Jacques de Larosière (ex-gouverneur de la Banque de France) : L'Hebdo de l'Éco (Émission du 21/09/2024)

  • il y a 3 heures
Éric de Riedmatten reçoit un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique…

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Transcript
00:00Avec nous une personnalité exceptionnelle, c'est Jacques Delarossière, l'ancien gouverneur de la Banque de France, ancien directeur général du FMI.
00:08Vous avez dirigé le Trésor public, M. Delarossière. Merci. Vous avez écrit ce livre « Le déclin français est-il réversible ? ».
00:16Ça veut dire est-ce qu'on peut encore sauver la France aujourd'hui ?
00:20– Alors la réponse que je donne est plutôt oui. Il faut tout de même beaucoup de conditions pour y arriver.
00:27Il faut avoir une classe politique, d'abord, qui ne nie pas le problème de notre déclin.
00:33Et ce que je réprouve aujourd'hui dans l'exercice de la politique, c'est cet exercice où on vous berce de bonnes paroles en vous disant « tout va bien »,
00:47« oui, il faut emprunter, mais c'est pas grave ». Et en fait, c'est grave. Et c'est ce que j'essaye de démontrer dans ce livre.
00:54Alors je suis à votre disposition pour en parler.
00:58– Mais est-ce que le ministre de l'économie précédent, Bruno Le Maire, est le seul responsable de tout cela ?
01:04– Non, on n'est jamais le seul responsable, mais évidemment, en tant que ministre des Finances, il avait une responsabilité particulière.
01:13Et ce que je conteste, c'est que dans un gouvernement qui est un gouvernement avec des personnalités diverses,
01:22il faut que celui qui a une mission donnée, et la mission des Finances, c'est l'équilibre, travaille dans le sens de sa mission.
01:32Pas travailler pour le président de la République, travailler pour la mission qui est la sienne.
01:38Et ce que je trouve regrettable dans le système actuel, c'est que les hommes politiques n'ont pas de mission.
01:45Notre dette publique représente maintenant 112% de notre produit intérieur brut.
01:53L'étiage moyen que nous respections jusqu'au début des années 2000, c'était 50 ou 60%. Les Allemands sont à 62%.
02:07Nous, nous sommes maintenant à 110%. C'est-à-dire que nous avons doublé l'étiage normal.
02:15Et évidemment, c'est très grave, parce que quand les taux d'intérêt augmentent, ce qui est le cas depuis 2021,
02:24le coût de cette dette augmente aussi, parce que l'assiette de la dette est beaucoup plus large.
02:30Et donc aujourd'hui, alors qu'on avait des coûts de service de la dette relativement modérés à l'époque des taux bas,
02:39maintenant, ça nous coûte une quarantaine de milliards par an, c'est-à-dire l'équivalent du budget de la Défense nationale.
02:46Donc c'est pas une petite chose. – Mais que faut-il faire alors ?
02:48Que feriez-vous si vous étiez aux commandes ?
02:51– Il faut faire ce que tout le monde fait, sauf l'État, c'est-à-dire qu'il faut baisser le niveau de la dépense publique.
02:59Le problème budgétaire français, c'est un problème de dépense publique.
03:04– 60% ?
03:05– Nos dépenses publiques atteignent 60% du PIB.
03:10La moyenne européenne est à 50%.
03:1310%, c'est la différence entre la vie et la mort, entre la compétitivité et la non-compétitivité.
03:21Malheureusement, nous avons versé dans la non-compétitivité,
03:25et les signes de notre déclin sont très inquiétants.
03:30On a perdu le tiers de notre industrie manufacturière en l'espace de 20 ans, c'est quelque chose d'inouï.
03:38On est maintenant complètement dépendant de nos importations, notre balance des paiements est en déficit permanent.
03:45Notre éducation nationale ne va pas, et les finances publiques sont hors de contrôle.
03:51Alors, il ne faut pas nier le déclin, il faut l'admettre, ce n'est pas amusant,
03:58mais il faut l'admettre, et il faut lutter contre ça.
04:02– Je comprends bien, mais est-ce qu'il faut réduire les dépenses sociales,
04:05par exemple, taillées dans toutes les dépenses ?
04:07– Non, ce n'est pas ce que je préconise,
04:10parce que les dépenses sociales sont une partie de l'acquis politique de la France,
04:17mais vous pouvez vous concentrer sur la partie du budget, à peu près la moitié, qui n'est pas sociale,
04:24et regarder de très près chaque budget ministériel,
04:29et dans chaque budget ministériel, chaque chapitre, chaque ligne.
04:34Et vous devez vous poser la question que se posent les Scandinaves quand ils font cet exercice annuel,
04:40c'est-à-dire, si le pays commençait demain, est-ce qu'on ferait ça ?
04:46Et la réponse que les Scandinaves donnent à cette question, c'est en général, non, on ne le ferait pas comme ça.
04:52– On est trop gagné aujourd'hui.
04:53– On le ferait à l'économie.
04:55Alors ce que je demande, moi, c'est qu'on fasse cet exercice,
04:59et qu'on réduise les dépenses qui sont les moins utiles.
05:03Alors, il y en a pour 200 milliards, comment est-ce que je calcule ces 200 milliards ?
05:09Je voudrais que la France soit compétitive du point de vue budgétaire,
05:14parce que si elle n'est pas compétitive du point de vue budgétaire,
05:17elle est obligée d'avoir des impôts supplémentaires,
05:19et elle est obligée de réduire la compétitivité des entreprises.
05:24Et donc, il faut qu'on arrive à ramener le budget,
05:30au lieu que la dépense publique soit à 60%, il faut qu'elle soit à 50%.
05:36Ça fait 10% du PIB de réduction.
05:39Si vous faites les chiffres, c'est 200 milliards.
05:42Et si vous voulez que notre pays soit compétitif du point de vue budgétaire,
05:49ce qui entraîne tout le reste, il faut faire cet effort.
05:53Un ménage qui a du mal à la fin de mois, qu'est-ce qu'il fait ?
05:57Il réduit ses dépenses, il dit je vais aller moins au restaurant,
06:00me couper sur les voyages, etc.
06:02Mais il ne dit pas qu'il va augmenter son salaire parce qu'il n'en est pas le maître.
06:08La dépense, on en est maître.
06:11Et ce que je dis, c'est que le seul agent économique en France
06:16qui ne fait pas ce que vous et moi, les ménages dans la rue font,
06:20c'est-à-dire regarder les dépenses, le seul qui ne le fait pas, c'est l'État.
06:25Et il continue à dépenser au-delà de sa capacité de recevoir des impôts.
06:31C'est tragique.
06:32– Jacques Delarossière, j'ai une dernière question.
06:34Vous qui avez dirigé le FMI,
06:37est-ce qu'aujourd'hui la France pourrait être mise sous tutelle
06:40et quelles seraient les conséquences ?
06:41– C'est-à-dire que si notre trajectoire de déclin continue,
06:47on peut faire 200 milliards d'économies de dépenses sur 10 ans,
06:52ça fait 20 par an.
06:5420 par an, c'est moins d'1% du PIB par an, c'est faisable.
06:58J'en ai vu des programmes de redressement qui étaient plutôt autour de 2% par an.
07:03Donc c'est jouable, mais il faut qu'on le veuille.
07:09– Bien compris, merci beaucoup Jacques Delarossière,
07:11ancien gouverneur de la Banque de France.
07:13Merci d'être venu sur le plateau de CNews.
07:15– Merci beaucoup.
07:16– Restez avec nous sur CNews.
07:17– Merci beaucoup.

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