• il y a 10 heures
Avec David Duhamel, docteur en économie, Auteur de “Un monde sans enfant” (Editions Buchet Chastel)

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##LA_VERITE_EN_FACE-2024-10-22##

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Transcription
00:009h10, Sud Radio, la vérité en face, Patrick Roger.
00:06Il est 9h30, c'est un sujet qui préoccupe de plus en plus et qui fait la une de l'actualité, relancée d'ailleurs aussi par Emmanuel Macron il y a de cela quelques mois, la démographie.
00:17Est-ce que l'on va vers un monde sans enfants ? C'est ce livre de David Duhamel, bonjour, livre qui va sortir cette semaine, c'est en exclusivité.
00:26Jeudi, c'est aux éditions Boucher-Chastel, un monde sans enfants. Alors je disais, oui, je citais Emmanuel Macron parce que c'est vrai, le Président, il y a quelques mois, en avait parlé du réarmement démographique.
00:39C'était l'un des défis parce que la France est un des premiers pays en Europe où la natalité a baissé de façon spectaculaire.
00:49Après, il y a d'autres pays dans le monde, mais est-ce qu'on est véritablement entré dans ce monde sans enfants, alors, David Duhamel ?
00:56Alors, un monde sans enfants, c'est un titre un petit peu provocateur.
00:59Oui, provocateur, bien sûr.
01:01Il y aura toujours des enfants et le monde entre progressivement dans un nouvel âge, en fait, où le nombre d'enfants baisse énormément.
01:11Ça a déjà énormément baissé par rapport à il y a 50 ou 60 ans, mondialement.
01:16Et c'est un sujet absolument gigantesque.
01:19Et non seulement la baisse est déjà très importante, mais la thèse que je porte dans ce livre, c'est qu'on n'a encore rien vu.
01:28C'est-à-dire que la jeune génération qui n'est pas encore en âge sociologique de faire des enfants, elle est en âge biologique, mais elle fait ses études, elle commence sa carrière.
01:37Et la génération Z qui n'a pas encore 30 ans, celle-ci, elle a été nourrie aux forces de la technologie, l'environnement digital et aussi aux forces de MeToo.
01:47Bon, c'est ce qu'on va voir avec vous et avec les conséquences.
01:49Parce qu'en plus, tout à l'heure, vous êtes économiste, spécialiste, docteur en économie, enseignant à Sciences Po et dans d'autres universités également, d'autres écoles.
01:59Qu'est-ce qui explique déjà, avant de voir la nouvelle génération, ce premier ralentissement des naissances depuis, disons, une trentaine d'années maintenant ?
02:09Alors, énormément de choses. En fait, c'est vraiment un faisceau de choses. C'est jamais une chose.
02:14Et c'est ce qui rend d'ailleurs la politique un petit peu impuissante parce qu'il faut essayer de boucher des troupes de partout.
02:20Ce n'est pas une mesure qui va changer quelque chose.
02:22Décréter un réarmement démographique, c'est un petit peu un effet de manche parce que j'aimerais pas être à la place d'Emmanuel Macron.
02:28C'est très, très difficile à faire. Et réarmement, je pense pas que ce soit souhaitable. Mais même si c'était souhaitable, c'est très difficile.
02:35Alors, les causes, elles sont très variées. Elles sont anciennes. On commence par l'urbanisation.
02:40Ensuite, l'éducation, l'éducation générale et surtout l'éducation des femmes, c'est-à-dire les femmes qui prennent connaissance de leur corps, ne serait-ce que biologiquement.
02:49Puis les femmes surtout qui se mettent à aller au lycée puis à l'université. Donc aucune lycéenne n'a envie de commencer à avoir des enfants.
02:56Aucune étudiante de 20 ans.
02:57Et la contraception aussi.
02:59Et la contraception. Et aussi une culture qui est plus individualiste. Il y a le rôle de la télévision qui est énorme.
03:06Donc vraiment, c'est universel, c'est mondial. C'est pas du tout une histoire française.
03:10Vous avez dit que la France a été la première.
03:12Oui, c'est vrai.
03:13Alors, en fait, c'est quelque chose qu'on connaît mal parce que jusqu'à quelques années, la France était un petit peu la championne de la fécondité.
03:18On était à deux enfants par femme, là où tous les pays dégringolaient depuis des décennies.
03:22Le Japon, l'Allemagne.
03:24Mais ce qu'on sait moins, c'est que la France, en 1800, était le premier pays au monde où les femmes ont commencé à faire moins d'enfants.
03:30On s'est singularisé.
03:32On est différent des Anglais, des Allemands, de tous.
03:34On est les premiers.
03:35Et c'est ce qui fait qu'un siècle plus tard, en 1900, c'est en France qu'on fait le moins d'enfants au monde.
03:40On fait 2,8 enfants par femme contre 5 pour les Allemands.
03:45Or, comme on est dans l'obsession de la guerre à venir avec les Allemands, c'est terrorisant de se dire qu'on n'a pas les soldats.
03:50Ça, c'était il y a un siècle.
03:51Ça, c'est il y a un siècle.
03:52Oui, oui.
03:53Mais c'est justement parce qu'on a été si inquiets de cette situation face aux Allemands qu'on a mis en place des politiques natalistes
03:59qui ont fait qu'ensuite, au XXe siècle, la France a une meilleure fécondité que quasiment tous les pays riches.
04:04Oui.
04:05Il faut le rappeler, si on remonte beaucoup plus en arrière, il y a 150 ans, les familles, c'était...
04:13Alors, je ne sais pas quelle était la moyenne, mais ce n'était pas rare d'avoir des familles avec des fratries, 5, 10 frères et sœurs.
04:21Tout à fait.
04:22Je pense que...
04:23Alors, la moyenne mondiale, elle n'a quasiment pas bougé entre l'âge de Pierre et 1800.
04:28Oui.
04:29C'est assez intéressant.
04:30C'est presque 6 enfants par femme.
04:32Et puis, c'est donc en France que ça a commencé à baisser.
04:34Mais même en 1952, je prends la date de l'accession au pouvoir de la reine Elisabeth, c'est encore plus de 5 enfants par femme,
04:41c'est-à-dire pas très loin, que l'an moins 10 000.
04:44Et aujourd'hui, c'est 2,2.
04:46Oui.
04:47Donc, ça s'est mondialement effondré.
04:49Et la France a baissé, mais la France s'en tire plutôt mieux qu'énormément de pays.
04:53Il y a des endroits où c'est absolument catastrophique.
04:55Lesquels, alors ?
04:56Alors...
04:57Parce que vous avez parlé du Japon, tout à l'heure.
05:00Généralement, les gens connaissent un peu l'histoire du Japon,
05:02parce que le Japon, c'est le premier à être passé en dessous de 2,1,
05:05le fameux seuil de remplacement.
05:07Et ils ont fait ça dans les années 70.
05:09Donc, eux, ils sont un petit peu en galère maintenant depuis 50 ans.
05:11Donc, il y a un effet cumulé.
05:14Mais il y a un pays en ce moment qui bat tous les records,
05:16et c'est absolument phénoménal, c'est la Corée du Sud.
05:18La Corée du Sud.
05:19C'est-à-dire qu'à mes étudiants, je dis un peu...
05:23C'est une plaisanterie un peu naze, mais c'est...
05:25On dirait le Japon qui a pris de la cocaïne, la Corée du Sud.
05:27Vous voyez ?
05:28C'est une vitesse spectaculaire,
05:30et tout le monde regarde la Corée du Sud absolument abasourdi,
05:32en se disant, c'est la nation punk, c'est no future.
05:35Oui.
05:36Pourquoi, là-bas ?
05:38C'est-à-dire qu'il y a eu ce que vous avez expliqué tout à l'heure aussi,
05:41en fait, la fameuse nouvelle génération.
05:44Il y a tout ça.
05:46Mais la Corée du Sud...
05:48Alors, l'Asie riche, en général, déjà, est dans une position bien pire
05:50que l'Europe et surtout que la France.
05:52Puisque c'est 1, la moyenne chez eux,
05:54contre 1,7 chez nous.
05:56Et en Corée du Sud, on est en train de s'approcher de 0,6.
05:59Ça veut dire qu'aujourd'hui, en Corée du Sud,
06:01il faut 6 personnes pour faire un enfant.
06:03Donc c'est du jamais vu.
06:05Même les pays en guerre continuent à faire plus d'enfants que ça.
06:08Corée du Sud, a priori, ça va.
06:10Bonne économie, paix.
06:11Ben oui.
06:12Alors, qu'est-ce qui se passe ?
06:13Qu'est-ce qu'ils ont en plus par rapport à nous ?
06:15Deux choses.
06:17La chose principale, c'est que le patriarcat est encore extrêmement puissant.
06:22Or, ce qui est nouveau, c'est que les jeunes coréennes
06:24ont maintenant la possibilité d'une carrière,
06:26d'une liberté, d'une autonomie,
06:28que n'avait pas leur mère, grosso modo,
06:30et certainement pas leur grand-mère.
06:32Donc elles, elles ont des opportunités très importantes.
06:36Mais le jour où elles décident d'avoir un enfant,
06:38ça passe forcément par un mariage.
06:40Et un mariage, ça veut dire un mari,
06:42mais pas que un mari, aussi une belle famille.
06:45Et en fait, ça veut dire aussi que s'il y a des enfants,
06:47c'est la jeune femme qui oublie sa carrière,
06:50qui se sacrifie entièrement.
06:52Et les résultats, elles effacent tout ça,
06:55entre guillemets, de leur logiciel.
06:57Absolument. Elles sont rationnelles.
06:59Elles font le même calcul qu'on ferait à leur place.
07:01C'est-à-dire que s'il faut renoncer à tout ça,
07:03ça me coûte beaucoup trop cher, donc je ne renonce pas.
07:06Et l'autre chose, c'est une hostilité culturelle, historique, à l'immigration.
07:12Donc les taux d'immigration au Japon, en Corée, sont très très faibles.
07:16Ils augmentent assez vite, mais comme ils partent de très très peu,
07:18c'est très très faible.
07:19En Chine, c'est non existant.
07:21C'est une situation catastrophique aussi.
07:23À la Chine, on se souvient, il y avait eu la politique de l'enfant unique.
07:26Oui, alors c'est ça qui est assez rigolo.
07:30C'est un petit peu tragique.
07:31C'est-à-dire que la Chine avait la politique de l'enfant unique.
07:33Ils se sont rendus compte que leur problème, c'était pas qu'ils avaient trop d'enfants,
07:35mais pas assez.
07:36Donc en 2015, ils l'enlèvent.
07:38Et donc en 2016, il y a les paris les plus fous sur
07:40« Ah, combien est-ce qu'on va avoir d'enfants ? »
07:42Puisque enfin, toutes ces familles,
07:43ils vont pouvoir avoir le deuxième enfant qu'elles attendent.
07:46Et ils espéraient entre 20 et 24 millions de naissances.
07:49Et ils n'en ont eu que 18.
07:50Déjà, c'est décevant.
07:52Mais ce qu'on ne savait pas en 2016, c'est que ce 18,
07:54ça allait être un sommet regretté,
07:56puisque l'année dernière, ils n'en ont eu que 9 millions.
07:59Autrement dit, il y a 50% de naissances en moins en 7 ans.
08:02Là aussi, c'est du jamais vu.
08:04Et ça va continuer.
08:05Et ça va continuer.
08:06Est-ce qu'il y a à l'inverse des continents,
08:08on a beaucoup parlé du continent africain,
08:10avec une démographie galopante,
08:12où là, on continue de faire beaucoup, beaucoup d'enfants ?
08:16Alors, oui, absolument.
08:18Absolument.
08:19En gros, tous les continents du monde s'en baissent,
08:22y compris l'Afrique.
08:24Mais l'Afrique a encore une fécondité élevée.
08:26Mais quand on parle d'Afrique, il faut faire attention.
08:29Ça n'a pas grand sens de parler d'Afrique,
08:31de même que personne ne parle d'Asie,
08:32parce que c'est beaucoup trop grand.
08:33L'Afrique aussi.
08:34Donc il faut distinguer.
08:35Par exemple, l'Afrique du Nord et l'Afrique australe
08:38sont déjà très avancées dans leur transition démographique.
08:41La fécondité du monde arabe a baissé énormément,
08:44continue de baisser.
08:46Donc maintenant, on va regarder ce qu'on appelle
08:48l'Afrique intertropicale.
08:50Et là aussi, il y a énormément de disparités.
08:52Il y a tout un paquet de pays.
08:53Il y a des pays qui sont vraiment en voie de transition
08:56et qui vont plus vite que prévu.
08:57Et puis, il y en a d'autres qui sont vraiment à la traîne
08:59et qui sont inquiétants.
09:00C'est assez inquiétant pour ces pays.
09:02Un pays comme le Niger ou la République démocratique du Congo,
09:04c'est un petit peu la catastrophe.
09:06Mais inversement, un pays du Nigeria, vous voyez,
09:08l'ONU prévoyait il y a cinq ans
09:10que le Nigeria serait presque à 800 millions d'habitants
09:13à la fin du siècle.
09:14Et là, leurs prévisions de cet été, donc 2024,
09:17toujours de l'ONU, mettent le Nigeria à moins de 500 millions.
09:20Donc on a fait disparaître 300 millions de Nigérians à venir.
09:23Pourquoi ?
09:24Ralentissement aussi.
09:25Ralentissement de la fécondité, tout simplement.
09:27Si les Nigériennes font un peu moins d'enfants aujourd'hui,
09:29ça fera beaucoup moins d'enfants demain.
09:31Bon, vous avez planté le décor.
09:33Donc, est-ce qu'il faut avoir peur de cela ?
09:36D'un hiver, entre guillemets, comme vous le décrivez,
09:38démographique dans votre livre.
09:39Un monde sans enfants.
09:40On voit ça ensemble juste après une courte pause sur Sud Radio.
09:45Et d'ailleurs, si vous voulez réagir ou poser des questions
09:47à David Duhamel qui est avec nous,
09:49vous n'hésitez pas.
09:500826 300 300.
09:58Il est dix heures moins le quart,
09:59la vérité en face, jusqu'à dix heures.
10:01Un monde sans enfants.
10:03Alors évidemment, c'est un titre un peu provocateur
10:05qu'a écrit dans ce livre David Duhamel,
10:08pour ce livre, aux éditions Boucher-Chastel,
10:10qui sort cette semaine, mais qui est particulièrement intéressant.
10:13On a vu, donc, que vous avez décrit, David Duhamel,
10:16le phénomène mondial, bien sûr,
10:18même s'il y a encore des pays où il y a une démographie
10:21un peu plus féconde,
10:23enfin, une fécondité un petit peu plus importante,
10:26notamment en Afrique.
10:28Tout de même, il y a un ralentissement, en fait, un peu partout.
10:31Donc, on a vu un petit peu les causes.
10:33Mais ce n'est pas fini, ça va plus loin
10:35avec la nouvelle génération.
10:37Qu'est-ce qu'elle dit, la nouvelle génération ?
10:40Que ce soit en France ou ailleurs.
10:42Oui, oui, tout à fait. Je suis content que vous me posiez cette question,
10:45parce que des ouvrages sur la démographie,
10:47il y en a quand même pas mal qui sortent,
10:49et je pense que, comme le sujet va s'imposer
10:51un petit peu comme celui du réchauffement climatique,
10:53comme un immense dossier planétaire,
10:55je suis content d'avoir un peu ma singularité,
10:58et ma singularité, c'est de dire,
11:00ça va mal, mais ça va aller encore moins bien,
11:04parce que la jeune génération,
11:06j'avais un peu commencé là-dessus,
11:07elle est nourrie à deux forces
11:09que n'ont pas vraiment connues ses aînés,
11:11c'est-à-dire le changement technologique,
11:13le rapport à la technologie,
11:15et ça, c'est la force principale, je pense.
11:17Et c'est pour ça, je vous en dirai plus dans un instant,
11:19mais c'est pour ça que c'est en Corée que c'est le pire,
11:21c'est parce que la Corée, c'est le peuple le plus technophile.
11:23Donc, ils sont tout le temps branchés ailleurs,
11:25et il y a un moment où il faut se débrancher
11:27pour rencontrer quelqu'un.
11:29Il paraît quand même qu'on rencontre beaucoup,
11:31justement, à travers, aujourd'hui,
11:33c'est à travers le numérique et l'ensemble des annonces
11:35que le rencontre est à 60-70%
11:37je crois.
11:39C'est un moyen, ça peut rapprocher le monde,
11:41ça peut éloigner, mais ça peut rapprocher aussi.
11:43On va en parler,
11:45parce que
11:47je serais ravi de m'étendre sur la question
11:49des applications de rencontre, notamment.
11:51Mais voilà, donc, force technologique
11:53et force sociétale,
11:55avec une remise en cause du patriarcat,
11:57notamment par les jeunes femmes
11:59dans le monde entier,
12:01et avec une polarisation
12:03croissante de la jeunesse,
12:05c'est-à-dire que, historiquement,
12:07la jeunesse est généralement un peu plus à gauche
12:09que la société en général,
12:11et puis ce qu'on voit maintenant,
12:13et depuis très peu de temps en fait,
12:15depuis 5 ans peut-être, 10 ans,
12:17c'est que les jeunes femmes
12:19virent un peu plus à gauche,
12:21et les jeunes hommes virent assez nettement plus à droite.
12:23Par exemple, l'élection américaine, là,
12:25pourrait bien se jouer sur la capacité de Trump
12:27à aller chercher les jeunes hommes
12:29qui ne votent pas d'habitude.
12:31Or, ce sont les mêmes jeunes
12:33qui disent, je ne sortirai pas avec
12:35quelqu'un qui a des opinions politiques
12:37opposées à moi, notamment sur la question
12:39de l'avortement, par exemple. Donc, si tous les mecs
12:41sont à droite, et toutes les jeunes femmes
12:43sont à gauche, on a
12:45un problème de rencontre.
12:47Pour ces deux raisons, je pense que...
12:49Notamment, il n'y a pas que ça.
12:51Il n'y a pas que ça, mais ça ne va pas aider, on va dire.
12:53Et donc, sur la technologie,
12:55la technologie,
12:57elle permet énormément de choses, c'est une épée
12:59double tranchant, comme d'habitude.
13:01Mais moi, je pense qu'elle mine, en fait,
13:03tous les maillons de la chaîne
13:05qui mènent de la rencontre
13:07à l'arrivée
13:09d'un enfant.
13:11Donc, c'est la rencontre amoureuse,
13:13c'est la sexualité. Avant la sexualité,
13:15c'est la sociabilité. Ensuite, c'est la
13:17conjugalité.
13:19Ça peut être la nuptialité, se marier ou pas.
13:21Et finalement, c'est d'avoir un enfant.
13:23Et ça, la technologie,
13:25on en est finalement...
13:27C'est un mauvais servant.
13:29D'autant que la technologie,
13:31vous parlez de tout ce qui est numérique,
13:33etc., mais il y a aussi la technologie
13:35de certaines femmes, et de couples
13:37même, ou de jeunes, qui se disent
13:39« De toute manière, je peux attendre un petit peu plus longtemps
13:41parce que la technologie me permettra peut-être
13:43d'avoir un enfant quand je le veux. »
13:45Or, ça, c'est pas aussi simple
13:47que ça, en fait.
13:49Alors, certainement, la technologie aide
13:51beaucoup de parents à
13:53exaucer leur désir d'enfant.
13:55Une des grosses raisons
13:57de la baisse de la fécondité, j'aurais dû le dire aussi,
13:59c'est pas tellement que les femmes ne veulent pas d'enfants
14:01ou moins d'enfants qu'avant, c'est qu'elles les veulent
14:03plus tard. Et ce qui est tout à fait compréhensible.
14:05Mais quand on commence à avoir ses enfants
14:07plus tard, c'est plus difficile,
14:09et vraisemblablement, on va en avoir moins que ce qu'on espérait.
14:11La technologie permet un petit peu
14:13de diminuer ce risque, mais numériquement
14:15jusqu'à maintenant,
14:17l'impact de la technologie, c'est beaucoup plus
14:19vous et moi qui sommes sur nos écrans toute la journée
14:21plutôt que de sortir boire un verre dehors,
14:23que d'aider
14:25à la fécondité.
14:27Et puis, il y avait
14:29l'atmosphère, entre guillemets, où
14:31avant c'était plutôt positif,
14:33il y a une vingtaine d'années, trentaine d'années,
14:35même s'il y avait des peurs qui arrivaient ici et là,
14:37le sida et d'autres, mais
14:39globalement, on était
14:41positif quand on était jeune. Aujourd'hui,
14:43on est dans une démarche
14:45plus sombre, plus négative
14:47de ce monde qui fait peur,
14:49le changement climatique et beaucoup d'autres
14:51situations, et donc se dire
14:53pourquoi faire des enfants, pour quel
14:55monde ?
14:57J'ai quand même grandi avec déjà l'idée
14:59que ma génération, c'était la génération négative
15:01et que la génération positive, c'était celle des sixties.
15:03Cela dit, vous avez raison.
15:05À chaque génération, ça change.
15:07Et puis surtout, vu
15:09de notre place, c'est-à-dire un peu
15:11les vieux, les jeunes, ont toujours l'air
15:13un peu fragiles et anxieux.
15:15Cela dit,
15:17le monde, je ne pense pas
15:19nécessairement que le monde soit pire aujourd'hui qu'hier,
15:21mais il est plus incertain.
15:23Au moment de la Seconde Guerre mondiale ou avant,
15:25et au Moyen Âge, n'en parlons pas.
15:27Tout à fait. Mais en revanche,
15:29au Moyen Âge, par exemple,
15:31il n'y avait pas beaucoup d'incertitudes.
15:33Et quand il y avait de l'incertitude,
15:35on connaissait les formes qu'elle pouvait prendre.
15:37Il va peut-être y avoir une guerre, il va peut-être y avoir un mauvais hiver.
15:39Tandis que là, c'est la volatilité
15:41et l'incertitude qui nous rend, c'est vrai,
15:43très anxieux.
15:45Et cette anxiété,
15:47je pense qu'il ne faut pas
15:49tellement en rire. Je pense qu'il faut
15:51plutôt l'apprendre au sérieux et réfléchir
15:53à ce qu'on peut faire pour l'atténuer.
15:55Et ça, ça demande beaucoup d'imagination.
15:57Et c'est difficile.
15:59David Duhamel,
16:01il y a le mouvement No Kids,
16:03par exemple, qui a pris de l'ampleur aussi.
16:05Pas d'enfants.
16:07Vous estimez que c'est
16:09important ou pas ? Ou non, c'est simplement
16:11mineur comme phénomène ?
16:13Je ne sais pas trop. Pour être tout à fait franc, je pense que c'est d'abord
16:15un symptôme avant d'être une cause.
16:17C'est-à-dire que si vous avez
16:19des jeunes qui disent, moi je ne veux pas
16:21d'enfants,
16:23je pense que le plus important,
16:25c'est de les laisser tranquilles.
16:27En fait, on n'a pas besoin que
16:29tous les jeunes fassent des enfants. On a juste
16:31besoin que les jeunes, et surtout les jeunes
16:33femmes qui veulent des enfants, puissent les faire.
16:35Le désir d'enfants, en France,
16:37est largement suffisant pour remplacer la population.
16:39Donc le problème, c'est pas tellement
16:41de s'en prendre à ceux qui n'en veulent pas.
16:43Ceux-là, il faut les laisser tranquilles.
16:45En revanche, ce qui est vrai,
16:47et c'est un tout petit peu
16:49compliqué à expliquer, c'est que
16:51autant il faut être à fond pour la liberté
16:53individuelle de choisir de faire des enfants ou pas,
16:55mais une société
16:57faite d'individus libres
16:59de ne pas avoir d'enfants, sera
17:01une société qui souffrira de ne pas avoir
17:03d'enfants. C'est-à-dire qu'au niveau collectif,
17:05on a besoin d'enfants.
17:07Et là, il y a un problème
17:09presque viral, presque de mode,
17:11c'est péjoratif, mais viral.
17:13Si tous les gens autour de vous n'ont pas d'enfants,
17:15ça vous coûte très cher d'avoir des enfants.
17:17Si tous vos potes font la fête
17:19et que vous commencez à avoir des marmots,
17:21vous vous coupez de cette vie-là.
17:23Et donc c'est pas tellement...
17:25Sans jugement, sans savoir ce qui est bien et mal,
17:27on rentre dans un
17:29moment où ça devient un petit peu un jeu
17:31de coopération, et j'ai intérêt à ce que ce soit les autres
17:33qui fassent des enfants, parce que moi,
17:35moi et mes amis, on fait pas ça.
17:37On fait autre chose.
17:39Les conséquences, alors, de façon très
17:41concrète, en étant pragmatique
17:43sur ce manque
17:45d'enfants.
17:47Elles sont majeures.
17:49D'abord, face à la gravité
17:51qui va nous apparaître, déjà on va se rendre compte
17:53que la France est plutôt myelotique les autres.
17:55Mais bon, la gravité générale,
17:57tout le monde va chercher un coupable.
17:59Donc il va y avoir, ça va être les jeunes
18:01qui sont bons à rien, ça va être les vieux qui nous
18:03coûtent trop cher, ça va être les étrangers
18:05qui viennent nous remplacer, etc.
18:07Ensuite,
18:09le vieillissement de la population,
18:11parce qu'en fait, le corollaire de ça, c'est le vieillissement.
18:13Le vieillissement de la population,
18:15ça a des conséquences
18:17en termes de croissance économique
18:19plus molles, ça a des conséquences en termes
18:21d'innovation plus rares. Le Japon, qui était le champion
18:23de la croissance, est devenu le champion de la stagnation.
18:27Et ça a des conséquences politiques, puisque
18:29moins de jeunes, nécessairement ça veut dire plus
18:31de vieux, et d'ailleurs,
18:33c'est pas péjoratif, j'arrive les gars,
18:35je suis semi-vieux déjà, je suis
18:37grand-père, mais ça veut dire aussi que les intérêts
18:39des plus vieux seront beaucoup mieux
18:41représentés politiquement, et que pour un
18:43homme ou une femme politique, c'est beaucoup plus rentable
18:45de parler à son électorat âgé
18:47qui vote en plus en masse, qu'à son électorat
18:49jeune. — C'est l'équilibre du pays,
18:51d'une société, d'une démocratie,
18:53même si je vais plus loin, quoi. — Exactement.
18:55— Qui peut être en cause, quoi.
18:57On a parlé beaucoup,
18:59c'est l'un des derniers chapitres
19:01aussi de votre livre, il y en a plusieurs,
19:03bien sûr, mais sur l'immigration.
19:05Alors parce que,
19:07même si c'est un phénomène mondial, mais quand même
19:09il y a certains continents où il y a encore un peu
19:11plus d'enfants qu'ailleurs.
19:13Vous dites, il n'y a pas
19:15de grand remplacement, là, ce qu'on a évoqué,
19:17mais en revanche, il y a quand même un grand changement.
19:19Et en France, ça se constate, quoi.
19:21— Ça se constate partout, et je pense
19:23que, autant,
19:25évidemment, je combats l'idée du grand remplacement
19:27qui est instrumentalisé par une partie
19:29importante de la droite politique,
19:31autant je pense que la gauche fait une faute
19:33en taxant de raciste
19:35toute personne qui viendrait dire
19:37« Oh là là, qu'est-ce qui se passe ? »
19:39et en ne disant pas « Mais oui, la société
19:41change, clairement, il suffit d'ouvrir
19:43les yeux. Maintenant,
19:45quand on regarde quels sont les endroits en Europe
19:47où le vote anti-immigration
19:49est le plus fort, c'est pas les endroits où il y a le plus
19:51d'immigrés, c'est les endroits qui se vident le plus.
19:53C'est les endroits où il y a une crise démographique
19:55la plus aiguë. Donc c'est l'expression d'une inquiétude.
19:57Moi, je comprends qu'il puisse y avoir une inquiétude,
19:59je pense qu'il y a la place pour un débat
20:01serein, qu'une société peut débattre
20:03de ce qu'elle considère être le bon niveau
20:05d'immigration. Le problème
20:07en France, c'est que généralement
20:09le citoyen ne sait pas quel est le niveau
20:11et le surestime, mais à des niveaux
20:13il pense à 40% d'immigrés alors qu'il y a
20:1513% d'immigrés, par exemple.
20:17Et puis,
20:19il faut aussi dire que serait
20:21la France sans l'immigration ?
20:23Que serait un pays sans immigration ? Et là, vous savez quoi ?
20:25Regardez en Corée, regardez au Japon.
20:27Est-ce que ce serait,
20:29vous avez une fuite d'eau, il faudra attendre 6 mois pour quelqu'un
20:31vienne vous la réparer. Vous allez à l'hôpital, il n'y a personne.
20:33Etc.
20:35Moi, je veux bien qu'on pointe, et je trouve qu'on le fait beaucoup.
20:37D'ailleurs, votre livre n'est pas polémique
20:39à ce sujet. Vous pointez
20:41aux choses.
20:43Il faut voir tous les
20:45inconvénients qu'il y aurait à se fermer à l'immigration.
20:47J'ai l'impression que tout le monde a bien conscience
20:49des désavantages que peuvent amener l'immigration.
20:51Regardons aussi les inconvénients de son absence.
20:53Merci, David Duhamel.
20:55C'est passionnant. Un monde sans enfants,
20:57le pire arrive, mais le meilleur peut suivre.
20:59On aurait pu parler d'autres
21:01solutions aussi. C'est aux éditions Buchet-Chastel.
21:03Vous le trouverez à partir
21:05de jeudi.
21:07Dans les kiosques.
21:09Merci. Dans un instant, c'est Valérie.
21:11Dans les bonnes librairies, pas que dans les kiosques.
21:13Les kiosques, c'est plutôt pour les journaux.
21:15Dans un instant, c'est Valérie Expert,
21:17Gilles Gansman, André Bercoff ce midi,
21:19et puis évidemment, les vrais voix ce soir.
21:21Notamment.
21:23Notamment.

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