Vendredi 13 décembre 2024, SMART IMPACT reçoit Julien Noronha (Directeur exécutif en charge de la Communication, BPI) , Nathalie Piriou-Deslandes (Fondatrice, Act 4 global impact) , François le Bas (Responsable des ventes industrielles, Epson) et Jérôme Saddier (Président du conseil d'administration, groupe Crédit Coopératif)
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00:00Générique
00:08Bonjour, bonjour à toutes et à tous, bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission des entreprises à impact positif en format XXL.
00:15Aujourd'hui, une heure d'émission avec notre rubrique Prêt pour l'impact.
00:18C'est la question que je pose une fois par semaine à une personnalité qui compte dans l'économie française.
00:23C'est Jérôme Sadier, le président du Crédit Coopératif, qui répondra tout à l'heure dans ce Smart Impact.
00:28Je vous présenterai aussi l'événement Quartier Général, le rendez-vous des entrepreneurs des quartiers soutenus par BPI France et la Caisse des dépôts.
00:36Le débat de notre émission, il portera sur l'innovation au service de la transformation environnementale et sociétale.
00:42On verra comment partager les bonnes pratiques et les idées nouvelles en open source avec la plateforme Act for Global Impact.
00:49Et puis, dans notre rubrique Start-up, vous découvrirez le pavé qui propose des panneaux à base de déchets plastiques à destination des chantiers du bâtiment.
01:01Voilà pour les titres de ce Smart Impact format XXL.
01:04Une heure d'émission pour donner la parole à celles et ceux qui font de la transition RSE un axe fort de leur stratégie.
01:11Générique
01:17L'invité de ce Smart Impact, c'est Julien Noronha. Bonjour.
01:21Bonjour.
01:21Bienvenue. Vous êtes le directeur exécutif en charge de la communication de BPI France.
01:26On va parler de l'événement Quartier Général qui se tient ce 5 décembre.
01:30D'abord, quelques mots, quelques chiffres pour rappeler ce rôle qui est un rôle majeur de la Banque publique d'investissement.
01:36C'est quoi ? C'est la Banque des entrepreneurs, pour simplifier ?
01:38Oui, c'est ça. On aime bien dire qu'on est éditeurs d'entrepreneurs chez BPI France.
01:43J'aime bien l'expression.
01:44C'est ça. On les détecte quand ils même se posent la question d'entreprendre.
01:49C'est un peu ce qui va se passer jeudi pour une partie des entrepreneurs qui seront présents.
01:52Et puis ensuite, on essaie de leur confier une épaule solide sur laquelle ils peuvent s'appuyer pour grandir, pour se développer,
02:01pour rencontrer les bons acteurs, pour rencontrer les bons partenaires.
02:04C'est pour ça qu'on fait 500 événements par an, qu'on fait beaucoup de communication digitale,
02:09parce qu'on a aussi envie de créer de la fierté autour des entrepreneurs français et de la part du grand public.
02:14Mais derrière ça, bien sûr, on a nos métiers, que sont le financement des entreprises françaises, l'investissement.
02:20On est quand même, selon les trimestres, la première société d'investissement au monde en nombre de mouvements,
02:25et première ou deuxième, ça dépend, et toujours première en Europe.
02:30On est très actif en investissement, on a tout un dispositif d'accompagnement des entrepreneurs,
02:34on a monté des écoles, on a 1000 dirigeants par an qui rentrent dans des écoles pour passer de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires
02:40à 100, 200, 300 millions d'euros de chiffre d'affaires en un an, avec des effets de promos, on les remet sur les bancs de l'école.
02:46Et puis bien sûr, on accompagne les entrepreneurs à l'export, parce qu'une grande partie des PME-ETI françaises
02:54font une majeure partie de leur chiffre d'affaires à l'export.
02:57Et celles qui ne le font pas, on les amène à découvrir un peu le monde.
03:01Juste un chiffre à commenter quand même, j'ai trouvé ça, 2023, 63 milliards d'euros injectés dans le financement de l'économie française,
03:09on est quasiment à la fin de 2024, on sera sur des montants similaires ?
03:12On sera sur des montants récurrents, peut-être un peu supérieurs, mais bien sûr, on a un dispositif très puissant
03:18qui comporte, avec l'État, avec la Caisse des dépôts, on connaît bien France 2030, qui a un vrai plan Marshall,
03:25du soutien à l'innovation et plus largement au développement des PME-ETI françaises et de l'ensemble de l'économie d'ailleurs.
03:33Donc oui, on investit massivement, on veut soutenir l'ensemble de l'énergie entrepreneuriale qu'il y a dans ce pays,
03:40parce qu'elle est magnifique, j'ai la chance, moi mon métier c'est de faire des kilomètres,
03:44donc je passe mon temps en région, dans les territoires, auprès des PME, auprès des ETI, auprès des entrepreneurs,
03:50on a la chance de voir cette dynamique, cette énergie, cette résilience aussi,
03:53parce que ça fait quand même depuis le Covid qu'ils s'en prennent pas mal, les entrepreneurs,
03:58et quand on va les voir, ils ne sont pas du tout amoureux.
04:01Et ils attendent, pardon nos interromptes, mais ils attendent de l'état, un cap et de la continuité,
04:06là on est dans cette espèce de flou absolu concernant le budget, ça inquiète quand même beaucoup d'entrepreneurs ?
04:11Bien sûr que ça inquiète, les incertitudes inquiètent toujours, comme je viens de le dire,
04:15ils ont quand même vécu le Covid, la crise de l'énergie, la guerre en Ukraine, la crise des matières premières,
04:19et là maintenant, l'instabilité politique, donc oui c'est difficile,
04:24mais en même temps, on n'a jamais eu autant de dossiers que cette année,
04:27de projets de développement, d'investissement de la part des entrepreneurs.
04:30Nos 50 directions régionales reçoivent des dossiers tous les jours, elles n'en ont jamais eu autant.
04:34Donc il y a une espèce de paradoxe entre, en effet, des craintes qu'ils ont,
04:39et ils ont raison de les avoir, on sait que le monde de l'investissement a ralenti,
04:43on sait que les corpos sont un peu attentifs par rapport à la situation politique,
04:48donc forcément ça impacte leur carnet de commandes et leurs projets,
04:51mais ils ne lâchent rien, ils continuent de porter des projets,
04:54donc moi mon rôle, et nous notre rôle chez BPI France, c'est de continuer d'avoir ce jaune solaire,
04:58d'irriguer du positif dans le pays, et de montrer, y compris aux Français, qu'il y a cette énergie en France.
05:06Et notamment avec cet événement quartier général, ce 5 décembre, à la communale de Saint-Ouen,
05:14présentez-nous l'événement, de quoi il s'agit ?
05:16Alors BPI France, c'est BPI toute la France, et tous les entrepreneurs,
05:20c'est-à-dire qu'on adresse quel que soit le stade de maturité de l'entrepreneur,
05:24et bien sûr les différents marchés.
05:28Dans les quartiers prioritaires de la ville, il y a une énergie entrepreneuriale incroyable,
05:32un intentionniste sur cinq, qui a envie de créer une entreprise, qui a envie de la développer,
05:37mais ils ont des difficultés qui sont spécifiques.
05:40Déjà, le faire savoir, qui est pour le coup notre mission,
05:45ils ne savent pour beaucoup pas qu'il y a une telle équipe de France,
05:50à leur service, prêt à les accompagner s'ils ont envie de monter un projet.
05:53Cette équipe de France, c'est ce qu'on appelle nous le collectif Capcréa,
05:57c'est 27 réseaux d'accompagnement qui représentent 300 associations en France, 30 000 bénévoles,
06:02qui sont au service de tous les créateurs d'entreprises,
06:04dont les entrepreneurs issus des quartiers prioritaires de la ville.
06:07Et là, ils peuvent créer des financements, de l'accompagnement, du mentorat, plein de choses.
06:10Donc il y a un enjeu sur le faire savoir,
06:14et puis il y a un enjeu qui me semble important, c'est de montrer aussi au pays
06:18que dans ces quartiers prioritaires de la ville, il y a toute une population
06:22qui a envie de transformer le pays, qui a envie d'apporter sa contribution.
06:24Oui, c'est changer un peu la perception des quartiers.
06:26Et qui apporte des projets dans tous les domaines d'activité.
06:30On a des industriels, on a des deep tech, on a bien sûr du commerce.
06:34Donc il y a une vraie dynamique, il faut la montrer, il faut la soutenir.
06:40Et en fait, depuis 2019, on tourne dans les quartiers prioritaires de la ville.
06:44Donc on installe des villages avec les réseaux d'accompagnement.
06:46On a 50 bus en France.
06:48C'est quoi, c'est la tournée entrepreneuriale pour tous ?
06:50C'est ça. Donc on va dans les territoires.
06:52Ça vient boucler un peu cette tournée, cet événement ?
06:55C'est ça. On a notre côté forain, qu'on a toujours à se promener dans les territoires
06:59et aller voir les gens.
07:00On aime la proximité humaine chez EP France.
07:02On fait beaucoup de digital, bien sûr.
07:03Mais on aime rencontrer les gens.
07:05On pense qu'il n'y a pas plus fort que de mettre des gens en relation,
07:08que de les rencontrer.
07:09Donc on le fait, on le fait de manière très active.
07:11Et c'est vrai que là, le QG, c'est la première fois qu'à la communale à Saint-Ouen,
07:15le 5 décembre, ça va être complètement gratuit.
07:17On fait venir, je pense, alors on a quasiment 12 000 inscrits à l'heure où je vous parle,
07:22donc c'est énorme, qui viennent de toute la France.
07:25On a des trains qui viennent avec des entrepreneurs de toutes les grandes périphéries urbaines de France.
07:30Et on va célébrer.
07:33On va apprendre.
07:34Il y aura des ateliers.
07:35Il y aura déjà des entrepreneurs qui ont réussi, des femmes et des hommes qui font modèle.
07:40Et qui font modèle dans des modèles aussi qui sont moins habituels.
07:43C'est-à-dire que dans cette typologie d'entrepreneurs, on voit beaucoup d'entrepreneurs de la culture,
07:47beaucoup d'entrepreneurs du monde du sport.
07:48Mais il n'y a pas que ça.
07:50Et on veut montrer une grande diversité d'entrepreneurs.
07:53C'est-à-dire qu'on peut être issu des quartiers et réussir sur un modèle industriel, sur un modèle tech, etc.
07:57Bien sûr. Et on va en voir sur la grande scène jeudi, le 5 décembre.
08:03Et à côté de ça, on a bien sûr des choses beaucoup plus pratiques.
08:07Donc des ateliers sur les grandes étapes pour monter ou développer son entreprise.
08:11Des masterclass.
08:12Beaucoup d'espaces de mise en relation.
08:14Parce qu'on veut créer du lien aussi entre ces entrepreneurs.
08:17Mais aussi entre eux et l'écosystème qui les accompagne.
08:20Et puis derrière ça, il y aura des temps forts, Money Time.
08:23Alors, j'allais vous en parler.
08:25Money Time, là on est dans le dur.
08:27On est dans le dur.
08:28C'est quoi ? C'est des investisseurs dans la salle et des personnes qui viennent présenter leurs projets ?
08:32Exactement. C'est de la télé-réalité.
08:34J'espère.
08:35Ça marche bien ces émissions-là en télé.
08:38Ça marche bien en télé.
08:39Mais ça marche bien aussi dans la vraie vie, dans la vie réelle.
08:42Où on a plus de 200 projets qui ont été proposés par des entrepreneurs.
08:47On en a sélectionné une partie.
08:48Et ils vont pitcher sur scène devant tout un parterre d'investisseurs, de financeurs et de réseaux d'accompagnement.
08:54Et on leur souhaite de trouver les financements pour développer leurs projets.
08:57Donc il y aura plein de temps forts comme ça.
08:59Ça va être une grande journée, une belle journée.
09:01Pour tous les entrepreneurs issus des quartiers prioritaires de la ville.
09:03Cette tournée dont vous parliez, elle a démarré quand ?
09:07Quel bilan on peut en faire ?
09:08Elle a démarré en 2019.
09:11Mon bilan, il est en deux temps.
09:13Le premier, ça a été un bilan difficile.
09:15Parce que nous-mêmes, on n'avait pas les codes.
09:18C'est-à-dire qu'on allait dans les quartiers prioritaires de la ville avec notre façon de parler.
09:25Et finalement, on n'avait pas d'impact.
09:28Et puis, on l'a fait au contraire.
09:30C'est-à-dire qu'en face, il y avait toujours ce réflexe de dire, ce n'est pas pour nous ?
09:33Ce réflexe, pourquoi ils viennent.
09:36Il y avait un peu ça.
09:37Et en fait, ce qu'on a fait, c'est qu'on a mis celles et ceux qui leur parlent au quotidien autour de la table.
09:42On avait une table de 30 personnes, je me rappelle.
09:45Moi, j'ai posé la feuille de route et je leur ai dit, dites-moi, où est-ce qu'on fait une erreur ?
09:50Et donc, ils nous ont bien challengé.
09:52Et là, on est reparti sur les routes autrement, avec des lieux différents, une autre façon de communiquer.
10:00Et là, on a eu 1000 personnes par date.
10:02Donc 1000 personnes par date.
10:03À chaque fois qu'on y va, il y a le collectif Capcréa.
10:05Donc, il y a les 27 réseaux d'accompagnement qui sont là pour eux.
10:08Et à chaque fois, ils partaient avec ça de dossiers.
10:11Eux-mêmes disaient, mais on n'a jamais eu autant de dossiers issus des quartiers prioritaires de la ville.
10:16Donc là, on a vu qu'on a trouvé un lien de communication ensemble.
10:20Et puis, bien sûr, derrière, c'est beaucoup de projets soutenus.
10:23Si je prends un exemple, c'est le concours Talents décités qu'on a remis à l'Élysée il y a quelques jours.
10:28Le président de la République a accueilli les lauréats de Talents décités pour la première fois depuis 27 ans.
10:33Le concours existe.
10:34C'est plus de 700 entrepreneurs sur les cinq dernières années qui ont été récompensés.
10:38Et c'est des réussites entrepreneuriales qu'on a vues à l'Élysée qui étaient incroyables.
10:42Merci beaucoup, Julien Noronha.
10:44Bon quartier général ce 5 décembre à la communale de Saint-Ouen.
10:49On passe à notre débat.
10:51L'innovation au service de la transition.
10:53Le débat de Smart Impact avec Nathalie Piriou-Deslandes.
11:03Bonjour.
11:04Bonjour.
11:05Bienvenue.
11:06Vous êtes la fondatrice de Act for Global Impact.
11:07François Lebas, bonjour.
11:08Bonjour.
11:09Bienvenue à vous aussi, chef des ventes industrielles chez Epson.
11:12Allez, vous nous présentez Act for Global Impact en quelques mots.
11:15En quelques mots.
11:16En fait, je vais vous présenter en une phrase.
11:19En fait, je résume aujourd'hui en disant que c'est le portail des écosystèmes d'innovation durable.
11:24Parce qu'en fait, l'idée est d'apporter aux entreprises quelque chose de très pragmatique, très pratique.
11:31Et aujourd'hui, ce portail rassemble déjà plus de 1 000 solutions qui sont analysées, décortiquées, etc.
11:37Associées à un moteur de recherche qui permet de requêter, en fait, par type de problématiques.
11:42Et chemin faisant, c'est créer aussi un annuaire de ces gens qui font les solutions et qui se montent aujourd'hui à près de 3 000.
11:48Donc vraiment, c'est un outil de navigation dans les bonnes pratiques de développement durable.
11:53Alors, mais vous, votre modèle économique, c'est quoi ?
11:56Alors, le modèle économique, justement, comme c'est vraiment un outil de mise en commun, de partage.
12:02Là, on parle d'innovation en open source, d'une certaine façon.
12:04Alors, il y a une partie, effectivement, qui est de l'open innovation.
12:07Et donc, le modèle, c'est vraiment de l'innovation.
12:11Donc, tout est à créer, même le business model.
12:13Donc, il y a plusieurs applications.
12:15Il y a effectivement ce niveau de consultation du portail.
12:18En imaginant un premier niveau qui soit freemium, justement, pour faciliter l'accès et puis aussi pour attirer.
12:24Et puis ensuite, comme il y a un moteur de recherche qui pourra être associé après avec des algorithmes, etc.,
12:29on peut bâtir des fonctionnalités qui pourront donner lieu à des options où on paiera un forfait.
12:36Mais après, on peut s'en servir comme outil pédagogique pour des ateliers de formation, de sensibilisation.
12:43Et il y a tout un programme d'accompagnement qui peut être aussi associé.
12:46Parce que, du coup, simplement, on ne se contente pas de poser des discours au niveau des entreprises,
12:52mais on leur donne ce portail, en fait, comme source perpétuelle d'aller chercher de l'inspiration et des partenaires, en fait.
13:00Et après, et là, François va pouvoir intervenir, c'est un outil aussi de référencement de solutions.
13:08Donc, c'est vraiment un outil aussi de marketing par la preuve.
13:11— D'accord. Alors, justement, j'allais vous poser cette question, François Levas,
13:13puisque Epson est client de Act4GlobalImpact.
13:16Qu'est-ce qui vous intéresse dans ce modèle, dans cette démarche ?
13:19— L'ouverture, la mutualisation. Ça veut dire qu'en fin de compte, si jamais on veut pouvoir avancer en ces périodes
13:27où, justement, la preuve est faite que le réchauffement climatique, que le dérèglement climatique
13:33a vraiment des conséquences pour tout le monde, c'est vraiment de s'associer, s'allier.
13:37Donc de pouvoir partager les savoir-faire, les bonnes pratiques.
13:40Et puis aussi, nous, on est sur un marché de l'impression principalement, de la vidéoprojection.
13:48Mais on ne va que sur un segment. Or, les solutions doivent être transversales.
13:52Donc c'est couvrir toutes les applications, tous les marchés.
13:55Et donc Act, la solution de Nathalie, couvre l'ensemble des bonnes pratiques, des savoir-faire.
14:02Et je pense qu'il faut qu'on soit tous ensemble.
14:04— Alors je trouve ça très bien. Et on voit de plus en plus cette philosophie, une certaine façon de se développer.
14:11Au départ, c'est un peu contre-intuitif quand même dans le monde du business.
14:15Je vous pose la question à tous les deux. Peut-être, François Lebas, pour commencer.
14:18Et ensuite, Nathalie Peyron.
14:20— C'est dommage. C'est dommage si jamais c'est contre-intuitif. Je pense qu'il faut sortir des silos.
14:26Je pense qu'il faut travailler ensemble. Il faut toutes les bonnes volontés.
14:32— Vous avez tout à fait raison. C'est contre-intuitif. Et c'est ça qui est génial, en fait.
14:43Alors moi, j'ai un peu un tempérament un petit peu « outsider », je dirais.
14:48Et je pense que les solutions ne vont pas venir du centre du business tel qu'il est aujourd'hui.
14:53Elles viennent de la marge. Et moi, volontairement, je me suis mis à la marge.
14:56Parce que cette façon de rentrer dans la complexité, en fait, d'essayer d'aborder toutes les problématiques en même temps, ça peut paraître stupide.
15:06Mais en fait, c'est là qu'on découvre les chemins en abordant les choses de façon transversale, en fait.
15:13Parce qu'aujourd'hui, la création de valeur, elle n'est plus du tout dans les silos.
15:17Et quand on parle d'économie circulaire, si vous restez dans votre périmètre, il ne se passe rien.
15:22Et avec le portail, en étiquetant, en fait, chaque solution qui est internationale.
15:27Parce que le portail, aujourd'hui, il rassemble, j'ai dit, 3000 acteurs. Il y en a à peu près la moitié sur la France.
15:33Et il traverse 80 secteurs d'activité.
15:35Donc sur un périmètre, vous avez des coproduits, des sous-produits dont vous ne savez que faire.
15:41Et à un autre endroit, mais à l'autre bout du monde, ou même à côté de chez vous...
15:46Oui, parfois, ça peut être la porte à côté.
15:48C'est quelqu'un qui a développé un process où il crée de la valeur avec ses produits qui n'ont pas de valeur aujourd'hui.
15:53C'est-à-dire que je suis industriel, j'ai des déchets qu'on appelle aussi des coproduits.
15:58Je ne savais pas quoi en faire. D'un seul coup, ça devient une nouvelle matière première.
16:01La difficulté aujourd'hui dans cette démarche, tout repose sur la création de filières.
16:06Donc s'il n'y a pas de mutualisation, comme disait François, et fédération des forces, on ne peut pas créer les filières.
16:12Donc l'idée du portail, c'est à la fois de trouver des solutions, mais aussi d'avoir une autre vision sur cette notion de compétition.
16:21Moi, ce que je fais chaque fois dans le portail, c'est qu'une solution est exposée avec un benchmark.
16:26C'est-à-dire qu'on trouve des compagnies qui font à peu près la même chose, mais ce n'est jamais exactement la même chose.
16:31Et c'est ça qui est intéressant.
16:32Et les compétiteurs entre eux, du coup, n'ont plus du tout la même approche et travaillent ensemble pour justement créer ces filières.
16:40Sinon, il n'y a pas de rentabilité.
16:41Oui. Les solutions, on va rentrer dans le détail, ou les innovations que vous, vous proposez, qui sont partagées finalement sur cette plateforme, sur Act4GlobalImpact, il y a quoi ?
16:52On s'est rencontrés lors des Fashion Green Days sur Lyon, où justement on parlait de l'industrie textile.
16:57Et dans l'industrie textile, on a développé différentes solutions.
17:01Une solution qui est d'imprimer sans eau.
17:04Donc c'est révolutionnaire.
17:06On a des machines de plus en plus compactes pour pouvoir les mettre au cœur des villes, histoire que justement on puisse retrouver à la fois le bassin d'emploi, le bassin de vie et la zone de chalandise.
17:16Et on va avoir aussi une solution qui s'inspire du paper lab, qui est une solution pour défibrer, pour refaire du papier.
17:25Économie circulaire.
17:26C'est-à-dire que c'est l'imprimante qui va...
17:30Alors je veux comprendre comment ça fonctionne.
17:32Très simple, dans la logique.
17:33Le recyclage du papier de bureau.
17:34Exactement.
17:35C'est-à-dire que le groupe Seiko Ibsen, il est né autour du lac de Souha.
17:39C'est comme Tonon-les-Bains.
17:40C'est-à-dire qu'il y a entre lac et montagne dans un écrin de verdure.
17:43Et dès la création, il y a plus de 80 ans, les dirigeants, la petite société de fabrication de montres.
17:49Oui, tout par les montres.
17:51Exactement, exactement.
17:52Donc de la précision.
17:53D'accord ?
17:54Et donc a promis à la communauté, au village, de se dire, ben voilà, nous on ne touchera pas au lac.
17:59On va protéger le lac.
18:00Et l'environnement autour, verdoyant.
18:02Donc l'ADN, l'ADN d'Ibsen, c'est la précision et le développement durable.
18:07On fabrique des solutions d'impression.
18:09Papier.
18:10C'est bien, on génère du déchet.
18:11Donc on a développé une machine qui permet de recycler le papier.
18:14On refait du papier sans eau.
18:1620 centilitres, histoire d'humidifier la machine.
18:18Cette solution-là, elle s'est défibrée de la cellulose du papier, donc elle s'est défibrée aussi des fibres textiles naturelles.
18:26Et donc ces fibres-là, cette machine-là, permet de pouvoir utiliser, mais les tonnes, les tonnes de tissus qui sont justement générés par la fast fashion ou d'autres aberrations comme ça,
18:41pour pouvoir refaire de la matière.
18:43C'est redonner de la valeur.
18:44Et globalement, c'est avoir une économie circulaire.
18:47Il faut qu'on baisse notre empreinte.
18:49Donc vous, vous proposez vos innovations.
18:51Est-ce qu'il y a aussi des innovations sur la plate-forme ?
18:56Vous voyez ce que je veux dire.
18:57Mais oui.
18:58Des bonnes pratiques d'autres, peut-être de concurrents ou d'autres dans d'autres secteurs, de laquelle vous allez vous inspirer.
19:03Évidemment.
19:04Nous, le groupe Saïko-Epson travaille en open innovation.
19:07Donc ça veut dire que le but, c'est de travailler et travailler ensemble.
19:10Il faut que les systèmes soient collaboratifs.
19:12On va parler d'impression textile où on va faire attention à la qualité de nos encres.
19:16Mais il faut que l'ensemble, le tissu, d'accord ?
19:19Ou que nous, notre guide, c'est les objectifs de développement durable de l'ONU.
19:26Ça veut dire que globalement, c'est une vision holistique de l'économie.
19:33Donc ça veut dire qu'avoir une solution d'impression durable, mais faite ou confectionnée dans des conditions peu reluisantes, ça choque.
19:42Donc autant pouvoir travailler dans un écosystème qui soit le plus vertueux possible.
19:46Alors justement, Nathalie Pirou-Deslandes, vous aidez aussi vos clients à définir des stratégies RSE d'une certaine façon.
19:53Vous vous appuyez sur ces objectifs de développement durable des Nations Unies ?
19:56Le point de départ, justement, alors quand je disais d'essayer d'embrasser effectivement tous les secteurs, etc. et toutes les thématiques.
20:02Mais le point de départ, ça a été de projeter une toile de fond, une espèce de structure conventionnelle.
20:09Et je n'ai pas trouvé mieux en fait que les ODD.
20:11Et après, l'idée, ça a été justement de rentrer dans l'analyse de ces solutions, mais en les corrélant.
20:16Alors non pas seulement aux 17 ODD, mais aux 169 sous-cibles pour limiter le risque de greenwashing.
20:22Et du coup, on voit très vite aussi dans ces solutions celles qui sont les plus transformatives.
20:29Parce que plus elles sont transformatives, plus elles adressent le maximum d'ODD en fait.
20:33Il y a des solutions qui peuvent aller jusqu'à 10 ODD.
20:35Et ça dépend des entreprises. C'est-à-dire que l'idée, c'est de trouver le levier, l'ODD ou les sous-solutions les plus efficaces par entreprise.
20:43Ça ne sert à rien qu'on se mette tous à courir après tous les lièvres en même temps, c'est ça ?
20:47Non mais exactement. Et puis ça permet, je dirais aussi, de rentrer dans un cercle vertueux, un cycle vertueux.
20:53Où on s'inspire des gens les plus vertueux, comme le préconisait Aristote.
20:57Mais c'est qu'aussi, concrètement, on voit ce que ça représente les ODD.
21:02C'est une mise en œuvre concrète des ODD.
21:04C'est-à-dire que quand on parle effectivement d'économie de ressources, que ce soit de l'économie de la matière ou de l'économie de l'eau,
21:10l'économie de l'eau va adresser l'ODD 6.
21:12Si on va travailler la partie réduction des impacts au niveau terrestre, on va travailler l'ODD 15 avec tout ce qui est agriculture régénérative, etc.
21:20Et tout est interconnecté au niveau des secteurs.
21:22Moi, j'ai aussi des compteurs où en fait, un secteur va pouvoir monter des solutions, mais qui vont peut-être appartenir à l'agriculture, à la chimie verte.
21:32Et là, on rentre vraiment dans la systémie.
21:35Ce n'est plus des discours, en fait.
21:37On peut l'illustrer.
21:39Et pareil, avec l'idée, c'est que la vocation de cet outil, c'est vraiment de s'associer à des outils d'IA.
21:46Et là, on aura vraiment le meilleur de l'IA.
21:48Parce que quand je travaille avec des experts en IA, ils me disent qu'on n'a jamais des données aussi structurées, en fait.
21:53Et là, on peut vraiment avoir l'hybridation de l'analyse humaine assortie d'un sens critique prononcé.
22:00Parce que dans les solutions, on recueille l'avis des détracteurs.
22:05Parce que l'idée, c'est d'avoir du débat, en fait.
22:07Ce ne sont pas des solutions toutes faites.
22:09Ce n'est pas descendant.
22:10C'est totalement transversal.
22:12Et à partir de là, personne n'est pris de haut.
22:16Et ça libère la parole aussi dans les organisations.
22:18Et certains vont découvrir qu'en fait, sur certains savoir-faire, ils peuvent facilement les mettre au service des ODD.
22:25Et en faisant ça, ils rentrent dans cette dimension à laquelle on aspire tous, d'adresser véritablement les enjeux globaux, en fait.
22:34Et tout en créant des produits qui sont utiles et qui servent une communauté, etc.
22:39François Lebas, il y a plusieurs de ces ODD qui sont définis, intégrés à la vision environnementale d'Epson.
22:48On essaie de travailler sur les 17.
22:49Les 17 en même temps ?
22:51Mais il y en a sur lesquels vous êtes plus efficace que les autres.
22:55Vous voyez ce que je veux dire ?
22:56Oui, oui. Dès qu'on va parler, justement, de pouvoir...
23:00Je ne sais pas, par exemple, la taille, le poids des produits.
23:03On cherche à faire des machines de plus en plus compactes.
23:06Parce qu'on est 78 000.
23:11Les deux tiers de mes collègues sont en usine.
23:13D'accord ?
23:14Donc, ça veut dire qu'une bonne partie sont des usines qui sont en Asie du Sud-Est.
23:17Les produits viennent jusqu'à chez nous.
23:19Ça veut dire que plus on fait une machine qui est compacte, plus on met de produits sur une palette, plus on met de produits dans un camion.
23:26Donc, ça veut dire qu'on optimise, on réduit son impact.
23:30Donc, le but, il est vraiment de pouvoir simplifier, réduire,
23:35et puis de pouvoir avoir, en gardant une précision, une qualité sur l'ensemble des produits.
23:43Donc, c'est travailler aussi sur la simplification des solutions.
23:49Il faut que ça soit abordable pour tout le monde.
23:52Décarboner la logistique, c'est...
23:54On vient de lancer, de travailler, on a communiqué là-dessus avec Mersk, qui est un des plus grands pour, justement, du biocarburant.
24:01On travaille directement avec des camions à double pont pour réduire la consommation.
24:06On ne fait plus de transport aérien.
24:08D'accord ?
24:09Plus du tout ?
24:10Voilà. Pour pouvoir, justement, avoir...
24:12L'objectif 2023, il a été tenu, c'était de pouvoir que toutes nos usines, toutes nos installations soient en énergie renouvelable.
24:21L'objectif 2025, c'est de réduire notre émission de gaz et de serre de 34 %.
24:28L'objectif 2050, c'est d'être négatif au niveau du bilan carbone, et puis de ne plus chercher de ressources souterraines.
24:39Eh bien voilà, on va terminer là-dessus.
24:40Fort !
24:41Merci beaucoup. Merci à tous de nous avoir présentés.
24:43Merci.
24:44Act for Global, Impact, et à bientôt sur Be Smart for Change.
24:48On passe tout de suite à notre rubrique Prêt pour l'Impact.
24:57Prêt pour l'Impact, c'est une nouvelle rubrique dans notre émission.
25:01C'est la question que je pose chaque semaine à un ou une CEO, chef d'entreprise, ministre, économiste, personnalité engagée.
25:07Ce succès est sur ce plateau, et je suis très heureux d'accueillir Jérôme Sadier. Bonjour.
25:11Bonjour à vous.
25:12Bienvenue. Vous êtes le président du Crédit Coopératif.
25:15Tiens, on va commencer par une question toute bête. C'est quoi une banque coopérative ?
25:19C'est tout simplement une banque qui appartient entièrement à ses clients.
25:23Ça, c'est d'un point de vue juridique.
25:25Et puis, la plupart du temps, les histoires de nos banques coopératives, puisqu'il y a le Crédit Coopératif, bien sûr, depuis 1893,
25:32mais les banques populaires, les caisses d'épargne, le crédit agricole, le crédit mutuel sont les banques coopératives françaises
25:38et qui, d'ailleurs, pèsent la majorité, de loin, du marché de la banque de détail en France.
25:43Oui. Il est né le Crédit Coopératif, il y a quoi, il y a près de 130 ans, c'est ça ?
25:47Oui, en 1893. Son histoire, c'est qu'à l'époque, en fait, la grande banque de l'époque, dont certaines grandes banques existent encore,
25:54ne finançait que les grandes familles et la révolution industrielle, et pas du tout les besoins des entrepreneurs de terrain, etc.
26:00Le Crédit Coopératif, lui, est né de la demande des coopératives ouvrières qui n'avaient pas accès au crédit,
26:06comme les banques populaires sont nées des petits entrepreneurs ou des commerçants ou des artisans qui n'avaient pas accès au crédit non plus,
26:13les agriculteurs n'avaient pas non plus accès. Donc, chacun a créé ses banques, en fait, pour y parvenir.
26:18C'est quoi le périmètre du Crédit Coopératif, aujourd'hui ?
26:21Le Crédit Coopératif sait tout faire. Il sait faire tous les métiers de la banque, absolument, sans exception.
26:28Il fait évidemment de la banque de détails pour, d'abord, des entreprises et des associations, des mutuelles, des coopératives.
26:37En fait, c'est son terrain de jeu initial. On est d'abord une banque de personnes morales, comme on dit, et puis on est devenu une banque de particuliers.
26:44Progressivement, à partir des années 1990, et de plus en plus aujourd'hui, à vrai dire, on touche un public large,
26:51mais un public qui se retrouve d'abord dans ce que le Crédit Coopératif affirme comme principe d'action.
26:57Prêt pour l'impact ? C'est la question centrale de cet entretien, de ce grand entretien.
27:04Alors, évidemment, quand on est prévenu du Crédit Coopératif, on l'est peut-être un peu plus que dans d'autres banques,
27:11mais ça veut dire quoi, l'engagement pour la transition environnementale ?
27:14Écoutez, nous, on a parfois un débat entre nous sur le terme impact.
27:19Comme il est rentré dans le langage courant et qu'il englobe pas mal de dimensions, on l'a fait nôtre également.
27:25Alors, on préfère qualifier l'impact plutôt que choisir le terme tout seul impact.
27:30On peut rajouter positif derrière.
27:32Il peut être positif, c'est quand même mieux, mais il peut être négatif.
27:34Si vous avez un impact sur votre pare-brise de voiture, je ne suis pas sûr que ce soit positif, mais dont acte.
27:39Parlons d'impact.
27:40Évidemment, le Crédit Coopératif, il a un projet qui émane de ses clients eux-mêmes et de sociétaires
27:46qui ont demandé au fil des années que leur argent ne serve pas à n'importe quoi.
27:51Historiquement, c'était pour servir aux besoins de ses clients exclusivement.
27:55D'ailleurs, on était une banque, comme toutes les banques coopératives au départ, une banque coopérative fermée.
27:59On ne prêtait qu'à ceux qui devenaient sociétaires de la banque et donc qui avaient des dépôts.
28:04Après, nous, nous sommes ouverts parce que la réglementation bancaire nous y a conduit de toute façon,
28:09mais on a décidé de rester fidèles à l'idée que ce sont nos sociétaires qui décident ce qu'on doit faire de l'argent.
28:15Et des sociétaires, de façon de plus en plus nombreuse, nous ont d'abord demandé d'agir dans leurs intérêts directs,
28:21une économie réelle ancrée sur les territoires.
28:24Ensuite, puisqu'on s'est ouvert beaucoup au monde associatif, au secteur sanitaire et social,
28:28le monde du handicap, le monde de la solidarité internationale,
28:31des organisations nous ont demandé de ne pas faire n'importe quoi avec leur argent et donc de l'orienter vers eux principalement.
28:37Et puis, on a eu aussi le tournant de la transition écologique.
28:40Il y a pas mal d'années maintenant, on nous a demandé d'être pionniers dans le financement des énergies vertes, par exemple.
28:47Ça, c'était pour la partie positive et en même temps de réduire nos engagements, à vrai dire on n'en avait pas trop,
28:53sur un certain nombre de secteurs qui, eux, étaient censés avoir un impact négatif, comme on parlait avec Lebo d'aujourd'hui.
28:58Oui, donc ça veut dire qu'il y a des secteurs que vous ne financez pas, très clairement. Lesquels ?
29:01Absolument. On a choisi d'exclure en fait certains secteurs.
29:04Ça fait déjà quand même 30 ou 40 ans qu'on est sur ces sujets-là.
29:07Dans le secteur de l'énergie, on exclut tout financement d'une énergie carbonée.
29:11On était pour le coup assez pionniers. Et aujourd'hui, 100% de nos financements vers le secteur de l'énergie sont tournés vers les renouvelables.
29:19On était pionniers réellement du solaire en France.
29:22Aujourd'hui, tout le monde s'y met, donc on est un peu moins en position majoritaire.
29:27Mais on a été aussi engagés sur la transformation des terres agricoles en terres bio.
29:33On était les premiers à le faire.
29:36Mais on exclut parallèlement à ça les phytosanitaires.
29:39On exclut l'industrie du tabac, le secteur de l'armement aussi.
29:43Même si ça peut être aujourd'hui sujet à débat d'exclure.
29:46Aujourd'hui, tout le débat qu'on a, c'est de ne pas raisonner seulement en termes d'exclusion,
29:52mais aussi de raisonner en termes proactifs.
29:55Dire voilà, sur certains secteurs qui sont vraiment dans la transition, il faut qu'on mette le paquet.
29:59Et pas l'énergie nucléaire ?
30:01Non.
30:02Est-ce que ce n'est pas justement un modèle un peu daté de refuser de financer l'énergie nucléaire ?
30:07Je pense qu'il y a un sujet à débat.
30:09Je ne pense pas que les grands producteurs d'énergie nucléaire aient besoin du crédit coopératif pour financer leurs activités.
30:14Pour être tout à fait honnête.
30:16Ce débat-là sur l'énergie nucléaire, en fait, il a été chez nous mené dans les années 70,
30:21lorsqu'il y avait encore grande confusion d'abord entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire.
30:27C'est la première chose.
30:30Et puis il y avait la grille de lecture idéologique des verts allemands,
30:33qui ont été les premiers, les plus offensifs, et qui s'est imposée un peu partout.
30:36Oui, c'est vrai. Même si, objectivement, ça n'a pas vraiment d'écho en tant que tel dans notre sociétariat.
30:41C'est un truc qui est pragmatique par rapport à ses besoins.
30:44Mais c'est vrai qu'il y avait ce grand débat qui n'a pas vraiment évolué de manière constructive, on va dire, dans notre pays.
30:50Après, moi je suis prêt à ce qu'on ait un débat.
30:53Mais jusqu'à nouvel ordre, l'énergie nucléaire n'est pas non plus une énergie renouvelable.
30:57Le jour où il sera renouvelable, on pourra, je pense, en reparler plus sereinement.
31:01Mais par rapport aux choix stratégiques que nous devons faire en tant que pays, et pas forcément en tant que banque,
31:05c'est ceux qu'il faudra choisir.
31:07L'une des rubriques de cette interview, c'est la question du CEO.
31:12Alors, la semaine dernière, notre invité, c'était Julien Denormandie, l'ancien ministre,
31:17qui est aujourd'hui à la fois dans la start-up Sweep et dans le fonds Impact Raise.
31:21Et voici ce qu'il voulait vous demander. On écoute.
31:25Bonjour Monsieur Sadier, Julien Denormandie.
31:27Je suis très heureux de vous poser une question.
31:29Je sais votre engagement vis-à-vis du groupe coopératif.
31:33Il me semble que le capitalisme est chronophobe.
31:37C'est-à-dire qu'il a peur du temps.
31:39Souvent on dit, le temps c'est de l'argent.
31:41Je pense qu'en fait, la réalité, c'est que pour le capitalisme, toute minute perdue est de l'argent non gagné.
31:47Comment dans le monde coopératif, comment dans ce monde financier que vous appelez de vos voeux,
31:52prenez-vous en compte cette tyrannie des temps, chère par exemple à Macarnay ?
31:57Merci beaucoup.
31:59La tyrannie des temps, toute minute perdue pour le capitalisme est de l'argent non gagné.
32:05Comment vous prenez en compte cette tyrannie des temps ?
32:08Est-ce que vous la ressentez ?
32:10Évidemment qu'une banque coopérative, elle est par définition orientée vers le temps long.
32:15L'essentiel de ce que nous faisons, à vrai dire, n'a pas d'impact immédiat.
32:19Nos financements sont plutôt des financements de long terme, d'ailleurs appuyés sur la ressource de long terme.
32:24Puisque, je vous le dis au passage, nous ne travaillons qu'avec l'argent de nos déposants.
32:28On ne va pas se financer sur les marchés financiers.
32:30Nous ne finançons que ce qui vient de nos sociétaires et de nos clients qui déposent de l'argent chez nous.
32:35Ce qui nous fait, je pense, une forme de vertu, je n'aime pas ce mot-là,
32:40mais en tout cas de garantie par rapport aux crises financières, ça nous protège à vrai dire.
32:43Donc nous, évidemment, on est plutôt orienté vers le temps long.
32:46Après, on a une régulation financière qui n'est pas toujours suffisante
32:52pour limiter les aspects qu'évoquait Julien Denormandie, de prédation,
33:00qui sont aujourd'hui, je ne pense pas qu'ils soient ontologiquement liés au capitalisme en tant que tel,
33:06mais qui aujourd'hui sont devenus une caractéristique du monde capitaliste
33:09qui a besoin de rentabilité immédiate.
33:12Dès lors que d'abord, le capitalisme est devenu moins un outil de financement de l'économie en tant que tel,
33:17mais d'abord un outil de maximisation du profit, aidé par des modèles mathématiques d'une part,
33:22aidé par la technologie d'autre part, qui favorise cette rendabilité à très très court terme.
33:27Et les investisseurs de ce monde capitaliste, dans le domaine financier,
33:31cherchent essentiellement du profit à court terme et donc une maximisation des rendements.
33:36Avec des machines de l'IA qui font qu'on essaie d'aller de plus en plus vite,
33:41de gagner la microseconde.
33:44D'aller plus vite et d'agréger de plus en plus de données par ailleurs
33:47qui sont favorables à la décision dans le monde financier,
33:50ce qui peut accélérer les mouvements de va-et-vient dans les entreprises en termes d'investissement.
33:54Ce qui n'est pas le cas dans le monde coopératif non plus,
33:57parce que nous finançons non seulement une banque coopérative,
33:59nous finançons beaucoup de coopératives qui elles-mêmes ne sont pas soumises aux investisseurs extérieurs,
34:04donc sont protégées par rapport à ça.
34:06Et ce qui pose la question de la compréhension par l'humain lui-même
34:09des mécanismes de prise de décision de machines dopées à l'IA
34:15qui vont de plus en plus vite et qui sont de plus en plus complexes.
34:17Tout à fait, ce qui fait que d'un autre coopératif bancaire,
34:20parce que j'aime dire que nous sommes d'abord une coopérative bancaire, une banque coopérative,
34:23nous essayons de faire l'éducation financière de façon à ce que nos clients comprennent
34:27comment ça marche par ailleurs.
34:29Parce que je pense que dès lors qu'on ne comprend plus les phénomènes,
34:32ça affaiblit notre relation, en l'occurrence à une banque,
34:37mais au-delà de ça, ça affaiblit notre confiance en la démocratie, je pense.
34:40Vous avez publié, je crois que c'est la sixième édition de votre observatoire,
34:44« Du sens de l'argent ».
34:46Déjà, je trouve que le titre est intéressant.
34:48Pourquoi chercher le sens de l'argent ?
34:52Déjà, il y a une première raison.
34:54On s'est dit au Crédit coopératif que ce serait bien qu'en tant que banque,
34:57nous parlions publiquement d'argent.
34:59Figurez-vous qu'il n'y a pas beaucoup de banques qui parlent d'argent dans leur communication.
35:03On est un peu à rebours de ce qu'on a pu faire nous-mêmes pendant des années.
35:07On a parlé beaucoup de valeurs, de principes d'engagement.
35:10On le fait toujours, à vrai dire.
35:11Mais j'observe que la plupart de nos concurrents sont d'abord sur les valeurs
35:14et pas du tout sur l'argent.
35:16Pourquoi ces banques-là, on honte de parler de leur métier principal
35:20et de la raison pour laquelle les clients les choisissent ?
35:23Peut-être parce qu'ils ne sont pas tout à fait fiers de ce qu'ils font de l'argent de leurs clients.
35:27Nous, comme on n'a pas à rougir de ce que nous faisons de l'argent de nos clients,
35:30on va parler d'argent.
35:32C'est vrai qu'aujourd'hui, dans la grande transformation économique et sociale
35:36dans laquelle nous sommes en train de...
35:38On est plongé dedans, on ne se rend pas toujours compte, à vrai dire.
35:41Mais quand on regardera l'histoire dans 20 ou 30 ans,
35:45on se dira que cette période-là a été une période de grande transformation.
35:48Il n'y a pas de raison de ne pas interroger le sens de l'argent
35:51dans cette période de transformation.
35:53Chaque année, nous faisons un observatoire des sens de l'argent
35:56et nous choisissons un angle particulier.
35:58Cette année, c'était sur les jeunes.
36:00Des jeunes qui sont moins pessimistes qu'on pourrait imaginer.
36:0480% des 16-24 ans se déclarent heureux,
36:0771% confiants en l'avenir.
36:10Est-ce que ça vous a surpris ?
36:12Ou est-ce que vous ressentiez ça avec vos jeunes clients
36:17et les projets qu'ils peuvent porter et vous proposer ?
36:20D'abord, première observation,
36:22si les jeunes commencent à être pessimistes, on est mal barrés.
36:24C'est vrai qu'on a une génération qui souffre aujourd'hui
36:27et qui a beaucoup souffert, notamment de la période du Covid.
36:30Il faut y faire très attention.
36:32Mais généralement, à vrai dire, les Français ne sont pas malheureux
36:35dans la sphère privée.
36:37Ils expriment le fait qu'ils ont une vie qui leur paraît plutôt bonne.
36:40Évidemment, on connaît des difficultés économiques,
36:43de logement, d'emploi, relationnel aussi,
36:46une forme de souffrance, de la solitude, la rupture des liens,
36:50parfois une certaine nostalgie.
36:52Mais fondamentalement, les Français ne sont pas malheureux.
36:54C'est ce que disent les enquêtes sérieuses.
36:57Il n'y a pas de surprise par rapport aux jeunes.
37:00Par contre, la grande bascule par rapport aux jeunes,
37:03c'est ce qu'ils expriment dans cet observatoire,
37:05c'est qu'ils sont 77% de mémoire à dire qu'ils veulent
37:08que leur argent serve à quelque chose d'utile.
37:11Utile à eux, ils l'expriment sans fard.
37:14Très bien, c'est logique d'ailleurs.
37:16Ça ne me paraît pas totalement normal.
37:18Mais aussi, en même temps, utile à la société.
37:20Par rapport aux formules qui ont été employées par des sociologues,
37:23ils recherchent à la fois le bonheur privé par l'argent,
37:27soit financer des projets, gagner de l'argent,
37:29ça fait du bien quand même quelque part,
37:31mais aussi bonheur public.
37:33Ils espèrent que l'argent qui est le leur,
37:36au-delà de l'argent public en tant que thème,
37:38l'argent qui est le leur, qu'ils confient à leur banque,
37:40serve au bonheur public également.
37:42Donc, ça veut dire que cet argent doit être employé
37:44à des choses qui sont utiles à la société et à l'environnement.
37:47– Allez, on va ouvrir nos rubriques.
37:49Je vous propose une photo dans ce prêt pour l'impact.
37:53C'est la photo de Benoît Hamon.
37:55Pourquoi Benoît Hamon ?
37:57Vous avez travaillé pour plusieurs ministres,
38:00et notamment entre 2012 et 2014,
38:02chef de cabinet de Benoît Hamon
38:04au ministère de l'Économie sociale et solidaire.
38:06Déjà, c'est la question qui a été posée à Julien Denormandie
38:10la semaine dernière,
38:12en comparant le levier de l'action politique
38:14et le levier, finalement, du secteur économique.
38:17Où est-ce que vous vous sentez le plus efficace ?
38:19Là où vous êtes aujourd'hui,
38:21ou à l'époque, avec Benoît Hamon, en lançant des réformes ?
38:23– Ce n'est pas le même registre, en fait.
38:25Il n'y a pas une comparaison d'efficacité.
38:27Dans l'action publique, on est efficace un certain temps.
38:31C'est souvent borné par le temps.
38:34Parfois, c'est très court.
38:36– Oui, on peut en parler en ce moment.
38:38Il y a des cabinets ministériels qui sont peut-être
38:40en train de faire leur baise.
38:42Moi, c'est court pour faire quelque chose.
38:44L'action politique, peut-être malheureusement à certains égards,
38:48n'a pas le temps devant elle.
38:50C'est bien le problème qu'ont aujourd'hui
38:53ceux qui s'engagent dans la voie politique,
38:55ce qui n'est pas mon cas,
38:57parce qu'il faut rechercher un impact,
38:59puisqu'on est dans une émission à impact,
39:01qui soit aussi court que possible.
39:03Le problème, c'est qu'il ne faut pas confondre ça
39:05avec la communication.
39:06Et ancrer l'action publique dans l'urgence à la fois
39:08et dans le temps long, ce n'est pas simple.
39:10Et on a cette demande contradictoire,
39:12c'est une injonction contradictoire,
39:14que la politique soit efficace tout de suite,
39:16alors qu'on sait très bien qu'elle peut rarement l'être.
39:18Donc, il faut marquer les esprits,
39:20et en même temps, il faut s'inscrire dans le temps long,
39:22ce qui est un peu l'inverse de l'entreprise.
39:24– Et d'ailleurs, ça incite certains politiques
39:26à ne pas se préoccuper des thématiques ou des décisions
39:31qui auront un effet dans 15 ou 20 ans,
39:33vous voyez ce que je veux dire ?
39:35– Oui, mais l'inverse est vrai aussi.
39:37C'est vrai aussi de certains chefs d'entreprise
39:39qui sont sur leur guidon,
39:40qui ne voient pas forcément au-delà de leurs intérêts.
39:42Moi, je pense que l'entreprise doit être aussi politique
39:44au sens de sa conception de sa place dans la cité,
39:47de sa responsabilité sociale, environnementale, bien sûr,
39:50mais aussi territoriale, par exemple.
39:52Je pense que la politique n'a pas de leçons à donner à l'entreprise,
39:55mais l'inverse est vrai aussi.
39:57Par contre, il faut mieux se comprendre.
39:58Je pense qu'on n'est pas sur le même registre,
40:00mais par contre, si on pouvait réconcilier les domaines d'activité
40:03et la façon de comprendre l'intérêt collectif
40:05qu'il y a à avancer ensemble,
40:07je pense qu'en fait, le pays s'en sortirait mieux.
40:09– Devenir ministre, c'est une proposition qui ne se refuse pas ?
40:13– Pour ce qui me concerne, en général ?
40:16– Bah oui, ce qui vous concerne !
40:18– Écoutez, moi je suis très heureux dans ce que je fais aujourd'hui,
40:20très très sincèrement, à vrai dire.
40:22Je pense que, pour répondre à votre question précédente,
40:25ce que j'essaye d'imprimer au Crédit Coopératif,
40:27ça serait effectivement dans le temps long.
40:29L'action ministérielle aujourd'hui,
40:31me semble effectivement parfois un peu trop fugace
40:35pour permettre de s'épanouir.
40:37Après, moi je suis un bon républicain,
40:39attaché à mon pays, attaché à l'intérêt général,
40:42au-delà d'ailleurs des convictions personnelles que je peux avoir.
40:45Je respecte celles des autres
40:47et si la question devait se présenter,
40:49évidemment que ça se réfléchit,
40:51on ne dit pas non par principe à ce genre de choses,
40:53mais qu'en fait, il s'aura pour quoi faire.
40:55– Vous avez alors ministère de l'Économie sociale et solidaire,
40:58ensuite vous avez présidé CES France,
41:00l'organisation qui représente les acteurs,
41:03les actrices de cette économie sociale et solidaire.
41:05Ils continuent de gagner du terrain, ce modèle ?
41:08On se posait la question d'un nouveau capitaliste
41:10qui est en train de se réinventer,
41:12ou en tout cas de se remodeler.
41:14Est-ce que c'est de ce côté-là
41:16qu'il faut chercher les bonnes pratiques,
41:18les exemples à suivre ?
41:20– Moi je pense que l'ESS ne gagne pas suffisamment de terrain.
41:23C'est un regret que j'ai par rapport à la loi
41:25que nous avions fait en sorte de promouvoir en 2014
41:30c'est qu'elle n'a pas été suivie de grandes politiques publiques
41:33qui auraient pu mettre de l'OSS un peu partout.
41:35Je ne pense pas que l'OSS va remplacer
41:37toutes les autres formes d'économie.
41:39Par contre, dans certains secteurs d'activité,
41:41ou pour réfléchir à la façon dont l'entreprise en général
41:45doit évoluer demain en termes de gouvernance,
41:47de représentation de ses parties prenantes,
41:49je pense qu'il y a matière à nourrir un grand débat,
41:51voire des stratégies.
41:53On a eu France 2030 qui n'a laissé aucune place
41:55à l'économie sociale et solidaire.
41:57Ça, je pense que c'est effectivement dommage.
42:00Après, l'OSS, je pense qu'elle a pas mal de points positifs
42:05par rapport au moment que nous sommes en train de vivre.
42:08– Vous la financez beaucoup d'ailleurs
42:10avec le Créé Coopératif, par définition.
42:12– Le Créé Coopératif a été quasiment créé pour ça à l'origine.
42:15Parce que je rappelle que l'économie sociale des Sud-Est,
42:17ça comprend toutes les coopératives,
42:19celles de commerce, de banque, je ne vais pas citer de marque,
42:22donc les commerces, les banques bien évidemment,
42:25mais aussi les scopes, il y a des coopératives d'artisans,
42:28des coopératives dans à peu près tous les domaines de la vie,
42:31dans l'industrie aussi par ailleurs,
42:33mais les associations, les mutuels, les entreprises aujourd'hui
42:36qui se disent engagées et qui choisissent ce modèle-là,
42:39donc on finance au Créé Coopératif à peu près tout ce qui existe
42:42dans l'économie sociale et solidaire.
42:44On a été longtemps, non seulement les premiers,
42:46mais les seuls à la financer.
42:48Aujourd'hui, on est plusieurs et c'est tant mieux à vrai dire.
42:51Le Créé Coopératif garde un temps d'avance évidemment
42:53par rapport à cet environnement
42:55qu'il a contribué à structurer par ailleurs.
42:57– Vous êtes également le président de Bouche Ton Coq.
42:59Bouche Ton Coq, c'est un mouvement citoyen et solidaire
43:02au service de la revitalisation des territoires ruraux.
43:05Si on rentre dans le détail, ça passe par quelles actions ?
43:08– Ah, écoutez, moi mon engagement il est personnel,
43:11pour le coup il n'est pas lié au Créé Coopératif,
43:13mais parce que je suis d'une famille qui est plutôt originaire
43:17de la ruralité à vrai dire.
43:19– De quelle région ?
43:20– De Haute-Savoie historiquement et de petites villes
43:23qui auparavant étaient à la fois rurales,
43:25mais en même temps avaient aussi de la petite industrie
43:27et formaient des ensembles à peu près cohérents de populations
43:30qui rayonnaient dans un territoire.
43:32Tout ceci a été fragilisé, pour parler par euphémisme,
43:36voire même plus gravement atteint par la désindustrialisation d'abord
43:40qui a tué en fait la petite industrie de notre pays
43:43et son étant suivi derrière en fait la disparition des services publics,
43:49les difficultés de transport et puis la vie a changé par ailleurs,
43:54l'agriculture n'est plus aussi pesante qu'elle l'était auparavant,
43:57le monde rural qui n'est pas que l'agriculture par ailleurs,
44:00c'est ces gens qui ont un mode de vie, subis ou choisis,
44:03qui décident de vivre en harmonie avec, si ce n'est la nature,
44:07du moins d'environnement moins minéral que les villes,
44:10ils ont le droit d'y vivre en fait.
44:12– C'est étonnant de dire ça quand même.
44:14– Oui mais ça me semble important de le rappeler en fait,
44:16c'est qu'en fait on n'est pas tous obligés d'aller vivre en ville
44:18pour avoir un emploi, pour avoir accès aux services publics
44:20et aujourd'hui malheureusement,
44:22c'est les deux domaines d'action qu'on a choisis,
44:24ce sont les épiceries, on a créé 200 épiceries associatives,
44:28on aura d'ici la fin de l'année créé 200 épiceries associatives
44:31dans des villages où il n'y avait plus rien
44:33et ces épiceries rendent un service,
44:35mais à vrai dire au-delà du service direct,
44:37elles rendent plein de services indirects,
44:39elles organisent de la mobilité pour les personnes,
44:41ça redevient un lieu de convivialité,
44:43il n'y a même plus un café pour se retrouver,
44:45ça permet des gens, même dans des villages,
44:47de se rencontrer, de se connaître alors qu'ils ne se connaissaient pas
44:49ni se rencontraient auparavant,
44:51le deuxième domaine d'action, c'est l'accès à la médecine,
44:53puisque l'accès à la médecine de campagne,
44:55comme on disait auparavant,
44:57est aujourd'hui dans une situation extrêmement inquiétante,
45:01je ne parle même pas des spécialistes,
45:03là c'est une catastrophe,
45:05et je ne vois pas comment on peut se résigner
45:07à ce que ça soit comme ça sans qu'on fasse rien.
45:09– J'ai reçu pendant le temps des médecins solidaires,
45:13les médecins solidaires, j'imagine que vous connaissez.
45:15– On est co-fondateur de Médecins solidaires.
45:17– Voilà, c'est pour ça que…
45:19– Je suis co-président de Médecins solidaires.
45:21– Alors ça je ne l'avais pas, vous voyez,
45:23petite erreur dans ma préparation à l'émission,
45:25je n'avais pas cette info,
45:27d'ailleurs vous avez participé à ce livre
45:29« Toi des villes et moi des champs »
45:31consacré aux ruralités du XXIe siècle,
45:33publié par la Fondation Jean Jaurès
45:35et les éditions de l'Aube,
45:37et on y a puisé une citation,
45:39voici la citation de ce prêt pour l'impact,
45:41il dit de ceci,
45:43la société rurale, elle est vivante, dynamique,
45:45solidaire, tout en étant percluse d'inégalités
45:49et de mauvais traitements publics.
45:51Je voudrais qu'on se concentre
45:53sur ces mauvais traitements publics.
45:55De quoi il s'agit ?
45:57– D'abord, j'assume totalement cette citation,
45:59elle est de moi effectivement,
46:01la société rurale n'est pas plus
46:03ni moins dynamique que le reste de la société,
46:05en fait nos sociétés bougent de partout,
46:07c'est totalement sous les radars,
46:09malheureusement, les politiques ne le voient quasiment pas,
46:11on ne va pas revenir sur pourquoi,
46:13parce que ce n'est pas l'objet de l'émission,
46:15mais ce n'est pas parce qu'on est dans la ruralité
46:17et qu'il y a des difficultés
46:19que les gens ne se bougent pas,
46:21ils font plein de choses en fait.
46:23D'ailleurs dans l'ESS,
46:2525% des emplois privés sont en zone rurale,
46:27ce n'est pas pour rien,
46:29parce que les gens s'en traitent,
46:31créent des associations,
46:33il y a le rôle des mutuelles qui est important également,
46:35et des coopératives agricoles dans le monde rural,
46:37qui font plein de choses.
46:39Par contre, les services publics se sont retirés.
46:41Et ça c'est gravissime à vrai dire.
46:43Et quand je parle de mauvais traitements publics,
46:45c'est qu'en fait, malgré le fait que
46:47des élus locaux, malgré le fait que
46:49des réseaux associatifs tirent la sonnette
46:51d'alarme en permanence,
46:53je ne peux pas qualifier ça autrement
46:55que des mauvais traitements. Les mauvais traitements c'est intentionnel.
46:57Moi je pense qu'au bout d'un moment,
46:59quand on ne réagit pas, et ça fait des années
47:01qu'il n'y a plus de réaction, voire même
47:03à contrario un repli des services publics,
47:05on ne traite pas les gens comme il faut.
47:07Et c'est pour ça que j'appelle ça,
47:09un peu crûment, des mauvais traitements
47:11publics, parce que les décideurs politiques
47:13ne sont pas à la hauteur de ce qu'il faudrait faire
47:15pour des personnes qui, encore une fois, ont le droit
47:17de vivre dans ces zones-là.
47:19Ils sont propriétaires de leur maison,
47:21de leur logement la plupart du temps,
47:23ils ont envie de vivre comme ça,
47:25ils assument le fait d'être
47:27parfois loin
47:29des centres de vie, d'emploi, etc.
47:31de faire des déplacements un peu longs
47:33qui leur coûtent de l'argent,
47:35pour ça qu'ils ont besoin de voitures,
47:37que les débats sur le carburant
47:39ne sont pas neutres, évidemment.
47:41Ils ont droit d'avoir des loisirs,
47:43ils ont droit d'avoir l'accès à la santé,
47:45ils paient des impôts comme tout le monde.
47:47Donc il y a des décisions à prendre en considération.
47:49Pourquoi elles ne sont pas prises ou plus prises ?
47:51C'est une logique de rentabilité
47:53appliquée à la décision publique
47:55ou aux services publics ?
47:57Ça coûte trop cher de maintenir des services publics
47:59pour des populations moins importantes ?
48:01Il y a un problème public qui a amené à ça,
48:03il y a un problème de raréfaction de la ressource publique,
48:05si ce n'est raréfaction, en tout cas,
48:07à mon sens, de mauvaise orientation
48:09des dépenses publiques.
48:11Il y a un problème de représentation politique aussi,
48:13puisque la plupart des décideurs politiques
48:15ne sont plus issus, ne sont plus élus
48:17dans les zones rurales, alors que ça représente
48:19quand même encore des dizaines de millions de Français.
48:21Je pense que tout ça,
48:23mis bout à bout,
48:25et il y a d'autres phénomènes,
48:27tout ça fait qu'il y a une forme
48:29d'invisibilisation de ce monde rural
48:31qui nous semble aujourd'hui
48:33très problématique.
48:35Il a des conséquences électorales,
48:37il ne faut pas s'en étonner,
48:39et il est en rupture avec notre histoire.
48:41Notre histoire, elle est fondée aussi sur le monde rural.
48:43Est-ce qu'un Emmanuel Macron
48:45qui s'est présenté comme le préant
48:47de la Startup Nation quand il est arrivé
48:49a mis trop de temps
48:51à se retourner, si tant est
48:53qu'il se soit tourné vers le monde rural ?
48:55Je pense qu'il ne s'est jamais tourné vers le monde rural,
48:57hormis l'épisode des cahiers de doléances
48:59du Grand Débat National.
49:01Je ne sais pas s'il a lu
49:03des cahiers de doléances, ça veut dire.
49:05Il a rencontré dans le Grand Débat National
49:07certes un auditoire sélectionné,
49:09mais néanmoins,
49:11je pense qu'il ne peut pas
49:13ne pas avoir touché du doigt
49:15la réalité qui était exprimée.
49:17Il ne faut pas dire qu'il se soit suivi
49:19quelque chose de concret.
49:21Je pense que de toute façon,
49:23le fait d'incarner à sa demande
49:25suivi en cela par la façon
49:27dont les services publics organisent leurs activités,
49:29l'exclusion numérique
49:31est un sujet qui est aujourd'hui majeur dans notre pays
49:33et notamment au monde rural.
49:35Non pas seulement parce que les gens ne sont pas formés aux outils,
49:37mais parce qu'on n'a pas accès au réseau.
49:39Tout simplement. Moi j'habite dans
49:41la Nièvre, où heureusement que la fibre
49:43est arrivée grâce au département il y a deux ans,
49:45mais avant ça je n'avais pas la 4G.
49:47On ne peut pas y travailler. Donc quand on vous demande
49:49de faire des démarches pour pouvoir accéder aux services
49:51publics, alors même que vous n'avez pas de réseau,
49:53c'est problématique.
49:55Je vais vous citer l'anecdote.
49:57Chaque année,
49:59en zone semée rurale,
50:01les McDo
50:03accueillent un pic de connexion
50:05au moment des parcours SUP.
50:07Parce qu'en fait, c'est l'endroit
50:09où on peut se connecter sans trop de problèmes.
50:11Et je pense que c'est quand même un sujet.
50:13Pardon pour l'anecdote.
50:15Ce n'est pas une chaîne de fast-food
50:17de devenir un service public.
50:19On est bien d'accord. Merci beaucoup Jérôme Sadier.
50:21C'était passionnant. Merci d'avoir participé
50:23à ce grand entretien.
50:25Et à bientôt sur BeSmart for Change.
50:27On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.
50:35Smart Ideas avec Marius Amelot.
50:37Bonjour. Bonjour.
50:39Vous êtes le cofondateur de l'entreprise Le Pavé
50:41créée en 2018 avec Jim Pasquet.
50:43Et avec quelle idée ? Racontez-moi.
50:45L'objectif,
50:47il naît à l'école d'architecture.
50:49Je suis architecte de formation
50:51avec un double constat.
50:53Le premier constat, c'est la pollution générée par le secteur du bâtiment.
50:55Et le peu de solutions
50:57en termes de matériaux proposés.
50:59Le bois, le métal, le béton, le verre.
51:01Qu'on soit à Paris, ou à Dakar,
51:03ou à Sao Paulo, c'est toujours les mêmes procédés,
51:05les mêmes matériaux qui sont employés.
51:07Alors même que les ressources et les cultures
51:09sur ces territoires sont totalement différentes.
51:11Et donc la volonté, ça a été de proposer une nouvelle manière
51:13d'aborder la matérialité en architecture
51:15par rapport aux nouveaux enjeux,
51:17notamment environnementaux et sociaux,
51:19pour créer des matériaux qui soient durables.
51:21Donc ça, c'est le premier constat.
51:23Et le second constat qu'on vient mettre en face,
51:25c'est un constat qu'on peut tous faire, pas besoin d'être architecte,
51:27c'est la prolifération des déchets plastiques
51:29partout dans le monde.
51:31Et les problèmes que ça pose d'un point de vue environnemental,
51:33au niveau de la biodiversité,
51:35au niveau de la santé, et au niveau aussi des émissions
51:37de CO2 qui sont générées.
51:39Donc vous avez dit, il faut qu'on récupère ce plastique
51:41pour en faire un matériau de chantier ?
51:43En fait, on s'est dit, d'un côté, il y a un besoin de réinventer
51:45nos matériaux, et de l'autre côté, on engage énormément
51:47à chaque seconde. Et de ces deux problèmes,
51:49la volonté, ça a été de faire une solution.
51:51Et donc on a commencé à itérer,
51:53à développer une technologie brevetée
51:55de thermocompression qui permet de
51:57recycler efficacement ces matières
51:59issues de déchets, pour en faire des panneaux
52:01qui sont utilisés sur l'agencement intérieur,
52:03le second œuvre, la construction,
52:05qui en a énormément besoin, notamment avec
52:07toutes les nouvelles réglementations, la loi AGEC,
52:09l'Aéro 2020, et puis toutes les REP
52:11qui se mettent en place pour essayer de favoriser
52:13le recyclage de toutes ces matières.
52:15Alors vous êtes venu avec certains de ces panneaux,
52:17on peut les voir, alors il faut les montrer
52:19assez haut qu'on les voit bien,
52:21parce qu'il y a plein d'éléments d'information
52:23en bas de notre écran. Donc ça, au départ,
52:25c'était quoi ? Des plastiques ?
52:27Aujourd'hui, on a développé deux matériaux,
52:29après six ans.
52:31On a développé deux matériaux. Le premier, c'est un matériau
52:33qui est fabriqué à partir de bouteilles de shampoing
52:35recyclées. Donc c'est un type de plastique
52:37qui est un type de plastique PEHD. Il est extrêmement intéressant
52:39parce qu'il résiste très bien aux agents chimiques,
52:41il est très souple et donc flexible
52:43et quasiment incassable. C'est avec ce matériau-là
52:45qu'on a réalisé les sièges pour la piscine
52:47olympique. Et on a un deuxième matériau
52:49qui est fabriqué maintenant à partir de portes de frigo
52:51recyclées. Donc ça, c'est un autre type de plastique,
52:53c'est du polystyrène, et qui est
52:55extrêmement intéressant parce qu'il va pouvoir se vernir,
52:57se peindre, contrairement au premier matériau.
52:59Il va être beaucoup plus rigide, et ça, on va en faire un très
53:01bon matériau pour l'agencement intérieur
53:03et le second œuvre, pour des plans
53:05de travail, des bibliothèques
53:07et plein d'autres applications.
53:09Est-ce que les filières existent ? Parce que vous nous dites
53:11des portes de frigo, bon ok, elles finissent
53:13où habituellement et
53:15comment vous les récupérez ? Aujourd'hui,
53:17sur la filière polystyrène, c'est à peu près
53:19un gisement de 100 000 tonnes de matière
53:21issue de déchets, produits chaque
53:23année. Sur ces 100 000 tonnes, le taux de recyclage
53:25est environ à 4%.
53:27Les portes de frigo,
53:29c'est l'un des plastiques qui est le mieux recyclé
53:31sur cette filière. Nous, ça nous a permis de développer
53:33ce premier matériau. Et ce qui est intéressant avec notre
53:35procédé industriel, c'est qu'on peut venir mettre
53:37des matières qui sont encore plus
53:39impures et difficiles à recycler,
53:41notamment les peaux de yaourt. Et là, ça représente
53:4360 000 tonnes sur les 100 000 qui ne sont
53:45pas recyclées aujourd'hui. Et c'est notre volonté
53:47de développer des matériaux durables à partir
53:49de toutes ces matières. Et sur le PEHD,
53:51c'est 600 000 tonnes de matière
53:53qui sont produites chaque année,
53:55donc de déchets. Et sur les 600 000 tonnes, il y en a
53:57uniquement 60 000 qui sont effectivement
53:59recyclées en France. Donc c'est 10%.
54:01Alors, racontez-nous quand même la belle aventure des
54:03JO. Elles sont devenues
54:05des sièges dans la piscine olympique, c'est ça ?
54:07Oui. Alors, en 6 ans, on n'a pas chômé.
54:09On a eu énormément de travail pour développer
54:11toute la partie technique, technologique,
54:13parce que ces matériaux, ils sont beaux, mais c'est avant tout le fruit
54:15d'un investissement en termes de R&D
54:17qui est très fort. On a réalisé plus de
54:192 000 projets, recyclé 1 000 tonnes
54:21de matière, et été
54:23un acteur engagé pour
54:25les JO de Paris, pour lesquels
54:27on a pu réaliser 11 000 sièges
54:29de gradins, et
54:31l'ensemble aussi des matériaux utilisés
54:33pour les podiums. Cette histoire, on l'aime bien
54:35parce que c'est exactement ce qu'on souhaite apporter
54:37à l'échelle nationale et internationale,
54:39c'est de démontrer qu'on peut faire de l'économie
54:41circulaire à l'échelle
54:43industrielle. Et aujourd'hui,
54:45ce qui manque selon nous, et la volonté depuis le départ,
54:47c'était de se dire, il y a une problématique
54:49qui est énorme, celle des déchets plastiques.
54:51Il y a un secteur qui est immense,
54:53qui est celui du secteur du bâtiment. Si on ne propose
54:55pas une solution qui est à l'échelle,
54:57qui est scalable, et qui peut être
54:59un élément de réponse à l'échelle globale,
55:01on va rester dans le greenwashing, et ça va être décevant
55:03pour l'ensemble des utilisateurs. Et là,
55:05avec le projet des Jeux,
55:07on a montré qu'on était en capacité de créer de l'économie
55:09circulaire à l'échelle territoriale.
55:11Sur les 100 tonnes qui ont été recyclées
55:13pour ce projet, ça a été
55:1580% du plastique qui provenait directement
55:17d'Ile-de-France. On s'est associé à des recycleurs
55:19locaux, des centres de tri locaux.
55:21On a reconnecté nos savoir-faire
55:23pour être en capacité de récupérer ces déchets
55:25en Ile-de-France, les transformer à Aubervilliers
55:27dans l'une de nos deux usines, et les employer
55:29sur l'aréna Porte de la Chapelle
55:31pour 8000 sièges, qui sont toujours sur place
55:33parce que c'est un événement temporaire, mais c'est
55:3511000 sièges en tout avec la piscine olympique.
55:37Ils ont vocation à rester 10, 20, 30 ans,
55:39voire plus.
55:40Merci beaucoup, Marius, Amelot,
55:42et bon vent à votre entreprise au pavé.
55:44Voilà, c'est la fin de ce numéro de
55:46Smart Impact. Je vous dis à demain
55:48sur Be Smart For Change.
55:50Salut !