs, derrière leur discours d'opposition,
06:17vont finalement s'ouvrir à l'immigration.
06:18– Elon Musk.
06:20– Je pensais plutôt à l'Italie de Giorgia Melloni.
06:22– Ou l'Italie de Giorgia Melloni.
06:23– L'Angleterre, le Royaume-Uni du Brexit,
06:25même si là ils viennent de changer,
06:26s'ouvre comme jamais tout en disant explicitement
06:30« l'immigration c'est le problème ».
06:31Donc on a une espèce de schizophrénie autour de cette question.
06:34Les démographes pensent que l'immigration
06:36c'est comme une injection de jeunesse et de sang frais,
06:40mais temporaire en fait.
06:41Ce n'est pas la solution.
06:42– Ce n'est pas la solution.
06:43– Ce n'est pas la solution et dans certains pays,
06:44de toute façon, c'est une impossibilité.
06:47– Bien, dernière chose, un point quand même,
06:52les familles monoparentales se multiplient aussi.
06:56Je regardais les chiffres de l'INSEE.
06:58– Oui, en fait, il y a cette question qui est apparue,
07:02comme ça centrale avec MeToo, c'est les rapports hommes-femmes.
07:05Et les femmes, si elles ne le savaient pas déjà,
07:08ont clairement réalisé qu'avoir un enfant,
07:11c'était finalement à elles qu'en incombait le coût.
07:13Le coût en termes de carrière, le coût en termes d'autonomie.
07:16Et dès que le couple se sépare,
07:1780% des familles monoparentales, ce sont des femmes.
07:21Et ça aussi, tant qu'on n'avancera pas plus
07:24vers l'égalité hommes-femmes dans le partage des tâches éducatives,
07:27domestiques, tout ce que vous voulez, on aura un problème de fécondité.
07:31C'est aujourd'hui dans les pays où on est plus proche de l'égalité
07:35que les femmes font le plus d'enfants.
07:36C'est dans les pays où les femmes travaillent le plus,
07:39en Europe en tous les cas, où les femmes font plus d'enfants.
07:41Donc si on veut favoriser la maternité ou la parentalité,
07:45il faut ouvrir au maximum les vannes de l'égalité,
07:47de l'accès aux postes de pouvoir
07:50et de l'accès au monde du travail pour les femmes.
07:51– Merci beaucoup, David Duhamel,
07:53j'encourage tout le monde à lire votre livre
07:55« Un monde sans enfants » aux éditions Boucher-Chastel,
07:58c'était très très intéressant.
07:59Merci beaucoup, il est 7h49.