Éric de Riedmatten reçoit un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique…
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00:00Alors que la France redoute de décrocher sur le plan économique et bien
00:03des entreprises françaises se battent au quotidien et sont même devenues des
00:07champions mondiaux dans leur secteur.
00:09On en parle aujourd'hui avec Thuan,
00:11une entreprise née à Saint-Etienne, qui est dirigée par Elisabeth Ducotey,
00:15fabricant de dispositifs médicaux comme les genouillères,
00:18des ceintures abdominales, des minerves cervicales.
00:22Thuan, madame, comment faites-vous pour que ça marche ?
00:25D'abord, il y a beaucoup de volonté, je pense qu'il y a beaucoup de détermination,
00:28beaucoup de volonté.
00:29Il y a aussi peut-être une expérience qui est longue.
00:31Nous, nous sommes une entreprise qui date de 1847 et dans le fond,
00:34toute l'expérience qui a été accumulée et qui s'accumule, je dirais,
00:38de jour en jour, je pense, donne une espèce de bonne assise et donne
00:42aussi des éléments de la pérennité, de la volonté.
00:46Et puis, il y a aussi une autre loi qui est probablement l'investissement.
00:49C'est-à-dire que nous avons été toujours investisseurs,
00:51investisseurs à Saint-Etienne, investisseurs hors de France.
00:54Bien sûr, on a fait des acquisitions nombreuses et cet investissement,
00:56on l'a même fait dans des périodes de contre-cyclique,
00:58c'est-à-dire à un moment où les choses vont mal, on continue,
01:00on essaye de continuer à investir.
01:02Puis peut-être aussi une des qualités, enfin quelque chose qu'on se dit
01:05comme un trait de caractère de chez nous, c'est la frugalité.
01:08Et la frugalité, ça veut dire n'affecter qu'à l'essentiel
01:11ce que nous avons comme ressources.
01:13Vous résistez quand même plutôt bien parce que beaucoup d'entreprises
01:16sont obligées de fermer des usines.
01:17Aujourd'hui, on en parle tous les jours.
01:18Alors effectivement, d'abord, entendre des confrères ou des amis
01:23ou des chefs d'entreprise fermer leur usine, pour moi, c'est un drame.
01:26C'est un véritable drame parce que pour moi, c'est l'équivalent,
01:29si vous voulez, d'une grande coulée de boue naturelle,
01:31enfin naturelle, malheureusement pas naturelle,
01:32parce qu'on aurait dû le prévoir.
01:34Et c'est très, très triste sur le plan de l'emploi.
01:38Et c'est triste parce que ça entraîne d'autres choses.
01:40Et moi, je ne crois pas à un pays dans lequel il n'y a plus d'industrie.
01:43Je n'y crois pas parce que l'industrie, c'est un structurateur,
01:46c'est la colonne vertébrale d'un pays.
01:48Et donc, perdre son industrie, c'est dramatique.
01:50Donc aujourd'hui, vous êtes quand même inquiète de voir la situation ?
01:53On est très inquiet.
01:53On est très inquiet parce qu'il y a des territoires qui se désaffectent,
01:57qui se désertifient et que ces territoires-là,
02:00le jour où il n'y a plus d'emploi, ça devient un véritable drame.
02:04Et puis que s'il n'y a pas d'industrie, il n'y a pas d'innovation.
02:06L'innovation, elle est complètement liée à l'industrie.
02:08Or, s'il n'y a pas d'innovation, forcément, on désintéresse dans le marché
02:12qui, lui, est mondial.
02:13On désintéresse les clients potentiels.
02:15Donc, c'est effectivement un très mauvais cercle vicieux.
02:18Comment êtes-vous parvenu à transmettre cette entreprise
02:21de génération en génération ?
02:22Cinquième génération actuellement, bientôt sixième.
02:25Oui, c'est ça, bientôt sixième dans la mesure où ma fille Delphine Anton,
02:29qui est directeure générale, est aux manettes et aux commandes
02:32et sur toutes les opérations de ce groupe.
02:36Et donc, on a véritablement comme une espèce de mission familiale
02:39que ce bateau poursuive son chemin.
02:40Alors, quand on voit le coup du travail, le coude revient, chez vous, ça passe ?
02:44Non, ça ne passe pas.
02:45Ça ne passe pas.
02:46Il faut être réaliste en matière.
02:48Et il faut savoir qu'une heure de travail expert en Afrique du Nord,
02:52quelque part, c'est de l'ordre de 10 euros de l'heure.
02:55Une heure de travail expert quelque part dans un des pays du centre de l'Europe,
03:00Hongrie, Roumanie, Pologne, c'est de l'ordre de 20 euros.
03:04Une heure de travail à Saint-Etienne, expert, c'est de l'ordre de 40 euros.
03:08C'est-à-dire que c'est quatre fois plus.
03:10Ça veut dire que les prix, eux, ils sont mondiaux.
03:13Et que donc, si nous ne prenons pas conscience avec réalisme
03:17de ces différences qui sont insurmontables,
03:20eh bien, on risque de mettre à mal l'entreprise.
03:23Donc, ça veut dire qu'il faut rééquilibrer les entreprises à tout moment.
03:26Il faut bien sûr maintenir chez nous le cœur bas, le cerveau bas à Saint-Etienne.
03:30Mais nous sommes obligés d'abord de garder, bien sûr, les usines
03:33là où nous les avons trouvées dans les acquisitions que nous avons faites.
03:36Donc, nous avons 15 sites industriels dans le monde.
03:39Mais ça veut dire qu'il faut être réaliste et très précis
03:42dans l'analyse de la valeur que nous pouvons créer, ça ou là.
03:45Si je vous comprends bien, vous produisez plus à l'étranger qu'en France ?
03:48Non, pas plus, mais partiellement dans différents endroits.
03:51Et avec en ça aussi de spécial, c'est que dans la santé,
03:55les produits sont spécifiques au lieu dans lequel nous sommes.
03:58C'est-à-dire que l'Allemagne a des produits qui ne sont pas les mêmes que les Français.
04:01Et c'est une illusion de croire qu'on peut vendre en France plus cher qu'ailleurs.
04:04D'autant qu'en France, dans les pays, dans la spécialité dans laquelle nous sommes,
04:08qui est une spécialité qui est prise en charge dans beaucoup de cas par l'assurance maladie,
04:12les prix viennent de nous être baissés.
04:14À un moment où nous avons vu la pire crise de l'évolution vers le haut
04:19des matières premières, des salaires et des transports.
04:22C'est-à-dire qu'on est juste en train de devenir dans une espèce d'acrobatie permanente.
04:27Oui, c'est-à-dire qu'on va demander aux mutuelles de prendre le relais
04:29et donc c'est elles qui vont supporter le différentiel.
04:32Alors en fait, dans ce que le patient final, parce que chez nous c'est un patient, aura à payer,
04:38il y a une partie effectivement qui est prise en charge par l'assurance maladie,
04:41une partie qui est prise en charge par sa mutuelle.
04:42Dans la grande majorité des cas, les patients ont des mutuelles,
04:46mais c'est effectivement, il y a un report de prise en charge.
04:48Donc ça, ça veut dire que ça va rapporter moins à l'entreprise.
04:51Vous êtes quand même assez dépendant du système de santé.
04:53Totalement, dans la mesure où nous sommes dans cette réglementation très précise
05:00qui consiste à apporter des preuves cliniques de ce que nous faisons
05:04et puis ensuite d'avoir des prix qui nous sont imposés par les instances qui sont dédiées à ça.
05:08Donc ça veut dire qu'il n'y a pas de grosse marge, on ne gagne pas beaucoup sa vie dans ce métier.
05:11C'est-à-dire qu'on est obligé d'avoir des prix de revient qui sont mondiaux,
05:16qui sont conformes à ce qui se fait dans le monde.
05:18On ne peut pas être en marge supérieure,
05:19on ne peut pas s'offrir des prix de revient qui sont plus élevés,
05:22parce que ça nous mettrait hors jeu.
05:23Or, l'essentiel d'une entreprise comme la nôtre, c'est de rester dans le jeu.
05:26Vous parlez d'innovation, l'exosquelette aussi, c'est le fruit de vos recherches.
05:29Si un jour on pourra marcher pour une personne à mobilité.
05:32Ce n'est pas de l'avenir, c'est du présent.
05:35Nous allons commencer la commercialisation d'un genou motorisé,
05:40c'est-à-dire d'un exosquelette au niveau du genou, pour des enfants,
05:43c'est-à-dire des enfants qui sont atteints d'une pathologie extrêmement grave et handicapante.
05:47Nous allons commencer ça en début de l'année 2025.
05:52Merci beaucoup Madame Ducotet d'être venue sur CNews pour nous parler de Thuan,
05:57une belle entreprise française qui réussit et qui reste en France malgré les difficultés actuelles.
06:02Merci, restez avec nous sur CNews.