Éric de Riedmatten reçoit un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique…
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00:00 Tenez, on va tenter de répondre à une question.
00:02 Faut-il transformer les bureaux en logements d'habitation ?
00:05 Je pose la question à Fabrice Allouche, qui est président de CBRE,
00:11 l'un des plus gros acteurs de l'immobilier en France.
00:13 Alors, transformer des actifs obsolètes,
00:16 c'est ce que vous dites sur votre site Internet, je n'ai pas compris.
00:19 C'est que chaque année, on placait environ 2,3 millions de mètres carrés de bureaux
00:22 en location en Ile-de-France.
00:24 Depuis le Covid, c'est 400 000 mètres carrés de moins,
00:27 ce qui veut dire que vous le démultipliez.
00:29 Et bien donc, on a besoin de moins de mètres carrés de bureaux.
00:31 Et d'où la question ? Alors, qu'est-ce qui devienne tous ces bureaux vides ?
00:33 Alors, c'est la grande question du moment.
00:35 Tout le monde se précipite là-dessus.
00:36 D'abord, je suis toujours un petit peu surpris parce que j'ai un petit peu d'expérience.
00:38 Ce n'est pas un phénomène nouveau également,
00:40 puisqu'on en parlait dans les années 90.
00:41 Je peux dire que la ville de Paris, à l'époque,
00:43 a des centaines, des milliers d'hectares de bureaux.
00:45 On a transformé ça déjà en logement.
00:47 Donc, c'est un phénomène qui préexistait.
00:50 Et effectivement, face à la crise du logement,
00:51 tout le monde s'est versé sur ce sujet en disant,
00:53 "Bah, prenons les bureaux, transformons-les."
00:55 Si c'était aussi simple, je pense qu'on l'aurait déjà fait.
00:57 Alors, il y a déjà des cas d'espèce.
00:59 Il y a beaucoup d'immeubles de bureaux, Courbevoie, par exemple.
01:01 Il y a un immeuble, le siège de Servier a été transformé.
01:03 Mais il faut faire extrêmement attention,
01:05 puisque c'est des millions de mètres carrés.
01:07 J'ai fait un petit chiffrage rapide, d'ailleurs.
01:09 On a 55 millions de parcs.
01:11 Le parc, c'est 55 millions.
01:13 Et je pense qu'à un horizon de 5 à 10 ans,
01:14 on aura 5 à 10 millions de mètres carrés de bureaux de trop.
01:17 C'est donc très conséquent.
01:18 En revanche, on ne peut pas le faire n'importe où, n'importe comment.
01:21 On ne peut pas le faire sur n'importe quel bâtiment.
01:22 Si vous prenez un immeuble de logement,
01:24 c'est 12 à 14 mètres de profondeur.
01:25 - Vous pouvez justement en parler, parce que j'aimerais bien avoir votre avis
01:26 sur les tours que l'on voit là.
01:28 Est-ce qu'on peut imaginer qu'une tour soit transformée en bureau ?
01:31 Enfin, qu'elle était des bureaux, devienne des logements.
01:33 - C'est déjà le cas, d'ailleurs.
01:34 - C'est vrai, à la défense.
01:35 - On pourrait le faire, bien évidemment.
01:37 Le tout est un problème d'équation économique.
01:38 C'est qui détient l'actif ? Quel est son état ?
01:40 Quel investissement il faut faire ?
01:42 Est-ce qu'on peut trouver d'autres scénarios pour tenir l'immeuble à bout de bras ou pas ?
01:45 - Et ça coûte cher d'ailleurs de rénover et d'après de transformer ?
01:47 - Alors, on ne peut pas répondre.
01:49 La réponse est oui, forcément.
01:50 Mais ça dépend complètement de l'endroit où vous êtes.
01:52 Plus vous vous éloignez de Paris, mieux vaut détruire, reconstruire,
01:55 puisque la valeur baisse.
01:56 Et donc, par rapport à la valeur du foncier, vaut mieux détruire, reconstruire.
01:59 Plus vous êtes central, parisien ou la défense, par exemple, comme vous mentionnez,
02:03 mieux vaut garder l'actif, parce que ça coûte trop cher à détruire.
02:05 Il faut reconstruire.
02:06 Et la tour, si vous prenez une tour, grossièrement,
02:08 alors ça dépend du PLU, de la sécurité, de tous les éléments techniques,
02:11 il faut compter 3 à 4 000 euros d'un mètre carré de travaux
02:14 auxquels, bien évidemment, il faut ajouter tous les portages et les frais de transport.
02:18 - Vous, CBRE, qui rappelons-le, êtes un gros acteur,
02:20 un gros acteur international sur le bureau,
02:23 qui prend en charge tout ça ?
02:25 Parce que vous êtes le gestionnaire, donc il faut travailler avec...
02:28 - Déjà, ce n'est pas moi, ce n'est pas nous, ce n'est pas CBRE, nous, on est conseil.
02:31 Et donc, en fait, chaque cas est spécifique.
02:32 C'est qu'on se tourne vers, pour voir dans quelle situation il se trouve.
02:36 Et alors, pour être très violent, il y a aujourd'hui des immeubles
02:38 qui sont en valeur négative.
02:40 Je donne un petit exemple.
02:41 J'ai rencontré un investisseur il n'y a pas très longtemps.
02:43 Je lui expliquais, vous avez des charges de gardiennage,
02:45 vous avez des charges de redevance, vous avez des charges de sécurité.
02:48 Et bien, tout ça, c'est de valeur négative et vous n'aurez pas de revenus en face.
02:50 - Est-ce que ce n'est pas ça la solution pour le logement ?
02:52 Enfin, parce qu'on manque de logement en France.
02:54 Et rappelons aussi qu'à Paris, beaucoup d'immeubles haussmanniens,
02:57 ces immeubles chics, étaient devenus des bureaux.
02:59 Après tout, si on les remet dans des logements, ce n'est pas plus mal, non ?
03:01 - Ça serait une certaine forme de logique, mais si c'était aussi simple,
03:04 ça serait déjà fait.
03:06 En revanche, je considère qu'aujourd'hui, dans le marché parisien,
03:10 on a déjà fait cet inventaire.
03:12 Et si vous regardez et analysez avec attention, tout ce qui a été fait,
03:15 c'est essentiellement des bâtiments publics qui sont transformés en logements.
03:18 L'armée, c'est beaucoup de militaires d'ailleurs.
03:20 Et donc, ce qui n'est peu le cas dans le domaine privé.
03:22 Pourquoi ? Parce qu'en fait, la demande de bureaux est très centralisée.
03:25 Il y a beaucoup de centralité.
03:26 Et donc, en fait, aujourd'hui, on a peu de bureaux dans Paris.
03:29 Donc, on va plutôt vers une forme de gentrification du tertiaire parisien,
03:32 alors qu'à l'extérieur de Paris, en première et deuxième couronne,
03:34 vous aurez la matière première à transformer.
03:36 - Alors, c'est étonnant ce que vous dites.
03:37 On croyait au contraire que Paris était une ville de bureaux et plutôt morte
03:40 le soir, à part les quartiers touristiques.
03:42 Mais on avait l'impression qu'il n'y avait que des bureaux partout.
03:44 Enfin, quand on se balade boulevard Haussmann...
03:46 - Franchement, je suis parisien. Je vis à Paris.
03:49 - Donc, ça a changé en 10-15 ans, alors ?
03:50 - Je ne sais pas si ça a changé, parce que je n'ai jamais vu ma ville changer.
03:53 Pardonnez-moi de prendre le contrefait.
03:54 - Mais pourtant, on manque de logements à Paris.
03:55 Alors, je ne comprends plus.
03:56 La Lidl gaudit quand on n'arrive plus à se loger.
03:57 - On manque de logements à Paris.
03:58 Ça, c'est un jugement.
03:59 Mais moi, je considère qu'il y a ce qu'il faut à Paris.
04:01 Simplement, c'est une volonté de verser davantage la vie sociale
04:04 et l'intermédiaire, plus que le logement lui-même,
04:06 puisque Paris a perdu 200 ou 250 000 habitants en peu de temps.
04:09 - Bien sûr. Alors, qui va payer au final ?
04:11 Parce qu'il faudra quand même accepter de sortir l'argent.
04:14 - Donc là, c'est un peu compliqué comme sujet pour être assez prudent dans ces propos.
04:18 Mais si vous prenez, par exemple, le PLU Bioclimatique de Paris,
04:21 alors là, moi, je trouve que ce qui est en train de se passer sur Paris
04:24 est assez drastique et violent.
04:25 C'est-à-dire qu'en fait, on va imposer à des investisseurs,
04:28 lors d'un dépôt de permis de construire,
04:30 de reconvertir leur bâtiment partiellement ou en totalisant le logement.
04:33 Une obligation.
04:34 Ça veut dire qu'il y a une perte de valeur colossale qui va être faite sur ces actifs.
04:37 Donc, on attaque une forme de grand capital,
04:39 alors que ce n'est pas du grand capital.
04:40 Derrière, c'est beaucoup de petits porteurs.
04:42 - Vous voulez dire qu'on arrive vers une crise du bureau,
04:44 comme il y a la crise pour le privé de logement ?
04:46 - Complètement. Alors, il y a une double crise.
04:48 Il y a la première crise, c'est qu'on a trop de mètres carrés de bureau.
04:50 On vient de l'exprimer assez longuement.
04:51 Et la deuxième, c'est qu'aujourd'hui, le marché de l'investissement,
04:53 s'est totalement bloqué depuis mi-2022 avec la hausse des taux, tout simplement.
04:57 Tout le monde attend que la BCE bouge ses taux.
04:58 J'étais à la Banque de France la semaine dernière,
05:00 où on annonce entre 75 et 100 points de base d'ici la fin de l'année.
05:04 Tout le monde l'espère.
05:05 - Ça, ce serait bien.
05:05 - Par une graduation de l'ordre de 25 bips.
05:07 - J'aimerais une dernière question.
05:08 Les galeries commerciales, on commence à dire qu'il y en a de trop.
05:10 Il faudrait aussi les reconvertir ?
05:12 - Alors, les galeries commerciales, c'est un autre sujet.
05:13 C'est un concept.
05:14 On rentre dans la notion de concept.
05:15 On n'est plus tout au long de la transformation ou de crise.
05:17 Aujourd'hui, la galerie commerciale, effectivement, n'attire plus.
05:19 - C'est fou.
05:20 - Donc, elles sont généralement, la plupart du temps,
05:22 parce que pas tout, bien évidemment, adossées à des hyper qui font le flux.
05:25 D'accord ? Il faut du flux pour faire tourner les galeries.
05:27 Et aujourd'hui, les hyper et le flux, ça ne fonctionne plus.
05:29 Donc, en fait, il n'y a plus d'attirance.
05:31 Donc, il y a deux solutions relativement simples.
05:33 L'alternative, une, c'est je retrouve des activités, du loisir, de l'animation
05:37 et je recrée une vie de manière à recréer du flux,
05:39 redonner de l'énergie à l'ensemble du bâtiment.
05:41 Ou alors, ça ne fonctionne pas.
05:43 Et à ce moment-là, on regarde quel peut être l'avenir.
05:45 Et ça peut aller jusqu'à la destruction.
05:46 - Ah oui, ou alors qu'on soit des maisons autour, sur les parkings, par exemple.
05:49 - Ça dépend où vous êtes, après.
05:50 Alors, il ne faut pas aller prendre un centre commercial.
05:51 Mais de toute façon, quand vous voyez les grands, les Auchan, les Carrefour, etc.,
05:54 qui ont des propriétés, qui ont des foncières sur lesquelles travaillent des gens depuis très longtemps.
05:58 - Mais elles se sont lancées sur ce sujet depuis très longtemps.
06:00 - Ah, c'est incroyable.
06:01 Et avec les panneaux solaires sur le toit.
06:02 - Exactement.
06:03 - Donc, on est vraiment vers une nouvelle ville et une nouvelle vie, en fin de compte.
06:05 C'est un peu ça.
06:06 - On peut dire ça, voilà.
06:07 - Merci beaucoup d'être venu nous voir, Fabrice Allouche.
06:09 Restez sur CNews.
06:10 - Merci.
06:11 [Musique]
06:14 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]