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Mickaëlle Paty, la sœur du professeur assassiné publie le 16 octobre, quatre ans jour pour jour après sa mort, « Le Cours de Monsieur Paty » aux éditions Albin Michel. Ce récit décisif met en lumière plus d'une défaillance. Pour elle, Samuel Paty a été victime de nos peurs. Elle est l'invitée d'Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 16 octobre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Sotto
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud.
00:07Il y a 4 ans pile, l'inimaginable, l'inconcevable survenait aux abords d'un collège français.
00:11L'exécution d'un professeur qui pensait simplement que savoir était le plus grand des trésors.
00:15Il s'appelait Samuel Paty. Nous aurions tous aimé être ses élèves.
00:18Ce matin Amandine, vous avez choisi d'inviter sa sœur Michaëlle Paty qui publie le cours de Monsieur Paty.
00:24Bonjour et bienvenue.
00:25Bonjour Michaëlle Paty et bienvenue sur RTL.
00:28Thomas le rappelait, ça fait 4 ans aujourd'hui, jour pour jour, que votre frère a été assassiné, décapité, je le rappelle parce que c'est ce qui s'est passé.
00:36Comment allez-vous aujourd'hui ?
00:38C'est un peu la question que j'évite de me poser depuis 4 ans.
00:42J'ai évité de me la poser pour réussir à mener quelque part un travail d'enquête qui est retracé dans ce livre qui sort aujourd'hui à sa date anniversaire.
00:53Je vous avoue que ce terme est souvent impropre à utiliser.
00:56Je penserai à comment je vais plus tard, quand tout ira peut-être un petit peu mieux.
01:02Ce livre, vous le disiez, c'est le fruit de ce travail d'enquête que vous avez mené jour et nuit pendant des mois, quelques jours seulement après son assassinat.
01:11Vous écrivez « Une grande colère, 4 ans après ma bite, il n'y a eu ni réveil ni sursaut, nos ennemis ont encore gagné du terrain ».
01:19Ça veut dire que rien n'a changé depuis 4 ans ?
01:21Non, et puis je pense que les faits qui sont relatés dans la presse tous les jours, on voit seulement la partie qui est relatée, nous montrent que rien n'a changé.
01:29Il y a l'attentat de Dominique Bernard qui a été un événement foudroyant.
01:32Il y a un an.
01:33Mais tous les jours, toutes les semaines, nos professeurs, les proviseurs sont victimes d'agressions.
01:39C'est sans cesse.
01:40Donc le fameux « avant-après » lancé par M. Blanquer n'a pas du tout eu l'effet escompté en fait.
01:46Mais quand vous entendez la ministre de l'Éducation nationale dire cette semaine que le nombre d'atteintes à la laïcité est en très forte baisse,
01:51elle donne le chiffre d'une centaine répertoriée au mois de septembre dernier, compte plus de 800 en septembre 2023,
01:57quand vous voyez qu'il y a eu 78 incidents recensés lors de la minute de silence lundi, c'est beaucoup,
02:06mais c'est beaucoup moins que l'an dernier où il y a eu 600 sanctions prononcées.
02:10Vous n'y croyez pas à ces chiffres en fait ?
02:12J'y crois un peu, étant donné que pendant plusieurs mois elle n'a avancé aucun chiffre.
02:16Donc c'est étonnant que d'un seul coup des chiffres sortent alors qu'ils n'ont pas été prononcés les mois avant.
02:22Donc je suis un petit peu sceptique.
02:24Et il faut quand même reconnaître que par exemple dans un établissement scolaire, il y a eu une attaque à la bombe, enfin une menace.
02:30Donc c'est sûr que ça ne peut pas être recensé comme une atteinte à la laïcité.
02:34Sous le terme où on recense des atteintes à la laïcité, si un élève s'exprime pendant la minute de silence,
02:41ce n'est pas forcément une atteinte à la laïcité.
02:43C'est plutôt une atteinte aux valeurs de la République, à demander 7 minutes.
02:47Miguel Pati, depuis la mort de votre frère, vous allez dans les collèges, dans les lycées,
02:52pour sensibiliser justement sur ces questions de laïcité, pour suivre, vous le disiez en quelque sorte, son travail à lui.
02:58Que vous disent les enseignants que vous croisez ? Ils ont peur ?
03:01Les établissements où je suis intervenue, j'ai principalement rencontré des enseignants qui n'avaient pas peur.
03:07Qui justement voulaient continuer leur travail comme ils le faisaient.
03:12Pour eux, ils se reconnaissaient dans la méthodologie que Samuel pouvait utiliser.
03:16Donc c'était plutôt des personnes qui veulent imposer ce qu'on leur demande, de faire leur métier.
03:23Non, non, des établissements où je suis intervenue, ils n'ont pas peur.
03:27Et puis le terme de peur, au bout d'un moment, c'est un petit peu galvaudé.
03:30Ça ne sert plus à rien de dire à tout le monde qu'on a peur, parce que de toute façon,
03:34le père d'Abdoulok Ansaroff, quand il est reparti en Tchétchénie, il a fait paraitre un article de presse.
03:40Et dans cet article de presse, il s'est vanté que son fils avait fait peur à 700 000 enseignants.
03:46Donc je pense qu'à un moment...
03:47C'est l'enseignant qui a tué Donald Bernard à Arras l'an dernier.
03:51Vous écrivez que votre frère a été victime d'une série de renoncements. Renoncements de qui ?
03:57Je pense que les renoncements pour mon frère, il y avait à peu près tous les secteurs.
04:01Il y avait des renoncements au sein du collège, au sein du rectorat, au sein de la police municipale,
04:07au sein de la police nationale, au sein des renseignements territoriaux.
04:10A chaque niveau, tout le monde a préféré regarder la situation sous une menace à l'ordre public.
04:17Et donc personne finalement n'a regardé la cible qui était mon frère.
04:21Et ces renoncements aujourd'hui, vous pensez qu'ils perdurent ?
04:24Quand vous dites rien n'a changé en fait en quatre ans ?
04:27Parce que si les choses avaient vraiment été étudiées, ce qui n'a pas été le cas,
04:32ça on en est certains, ce qui est un petit peu reproduit dans mon livre,
04:35c'est quelque part une analyse de toutes les failles qu'il y a eues,
04:39parce qu'il faut bien à un moment les étudier pour en faire des mesures correctives.
04:42Autrement on fait un petit peu de touche par touche et on ne prend pas la globalité.
04:46Et donc forcément on est à côté et bien évidemment le monde enseignant est convaincu
04:51qu'il y aura un autre enseignant qui sera tué à un moment ou à un autre.
04:56Ça peut encore arriver aujourd'hui ?
04:58Je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas arriver.
05:00Mais il y a eu votre frère, il y a eu Dominique Bernard, vous le disiez,
05:03donc il y en aura un troisième.
05:05Je pense que...
05:07C'est terrifiant ce que vous nous dites, Miguel Pelletier.
05:09C'est terrifiant mais je pense que c'est la réalité.
05:11La menace islamique à l'heure actuelle n'est pas du tout prise en compte par la police,
05:17les ministères non plus, donc je ne vois pas pourquoi ces offensives
05:21qui sont de plus en plus fréquentes et qui tentent de pénétrer de plus en plus l'école
05:25ne passeront pas encore à l'acte à un autre moment.
05:27C'est pour ça que vous avez décidé d'attaquer l'État en justice ?
05:30Oui, il faut effectivement quelque part leur imposer puisqu'ils ne font pas d'eux-mêmes.
05:34On en est obligé à un moment, il faut qu'ils reprennent son rôle,
05:38celui qui l'a fait naître, c'est-à-dire de défendre son peuple.
05:4114 personnes ont été renvoyées devant la justice,
05:446 d'entre elles qui étaient mineures au moment des faits ont été jugées en décembre dernier,
05:47condamnées à des peines qui vont de 14 mois de prison avec sursis à 2 ans dont 6 mois fermes.
05:52C'est trop peu dites-vous ?
05:54Oui, c'est trop peu, trop peu personnellement parce qu'en tant que sœur,
05:57tous les membres de ma famille, c'était forcément insuffisant.
06:02Néanmoins, ces peines envoient un très très mauvais message à la société
06:08où finalement même si ces mineurs n'avaient pas forcément conscience qu'ils allaient être tués,
06:13ils avaient conscience à minima qu'ils allaient être frappés, humiliés, affichés sur les réseaux sociaux.
06:18Donc enfin, le message qui est envoyé, c'est que même si vous le faites, vous ressortez libre.
06:24Il va y avoir un autre procès, celui des adultes, qui commencera le mois prochain.
06:28Vous en attendez quoi, Michael Petit ?
06:31Une forme de rattrapage.
06:33Ces adultes, eux, n'ont pas l'excuse de minorité par rapport à leurs actes
06:37et ce serait surtout de montrer un petit peu à tout le monde que plus personne n'est dupe,
06:42que tous ceux qui disent qu'il y aurait une islamophobie d'Etat...
06:47Voilà, maintenant ça suffit, on voit clair dans votre jeu.
06:51Donc maintenant, vous allez prendre les peines et ils en courent tous 30 ans de prison.
06:55Ce livre, Michael Petit, vous le disiez, c'est un travail d'enquête, c'est aussi un appel.
07:00En tout cas, moi, c'est comme ça que je l'ai ressenti, un appel dans lequel vous nous dites
07:05réveillez-vous et c'est vous tous, vous qui êtes infirmière anesthésiste.
07:10J'ai trouvé le clin d'oeil assez joli, malgré les circonstances qui, bien sûr, sont dramatiques.
07:15Le combat pour la laïcité, écrivez-vous, est un combat pour la liberté.
07:18Si la majorité se tait ou se met à genoux, ceux qui restent debout deviennent des cibles.
07:22C'est aussi ça, le message que vous lancez aux français, c'est bougez-vous, réveillez-vous.
07:26Oui, parce qu'il y a une forme de déni qui n'est plus du tout acceptable à l'heure actuelle
07:30et il faut que les uns et les autres prennent conscience de la gravité de la situation
07:34et que c'est le nombre qui va permettre de faire reculer ceux qui nous menacent.
07:41C'est un appel à la lutte contre la lâcheté aussi.
07:44Vous direz détester la lâcheté.
07:47Oui, c'est effectivement expliqué dans le livre en quoi il détestait la lâcheté.
07:52Je pense que c'est moi aussi, je déteste la lâcheté.
07:55Et on ne peut plus se cacher derrière nos peurs.
08:00Il faut y aller maintenant.
08:01Merci beaucoup Michael Paty d'être venu ce matin sur RTL.
08:04Votre livre vous disiez sort aujourd'hui, ça s'appelle Le Cours de M. Paty
08:09et c'est publié chez Alpin Michel. Merci.

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