Elle s'est tenue à ses cotés durant les quatre mois de procès : Anne-Sophie, l'ange gardien de Gisèle Pelicot. Anne-Sophie Langlet, juriste au sein de l'association de médiation et d'aide aux victimes (Amav), est l'invitée de Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 17 décembre 2024.
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00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud, ça fait des semaines et des semaines que Gisèle Pellicot est au cœur de l'actualité,
00:10mais juste à côté d'elle, discrètement, se tient Anne-Sophie Langlais.
00:14Cette juriste de l'association de médiation et d'aide aux victimes lui a tenu la main pendant tout le procès.
00:18Alors ce matin, Amandine, à quelques heures, quelques jours du verdict, vous avez eu envie de lui poser quelques questions.
00:23Bonjour Anne-Sophie Langlais.
00:25Bonjour Amandine.
00:26Et merci de nous accorder quelques minutes. Thomas le disait à l'instant, vous accompagnez Gisèle Pellicot depuis le premier jour de ce procès de Mazan.
00:34Son ange gardien, disaient hier nos confrères du Parisien. Est-ce que c'est comme ça que vous décririez votre rôle ?
00:42Je ne sais pas si je me décrirais comme un ange gardien. Je pense qu'on joue notre rôle d'accompagnant en aide aux victimes.
00:50Le but c'est plus de tisser un lien de confiance, d'être un soutien humain et juridique.
00:55Après, chaque personne qu'on accompagne nous investit à sa façon, mais je ne sais pas si c'est comme ça même que Gisèle Pellicot me définirait.
01:06Vous êtes juriste au sein de l'AMAV, c'est l'association de médiation et d'aide aux victimes.
01:11En fait, l'objectif, pour que nos auditeurs comprennent bien, c'est d'assister les victimes dans un procès
01:18dont elles ne connaissent pas les clés. Vous êtes là pour décrypter un certain nombre de faits, d'actes qui se passent au cours du procès.
01:27Au départ, en tout cas, c'est ça votre mission ?
01:29Oui, notre mission c'est vraiment d'être là pour leur expliquer tout ce qui se passe au niveau de la procédure pénale.
01:36Il faut savoir que ça a déjà été expliqué aussi par leur avocat en amont.
01:40Mais on a un rôle un peu complémentaire au moment où l'avocat est occupé à se concentrer sur les débats.
01:46Nous, on est présents derrière avec les parties civiles sur le banc qui est situé derrière celui des avocats.
01:53Et on peut réexpliquer aux parties civiles ce qui est en train de se dérouler.
01:58Mais c'est aussi, j'imagine, un soutien. Et puis quand ça dure trois mois et demi, comme c'est le cas avec Gisèle Pellicot,
02:04forcément vous entretenez d'autres liens, vous tissez d'autres liens.
02:09Bien entendu, c'est un peu différent des accompagnements habituels qui se déroulent sur un temps beaucoup plus court.
02:18Ça n'empêche qu'on réalise nos missions toujours de la même manière.
02:23Après, effectivement, il y a un lien de confiance très probablement qui s'est tissé,
02:27qui est plus fort en raison de la temporalité de cet accompagnement,
02:32en raison aussi du fait qu'on touche à l'intime pour tout le monde.
02:36Ça a été particulier pour toutes les personnes qui ont été présentes, je pense aussi à la presse,
02:40toutes les personnes qui ont été présentes pendant quatre mois pendant ce procès,
02:43ça a été un moment intense et ça a été particulier.
02:47Mais pour autant, on tisse, on essaye toujours de tisser un lien de confiance avec chaque victime
02:52qui le souhaite, bien entendu, dans nos accompagnements.
02:56On a tous été très frappés par l'attitude de Gisèle Pellicot, son exceptionnel courage, son immense dignité.
03:03J'imagine que vous aussi, ça vous a frappé ?
03:06Oui, bien sûr. Plus que la dignité, moi, je dirais que c'est sa détermination.
03:11Mais bien entendu, c'est quelque chose qui nous a tous frappés.
03:14Elle souhaite que justice soit faite et que finalement tout ce qui se passe d'habitude en huis clos
03:23et du coup qui reste privé, là, ça puisse être vu par tout le monde
03:30et que ça puisse aussi, du coup, avoir un retentissement pour que les victimes osent libérer leur parole.
03:35Donc ce qu'elle veut faire de ce qui lui est arrivé, finalement, c'est quelque chose de beau
03:41et ça montre aussi sa résilience.
03:43C'est elle, on le rappelle, qui a demandé la levée du huis clos,
03:46elle aussi qui a choisi d'apparaître au grand jour pour qu'aucune femme n'ait plus à soublier la submission chimique,
03:51pour que la honte change de camp, c'est ce qu'elle avait expliqué à la barre.
03:55Est-ce que vous l'avez vu évoluer au cours de ces trois mois et demi de procès ?
04:00Oui, bien sûr. Au début, comme n'importe qui, en fait, elle est arrivée,
04:06elle était inconnue de tout le monde, elle avait souhaité que personne ne sache qui elle était,
04:11elle n'avait jamais fait parler d'elle,
04:13donc elle arrivait sans savoir du tout ce qu'il attendait dans cette cour criminelle
04:18et puis finalement, au fur et à mesure, de voir qu'elle avait des soutiens à l'extérieur,
04:23qu'il y avait des personnes qui l'attendaient,
04:25il y a des personnes, des visages aussi, qui reviennent tout le temps,
04:28des personnes qui lui envoient des lettres, qui lui envoient des bouquets de fleurs,
04:34il y a des attentions, aussi des personnes qui peuvent dire
04:37aujourd'hui, moi j'ai le courage d'aller déposer plainte grâce à ce que vous avez fait.
04:41Tout ça, tous ces témoignages, en fait, c'est venu au fur et à mesure la transcender
04:46et lui permettre de se sentir quand même de plus en plus forte au fur et à mesure des débats.
04:51Et elle vous l'a explicité, ça ?
04:54Elle l'a explicité et ça s'est aussi ressenti, tout simplement, dans son attitude,
04:59même je trouve sur les photos, etc., on peut le constater,
05:03et oui, effectivement, elle l'a également dit.
05:06Hier, à l'audience, avant que la cour ne se retire pour délibérer,
05:08son ex-époux a salué son courage et lui a présenté des excuses.
05:12Comment a-t-elle réagi ?
05:15Alors ça, ça appartient à Gisèle Pellicot,
05:17je ne vais pas parler à sa place, donc je ne répondrai pas à cette question-là.
05:22On sent à la fois, Anne-Sophie Langlais, une immense proximité entre vous,
05:27il s'est, bien sûr, créé des liens, je le disais, au cours de ces trois mois et demi de procès,
05:33et malgré tout, vous gardez une immense pudeur vis-à-vis de tout ça.
05:37Ça fait partie de votre rôle ?
05:39Oui, alors on nous décrit souvent comme des travailleurs de l'ombre,
05:43c'est vrai que c'est notre rôle aussi, on est là, nous, en soutien, l'idée, c'est surtout ça.
05:52Donc effectivement, on maintient cette distance, nous, avec les médias, etc.
05:59Notre rôle, c'est d'être neutre, c'est d'être présent pour la personne victime, partie civile,
06:04à hauteur de ce qu'elle souhaite,
06:06et oui, on maintient effectivement une pudeur qui est inhérente au rôle qu'on tient au quotidien auprès des victimes.
06:18Sauf que Gisèle Pellicôtre n'est pas une victime comme les autres,
06:21et je ne dis pas du tout ça pour dénigrer les autres victimes,
06:24mais parce que ce qu'elle a vécu est tout particulièrement sordide, inimaginable,
06:27et la façon dont elle fait face à tout ça est aussi impressionnante.
06:31C'est certain. Après, c'est aussi le fait de pouvoir montrer à tout le monde ce qui s'est passé,
06:39mais finalement, on voit ce qui se passe dans une cour.
06:42Alors certes, les faits sont d'une ampleur impressionnante du fait qu'il y a énormément d'accusés, etc.,
06:48mais on voit aussi comment ça se passe dans une cour d'assises ou une cour criminelle pour toutes les victimes.
06:55Donc il y a un côté effectivement, Gisèle Pellicôtre a quelque chose d'emblématique qu'on ne peut pas retirer,
07:02mais il y a aussi quelque chose de tout à fait classique en fait,
07:06que nous on a l'habitude de voir se jouer dans les cours.
07:09Mais c'est certain que c'est une personne qui force l'admiration.
07:14Beaucoup disent qu'il y aura un avant et un après Mazan.
07:18Vous qui avez l'habitude d'accompagner les victimes, vous diriez ça aussi ?
07:22En tout cas, on peut l'espérer.
07:25Il faut laisser, ça c'est la place du législateur de voir ce qu'il va en faire.
07:31Aussi, la société, est-ce que ça va évoluer au niveau des mentalités ?
07:36C'est surtout à ce niveau-là où on voit qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
07:41Mais on peut espérer que ça va faire bouger les choses.
07:46Assister à un tel procès, vous le disiez, c'est une épreuve, même si ça fait partie de votre mission.
07:52Qu'est-ce que vous, vous retenez de ce procès ?
07:55J'imagine que ça va être difficile de tourner la page.
07:59C'est certain. Ce qu'on va retenir de ce procès,
08:04je pense que tout le monde va ressortir de ce procès.
08:07Il y a eu beaucoup de questions qui se sont posées sur énormément de thèmes.
08:12Et il va effectivement falloir continuer à les mettre au débat
08:17et essayer d'en faire quelque chose.
08:20Je pense que c'est ça l'essentiel.
08:22Également, ne pas oublier tout ce qui est ressorti de positif
08:26sur le fait qu'il y a des personnes qui, du coup, libèrent leur parole
08:30et l'expriment déjà, notamment à Gisèle Pellicot,
08:33où nous, dans les associations d'aide aux victimes, nous précisent
08:36maintenant je parle parce qu'il y a eu ce procès.
08:40Le soutien qu'il y a pu y avoir auprès de Gisèle Pellicot,
08:43qu'il n'y avait pas forcément auprès d'autres victimes
08:46dans d'autres procès qui avaient été médiatisés.
08:48Je pense que tout ça, ce sont des choses qu'il faudra retenir.
08:51Il faut voir le positif, en fait, dans cette histoire
08:55qui, à la base, est tellement sombre.
08:58Et qui est abominable.
09:00En effet, juste d'un mot, vous allez continuer à la suivre ?
09:03Alors, ce sera en fonction de son souhait, en fait.
09:08Nous, on est toujours à disposition des victimes, autant qu'elles le souhaitent.
09:11Après, il est à penser que oui, on va continuer pour le moment,
09:17en tout cas, à être dans une relation de confiance professionnelle
09:23pour la suite.
09:25Surtout qu'on ne sait pas, là, s'il va y avoir un appel, etc.
09:28Probablement qu'il y aura des accusés qui feront appel de la décision.
09:31Et ça veut dire une deuxième épreuve, sans doute.
09:34Merci beaucoup, Anne-Sophie Langlais, d'avoir été avec nous ce matin.
09:38Juriste au sein de cette association de médiation et d'aide aux victimes,
09:41vous accompagnez Gisèle Pellicot.
09:43Le verdict, on le rappelle, a priori, sera rendu jeudi,
09:47mais vous l'évoquiez avec un possible appel.