Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 25 novembre 2024.
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00:00RTLmatin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud. Ce matin, vous avez choisi, Amandine, de braquer les projecteurs sur cette indispensable journée de lutte contre les violences faites aux femmes.
00:13Alors, vous avez choisi de recevoir la députée macroniste des Yvelines, Aurore Berger, venue avec une proposition très concrète. Bonjour et bienvenue à vous.
00:20Bonjour. Bonjour Aurore Berger. Je précise que vous avez été ministre de l'égalité hommes-femmes.
00:25Vous proposez donc d'inscrire dans la loi l'imprescriptibilité civile des viols commis sur les mineurs. En clair, d'en finir avec la prescription. Concrètement, qu'est-ce que ça changerait ?
00:35Concrètement, ça veut dire qu'une victime de violences sexuelles, une victime de crimes sexuels, quand ça a été commis sur elle quand elle était mineure, ne pourra plus jamais entendre dire « c'est trop tard ».
00:46Parce qu'aujourd'hui, c'est ça, c'est le couperet qui tombe sur beaucoup de victimes. Les victimes, elles parlent quand elles peuvent parler, quand elles ont décidé de le faire, quand elles ont la capacité à le faire.
00:56Et le fait d'entendre dire « c'est trop tard », donc qu'il n'y aura pas d'accès possible à la justice, est un couperet d'une violence inouïe.
01:03Alors que les victimes elles-mêmes vous disent souvent « nous, on est condamnés déjà à perpétuité par le simple fait d'avoir été victime de violences sexuelles ».
01:10L'imprescriptibilité civile, pourquoi pas l'imprescriptibilité tout court ?
01:15C'est hyper technique, mais...
01:17Ça peut paraître technique, mais c'est vrai que c'est un débat juridique, mais pas que juridique, évidemment.
01:22Ce que demandent les victimes, que moi j'ai pu rencontrer, c'est encore une fois la possibilité d'avoir accès à la justice et l'espoir peut-être d'une réparation.
01:30Elles ne disent pas d'ailleurs « je veux la garantie que cette réparation existe, je veux la garantie d'une condamnation parce que personne ne pourrait la donner ».
01:37« Je veux au moins qu'un accès à la justice puisse exister ».
01:41Et l'accès à la justice en matière civile, c'est bien le cas.
01:44Et la possibilité même d'une réparation, normalement c'est ce que permet justement le procès au civil.
01:50Procès pénal, c'est différent, c'est la société elle qui demande la condamnation d'un accusé.
01:55C'est donc deux choses qui sont différentes et je crois que ce qui est important, au-delà du débat juridique,
02:00c'est de garantir que toutes les victimes mineures puissent un jour, si elles le souhaitent, si elles s'en sont capables,
02:07parce que c'est leur volonté qui doit être respectée, avoir accès à la justice.
02:11Mais on pourrait se dire qu'un viol sur mineurs est un crime suffisamment grave pour qu'il soit jugé même 30, 40 ou 50 ans après l'effet.
02:19Ce sera bien le cas. Il y aura cet accès si cette loi est adoptée.
02:22On est déjà à une centaine de co-signataires sur cette proposition de loi que je dépose aujourd'hui.
02:27J'espère que ce sera bien plus large demain évidemment à l'Assemblée nationale, pourquoi pas à l'unanimité, je le souhaite en tout cas.
02:33Mais donc il y aura cet accès à la justice qui pourra exister encore une fois.
02:37La violence aujourd'hui de s'entendre dire quand on a été victime d'inceste,
02:40quand on a été victime de violences sexuelles, d'un viol alors qu'on était mineurs,
02:44en fait c'est trop tard, vous n'aviez qu'à vous signaler plus tôt,
02:48est une violence supplémentaire qu'on impose à des victimes et je crois qu'il est temps d'y mettre un terme.
02:53Ça c'est pour les personnes mineures au moment des faits.
02:56Pour les victimes majeures, est-ce qu'il y a besoin de changer les règles ?
02:59Oui, pour les victimes majeures c'est un autre mécanisme qu'on propose,
03:02ça s'appelle la prescription glissante. Pourquoi ?
03:04Parce que malheureusement celui qui a commis un crime sexuel, souvent récidive.
03:10Et donc l'idée c'est que la prescription parte de la dernière infraction qu'il aura commise.
03:16Vous voyez bien que dans la plupart aujourd'hui des affaires que l'on commente,
03:20des affaires qui sont traduites en justice, il n'y a pas eu une seule fois un crime qui a été perpétré.
03:27Il y a eu souvent plusieurs crimes de la même personne,
03:29ce qui pose beaucoup de questions d'ailleurs sur la condamnation,
03:32sur le respect de cette condamnation, sur la capacité à revenir dans la société,
03:37sur les enjeux de santé publique évidemment.
03:39Mais là la prescription glissante garantira pour les victimes majeures
03:43que cet accès à la justice puisse se poursuivre.
03:45Vous évoquez à l'instant, Aurore Berger, les affaires médiatiques.
03:48Il y a ce procès des viols de Mazan avec les réquisitions qui débutent aujourd'hui.
03:52On a tous bien sûr été bouleversés par cette affaire, par Gisèle Pellicot,
03:56cette femme qui a été droguée pendant des années et des années par son mari
03:59qui la faisait violer par des inconnus.
04:02Est-ce que c'est l'échec de toute notre politique, de notre société,
04:06j'allais dire, sur toutes ces questions-là depuis des années ce procès ?
04:09C'est un échec collectif, ça c'est une certitude.
04:11Parce qu'en fait Mazan ça contient en interne de ce procès
04:15la plupart de ce qu'on dénonce en fait sur la question des violences sexuelles.
04:19Déjà je pense que la violence sexuelle c'est quelque chose qui est tellement insoutenable
04:23pour nous en tant qu'être humain, pour nous en tant que parents, en tant que conjoints
04:27qu'on essaie de le mettre le plus à distance possible en se disant
04:30cette chose horrible à moi ne m'arrivera jamais ou elle ne peut pas arriver dans mon entourage immédiat.
04:35Sauf que la vérité sur les violences sexuelles c'est que malheureusement ça peut nous arriver.
04:40On connaît tous quelqu'un dans notre entourage sans le savoir peut-être à qui c'est arrivé.
04:45Statistiquement on connaît tous quelqu'un à qui c'est arrivé
04:47mais la statistique est encore plus terrible, c'est que si on connaît quelqu'un qui a été victime
04:51c'est qu'on connaît sans doute aussi dans nos entourages professionnels, familiaux, sociaux
04:56des gens qui ont commis ces violences.
04:58Et ça c'est tellement insupportable à entendre et même insupportable à dire ce matin à un micro
05:02qu'on veut en permanence le tenir à distance.
05:04Il ne faut plus qu'on le tienne à distance.
05:06Ça ne veut pas dire qu'on va dire que chaque homme est quelqu'un qui serait violent par puissance
05:11violent par principe, évidemment que non.
05:13Moi je ne tiens pas du tout ce discours-là.
05:15Je pense qu'il faut au contraire embarquer toute la société dans un combat
05:18qui est le combat sur l'éradication de ces violences-là.
05:20Ça commence dès le plus jeune âge.
05:22Ça commence par l'éducation.
05:24Regardez tous les débats sans fin qu'on a sur l'éducation à la vie affective, à l'école
05:29alors qu'en fait c'est déjà ça, c'est apprendre le respect du corps, de l'intégrité du corps
05:33le fait qu'on n'a pas le droit de toucher évidemment à un enfant.
05:36C'est la question du porno.
05:38Désolée d'aborder ce sujet-là.
05:40Mais aujourd'hui, là encore, on se dit que nos enfants ne peuvent pas être concernés.
05:43Mais il y a aussi statistiquement...
05:44Mais pardon, Aurore Berger, j'ai l'impression...
05:46J'ai l'impression qu'on entend ça depuis des années et des années.
05:49Il y a eu plein de mesures annoncées.
05:51Vous en avez annoncé.
05:52Les précédentes ministres l'ont fait aussi.
05:57Michel Barnier va annoncer encore aujourd'hui une série de mesures.
05:59Alors ça tombe toujours à cette date-là.
06:01Alors c'est mieux que rien, vous allez me dire.
06:04Mais donc permettre à chacune de pouvoir porter plainte dans tous les hôpitaux de France.
06:08Et certes c'est une vraie avancée.
06:10Parce que oui, une victime n'a pas forcément envie d'aller au commissariat 24h, 48h après un viol
06:16ou une agression et de répéter et de répéter.
06:18On est d'accord.
06:19Mais pourtant le problème, lui, il est toujours là.
06:21122 femmes victimes de féminicides depuis le début de l'année.
06:24C'est le chiffre du collectif Nous Toutes.
06:26Ça fait un décès tous les deux jours.
06:28C'est-à-dire qu'on prend mieux en charge les victimes.
06:31Ça je pense que tout le monde est d'accord.
06:32Mais les drames, eux, continuent.
06:34Alors on les accompagne mieux.
06:35Ça c'est une certitude.
06:36On les accompagne mieux en matière de dépôt de plainte.
06:38Il y a une formation systématique.
06:39Police, gendarmerie.
06:40Il y a des intervenants sociaux aujourd'hui en police et en gendarmerie qui sont présents.
06:45Il y a en effet cette capacité plus simple à porter plainte.
06:48Mais qu'est-ce qui cloche pour que ça continue ?
06:50Vous savez en Espagne, parce qu'on parle souvent de l'Espagne,
06:54il a fallu un drame, un seul, pour que toute la société à un moment se dise
06:58ça me concerne aussi.
07:00Et nous on a le sentiment finalement que,
07:02quels que soient les responsables politiques,
07:05quelles que soient les lois qu'on a pu mettre en place
07:07qui en effet renforcent la protection des femmes,
07:09les ordonnances de protection, la raclée anti-rapprochement,
07:12les téléphones grave danger,
07:13à un moment on met encore trop ça à distance de nous individuellement.
07:17Ce n'est pas juste un problème de moyens,
07:18parce que l'Espagne a mis beaucoup, beaucoup d'argent en très peu de temps.
07:21Un milliard en cinq ans.
07:22Quand vous regardez les moyens qui sont mis sur la question de l'hébergement d'urgence,
07:26de la formation des policiers et des gendarmes,
07:27sur la question de la santé, sur les droits reproductifs des femmes,
07:30honnêtement il y a des moyens.
07:32On peut toujours demander plus de moyens.
07:33Je comprends totalement les associations évidemment qui le font.
07:36Mais je crois que c'est d'abord un sujet culturel, éducatif, extraordinairement puissant.
07:42Je vous parlais de la question du porno, pourquoi ?
07:44Parce que là encore dans le procès de Mazan, c'est aussi ça qui ressort.
07:47C'est que la plupart des co-accusés de ce procès,
07:50on retrouve chez eux des images absolument insupportables.
07:54Désolée de le dire comme ça,
07:55mais ce n'est pas le porno auquel on pouvait avoir parfois accès et difficilement il y a 30 ans.
07:59C'est des millions d'images auxquelles on a accès en quelques clics seulement,
08:03avec de vraies femmes qui sont vraiment violées.
08:07Et qu'est-ce qui pourrait réveiller aujourd'hui notre société ?
08:10Quand on voit sincèrement tous ces débats régulièrement à l'Assemblée nationale,
08:14et avant de vous recevoir, je re-regardais toutes vos interventions sur cette question-là.
08:18Il y a cette fois où vous étiez retrouvée au bord des larmes
08:20parce que quelqu'un vous accusait de faire de la récup politique sur cette question-là.
08:24Quand on voit ça, on se dit fort, sincèrement, ce n'est pas gagné ?
08:28Non, je crois que c'est un combat qui n'est jamais gagné.
08:31Parce qu'en fait, à chaque fois que vous avez le sentiment que ça y est,
08:34vous relâchez un peu la garde.
08:37Mais en fait, il ne faut jamais relâcher la garde sur ces questions-là.
08:39Parce qu'il y a des enjeux légaux, législatifs, qui doivent être corrigés.
08:43Moi, j'en propose certains, et d'autres en proposeront sans doute d'autres.
08:46Il y a des enjeux, en effet, de moyens à garantir.
08:49Et j'ai été ministre de l'égalité entre les hommes et les femmes.
08:51Je sais qu'à chaque fois, il faut se battre pour garantir que ce budget
08:54ne soit absolument pas touché et modifié, et même qu'il soit renforcé.
08:59Ça peut tout nous arriver, c'est ça le message.
09:01Et même aux hommes, vous dites, ça peut arriver à vos femmes, à vos filles.
09:05En fait, ce que je dis, c'est quelque chose de très difficile à entendre ce matin.
09:09C'est de dire qu'en effet, il ne faut plus tenir ça à distance de nous,
09:12parce que c'est dans la société.
09:14Et si on veut l'éradiquer de la société, ça veut dire qu'il faut qu'on prenne
09:17toutes et tous notre part à ce combat.
09:19Pas, encore une fois, pour désigner du doigt ceux qui seraient les agresseurs potentiels,
09:23mais pour se dire que ça nous concerne tous.
09:25Et donc, on est une part de la solution.
09:27Et qu'encore une fois, si après le procès de Mazan,
09:30après 51 hommes co-accusés, qui sont des hommes affreusement ordinaires,
09:34qui sont nos voisins, qui sont des bons pères de famille,
09:37qui ont toutes les professions, si ça, ça ne nous réveille pas collectivement,
09:40si le courage de Gisèle Pellicot ne nous réveille pas collectivement,
09:43alors je ne sais pas ce qu'il faudra.
09:45Et j'espère sincèrement qu'on dit qu'il y aura un avant-après,
09:48que là, réellement, ce sera le cas et qu'il y aura unanimité là-dessus.
09:51Merci beaucoup.
09:52Merci à vous.
09:53Merci Aurore Berger qui va donc déposer une proposition.