Avec Plantu, dessinateur
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NewsTranscription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04— Bien, nous avons avec nous le dessinateur Plantu, et je me réjouis. Bonjour, Plantu.
00:08— Bonjour et merci. — Merci d'être avec nous ce matin,
00:11parce que ça nous permet de parler à la fois de Charlie et à la fois de la mort de Jean-Marie Le Pen.
00:18Alors je vais commencer avec la mort de Jean-Marie Le Pen,
00:20parce que votre dernier dessin a fait beaucoup, beaucoup de bruit, et fait beaucoup, beaucoup de bruit.
00:26À propos d'antisémitisme, vous mettez Jean-Luc Mélenchon au même niveau que Jean-Marie Le Pen.
00:33Vous avez tweeté « Jean-Marie Le Pen n'est pas mort » dans la foulée de l'annonce de la mort
00:38de l'ancien président du Front national.
00:41Et vous avez joué un dessin représentant Jean-Luc Mélenchon et Jean-Marie Le Pen côte à côte.
00:47Sous le leader de la France insoumise, sa déclaration « L'antisémitisme reste résiduel en France »,
00:53prononcée en juin dernier.
00:55Et sous Jean-Marie Le Pen, sa déclaration « Les chambres à gaz sont un point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale ».
01:02Pourquoi avoir fait cela ?
01:04— Ça me paraissait tellement naturel.
01:07Vous n'imaginez pas à quel point...
01:09Je suis dessinateur, je vois tout en images.
01:12Et quand j'entends des choses, alors évidemment des dessins me viennent au bout des doigts,
01:16et à la fois quand je vois les visages,
01:18et à la fois j'ai été marqué par deux séquences que vous avez évidemment en tête,
01:23Jean-Jacques Bourdin, c'est cette scène où Mélenchon est en train de dire « Je suis la République »
01:31devant un policier qui ne veut pas le laisser passer et qui gueule.
01:34Et je vois... Vous savez quand on dessine, on voit la bouche comme ça, on voit les dents,
01:38on voit la bouche qui sort presque du visage.
01:41Et donc ça me rappelle un autre dessin que j'avais fait
01:44où Jean-Marie Le Pen avait interpellé, il avait bousculé une députée socialiste
01:51et qui l'avait poussée vraiment contre un mur,
01:54et la fille était complètement effrayée.
01:58Et je me dis « Mais c'est le même dessin ».
02:01Et donc ça me vient naturellement.
02:03Et à tel point que quand vous voyez ce dessin-là,
02:05que d'ailleurs j'ai repris de mon dernier bouquin,
02:08et ce bouquin, il y a ce dessin-là, et je l'ai fait...
02:11— « Merci qui » c'est le titre.
02:13— Ouais. Et je l'ai fait en sepia.
02:16C'est-à-dire que pour moi, c'est un monde des années 30.
02:20Et l'antisémitisme que j'ai toujours condamné chez Jean-Marie Le Pen dans les années 80
02:27me rappelle l'antisémitisme du 7 octobre
02:30qu'on a découvert du côté des amis de Jean-Luc Mélenchon.
02:34— Pour vous, ces hommes sont guidés par le même antisémitisme ?
02:40— Non, non. En tout cas, c'est deux fois de l'antisémitisme.
02:44— Deux fois, c'est clair.
02:45— L'antisémitisme des années 30 que moi, j'ai connu petit, chez moi, dans ma famille.
02:49J'entendais des trucs. « Les Juifs, tu les fous à la porte, ils arrivent par la fenêtre ».
02:53Et moi, je réagissais pas. J'avais 11 ans, j'avais 12 ans.
02:56Et en fait, ça, c'est l'antisémitisme qu'on a retrouvé
03:00chez Jean-Marie Le Pen du Front National dans les années 80.
03:03Et à la fois d'après le 7 octobre, c'est un autre antisémitisme
03:07que j'ai vu monter parce que je vais beaucoup dans les écoles.
03:10— Oui, je sais.
03:11— J'ai des gamins qui me disent « C'est quoi, ce dessin avec le monsieur avec le grand nez ? »
03:15Je dis « Ben, quoi ? » Ils disent « Ben oui, le juif, là, qui est là ».
03:19Je dis « Mais quel juif ? » C'est pas un... Il a un grand nez.
03:24Et donc je me dis « Oh là ! ». Donc il faut tout reprendre calmement.
03:28Et là, c'est un autre antisémitisme rampant qui se fait très doucement
03:33et qui se déguise avec des airs d'extrême-ceci, d'extrême-cela.
03:37Non, je m'en fous. C'est de l'antisémitisme.
03:39— Bien. Plantus et Clair, vous attirez les foudres des les filles, j'imagine,
03:43depuis...
03:45— Oui, ça fait partie du boulot.
03:47— Peu importe.
03:48— Et d'ailleurs, je m'excuse auprès des internautes parce que
03:51j'envoie pas, évidemment, mes dessins, mais je ne lis pas les...
03:55Parce que si je devais les lire, une fois...
03:57Vous savez qu'une fois, j'ai eu 42 000 messages.
04:00Pas 42 000 clics, 42 000 messages.
04:03Parce que j'avais défendu les médecins qui se faisaient payer 29,50 €
04:07et j'avais comparé avec le plombier qui se met à 185 €.
04:11J'ai eu tous les plombiers sur la gueule, 42 000 messages.
04:15J'avais jamais vu ça.
04:17— Plantus, le dessin de presse, ça, c'est votre liberté.
04:21Le dessin de presse, c'est vraiment la liberté d'expression totale.
04:27— Dont j'ai abusé au journal Le Monde.
04:30Et quand je fais le bilan, j'ai toutes les opinions.
04:33Et pourtant, j'avais pas le journal avec moi, des fois.
04:35Quand j'étais contre la burqa, des choses comme ça,
04:38j'avais la moitié du journal qui me soutenait et l'autre qui pouvait pas me voir.
04:41En fait, toutes les opinions auxquelles je tenais,
04:43elles ont été publiées dans Le Monde.
04:45— Elles ont été publiées.
04:46— C'est incroyable.
04:47— Et il faut continuer à publier.
04:49Au regard, c'était vos amis, les dessinateurs de Charlie.
04:54— Oui, je les connaissais tous.
04:55— Vous les connaissiez tous.
04:56C'étaient tous vos amis.
04:57Alors j'ai vu qu'il y a un projet de créer une maison du dessin de la presse.
05:02C'est ça ?
05:03— Oui, oui.
05:04— Du dessin de presse.
05:05J'espère que...
05:06— J'ai assisté à des rencontres.
05:07— Est-ce qu'il faut, dans cette maison, exposer les caricatures de Mahomet ?
05:10— C'est une très très bonne question.
05:12Moi, j'étais là avec les dessinateurs de Charlie Hebdo, évidemment, qui y tiennent.
05:17Moi, je ne vois pas comment on ne...
05:19S'il y a une maison du dessin de presse, je vois pas comment on ne peut pas...
05:22— Le ministère de la Culture est favorable à cela.
05:24— Eh ben, je ne vois pas comment on ne peut pas publier les dessinateurs danois de 2006.
05:30En 2006, c'est pour ça que je suis allé à Copenhague et j'ai vu le drame qu'il vivait.
05:35Parce que quand j'ai été voir Kurzweilsteig, vous savez, celui qui avait fait le turban avec la bombe,
05:39je suis allé le voir chez lui.
05:40Je n'ai jamais été seul avec lui.
05:42C'est-à-dire que j'avais toujours un policier avec des oreillettes.
05:45Et en plus, j'ai vu sa salle de bain, qui était un bunker.
05:49Et trois fois, ils ont essayé de le tuer à la hache.
05:52Donc je suis revenu après en France, j'ai dit...
05:54En 2006, j'ai commencé à dire « Oh là, les amis, il se passe quelque chose ».
05:58Et Kofi Annan, l'ex-secrétaire général de l'ONU, il m'a demandé de rassembler aux Nations unies,
06:04à New York, des dessinateurs chrétiens, juifs, musulmans,
06:07pour qu'on essaye de faire des passerelles entre les opinions et entre les cultures.
06:12— Pourquoi est-ce qu'à l'occasion des 10 ans de Charlie,
06:15tous les journaux n'ont-ils pas publié ces caricatures ?
06:19Moi, j'aurais aimé peut-être, non ?
06:21— J'en ai vu passer. J'en ai vu passer.
06:23Non, celle de la fameuse de Cabu, qui est vraiment bien, qui est subtile.
06:28C'est dur d'être aimé par des cons.
06:30Parce qu'en fait, il a les mains sur les yeux, il dit tout.
06:36Il a fait le choix des lettres sur la lettrine de Charlie Hebdo.
06:39Non, non, c'est magnifique.
06:42Et d'ailleurs, j'avais fait un bouquin, quelques années après,
06:45avec Rani Boubaker de la Mosquée de Paris.
06:53— Le grand lecteur de la Mosquée de Paris.
06:55— J'ai fait un bouquin avec lui qui s'appelait
06:57« 10 bonnes raisons de ne pas se faire sauter ».
06:59Il n'a jamais voulu. Bon, il était d'accord.
07:02Et il m'a raconté ses rapports avec Charlie Hebdo.
07:04Et c'était très intéressant. Très intéressant.
07:08— Le dessin de presse, c'est une spécialité très française, non ?
07:13— Oui, parce que j'ai vu qu'aux États-Unis,
07:17on commençait à supprimer les dessins de presse dans les grands journaux.
07:20— Alors déjà, le New York Times.
07:22Vous voyez, par exemple, non seulement le New York Times
07:24a supprimé les dessins à cause d'un dessin portugais d'Antonio,
07:28que je défends, c'est un immense dessinateur,
07:30soi-disant pour antisémitisme.
07:32Le gars n'est pas antisémite.
07:33Ils ont supprimé, mais tous les dessins, et plus grave.
07:36Parce qu'en fait, jusque-là, c'est les élans d'un rédacteur en chef
07:39qui dit « Allez, on fout tout le monde ».
07:41Mais non, mais plus grave.
07:42Aucun des journalistes du New York Times n'a réagi.
07:45Et là, je me dis « Oh là, là, il se passe quelque chose ».
07:48— Merci, Cabu, d'être venu nous voir ce matin.
07:51— Merci quoi ?
07:52— Merci.
07:53— Cabu !
07:54— Pardon, Plantu.
07:56C'est incroyable, ce que je viens de dire.
07:58— Non, non, mais c'est incroyable.
07:59Cabu me disait qu'on l'appelait Plantu.
08:01— Non.
08:02— À tel point, si.
08:03Et à tel point que des fois, je lui dis « Arrête de faire ça ».
08:06Quand on lui m'a donné une dédicace, M. Plantu,
08:08il faisait un dessin, il signait Plantu.
08:10Je lui dis « Mais arrête de faire ça, ça m'énerve ».
08:12Et moi, je l'adorais.
08:14— Pardon, Plantu.
08:15Et merci d'être venu nous voir ce matin.
08:17Et merci pour les dessins apportés.
08:19— C'est mon boulot.
08:20— Merci beaucoup.
08:21Il est 7h22.
08:23Vous êtes sur Sud Radio ce matin.
08:24Le rappel des titres de l'actualité.
08:26Laurie Leclerc.