Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, est l'invité du Grand Entretien de ce jeudi 30 novembre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-30-novembre-2023-1377151
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00:00 avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien le ministre de l'Economie et des Finances.
00:05 Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application France Inter.
00:11 Bruno Le Maire, bonjour.
00:13 Bonjour Nicolas Demorand, bonjour Léa Salamé.
00:15 Bienvenue sur Inter. Beaucoup de questions à vous poser ce matin, alors qu'on saura demain si l'agence de notation Standard & Poor's
00:22 abaissera ou non la note de la France. Des questions aussi sur vos déclarations sur le chômage des seniors qui ont suscité beaucoup de réactions.
00:30 Mais d'abord un mot sur la décision de la Cour de Justice de la République qui jugeait, et c'est une première un ministre de la Justice en exercice,
00:41 la Cour de Justice de la République a décidé de la relaxe d'Éric Dupond-Moretti, considérant que l'élément matériel de la prise illégale d'intérêt
00:49 était bien constitué mais pas son intentionnalité. Vous êtes soulagé de cette décision Bruno Le Maire, qui concerne votre collègue, garde des Sceaux ?
00:58 C'est une bonne nouvelle pour Éric Dupond-Moretti, moi je suis heureux pour lui, je me réjouis pour lui, pour le gouvernement.
01:04 Ça va permettre au garde des Sceaux de reprendre ses activités et c'est pour moi ce qui compte le plus.
01:09 Il ne les avait pas arrêtés.
01:11 Oui, ça lui permet de reprendre plus sereinement. C'est bien d'être serein en politique.
01:15 Les Insoumis et les Verts ont dénoncé une décision politique, critiquaient la partialité à leurs yeux de la Cour de Justice de la République,
01:20 composée partiellement de plusieurs parlementaires. Ils appellent à sa suppression. Vous en dites quoi ? Justice partiale, justice politique ?
01:29 Aujourd'hui que je ne commente pas les décisions de justice, je pense que si la décision avait été inverse, ils auraient dit exactement l'inverse.
01:36 Après qu'on ait une réflexion plus globale sur nos institutions, certainement, mais je pense qu'il y a d'autres sujets que la Cour de Justice qui seraient plus urgents.
01:43 Là, il y a l'économie à présent. La puissante agence de notation Standard & Poor's doit se prononcer sur la note de la dette française qui s'élève,
01:50 on le rappelle, à plus de 3 000 milliards d'euros. En juin dernier, S&P avait maintenu la note de la France.
01:56 Craignez-vous que demain, il en soit autrement ?
01:59 Tout est possible. C'est eux qui décident. Mais je pense que nous avons apporté des arguments solides sur la crédibilité, notre détermination à baisser la dette,
02:09 à ramener les déficits sous les 3% et à tenir la dépense publique. Ça fait un an que j'alère sur la nécessité impérative de redresser les comptes publics à un moment où les taux d'intérêt augmentent.
02:20 Nous avons pris des décisions fortes avec la Première ministre. Nous tiendrons nos 4,9% de déficit en 2023.
02:27 Nous avons engagé des revues de dépenses publiques. Nous avons gelé un certain nombre de dépenses que nous estimons pas utiles.
02:33 Et vous n'avez pas convaincu la Commission européenne qui vous a tensé la semaine dernière ? La France et trois autres pays, estimant qu'on n'est pas bon sur les dépenses budgétaires.
02:41 Elle nous a tensé sans grande fermeté, sinon elle aurait envoyé une lettre.
02:45 Oui, mais enfin, elle dit que clairement, la France n'est pas en ligne avec les recommandations budgétaires l'an prochain à cause de dépenses publiques excessives.
02:54 Mais les dépenses publiques, nous les réduisons. Les déficits, nous les faisons baisser. Et la dette publique, nous accélérons le désendettement.
03:01 Tout ce qui doit être fait pour revenir. On peut toujours faire mieux. Toujours.
03:06 Mais il faut faire très attention à tenir la balance équitable entre le rétablissement des finances publiques, qui est indispensable, et dont je suis le garant.
03:15 Et croyez-moi, je ferai preuve de toute la fermeté nécessaire pour tenir la réduction des dépenses publiques et la réduction de la dette que nous avons fixée d'ici 2027.
03:23 Il faut tenir la balance juste entre cette réduction qui est nécessaire et les investissements que toutes les Françaises et tous les Français réclament à juste titre.
03:32 Que ce soit sur l'école, sur l'éducation ou sur la transition climatique.
03:36 Faisons très attention à un moment où se joue probablement l'avenir des 30 prochaines années en France et en Europe, à ne pas perdre de vue non plus la nécessité des investissements dans les nouvelles technologies, dans l'intelligence artificielle et dans la décarbonation de notre économie.
03:51 C'est cet équilibre qu'il faut trouver.
03:52 Plus généralement, les prévisions économiques pour la zone euro pour l'an prochain ne sont pas bonnes.
03:57 Elles ont été revues à la baisse.
03:59 L'économie européenne s'est contractée au troisième trimestre, alors que celle des États-Unis croissait de 1,2% depuis 15 ans.
04:07 L'écart entre l'Europe et l'Amérique ne cesse de grandir et ça s'accélère.
04:12 La zone euro, Bruno Le Maire, est-elle en train de décrocher face aux États-Unis ?
04:16 Je pense que la situation économique est totalement insatisfaisante en zone euro et insatisfaisante en Europe de manière générale.
04:24 Pourquoi ? Parce que nous perdons en productivité.
04:26 Et nous perdons en productivité parce que nous n'y nous vons pas suffisamment.
04:29 Et je redis avec beaucoup de force qu'il est indispensable que tous les pays européens, et en particulier les pays de la zone euro, et en particulier l'Allemagne, qui est une des grandes puissances économiques de la zone, réalisent l'impératif absolu qu'il y a à investir massivement dans l'intelligence artificielle, pour ne pas dépendre des technologies américaines.
04:48 Investir massivement dans l'industrie verte, dans les énergies renouvelables, dans les éoliennes, dans le nucléaire, pour ce qui nous concerne.
04:55 Et investir massivement dans l'éducation, dans la science, dans l'intelligence.
04:59 Vous dites l'Allemagne, ça veut dire que l'Allemagne ne le fait pas assez et nous on le fait suffisamment ?
05:02 Je trouve que la prise de conscience collective n'est pas suffisante.
05:05 En Allemagne ?
05:06 Il y a un risque de décrochage de l'économie européenne par rapport à l'économie américaine, pour une raison, qui est la perte de productivité de l'économie européenne.
05:14 Et cette perte de productivité, elle tient à une chose.
05:16 C'est la seule raison, Bruno Le Maire ?
05:18 C'est la seule raison.
05:19 Mais c'est la raison principale. Nous n'y nous vons pas assez. Nous n'avons pas suffisamment la culture de l'innovation.
05:23 Nous n'avons pas réussi à mettre en place, pour financer ces investissements dans l'innovation, une union des marchés de capitaux.
05:29 Ça va être un des grands combats que je vais livrer dans les trois prochaines années.
05:33 Qu'il y ait une union de marchés de capitaux, pour que, lorsque une entreprise comme Mistral, qui fait de l'intelligence artificielle, lève de l'argent,
05:39 elle puisse lever non pas 10 ou 100 millions d'euros, mais des milliards d'euros.
05:43 Je vous donne juste un chiffre sur l'investissement que vient de réaliser Microsoft en termes d'intelligence artificielle.
05:50 100 milliards d'euros.
05:52 Aucun pays européen n'est capable de faire ça.
05:54 Toute la zone euro rassemblée n'est pas capable de faire le même montant d'investissement que Microsoft a elle seule sur l'intelligence artificielle.
06:00 Donc le nouveau laboratoire de Xavier Niel et Rodolphe Sade, il était là la semaine dernière pour nous en parler, Xavier Niel.
06:05 C'est picro-collant à côté de...
06:07 Mais c'est une formidable initiative.
06:09 Mais c'est rien.
06:10 Moi je la soutiens totalement.
06:11 Oui, mais par rapport au chiffre que vous donnez de Microsoft, c'est rien.
06:14 Moi je salue cet état d'esprit, qui est un état d'esprit conquérant, qui a beaucoup de palache, qui est de dire la bataille n'est pas perdue.
06:21 Ils ont raison. Nous avons les meilleurs scientifiques, nous avons des bons laboratoires, nous avons de très belles entreprises.
06:25 Nous avons des initiatives comme celle de Rodolphe Sade et de Xavier Niel.
06:28 Mais il y a besoin que les États derrière soutiennent et qu'ils puissent lever de l'argent, non pas en millions, non pas en centaines de millions, mais en dizaines de milliards.
06:38 On sait que vous n'aimez pas les mauvaises nouvelles, Bruno Le Maire, le pessimisme, mais tout de même...
06:43 C'est pas trop mon caractère, effectivement.
06:45 Oui, mais les nouvelles ne sont pas très bonnes.
06:47 Il y a des zones d'inquiétude.
06:48 L'OCDE a fortement réduit sa prévision de croissance pour la France en 2024, la faisant passer à 0,8% contre 1,2% en septembre.
06:58 Révision sévère, convenez-en.
07:01 Et dans ce contexte, est-ce que vous maintenez toujours vos prévisions de croissance à 1,4% ?
07:05 D'abord, il faut comprendre, oui, je maintiens mes prévisions de croissance.
07:09 Nous aurons une croissance positive en 2023, là où nous avait prédit une récession, et nous aurons une croissance plus élevée en 2024 qu'en 2023.
07:18 Mais ce qu'il faut bien comprendre...
07:19 Donc vous restez sur 1,4% ?
07:21 Je reste sur 1,4%.
07:22 Quand l'OCDE, le FCE sont à 0,8%.
07:25 Oui, mais le FMI, par exemple, ou la Commission européenne ont réévalué leur prévision de croissance.
07:30 Donc vous savez, tout ça n'est pas de la certitude, ce n'est pas de la science, ce sont des évaluations.
07:34 Mais il faut bien comprendre ce qui s'est passé.
07:36 Nous sortons d'abord de la crise économique la plus grave depuis 1929, le Covid.
07:40 Nous sortons en deuxième lieu de la crise inflationniste la plus grave depuis les années 70.
07:45 Et là où il avait fallu 10 ans, dans les années 70, pour sortir de la crise inflationniste, nous aurons mis 2 ans.
07:51 Nous sortons de la crise inflationniste, je le confirme.
07:54 Nous serons sous les 4% d'inflation d'ici la fin de l'année 2023.
07:59 Ce qui est un véritable exploit économique qui est dû aux politiques économiques des États de la zone euro.
08:04 A la fin de cette année, donc à la fin en décembre, demain, on est sous les 4% parce qu'on est toujours au-dessus.
08:10 Nous aurons réussi à maîtriser l'inflation en 2 ans.
08:13 C'est effectivement un vrai succès économique collectif.
08:16 Mais Nicolas Deborahant, il y a un prix à payer, c'est vrai.
08:18 Le prix à payer de l'inflation qui disparaît, c'est des taux d'intérêt plus élevés.
08:23 Donc moins de financement pour l'économie et du coup, effectivement, un ralentissement économique.
08:28 Mais si on regarde un tout petit peu plus loin, en 2024, 2025, nous aurons beaucoup moins d'inflation,
08:34 des taux d'intérêt qui seront stabilisés et donc, j'en suis convaincu, une croissance qui pourra redémarrer.
08:40 Les prix vont baisser, vous nous le dites là, dans l'alimentaire aussi, Bruno Le Maire ?
08:46 Oui, c'est plus lent dans l'alimentaire, c'est pour ça qu'on a pris un certain nombre de décisions.
08:51 Quand on annonce qu'on va anticiper les négociations commerciales, que nous multiplions les opérations,
08:56 ça permet d'avoir des prix qui ralentissent, c'est jamais suffisamment rapide, j'en ai conscience.
09:01 Là, les négociations entre les distributeurs et les industriels, vous avez avancé l'agenda,
09:05 mais elles sont extrêmement tendues, vous aviez promis.
09:08 Et ça fait des mois que vous promettez une baisse générale des prix de l'alimentation,
09:11 mais ça ne suit pas Bruno Le Maire.
09:12 Les industriels demandent encore, ce matin, hier, une hausse des tarifs de 4 à 5%.
09:17 Coca, par exemple, j'en prends un seul, Coca-Cola, veut augmenter ses prix de 7% l'an prochain,
09:22 alors qu'ils ont déjà augmenté de 15 à 20% cette année.
09:25 En fait, vous menacez, parce qu'à chaque fois que vous les menacez, vous venez avec le doigt levé en disant
09:30 "oui, oui, oui, il va falloir baisser", et bien ils n'écoutent pas.
09:32 Léa Salamé, moi je ne menace personne, mais je prends des engagements et je les tiens.
09:36 J'ai dit aux Français que nous maîtriserions l'inflation.
09:39 Je vous confirme que nous serons sous 4% de taux d'inflation en 2023, c'est un vrai succès.
09:43 D'avoir réussi à maîtriser l'inflation qui pénalise les plus modestes, en deux ans,
09:47 là où il avait fallu 10 ans, dans les années 70.
09:50 Pourquoi ? Parce que nous avons fait des choix responsables.
09:53 On n'a pas cédé à la facilité de l'augmentation générale des salaires.
09:56 On n'a pas cédé à la facilité d'un blocage artificiel des prix.
09:59 Mais les gens qui font leur coupe, ils ne le sentent pas là.
10:01 Vous avez des produits, prenez le coca.
10:04 Le coca c'est plein de sucre.
10:06 Le sucre, c'est un des produits, effectivement, dont le prix ne bouge pas.
10:10 Même chose sur les tablettes de chocolat.
10:11 Oui, prendre le chocolat, le prix ne baisse pas, parce que le prix du cacao reste très élevé.
10:14 Vous avez d'autres produits, les huiles, les volailles, d'autres produits alimentaires, dont les prix baissent.
10:19 Moi, je continuerai à livrer ce combat.
10:21 Les résultats sont là.
10:23 Sans doute pas sur tous les produits, mais globalement, l'inflation, aujourd'hui, elle est vaincue.
10:27 Et c'est un vrai succès économique.
10:29 Mais selon un sondage Elabe de septembre, 78% des Français déclarent se serrer la ceinture.
10:35 46% ont renoncé au shopping dans les derniers mois.
10:38 Dominique Schellcher, le PDG de System U, disait dans Ouest-France, il y a deux semaines, qu'il n'a jamais connu ça.
10:44 Je le cite, "la situation est très tendue pour les 30% de Français les plus modestes.
10:49 Dès le 10 du mois, ils renoncent à des produits plaisir, comme le croissant, la pâtisserie.
10:54 Avant, c'était plutôt autour du 20 ou du 25 du mois.
10:58 La conséquence est aussi la vraie montée d'un sentiment de déclassement chez les classes moyennes.
11:04 Que pointe une autre enquête de l'IFOP ? Ce sentiment de déclassement, est-ce qu'il vous inquiète ?
11:10 Il n'est pas là pour m'inquiéter, nous sommes là pour lui apporter des réponses.
11:15 Le déclassement, il tient à une réalité qui est que, avec son boulot, avec son travail, avec son salaire,
11:21 on peut vivre moins bien aujourd'hui qu'on vivait il y a 10 ans.
11:24 Il n'arrive pas à se projeter.
11:26 C'est bien pour ça que toute notre politique, elle consiste à faire en sorte que chacun puisse trouver un emploi.
11:32 Et à faire en sorte que cet emploi soit mieux rémunéré.
11:35 C'est le partage de la valeur, c'est l'intéressement, c'est la participation, c'est l'actionnariat salarié,
11:41 c'est le développement des primes défiscalisées, c'est la défiscalisation des heures supplémentaires.
11:46 Et c'est toute la question que nous avons ouverte aussi sur la question des charges.
11:50 Comment est-ce qu'on peut avoir un salaire net plus élevé et moins éloigné de son salaire brut ?
11:55 Donc oui, c'est un combat que nous menons.
11:57 Je suis convaincu que le sentiment de déclassement, il se combat par le travail et par l'emploi.
12:01 On passe au Standard Inter, Isabelle nous y attend. Bonjour et bienvenue.
12:06 Bonjour, merci France Inter de prendre ma question.
12:08 Je vous en prie. Question sur le chômage des seniors, je crois.
12:11 Eh oui, parce que moi j'ai 57 ans. Je suis donc ceux de plus de 50 ans, voyez, qui ont vécu toute leur carrière avec le chômage.
12:21 En conséquence, nous sommes une génération qui connaissons les ressorts du chômage et comment en sortir.
12:28 Donc monsieur le ministre, bonjour. Bonjour.
12:31 J'ai un souci de cohérence avec votre discours.
12:35 Vous prétendez que les entreprises sont prêtes à embaucher les plus de 50 ans.
12:41 Or, les plus de 50 ans sont au chômage.
12:44 S'ils sont au chômage, c'est bien que les entreprises n'ont pas voulu les maintenir en emploi.
12:50 Merci Isabelle pour cette intervention.
12:54 On a du mal à se comprendre, Isabelle, parce que je dis exactement la même chose.
12:59 Le constat qui me révolte, c'est que la France depuis 4 décennies, sacrifie les seniors.
13:06 Que d'ailleurs, moi j'appellerais les plus de 55 ans, je n'aime pas ce terme des seniors.
13:10 La France sacrifie ses plus de 55 ans en silence.
13:13 De manière hypocrite, elle les écarte du marché du travail.
13:17 On a le pire chiffre de l'OCDE.
13:19 On a un taux d'emploi des plus de 55 ans qui est 16 points au-dessus de celui de l'Allemagne.
13:25 20 points au-dessus de celui de certains pays du Nord.
13:28 Tout le monde devrait être révolté par la manière dont on traite les plus de 55 ans dans l'emploi dans ce pays.
13:33 Oui, enfin il se trouve que ça fait 6 ans que vous êtes au pouvoir et que ça ne baisse pas, Bruno Le Maire.
13:37 Je ne cesse de dire que nous sommes à la croisée des chemins dans ce quinquennat.
13:40 Mais ça vaut aussi pour le chômage des plus de 55 ans.
13:43 Moi ce que je veux, c'est que nous mettions fin à toutes les hypocrisies du modèle social français.
13:47 Et je propose un vrai plan d'action pour l'emploi des plus de 55 ans en France.
13:52 Non, parce que vos déclarations la semaine dernière, pour ceux qui n'ont pas suivi...
13:55 Je crois que tout le monde les a suivies, mais elles ont un immense mérite, ces déclarations.
13:59 Peut-être qu'elles cassent de la vaisselle.
14:01 Ah oui, elles ont cassé de la vaisselle, il y a beaucoup de gens.
14:03 Au moins, qu'est-ce qu'on fait ce matin ?
14:05 Devant des centaines de milliers de téléspectateurs et d'auditeurs, on parle enfin du sujet.
14:10 On met fin à un non-dit et à une hypocrisie fondamentale du modèle social français
14:15 qui est qu'on discrimine les plus de 55 ans, on refuse de les garder au travail,
14:20 on refuse de profiter de leurs compétences, c'est ça, ma fée.
14:22 Ce que vous avez proposé la semaine dernière, je précise, vous avez critiqué le régime d'assurance chômage des seniors,
14:26 vous voulez supprimer les avantages dont bénéficient aujourd'hui les chômeurs de plus de 55 ans,
14:31 à savoir une durée d'indemnisation plus longue, jusqu'à 27 mois, ce qui est le cas aujourd'hui.
14:36 Et vous vous dites, c'est 18 pour le reste de la population, et vous dites, terminez, ce sera 18 pour tout le monde.
14:42 C'est pour cette raison qu'ils bénéficient d'une durée d'indemnisation plus grande.
14:46 Et donc ce qu'ils ont compris pour beaucoup, pour les syndicats et pour beaucoup de seniors,
14:50 ils ont compris que, en gros, vous laissez entendre que les chômeurs se la coulent douce,
14:53 et que s'ils ne trouvent pas du boulot, c'est de leur faute à eux, c'est de la faute de l'indemnisation chômage,
14:57 et ce n'est pas de la faute des entreprises qui ne les embauchent pas.
14:59 Je n'ai voulu faire qu'une chose, et je pense avoir atteint mon objectif, qu'on parle du sujet.
15:04 Qu'on arrête de se payer de mots sur le modèle social français qu'on met fin à un certain nombre d'hypocrisies.
15:09 Je propose, je le redis, un plan d'action global pour l'emploi des plus de 55 ans, avec des mesures très concrètes.
15:14 Je propose que pour tous les métiers difficiles, tous les métiers pénibles, de 35 à 45 ans,
15:19 vous ayez un droit automatique à une nouvelle qualification, une nouvelle formation,
15:24 pour ne pas finir votre activité dans des métiers qui sont difficiles et qui sont pénibles physiquement.
15:29 Je propose, en deuxième lieu, qu'on travaille avec les représentants sociaux, avec les syndicats,
15:35 avec les représentants patronaux, à une sortie progressive, et non pas brutale, du marché du travail pour les plus de 55 ans.
15:42 Ça voudrait dire quoi ?
15:43 Ça voudrait dire, par exemple, que les plus de 55 ans pourraient avoir droit à des contrats dans lesquels ils travaillent à 4/5ème,
15:49 80% de temps de travail, mais avec 90% de leur salaire et 100% de leur cotisation retraite.
15:56 C'est un coût, il faut que nous regardions qui peut assumer ce coût,
15:59 mais ça permettrait, comme ça existe dans beaucoup de pays du Nord de l'Europe,
16:02 de sortir, non pas brutalement du marché du travail, avec une hypocrisie une fois encore totale,
16:06 mais progressivement, en accompagnant les seniors, en leur permettant de travailler 4/5ème,
16:11 plutôt qu'à temps complet, mais avec 90% de leur salaire et 100% de leur cotisation.
16:16 Donc à partir de 55 ans, on peut travailler 80% du temps et gagner pareil ?
16:20 C'est une proposition que je fais, qui me paraît juste, mais c'est de cela dont nous avons discuté.
16:25 Est-ce que ça nous permet d'avoir conséquent plus de cotisation, car moins de chômeurs de plus de 55 ans ?
16:30 Est-ce que ça permet de financer cette proposition que je fais ?
16:32 Mais voilà une proposition juste, voilà une proposition qui permet de continuer à profiter du savoir-faire des seniors.
16:39 Par ailleurs, je n'ai jamais dit que les entreprises ne devaient pas prendre leurs responsabilités.
16:42 Évidemment que les entreprises ont un rôle majeur à jouer.
16:45 - Mais ça, vous le répétez, je pense qu'on vous reçoit une, deux ou trois fois par saison,
16:49 je pense que je vous ai entendu à chaque fois dire ces autres choses.
16:52 C'est aux entreprises de prendre leurs responsabilités, elles ne les prennent pas.
16:54 - Vous voyez que j'arrive avec des propositions très concrètes.
16:56 Je pense que nous pouvons améliorer l'index senior.
16:59 - Mais elles vont dire que vos propositions vont leur coûter encore plus cher.
17:02 - Mais discutons, ouvrons le sujet.
17:04 Moi, si j'ai réussi à ouvrir le débat sur la question de l'emploi des seniors en France,
17:10 de mettre fin à cette espèce de non-dit insupportable qui ronge la société française,
17:16 il y a trop de non-dit qui ronge la société française,
17:18 pour dire que les seniors sont précieux pour l'emploi, précieux pour l'activité économique,
17:23 précieux tout simplement pour la société française.
17:25 Et quand on a plus de 55 ans, on mérite d'être considéré, d'avoir sa place dans le travail.
17:29 Eh bien, j'aurais été heureux d'avoir fait œuvre utile.
17:31 - Romain, au Standard Inter, bonjour, bienvenue.
17:34 - Oui, bonjour.
17:35 - On vous écoute.
17:37 - Bonjour à tous, bonjour Monsieur le Maire.
17:39 Alors aujourd'hui, nous savons que nous sommes à un tournant de l'histoire.
17:42 Et je pèse mes mots.
17:44 Vous souhaitez, je parle de vous le gouvernement,
17:46 mais vous êtes privilégié puisque vous êtes ministre de l'économie,
17:49 vous souhaitez une croissance de 3% par an en moyenne.
17:51 Et or, cela implique que l'économie doit doubler tous les 24 ans.
17:55 Nous savons qu'aujourd'hui, ceci est physiquement, scientifiquement impossible.
18:00 Nous savons que le découplage ne fonctionne pas.
18:02 Alors, est-ce qu'il n'est pas temps de changer d'indicateur ?
18:05 Je suis pour la croissance du bonheur, de l'espérance de vie en bonne santé, de la biodiversité,
18:10 mais est-ce qu'il n'est pas temps de revoir cet indicateur du PIB
18:14 pour partir sur quelque chose de plus vertueux ?
18:17 Que voulons-nous ? Que voulons-nous ?
18:19 Merci Romain pour cette question posée le jour de l'ouverture de la COP28.
18:25 Bruno Le Maire vous répond.
18:26 Je pense que c'est un débat qui est parfaitement légitime.
18:29 C'est un débat que je vais ouvrir la semaine prochaine, le 5 décembre très précisément,
18:33 puisque j'organise les rendez-vous de Bercy sur cette question de la croissance,
18:37 de la décarbonation et de la lutte contre le réchauffement climatique.
18:40 Je considère effectivement que la croissance comme seul indicateur est désormais un indicateur insuffisant
18:46 et que la croissance ne peut pas être une fuite en avant vers toujours plus d'accumulation de richesses.
18:50 Il faut aussi réfléchir à la manière dont on lutte contre le réchauffement climatique,
18:54 à la répartition de ces richesses, à la prospérité pour tous et à la justice de cette croissance.
19:01 Donc je suis tout à fait favorable à ce que nous regardions.
19:04 Rendez-vous le 5 décembre prochain à Bercy.
19:06 Comment est-ce qu'on peut avoir des indicateurs qui reflètent cette question des inégalités,
19:11 cette question du partage des richesses et de la prospérité pour tous
19:14 et cette question de la lutte contre le réchauffement climatique ?
19:17 La semaine dernière, l'agence de la transition écologique, l'ADEME, a lancé une campagne de pub
19:22 incitant les consommateurs à la déconsommation.
19:25 Campagne humoristique qui mettait en scène des dévendeurs au lieu de vendeurs
19:30 qui incitent donc les Français à moins consommer.
19:33 Ça ne vous a pas fait rire, ni vous, ni les commerçants,
19:36 qui craignent un impact sur leurs ventes en cette période de fin d'année ?
19:40 Vous avez jugé maladroite cette campagne de pub, qui est totalement assumée.
19:44 En revanche, par votre collègue au gouvernement, Christophe Béchut,
19:47 le ministre de la transition écologique, estime, je cite,
19:50 que 0,2% du temps d'antenne publicitaire soit consacré à se demander si tous les achats sont utiles.
19:58 Franchement, vu les enjeux de transition écologique, ça ne semble pas déraisonnable.
20:02 Pour vous, si c'était déraisonnable, c'était une erreur ?
20:07 Je considère qu'elle est maladroite. La vie politique serait très ennuyeuse
20:10 si il n'y avait pas de temps en temps des vues différentes.
20:12 Des tensions entre ministres ?
20:14 Non, je ne veux pas dire des tensions, je m'entends très bien avec Christophe Béchut,
20:16 mais des vues différentes sur un certain nombre de sujets.
20:18 C'est ce qui fait le sel de la vie politique.
20:21 Mais je persiste et je signe, je considère que c'est maladroit de parler de dévendeurs.
20:25 Maladroit à une période où, vous le disiez vous-même, c'est difficile pour le commerce,
20:29 c'est difficile pour beaucoup d'entrepreneurs de commerce de centre-ville,
20:32 de leur dire dans le fond, plutôt que de vendre, vous feriez mieux de dévendre.
20:35 Je crois à sobriété, je ne suis pas du tout un adepte de la surconsommation,
20:38 mais je trouve que cette campagne ne tombe pas au bon moment et qu'elle reste maladroite.
20:42 Quelques questions politiques rapides. Bruno Le Maire, après la mort de Thomas,
20:45 tué lors d'une fête de village à Crépole dans la Drôme,
20:47 Éric Dupond-Moretti a dénoncé l'indécente démagogie de l'extrême droite.
20:51 Est-ce que vous reprendriez ces mots ce matin ?
20:54 Qu'il y ait de la récupération un peu partout sur cette affaire, c'est certain,
20:58 il a raison de le souligner.
21:00 Je rappelle juste qu'il y a un adolescent de 15 ou 16 ans
21:05 qui est mort à coups de couteau dans un village français.
21:08 Et que ça devrait tous nous amener à faire preuve de beaucoup de mesures
21:12 et de responsabilité dans nos propos.
21:14 Je trouve cette affaire bouleversante de bout en bout.
21:18 Qu'on retire la vie à un gosse qui avait tant d'espoir, tant de rêve en lui,
21:22 c'est absolument bouleversant.
21:23 Pour vous c'est un fait divers ou un fait de société Crépole ?
21:25 Non, ce n'est pas un fait divers.
21:27 C'est un fait de société, ça dit quelque chose de la société ?
21:29 Oui, ça dit quelque chose de la société, ça dit quelque chose.
21:31 Non pas de l'ensauvagement, je n'aime pas ce terme qui laisse entendre que toute la société...
21:35 Que se prend le président de la République, vous n'aimez pas ce terme ?
21:37 Non, je n'aime pas ce terme parce que je considère que toute la société n'est pas ensauvagée.
21:41 Nous parlons sereinement, nos auditeurs nous écoutent sereinement,
21:44 mais il y a effectivement un certain nombre d'individus qui sont désocialisés,
21:49 qui ont perdu tout repère, qui ne savent même pas s'exprimer correctement en français
21:52 et qui, lorsqu'on leur parle, répondent par des coups, par la violence.
21:57 Marine Le Pen dit que Crépole, c'est le drame de l'immigration et des personnes issues de l'immigration.
22:02 Vous lui dites quoi ?
22:04 C'est le drame de la violence qui touche des pans entiers de notre société
22:09 et à laquelle il faut apporter une réponse qui se résume à un mot très simple, l'autorité.
22:14 Interrogé sur les conséquences de la prise de position de certains artistes sur le conflit au Proche-Orient,
22:20 Dominique de Villepin a répondu.
22:23 On voit en filigrane à quel point la domination financière sur les médias et sur le monde de l'art de la musique pèse lourd.
22:29 Ils ne peuvent pas dire ce qu'ils pensent parce que les contrats s'arrêtent immédiatement.
22:34 La règle financière qui est imposée aux Etats-Unis dans la vie culturelle, elle pèse lourd.
22:39 Malheureusement, nous le voyons aussi en France.
22:41 Ses propos ont choqué.
22:43 Bruno Le Maire, le patron du CRIF, pour ne citer que lui, y a vu une rhétorique insidieusement antisémite.
22:50 Qu'en pensez-vous ?
22:51 Je n'ai pas vu l'intégralité de l'émission.
22:54 Vous qui avez connu Dominique de Villepin.
22:56 Oui, j'ai travaillé avec lui. Je suis très fier de ce que nous avons fait ensemble.
23:00 Très fier de la manière dont, avec Jacques Chirac, nous nous sommes opposés à la guerre en Irak,
23:05 qui a été une des matrices du terrorisme que nous subissons aujourd'hui,
23:09 et du djihad qui a été lancé contre l'Europe et contre la France en particulier.
23:13 Mais là, quand vous voyez qu'on le soupçonne d'antisémitisme, vous répondez quoi ?
23:15 Une fois encore, je n'ai pas vu l'émission en intégralité.
23:18 Je ne suis pas sûr de comprendre les propos que vient de citer Nicolas de Morand.
23:22 Je ne fais pas de procès d'intention.
23:24 Ce que je sais, c'est que lorsque j'ai travaillé avec lui en 2003,
23:28 il a vu juste avec Jacques Chirac en s'opposant à la guerre en Irak.
23:32 Dernière question. Les sénateurs ont supprimé l'aide médicale d'État,
23:37 transformée en une aide médicale d'urgence beaucoup plus restrictive.
23:40 L'AME a été rétablie hier en commission à l'Assemblée nationale.
23:43 On parle du projet de loi immigration.
23:44 Le personnel Gérald Darmanin s'est déclaré favorable à la transformation de l'AME en AMU.
23:48 Et vous ?
23:50 Ça rejoint ce que je disais sur le chômage des plus de 55 ans.
23:55 Il faudrait juste qu'on nomme les choses.
23:57 AME, AMU, je ne suis pas sûr de comprendre réellement la différence.
24:00 C'est-à-dire moins de droits pour se faire soigner.
24:02 Je pense que lorsque vous êtes un étranger sur le territoire français,
24:05 un homme ou une femme, vous avez droit à être soigné si vous êtes malade.
24:10 En revanche, personne ne comprendrait qu'on ait droit à des soins de confort
24:14 ou des soins que nos compatriotes ne peuvent même pas parfois se payer.
24:17 Donc vous y êtes favorable Bruno Le Maire ?
24:19 C'est la différence entre l'AME et l'AMU.
24:21 C'est qu'elle veut restreindre les droits...
24:24 Mais qu'on évite les dérives sur l'utilisation de la sécurité sociale et de l'accès aux soins.
24:30 Pour ceux qui n'ont pas cotisé pour cette assurance maladie, c'est légitime et c'est nécessaire.
24:37 Que, en revanche, on prive de tous soins une personne, un individu qui est sur notre territoire,
24:42 c'est irresponsable et inhumain.
24:44 Merci Bruno Le Maire d'avoir été au micro d'Inter ce matin.