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Tous les vendredis, samedis et dimanches à 19h17, Pascale de La Tour du Pin reçoit un invité au cœur de l'actualité politique pour un moment d'échange franc sur les dossiers brûlants du moment. Ce soir, Dominique Trinquand, expert en relation internationale et auteur ouvrage "D’un monde à l’autre. Comprendre les nouveaux enjeux géopolitiques". (Ed.Robert Laffont, 2024)
Retrouvez "Les invités d'Europe 1 Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-europe1-week-end

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Transcription
00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Il est 19h17, merci d'être avec nous.
00:07On va quand même se poser des questions sur l'Ukraine.
00:09Peut-être que les lignes sont en train de bouger.
00:11On a besoin de l'expertise du général Trinquant, Dominique Trinquant.
00:14Merci d'être avec nous, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU,
00:18expert en relations internationales et auteur du livre
00:22« D'un monde à l'autre, comprendre les nouveaux enjeux politiques ».
00:26Pourquoi on reparle de l'Ukraine maintenant ?
00:28Parce que depuis l'élection de Donald Trump, semble-t-il,
00:31les choses ont un peu bougé.
00:33Le président Zelensky se dit « Ouh là là, il serait peut-être temps qu'on trouve un accord ».
00:37Il a peur en substance.
00:39Et général, vous allez peut-être confirmer ou affirmer ce que je dis,
00:43mais il doit avoir un peu peur de se faire lâcher par les Américains, le président Zelensky.
00:50Oui, tout à fait. Tout le monde attendait, bien sûr, les résultats de l'élection du 5 novembre.
00:57Rappelons-nous simplement qu'avant l'été, tout le monde disait « L'Ukraine est en train de perdre ».
01:02L'Ukraine a surpris tout le monde par une offensive en Russie pendant l'été, au mois d'août.
01:08Et maintenant, les Russes continuent d'avancer sur le terrain.
01:13Et le président Trump, qui le disait depuis longtemps, disait « Moi, je vais régler le problème en 24 heures ».
01:19Donc, d'une certaine façon, les Ukrainiens sont dans une situation tactique difficile sur le terrain.
01:25Et de façon stratégique, leur allié principal, les Américains, probablement, dans deux mois,
01:31entamera des négociations, si ce n'est pas déjà fait, je veux dire, entamées avec la Russie.
01:38Est-ce que ça veut dire, général, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui qu'en fait, l'Ukraine est en train de perdre la guerre,
01:45ça c'est la première chose, et que cette guerre pourrait vraiment trouver son terme d'ici quelques mois ?
01:50Alors, votre première question, qui va perdre, qui va gagner, c'est la question qu'on se pose depuis deux ans.
01:56Je rappelle que l'Ukraine, le 24 février 2022, devait quasiment disparaître, devenir une espèce d'annexe de la Russie.
02:07Le président russe, il faut le rappeler, dans les semaines précédentes, avait annoncé que l'Ukraine n'existait pas.
02:12Donc, de ce côté-là, l'Ukraine existe. Elle existe sur le terrain et avec ses combattants.
02:19En revanche, il est certain que derrière cette affirmation de l'Ukraine existe, sous quelle forme existera-t-elle ?
02:28C'est ça la vraie question, sur le plan géographique, c'est-à-dire les limites de ses frontières,
02:35mais aussi sur le plan juridique, neutralité, pas neutralité, appartenant à l'OTAN, appartenant à l'Union Européenne.
02:43Donc, ce sont ça les questions qui vont être posées et qui risquent d'être posées très rapidement.
02:48Quel rôle va jouer Donald Trump, selon vous, aujourd'hui dans ces négociations ?
02:53Vous disiez que les négociations ont peut-être été entamées depuis l'élection de Donald Trump, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
03:02Quel rôle pourrait-il jouer et ça pourrait aller dans quel sens, Général ?
03:06Je pense qu'il va jouer un rôle en deux sens. D'abord en direction de la Russie, en entamant le dialogue avec la Russie.
03:13À part le Chancelier Shultz qui vient de parler à la Russie, d'ailleurs on se demande un petit peu pourquoi,
03:19et bien plus personne ne parle au Président Poutine.
03:23Et là, Donald Trump qui dit avoir de bonnes relations avec lui et dont des informations nous disent qu'il lui a déjà parlé il y a quelques temps,
03:34pourrait reprendre contact avec la Russie.
03:37Et donc ça c'est la première direction en disant, écoutez, on arrête la guerre, on ne discute pas des territoires conquis et on va commencer à discuter.
03:46Ça c'est du côté russe. Du côté ukrainien, c'est assez simple.
03:53Les fonds alloués par les États-Unis vont être épuisés à la fin du mois de décembre.
04:00Et donc là, le Président Trump pourrait tout simplement dire, écoutez, il faut que vous acceptiez ce cessez-le-feu.
04:08Parce qu'il ne s'agit pas de la paix, il ne s'agit que d'un début de négociation.
04:13Il faut que vous acceptiez ce cessez-le-feu.
04:15Maintenant, rien n'est sûr du côté russe.
04:18Les Russes peuvent dire, nous on veut continuer à combattre et ça ne nous intéresse pas.
04:22Et donc là, on verra quelle sera la position du Président Trump.
04:26À savoir que ne pas se laisser faire, parce que d'une certaine façon, il ne faut pas laisser tomber les alliés.
04:31Quand je parle des alliés, je ne parle pas seulement de l'Ukraine, mais des alliés européens qui se retrouveraient bien seuls si les Américains les lâchaient.
04:40Général, qu'est-ce qui pourrait être négocié ? Qu'est-ce que la Russie pourrait négocier avec l'Ukraine ?
04:46Ça veut dire, franchement, on sait ce que veut la Russie depuis le début, on le sait.
04:49Ça veut dire, est-ce que ça veut dire que les frontières de l'Europe pourraient bouger ?
04:55Alors, ce que voudrait la Russie, elle l'a déjà déclaré au mois de septembre 2022, lorsqu'elle a annexé officiellement les 4 Oblats de l'Est de l'Ukraine.
05:06Ce qu'elle voulait au départ, je le disais en février, elle a raté son coup.
05:10Donc elle a réaffirmé une portion congrue, j'allais dire, de son rêve initial, c'est les 4 Oblats de l'Est.
05:21Le problème, c'est que ces 4 Oblats, pour l'instant, ne sont pas occupés.
05:24Alors, il y en a un, Luhansk, qui est quasiment occupé. Donetsk, ça avance pour occuper.
05:29Zaporizhzha ne l'est pas, mais il y a une offensive en cours.
05:32Et Kherson, je ne vois pas les forces russes refranchir le Niépre.
05:36Donc, le premier point, ça va être ça.
05:39Alors, est-ce que ça veut dire que les frontières vont être changées ?
05:42Je pense que, là, on va aborder un problème juridique que je vous demande de ne pas me demander de régler.
05:49En général, je ne vous le demanderai pas, c'est promis.
05:52Comment peut-on accepter, d'une certaine façon, que des territoires soient occupés,
05:57mais ne soient pas reconnus comme partie de la Russie ?
06:01Et donc, ça fait partie de ce qu'on appelle les conflits qui peuvent durer assez longtemps.
06:07Ça, c'est la première partie, c'est la partie territoriale.
06:09La deuxième partie, c'est quelle structure de sécurité donnée en Europe
06:16qui pourrait créer la Russie et l'Ukraine ?
06:19Et comment l'Ukraine serait rattachée à l'Europe ?
06:22Alors, on sait que les chapitres sont ouverts pour la négociation,
06:25mais ça va durer un peu longtemps pour l'Europe.
06:27En revanche, pour l'OTAN, il est à peu près certain que le président Trump
06:30n'acceptera pas que l'Ukraine rentre dans l'OTAN.
06:33Donc, voilà, il y a une négociation à faire.
06:35Ça, c'est sûr, alors que l'Ukraine le réclamait à coréacrit de rentrer dans l'OTAN.
06:38Oui, elle le réclamait, mais même le président Biden ne le voulait pas.
06:41Donc, je pense que ce n'est pas ce sujet qui est important.
06:45C'est le sujet de la neutralité, c'est le sujet de l'intégration à l'Union européenne
06:50et c'est le sujet de discuter comment, parce qu'il faut bien qu'à un moment,
06:55la Russie rediscute avec les autres pays,
06:58comment on peut avoir avec la Russie, même pilotée par M. Poutine,
07:03la capacité d'avoir un statut de sécurité dans la région.
07:09Au passage, il faut se souvenir qu'il y a une décision
07:15non ukrainienne qui leur a interdit...
07:18Général, on a un petit souci de liaison, Raphaël Stainville,
07:22avec le général Trinquant, c'est vrai qu'Olivier Dartigold,
07:25c'est une vraie question, parce que c'est quand même la première fois,
07:28c'est assez important et c'est pour ça que nous en parlions ce soir,
07:31que le président Zelensky se dit qu'il va falloir arriver à la fin de la guerre.
07:34L'essentiel en décryptage a été donné par le général.
07:37Ce qui est important, c'est qu'en effet, ça bouge
07:40puisque le président ukrainien s'est adressé à son peuple
07:43via le média qu'il a choisi.
07:45Et en disant à son peuple, il faut aller vers la fin de la guerre en 2025
07:51par la voie diplomatique.
07:53Dans le même temps, bien évidemment, l'élection de Trump,
07:57cela a été rappelé, qui a fait campagne en indiquant
08:00qu'il pouvait régler la question russo-ukrainienne en 24 heures,
08:04sans préciser les modalités avec lesquelles il pourrait faire ce miracle.
08:12Là aussi, ça a été dit, un appel du chancelier allemand,
08:16Poutine, deux ans qu'il ne s'était pas parlé,
08:19le G7 vient de se positionner,
08:22ça bouge aussi du côté de l'Alliance Atlantique,
08:25le paysage est instable, bouge,
08:29avec aussi sur le terrain, on oublie de le dire,
08:32mille jours de guerre, une véritable boucherie,
08:35puisque c'est une guerre conventionnelle.
08:37On a commémoré le 11 novembre, mais c'est ce qui se passe là-bas,
08:41avec des tranchées, le front de l'Est est très très dur,
08:44vous pouvez mettre des jeunes gens à terre,
08:47des vies fauchées pour gagner 300 mètres,
08:50un million de victimes, morts et blessés,
08:55avec un lourd tribut armé russe,
08:58le double de morts, ce qui commence à poser un problème pour Poutine,
09:01au regard de l'effort de guerre.
09:03Bref, on sent bien que des choses vont se passer dans les prochaines semaines,
09:06la grande question, c'est quand même la question de la nouvelle réalité territoriale.
09:11C'est ça, effectivement, Raphaël Stainville.
09:14Je suis toujours assez surpris, peut-être même dérangé,
09:19à l'annonce de ces possibles négociations,
09:24et de cette possible paix qu'envisage Vladimir Zelensky.
09:28Il y a encore quelques jours, figurez-vous que le Time nous apprenait
09:32que Zelensky s'activait pour essayer d'obtenir la bombe nucléaire,
09:38afin de frapper la Russie.
09:41C'est très compliqué, entre cette parole,
09:44à la fois pour les Ukrainiens, mais aussi pour le grand public,
09:48pour le monde entier, de savoir
09:50quelles sont les véritables intentions des uns et des autres,
09:54et en l'occurrence de Zelensky.
09:56Moi, ce qui m'inquiète, c'est combien de temps perdu,
10:00combien de morts, finalement, presque pour rien.
10:03Souvenez-vous, c'était en 2022,
10:06des négociations étaient très largement avancées à Istanbul,
10:10et c'était Boris Johnson, les Européens et les Américains,
10:14qui avaient mis un stop à cette possibilité de paix
10:17entre la Russie et l'Ukraine,
10:20et le bilan depuis, c'est plus de 500 000 morts supplémentaires.
10:24Tout ça me fait dire qu'il faut prendre ces mots,
10:28ces intentions avec beaucoup de prudence,
10:30même si, bien sûr, il faut l'espérer,
10:32il faut espérer qu'une issue soit possible à cette guerre meurtrière.
10:36Merci beaucoup. Général Trinquant, est-ce que vous êtes là ?
10:40Oui, je suis là.
10:41On vous a retrouvé, on vous avait perdu, Général Trinquant.
10:44À quelle échéance, peut-être en un mot,
10:47saura-t-on si une solution diplomatique est envisageable ?
10:50Qu'est-ce qui va faire basculer les choses ?
10:53Alors, en un mot, le mot diplomatique est important.
10:56Le président Zelensky reconnaît que ce n'est pas par la guerre, au sol,
10:59que les choses seront gagnées, ni du côté russe, ni du côté ukrainien.
11:03Donc, il faut négocier.
11:06Et 2025, c'est l'échéance, malheureusement, qu'on fixait déjà depuis un petit moment,
11:10parce que la Russie s'essouffle,
11:13vous avez raison de souligner le nombre de morts russes,
11:16la Russie s'essouffle et l'Ukraine n'arrive pas à monter en cadence.
11:20La France vient d'envoyer une brigade formée, mais ça ne suffit pas.
11:24Donc, il va falloir, bien sûr, négocier.
11:27Et le printemps 2025 va permettre, probablement,
11:31d'arriver à une solution qui ne plaira ni à l'un, ni à l'autre.
11:36On verra ça, évidemment.
11:38Merci infiniment, Général Trinquant, d'avoir été en direct avec nous sur Europe 1.
11:41Il est 19h28, dans un instant, le journal permanent.

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