Directeur général de l'Insee depuis 2012, Jean-Luc Tavernier revient dans le Grand Entretien du lundi 23 décembre 2024 sur la situation économique en France et les prévisions de l'institut de statistiques pour l'année qui arrive.
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00:00C'est difficile de se projeter en ce moment, je suis sûr que c'est le cas aussi pour
00:04beaucoup d'entre vous dans une France plus instable que jamais et dans un monde en crise.
00:08Alors imaginez le travail de notre invité qui doit dire à quoi vont ressembler les
00:12prochains mois du pays tout entier.
00:15Et pour cause, cet invité est directeur général de l'INSEE.
00:18Jean-Luc Tavernier, bonjour.
00:19Bonjour.
00:20L'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques qui vient de publier
00:24ses prévisions pour le premier semestre de 2025.
00:27Donc le tableau est morose sur la croissance, sur le chômage, vous allez nous en parler
00:32et vous pourrez répondre évidemment aux questions des auditeurs de France Inter, aux
00:35inquiétudes peut-être de nos auditeurs au 01.45.24.7000 et sur l'application Radio
00:41France.
00:42D'abord, Jean-Luc Tavernier, j'aimerais vous poser une question plus personnelle.
00:45Ça fait 12 ans que vous êtes directeur général de l'INSEE, depuis 2012, ça fait 40 ans que
00:51la projection économique est votre spécialité, est-ce que vous avez déjà eu une tâche
00:56aussi difficile que cette année ?
00:58Je ne suis pas sûr, je voudrais d'abord dire un mot pour m'associer au deuil, bien sûr,
01:03au deuil national en hommage aux victimes de Mayotte et vous dire, parce que la situation
01:09est difficile là-bas à Mayotte, il y a une trentaine d'agents de l'INSEE aussi et c'est
01:12seulement ce matin que j'ai eu la confirmation que tous étaient sains et saufs, mais tous
01:15ont des dégâts dans leur logement.
01:17Alors oui, on sait bien depuis plusieurs années que l'économie est tributaire d'événements
01:23extérieurs.
01:24On a eu la pandémie, on a eu la guerre en Ukraine et l'épisode inflationniste qui a suivi.
01:30Ces risques géopolitiques, ces risques extérieurs, ils demeurent, on a encore un risque de guerre
01:37commerciale avec l'élection de Donald Trump.
01:41S'ajoute là, je crois, effectivement, quelque chose d'un peu inédit, on entre dans l'année
01:452025 sans budget, donc même pour nous faire la prévision à court terme des deux prochains
01:51trimestres, premier et deuxième trimestre 2025, dans ces circonstances-là, c'est quelque
01:55chose de difficile.
01:56Il faut essayer de faire des hypothèses sur ce que sera la politique budgétaire et comment
02:01elle va être anticipée par les agents.
02:03Alors comment vous faites, effectivement, sans budget, avec un gouvernement démissionnaire ?
02:07Comment on prédit l'avenir économique d'un pays sur des critères qui ont des incidences
02:14et qui vont avoir des incidences très concrètes dans la vie de tous les Français ?
02:17Alors nous avons toujours nos boussoles essentielles que sont les enquêtes de conjonctures mensuelles
02:21auprès des entreprises et auprès des ménages.
02:23Donc chaque mois, on interroge une entreprise et on assiste, du reste, ces derniers mois
02:29à une lente érosion du climat, des affaires dans les différents secteurs de l'économie
02:33qui sont tous en dessous de leurs moyens historiques.
02:35Et puis aussi du côté des ménages, où la confiance des ménages s'était fortement
02:39dégradée avec la guerre en Ukraine, puis redressée, et là à nouveau ça se dégrade
02:43et ça se passe sans lien avec la certitude.
02:46Sur la politique budgétaire, on fait bien sûr l'hypothèse de reconduction des services
02:49votés pour les dépenses 2024 et puis d'absence de mesure sociale.
02:54Vous partez du principe que le budget 2024 sera reconduit en 2025 dans ces grandes lignes ?
02:59Là on a retenu effectivement ce qui était cohérent avec la loi spéciale et sans faire
03:03d'hypothèse particulière, sans prendre de position sur ce que sera la politique budgétaire
03:07in fine lorsque la loi de finances sera votée.
03:10Vous parliez de la confiance des ménages, c'est-à-dire est-ce que les français ont
03:15confiance dans l'avenir économique de la France ?
03:18C'est ça que ça veut dire ?
03:19Le moral des français était un peu reparti à la hausse, effectivement, en tout cas depuis
03:25le début de la guerre en Ukraine, il y a maintenant presque trois ans, et on replonge
03:31désormais à cause de cette incertitude économique depuis la dissolution du mois de juin ?
03:36Oui, probablement l'incertitude joue, c'est-à-dire on replonge depuis septembre.
03:40Incertitude politique, incertitude économique ?
03:42Oui, politique et donc incertitude sur les mesures budgétaires, qui concrètement, vu
03:46la place de l'État dans les dépenses publiques, dans les prélèments obligatoires, est évidemment
03:50cruciale pour les agents.
03:51C'est vrai qu'on avait vraiment dégringolé après la guerre en Ukraine, avec notamment
03:56une forte réaction des français à l'évolution des prix et de l'inflation.
04:02On était enfin dans une période où je crois les français comprenaient, se rendaient compte
04:09que l'inflation était peut-être derrière nous, ça ne signifie pas que les prix reviennent
04:13à leur niveau d'avant.
04:14Les prix continuent d'augmenter, mais moins vite qu'avant.
04:17Ils continuent d'augmenter très peu.
04:18Notre prévision à horizon de juin, c'est qu'ils augmenteront de 1% sur douze mois.
04:21Evidemment, ils ne baissent pas, donc on ne revient pas au prix d'avant, de 2021, d'avant
04:28la guerre en Ukraine, mais ils ne montent plus, et ça peut jouer, c'est un facteur
04:33un petit peu d'optimisme qui dit que sur le fait que l'épargne des français pourrait
04:37se réduire.
04:38Donc normalement, puisque les prix augmentent moins fortement, les français devraient
04:43recommencer à consommer, c'est ça que vous voulez dire, et vous pensez que ce ne sera
04:47pas le cas ?
04:48C'est plus nuanced que ça, on était en gros à 15% de taux d'épargne, de manière
04:53assez stable ces dernières années, voire depuis dix ans.
04:57Depuis la crise sanitaire, on est passé à 18% de taux d'épargne, là on est à trois
05:01points au-dessus du taux d'épargne, et c'est quelque chose, on l'étudie dans la note
05:04de conjoncture, qui n'est pas propre à la France, en Allemagne aussi le taux d'épargne
05:08a augmenté.
05:09Donc nous avons essayé de comprendre d'où ça venait, il y a certainement l'ombre portée
05:13de cette inflation, le 2022-2023 qui joue, mais il y a d'autres facteurs aussi, bien
05:21sûr.
05:22Il y a des compositions des revenus qui ne sont pas favorables à une baisse du taux
05:26d'épargne.
05:27Nous estimons, nous, que le taux d'épargne a des marges de réduction, donc on devrait
05:31avoir un petit peu de consommation au début de l'année 2025.
05:33Donc les français devraient moins mettre de côté et plus consommer ?
05:37Un petit peu, ça ne signifie pas plus dans son bas de laine, ça signifie épargner moins
05:41de manière à soutenir un peu la demande, parce qu'objectivement, si la consommation
05:46ne s'accroît pas, on ne peut pas s'attendre dans les trimestres qui viennent, compte
05:49tenu de la situation, à un réveil de l'investissement, et on ne peut pas s'attendre non plus à ce
05:55que la dépense publique continue de croître aussi rapidement qu'elle a cru en 2024.
05:59Donc il faut que la consommation prenne le relais, et ça suppose un regain de confiance.
06:04Justement, cette note de conjoncture, donc ce sont ces prévisions pour les deux premiers
06:08trimestres de 2025, s'intitule « l'activité suspendue à un regain de confiance ».
06:13Ça veut dire que la France est dans un entre-deux, aujourd'hui, vous mesurez concrètement,
06:19par des chiffres, par des statistiques, c'est votre métier dans ce rapport, dans cette
06:23étude, les effets, entre autres, de la dissolution, de la censure, de l'instabilité politique.
06:30Oui, on le voit dans ces enquêtes de conjoncture, comme on le disait, avec aussi une
06:33question qu'on pose sur l'incertitude, qui, dans le secteur du commerce, l'incertitude
06:37s'est accrue très fortement, par exemple, et les ménages sont sensibles aux évolutions
06:42économiques et aux statistiques qu'on produit, et se rendent compte, là, qu'il y a à nouveau
06:48un risque sur le taux du chômage.
06:50On a vécu pendant des années avec une opinion des ménages assez confiante sur l'évolution
06:55de l'emploi et du chômage, et d'ailleurs le chômage n'était plus un sujet lorsqu'il
06:59y avait des sondages d'opinion.
07:01Et là, ça revient, parce que le margé de l'emploi se retourne, effectivement.
07:05On a titré et suspendu un regard de confiance, parce que d'autres scénarios sont possibles.
07:12On a un scénario où on a un peu d'activité au premier et au deuxième trimestre, parce
07:15qu'on estime qu'effectivement, on a un cap, la confiance se rétablit, et on a un
07:19peu de stabilité politique.
07:20Qu'est-ce qu'il faudrait pour ça ? Pour rétablir cette confiance ?
07:23Pour ça, il faut un gouvernement et un cap clair sur la politique budgétaire.
07:31Et qu'on sache bien sûr que tous les agents, ménages et entreprises, savent dans quelles
07:35conditions ils peuvent être appelés à investir, à consommer ou à épargner.
07:38Donc un budget clair.
07:40François Bayrou a dit « espérer ». On attend toujours qu'il nomme un gouvernement,
07:45mais il a dit espérer pouvoir faire voter un budget à la mi-février.
07:50Est-ce que, très concrètement, vous avez été directeur de cabinet d'un ministre
07:55du budget, c'était Eric Woerth, à l'époque, est-ce que vous pensez qu'en un mois, un
08:01mois et demi, on peut faire voter un budget qui change la donne et qui rétablisse justement
08:07cette confiance dont on parle ?
08:08Là, vous me demandez de me lever un peu au-dessus de ma condition, oui, mais bien sûr, on peut
08:12voter, on peut achever de débattre et voter à la relance finance en un mois, bien entendu, oui.
08:18Avec des orientations fortes qui pourraient rétablir la confiance, qu'est-ce qu'il
08:22faudrait faire ? Quelles seraient les priorités ?
08:24Non, vous ne m'entraînerez pas sur le terrain de la recommandation de politique économique,
08:29ce n'est pas ce qu'on attend du directeur de l'INSEE.
08:31Et c'est ce que disent les entreprises que vous interrogez ?
08:35Les entreprises, ce qu'elles veulent, c'est avoir un cadre clair.
08:40Mais je ne vous ne me ferai pas venir sur ce terrain de faire des recommandations de
08:43politique budgétaire ou fiscale.
08:46Parlons des prévisions, puisque ça, c'est vraiment votre métier.
08:50La croissance, vous dites qu'elle est à zéro, elle sera à zéro pour la fin de l'année 2024 ?
08:58En gros, nous disons 0,2% de croissance par trimestre.
09:01Il se trouve qu'au quatrième trimestre, celui qu'on est en train de terminer, on aura zéro,
09:05simplement par contre-coup de l'effet des Jeux olympiques à l'été.
09:10Parce qu'il y a eu un petit rebond avec les Jeux olympiques ?
09:12C'est un peu technique, mais il y a un petit surcroît d'activité du fait de la vente des billets,
09:16des droits audiovisuels dus aux Jeux olympiques.
09:19Donc, on a eu 0,4% de croissance au troisième trimestre, 0 au quatrième trimestre,
09:24vous voyez, 0,2 en moyenne.
09:25Et 0,2, c'est aussi ce qu'on attend au premier ou deuxième trimestre de l'an prochain.
09:28Mais avec, encore une fois, cette hypothèse que cette confiance cesse de s'éroder parce que le cap est là.
09:350,2, c'est si la confiance revient.
09:39Donc, on voit qu'on est dans des prévisions qui ne sont pas franchement optimistes.
09:43Non, en effet, et si j'avais à qualifier l'aléa, il serait plutôt un peu négatif par rapport à cette prévision de 0,2.
09:51Le croissance sera sans doute...
09:52Non, je ne dis pas que ça sera...
09:54Non, c'est notre meilleure prévision dans ce scénario, mais vous comprenez bien,
09:57et c'était votre introduction, qu'on est obligé de faire un petit peu des scénarios dans des situations
10:04où la politique économique n'est pas encore clairement établie, notamment la politique budgétaire.
10:07Donc, 0,2 par trimestre, ça fait, sur l'ensemble du semestre, une croissance à 0,5, à peu près ?
10:14Alors, ça conduit l'acquis de croissance, et dans notre jargon, c'est la croissance qu'on aurait sur la moyenne de l'année 2025,
10:20à la fin du deuxième trimestre, en supposant qu'il ne se passe rien au troisième et quatrième,
10:24que l'activité ne bouge pas au troisième et quatrième, ça serait 0,5.
10:28Donc, ça peut conduire à une moyenne annuelle un peu supérieure à 0,5.
10:31– Le gouvernement espérait mieux, qu'est-ce qu'on peut faire avec une croissance à 0,5 ?
10:41Évidemment, ça veut dire encore plus d'économies ?
10:44– Ça veut dire, bien sûr, qu'à seul budgétaire de données, il faut faire plus d'économies.
10:51Ça peut aussi rappeler à tout le monde que c'est quelque chose, je crois qu'il faut dire régulièrement,
10:57qu'on ne peut répartir comme revenus que ce qu'on a gagné.
11:01Et 0,5, le PIB, ce n'est pas seulement une construction virtuelle qui est née dans la tête des économistes et des statisticiens,
11:09c'est l'ensemble des revenus, la progression de l'ensemble des revenus des Françaises et des Français sur l'année 2025.
11:16– La Banque de France table pour l'ensemble de l'année 2025.
11:19Est-ce que vous ne faites pas, on l'a dit, juste sur le premier semestre,
11:23la Banque de France, elle, établit une prévision sur l'ensemble de l'année,
11:260,9%, ça vous paraît crédible ?
11:29– C'est possible, vous savez, on ne peut pas…
11:33Il faut faire preuve d'un peu d'humilité, surtout compte tenu de toutes ces circonstances,
11:37et de toutes ces attitudes qu'on a qui sont extérieures à l'économie.
11:40Donc 0,9 n'est pas hors d'atteinte.
11:42C'est plutôt quelque chose que je qualifierais de borne haute aujourd'hui,
11:46compte tenu des circonstances qu'on connaît.
11:47– Pas de récession, en tout cas, pas de risque de récession, d'après vous,
11:51c'est-à-dire de diminution de la richesse produite ?
11:55– De même que le 0,9 n'est pas hors d'atteinte,
11:57je dirais que deux trimestres négatifs ou légèrement négatifs,
12:01parce que la récession, techniquement, c'est ça.
12:04Donc deux trimestres faiblement négatifs, aujourd'hui, on ne peut pas l'exclure, complètement.
12:07– Oui, donc aujourd'hui, il y a ce climat morose sur la croissance, on l'a dit,
12:14sur les prix, on l'a évoqué brièvement au début,
12:18ça c'est un sujet qui évidemment concerne tous les Français,
12:21ça va continuer d'augmenter, est-ce qu'il y a une possibilité
12:25que les prix se mettent à baisser au courant de l'année 2025 ?
12:29– Alors, on est à peu près à 1,5% d'inflation sur 12 mois,
12:33et on pense que ça va encore se réduire un petit peu,
12:35et qu'à la fin du mois de juin, on sera à 1% de hausse des prix globales sur 12 mois.
12:391% de hausse des prix globales, ça veut dire qu'il y a des prix qui montent
12:41et qu'il y a des prix qui baissent.
12:43Les prix de l'électricité, notre prévision, c'est qu'ils baissent en moyenne pour les Français
12:4712% en février, donc vous voyez, ça c'est quelque chose qui est visible.
12:51Donc, on le recommande régulièrement, des prix de certains services qui montent,
12:55des prix d'autres services qui baissent.
12:571%, on se rappelle que la Cide, la Banque Centrale Européenne,
13:00c'est pas une baisse des prix, c'est une augmentation des prix de moins de 2%,
13:06d'autant de 2% en rythme annuel, donc on sera en deçà.
13:10Et il y a quelque chose que je répète régulièrement,
13:14et tout le monde n'en a pas, je pense, parfaitement conscience,
13:21c'est que globalement sur l'année 2024, il y aura une hausse du pouvoir d'achat
13:26du revenu des ménages dans l'ensemble des Français.
13:28Et justement, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, il y a une hausse du pouvoir d'achat,
13:31c'est-à-dire que les prix, on l'a dit, par rapport aux années précédentes,
13:36ont augmenté assez nettement moins vite, en tout cas moins fortement,
13:40mais malgré cette relative hausse du pouvoir d'achat, la consommation ne repart pas vraiment.
13:46Voilà, alors on a des biais cognitifs, on sait bien que les prix ont augmenté,
13:50on se rappelle les prix d'il y a 4 ans, on le vit que les prix ont augmenté,
13:54on vit moins que parallèlement les salaires, les prestations, les retraites par exemple,
13:57ont aussi fortement augmenté, et que globalement, on n'a pas perdu de pouvoir d'achat,
14:02il a augmenté, certaines années il a été stable, il a moins augmenté que dans les 30 glorieuses
14:08ou dans les décennies qu'on a pu connaître précédemment,
14:10mais le pouvoir d'achat globalement reste plus élevé qu'il ne l'était.
14:13J'ouvre une parenthèse sur les changements des modes de consommation des Français,
14:19c'est une question sur l'application de Radio France de David qui nous dit
14:23« Comment l'INSEE prend en compte la prise de conscience d'une partie de la population
14:26qui fait le choix de consommer moins pour préserver les ressources de la planète ? »
14:30Est-ce que la consommation, la croissance doivent rester l'alpha et l'oméga
14:36en matière de politique économique ?
14:39C'est une excellente question, en fait il y a deux questions en une.
14:45La première de David, et j'ai rajouté la deuxième partie,
14:50comment vous prenez en compte et comment vous mesurez cette volonté
14:54d'une partie des gens qui nous écoutent de consommer moins ?
14:58On a du mal à quantifier le phénomène, mais on le signale dans cette étude particulière
15:04qu'on fait sur l'arbitrage consommation-épargne, dans la note.
15:08Nous considérons qu'effectivement, il peut y avoir des comportements de sobriété
15:13qui pèsent sur la consommation, et on voit bien dans certains secteurs,
15:18typiquement on retarde le renouvellement de son véhicule, ça c'est très net.
15:26Comment on va le mesurer, le quantifier à l'avenir, c'est encore une question ouverte,
15:31mais il faut prendre en compte ces transitions, ces changements dans les modes de consommation.
15:36Ce sont des comportements nouveaux, à vrai dire.
15:39Est-ce que le PIB c'est l'alpha et l'oméga ? Bien sûr que non, le PIB c'est pas l'alpha et l'oméga.
15:45À l'initiative, on publie des tas de choses sur le bien-être, qui passent souvent inaperçues,
15:48mais des tas de choses sur les privations, sur le bien-être, bien sûr les inégalités,
15:54et sur l'environnement.
15:56Le 5 novembre, nous avons publié des comptes nationaux augmentés pour aller au-delà du PIB.
16:02Mais malgré tout, comme je le disais tout à l'heure, le PIB c'est la somme de ce qui est produit,
16:06mais c'est aussi la somme de ce qu'on peut distribuer dans l'économie.
16:09Tant qu'on s'intéresserait aux revenus, aux pouvoirs d'achat et à la manière dont on les répartit,
16:13on devra s'intéresser au PIB.
16:15Je poursuis sur ce sujet, parce que c'est vrai qu'on a plusieurs messages sur l'application de Radio France
16:21au sujet justement des changements de mode de consommation.
16:23La baisse de la consommation des ménages, c'est Batou qui nous dit ça.
16:27Elle n'est pas due qu'à l'inflation.
16:28Il y a aussi une prise de conscience sur l'impact écologique.
16:31Pour ma part, je n'ai pas acheté un seul vêtement, aucune paire de chaussures depuis plus d'un an
16:35et je m'attache à n'acheter que des biens durables, rien de superflu,
16:38sans aucun rapport avec mes moyens financiers.
16:42Donc voilà, elle nous dit que ce n'est pas une question seulement de pouvoir d'achat.
16:47Bien sûr, c'est vraiment intéressant et ça signifie qu'il faut qu'on ajoute dans nos enquêtes des questions là-dessus.
16:51Parce que, qu'est-ce que dit l'économie ?
16:53Le premier chapitre du texte de l'économie, il dit d'abord qu'on fait l'arbitrage consommation-épargne,
16:58on regarde ce qu'on veut épargner et ensuite, dans la consommation, on va choisir ce qu'on consomme.
17:03Là, on a l'impression que lorsqu'on consomme moins,
17:08je parlais tout à l'heure du renouvellement des véhicules automobiles,
17:09mais ça peut être aussi en matière de vêtements comme votre interlocuteur,
17:13ce n'est pas évident que la consommation se reporte sur autre chose.
17:16Et donc, on est dans un paradigme qui n'est pas exactement celui de la théorie économique telle qu'on l'apprend en première année de fac.
17:24Mais je crois qu'il faut qu'on y travaille et qu'on ajoute.
17:28Il y a un défi et il y en a d'autres.
17:30Entre parenthèses, mais c'est Stéphane qui nous dit encore une fois,
17:32est-ce que l'INSEE travaille sur d'autres indicateurs que la croissance économique ?
17:35Vous avez en partie répondu, mais des indicateurs qui permettraient de prendre en compte ce changement de modèle sociétal.
17:42Alors, oui, sur les comptes, on a appelé les comptes nationaux augmentés.
17:46On a publié le 5 novembre, donc vous faites comptes nationaux augmentés sur le site de l'INSEE.
17:51Un bouquet de publications absolument, que j'ai jugé passionnant,
17:56mais j'espère que je ne suis pas tout à fait le seul.
18:00Mais oui, bien sûr, c'est un défi, il y en a d'autres.
18:03Il y a un défi qu'on a depuis le Covid, qui est de comprendre la baisse de productivité.
18:08En tout cas, le décrochage de la productivité par rapport à son sentier précédent.
18:12C'est quelque chose qui pèse énormément sur le niveau global de richesse du pays.
18:16Donc oui, on a pas mal de défis.
18:19Pour vous, qui êtes dans la statistique, la prévision économique,
18:23et puis évidemment pour les politiques qui doivent prendre en compte aussi dans la construction de leur budget,
18:29ces changements sociétaux.
18:32Je ne vais pas vous lancer sur le budget, j'ai bien compris que vous ne vous prononcerez pas sur les orientations qu'il doit prendre.
18:38J'en viens au chômage, question qui, vous l'avez dit, préoccupait de moins en moins les Français dans les enquêtes d'opinion
18:45et qui va recommencer à les inquiéter, puisque vous dites qu'en 2025, le chômage va repartir à la hausse.
18:53Il augmente de nouveau légèrement après avoir flirté avec les 7%.
18:58De quelle ampleur va être cette hausse au cours de cette année 2025 ?
19:02Oui, il repart déjà légèrement à la hausse au cours de l'année 2024.
19:06Notre prévision cohérente avec ce filet d'activité lié au regard de confiance,
19:14c'est que l'emploi serait stable.
19:17Quand la population active augmente un petit peu,
19:21notre prévision, c'est que le taux de chômage augmenterait d'un dixième de point chaque trimestre pour arriver à 7,6% à la mi-année.
19:277,6% ?
19:287,6%.
19:29Donc c'est-à-dire que le nombre d'emplois, il n'y aurait pas de destruction d'emplois,
19:34mais la population active augmente et le marché du travail ne pourrait pas absorber cette augmentation,
19:40d'où cette augmentation du chômage ?
19:42Il n'y aurait autant de création que de destruction d'emplois.
19:44Évidemment, l'emploi n'est pas figé, il n'y aurait pas de création d'emplois nette,
19:50mais il y a une augmentation de la population active qui justifierait une hausse d'un dixième de point du taux de chômage.
19:57Mais si on s'éloigne de l'objectif du plein emploi qui était l'objectif ultime d'Emmanuel Macron et sa grande promesse pour 2027,
20:03c'est autour de 5% le plein emploi ?
20:05Oui, alors après il faut distinguer les politiques structurelles qui mènent au plein emploi
20:08et puis des évolutions conjoncturelles qui, en tout état de cause, continuent à exister.
20:12On est dans une phase de conjoncture moyenne, on peut espérer qu'ensuite on aura une phase de conjoncture meilleure,
20:16mais ce qui compte, et ce qui a beaucoup expliqué la baisse du taux de chômage,
20:22c'est qu'on a beaucoup réformé le marché du travail, et il ne faut pas l'oublier.
20:27Il est frappant de constater que dans les sondages, ou aussi dans nos enquêtes auprès des ménages,
20:32lorsqu'on descend en dessous de 8% de taux de chômage, c'est plus un sujet.
20:36Mais 8% de taux de chômage, ça reste énormément de personnes concernées.
20:39Parce qu'on avait dépassé les 10% il y a quelques années ?
20:42Parce qu'on avait monté jusqu'à 10,5, oui.
20:45Donc cet objectif du plein emploi est, selon vous, atteignable encore d'ici à 2027, ou c'est une chimère désormais ?
20:57Je ne sais pas, nous-mêmes à l'INSEE, nous n'avons jamais qualifié ce que c'était que le plein emploi.
21:02Vous n'avez jamais dit que 5% c'est l'objectif, c'est le seuil qui détermine le plein emploi ?
21:10Non, on ne l'a jamais qualifié, et puis il n'y a pas que le taux de chômage qui joue.
21:15On peut aussi vouloir accroître l'emploi des jeunes et des seniors à taux de chômage inchangé.
21:23Mais ce que je veux vraiment dire, c'est qu'on ne doit pas tenir pour acquis que les progrès précédents sont là pour toujours.
21:33Le marché du travail, c'est quelque chose qui vit, qui nécessite des institutions qui fonctionnent, et il ne faut pas l'oublier.
21:40Et donc il y a besoin de stabilité ? On en revient toujours à ce besoin de stabilité et de confiance, encore une fois.
21:47De stabilité, oui, bien sûr, de stabilité, de confiance et puis de continuité, oui.
21:52On a vu ArcelorMittal ces dernières semaines, ces derniers mois, Lecoq Sportif, Valeo, Michelin, Auchan, les défaillances d'entreprises se multiplient.
22:01Je crois que le nombre de cessations de paiements, de redressements, de liquidations judiciaires n'a jamais été aussi haut depuis 15 ans. Comment vous l'expliquez ?
22:09Les défaillances d'entreprises, on sait qu'elles ont été très basses pendant toute la période des années Covid, du fait des aides, etc.
22:18Et donc on s'attendait à un rattrapage, un effet catch-up en quelque sorte. En soi, ce seul phénomène-là n'est pas quittant.
22:26L'effet catch-up, non, mais j'explique la métaphore. Quand ça commence à sortir du tube, on a du mal à l'arrêter. Pardon, on parle de choses qui ont des effets très concrets et très graves sur la vie des gens, mais j'explique la métaphore.
22:39Et donc il y a des défaillances d'entreprises qui viennent un petit peu compenser l'absence de défaillances, la faiblesse du nombre de défaillances dans les années 2020, 2021, 2022.
22:49Ce qui est peut-être plus inquiétant, c'est que les perspectives de monde dans l'industrie se sont un peu durablement dégradées, semble-t-il.
22:57Alors que la réindustrialisation était là aussi une politique majeure des sept dernières années.
23:03Bien entendu, oui.
23:04Quels sont les secteurs qui, d'ailleurs, se portent le mieux et ceux qui vont le plus mal ?
23:11On observe, et c'est aussi un peu de complexité dans le travail supplémentaire, on observe depuis le Covid une forte hétérogénéité.
23:18Avant, vous regardiez les différents secteurs et au sein de l'industrie, par exemple, les différentes parties de l'industrie, tout le monde marchait un peu au même pas.
23:25Depuis le Covid, on a des évolutions très différentes.
23:27Vous avez l'aéronautique qui fonctionne toujours très bien, alors que des secteurs, notamment les secteurs énergivores, sont très en deçà de leur production d'avant la hausse des prix de l'énergie.
23:38Une dernière question plus globale sur la situation européenne.
23:42On a dit qu'au niveau mondial, il y a aussi évidemment beaucoup d'incertitudes et des prévisions très difficiles à établir.
23:49En Europe, est-ce qu'on parle de ce climat morose en France ?
23:52Est-ce que la France est particulièrement mauvaise élève par rapport à ses voisins ou pas forcément ?
23:57Nous avons regardé et nous regardons les autres pays d'Europe.
24:00Tout le monde a, à un degré moindre, un petit souci sur la productivité.
24:04Il y a de la productivité qui est très ralentie en Italie et au Royaume-Uni depuis plusieurs années.
24:09Le ralentissement qu'on a eu très net après Covid, il est vraiment spécifique à la France.
24:13Tout le monde a des problèmes de taux d'épargne élevé.
24:16Et il y a un pays qui fonctionne bien et on y a consacré, mais on a plutôt le temps, mais vous pouvez regarder dans la note de conjoncture.
24:21Un pays qui fonctionne bien, c'est l'Espagne.
24:23Et on lui a consacré une petite analyse dans la note de conjoncture, ça vous donnera envie de la lire, j'en suis sûr.
24:28Elle est disponible sur le site de l'INSEE, l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques,
24:33qui publie cette note de conjoncture.
24:35Ce sont les prévisions pour l'économie française pour le premier semestre 2025.
24:40Merci beaucoup d'être venu nous en parler ce matin.
24:42Merci à vous.