https://www.arcom.fr/actualites/troisieme-journee-detudes-de-larcom-presentation-des-travaux-des-chercheurs-sur-les-medias-audiovisuels-et-numeriques
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00:00Je donne la parole maintenant à Laurence pour les enjeux de
00:07signalétique.
00:21Bonjour à tous et à toutes.
00:24Aujourd'hui, c'est une réflexion croisée, mais vous voyez que je suis
00:28toute seule parce que Mme Sophie Géel ne peut être présente avec nous.
00:32Elle est présente en ligne.
00:34C'est une réflexion croisée en droit et en sciences de l'information
00:37et de la communication autour d'un contentieux inédit, le contentieux
00:42des signalétiques jeunesse, qui s'intitule le problème à trois
00:55scores, problème insoluble.
00:57C'est un contentieux qui nous a amenés dans la lignée de réflexion
01:02interdisciplinaire que nous avons conduite maintenant depuis trois
01:04ans, notamment dans le cadre d'un projet de recherche que Mme Géel
01:09dirige sur les usages numériques des adolescents sous le pilotage du
01:15défenseur des droits.
01:16C'est un travail au long cours et c'est dans cette perspective que
01:20ce contentieux, nous l'avons mis à jour.
01:26Un film trois scores à propos d'un arrêt d'une cour administrative
01:30d'appel de Lyon du 20 octobre 2023 qui concerne un film, le film
01:36The Ring.
01:37C'est une saga pour les amateurs de films de genre et de films d'horreur.
01:42Ce n'est pas le film Ring du réalisateur japonais, ni Ringu,
01:47ni Ring 2.
01:48C'est la version de Gore Verbinski, The Ring, la version américaine.
01:53À l'occasion de la projection de ce film en milieu scolaire par un
01:58enseignant de français en classe de quatrième, dans le cadre de la
02:02thématique du fantastique, une élève a fait état d'un certain
02:08nombre de conséquences psychologiques suite à la diffusion et à la
02:11projection de ce film en milieu scolaire.
02:14Et les parents ont intenté un recours, d'abord devant les instances
02:19académiques, puis devant les juridictions administratives en
02:22responsabilité de l'État pour faute dans l'organisation et le
02:26fonctionnement du service public.
02:28C'est un contentieux qui, notamment en première instance devant le
02:31tribunal administratif, a fait l'objet d'un écho médiatique assez
02:35important et qui a notamment été repris dans les blogs des enseignants
02:38dans l'échange de bonnes pratiques, de comment j'utilise ou pas tel
02:41film ou telle oeuvre dans le cadre de mon enseignement.
02:45Donc, dans le cadre de ce contentieux, le juge d'appel a
02:50été saisi suite au rejet du recours en première instance et la Cour
02:54administrative d'appel de Lyon a donc dû se prononcer pour la
02:57première fois, à notre connaissance, en droit national et peut-être
03:01au-delà, d'où l'importance du benchmarking, sur le fait qu'une
03:06oeuvre soit simultanément classée moins de 12 par le CNC, par le visa
03:11d'exploitation cinématographique, le requérant invoquant, pour
03:16établir une faute, une classification supposée de l'ex-CSA moins 16
03:21et une classification de la plateforme de SDOD sur laquelle ce film était
03:26alors accessible, à savoir Netflix, avec une classification plus 16.
03:31Un film, trois scores, un contentieux.
03:34Le juge a donc dû se prononcer sur cette articulation nouvelle,
03:39pas en pratique, nous la connaissons, mais du point de vue du contentieux.
03:43Le juge d'appel a, pour se faire réduire le problème, un film,
03:49un score, en considérant que le visa d'exploitation cinématographique
03:54pouvait se voir attribuer une force obligatoire augmentée en milieu
03:58scolaire.
03:59Donc, en analysant classiquement, comme le fait le juge, éventuellement
04:02de l'excès de pouvoir, le visa d'exploitation cinématographique en
04:06vertu du Code du cinéma et de l'image animée, le juge a considéré que
04:10pour le film The Ring, le visa était de moins de 12 ans sans
04:15avertissement et que donc, il pouvait être diffusé dans une classe
04:18de 4e M où les élèves sont âgés de 13 ans.
04:21Pour autant, le visa d'exploitation cinématographique n'est pas un
04:24blanc-seing attribué à l'enseignant dans la mesure où, au regard de la
04:29mission qui est impartie au chef d'établissement d'assurer la
04:32sécurité des personnes en vertu du Code de l'éducation, le juge
04:36allait au-delà et a considéré que si le visa est une condition nécessaire
04:40et n'est pas suffisante, deux conditions s'adjoignent en supplément.
04:45Une première condition qui tient au contexte pédagogique de
04:49l'utilisation du film.
04:51Est-ce que le film a été projeté dans la classe avec l'enseignant ?
04:53Est-ce qu'il y a eu une évaluation écrite qui permet d'exprimer les
04:56émotions, etc.?
04:56Le juge considère qu'au regard des conditions de diffusion du film,
05:00cette condition est remplie.
05:01L'autre condition est une condition, et c'est en quoi le regard croisé
05:05est nécessaire.
05:07C'est une condition qui tient à l'impact sur la santé psychologique
05:11morale de l'élève et des élèves.
05:14Est-ce que le chef d'établissement a été informé ou non de la fragilité
05:18psychologique de l'élève ?
05:19Et plus globalement, est-ce que l'enseignant s'est assuré
05:22qu'il n'y a pas eu, et le chef d'établissement, qu'il n'y a pas eu
05:24une résonance sur la classe dans son entier ?
05:28Donc voilà pour cette solution inédite et qui a pour conséquence
05:33un rejet de l'impérativité des autres formes de scoring qui ont été
05:36invoquées par les requérants en l'espèce, en milieu scolaire.
05:40Premier rejet, c'est le rejet de la signalétique pilotée par l'ARCOM,
05:43qui est une signalétique sous-génériste.
05:45Les requérants ont essayé de s'appuyer sur des préconisations supposées
05:49du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour appuyer leur argumentation
05:52en considérant que le film aurait fait l'objet d'une signalétique
05:55moins 16.
05:57Le problème, c'est l'accès à la signalétique pilotée par l'ARCOM,
06:00au regard du rôle particulier de l'ARCOM dans la signalétique jeunesse
06:07qui intervient en amont pour fixer le cadre général et en aval en cas
06:12de saisine ou d'autosaisine sur les contenus diffusés et que ce sont
06:15les opérateurs eux-mêmes qui effectuent cette signalétique.
06:18En l'état, il n'y a pas de base de données sur la base de laquelle
06:20il est possible d'accéder à ces signalétiques hormis hypothèses
06:24de décision, de mise en demeure, de mise en garde qui peuvent être
06:28accessibles sur le site de l'ex-CSA ou de l'ARCOM ou dans le rapport
06:31annuel.
06:32Les requérants se sont heurtés à ce problème de preuves et pour tenter
06:36de prouver la signalétique supposée de l'ex-CSA, en tout cas pilotée
06:40par le CSA, se sont appuyés sur une signalétique d'une plateforme
06:42privée en ligne, en l'occurrence Netflix, en convoquant le plus 16.
06:47Le juge rejette cette argumentation en considérant qu'il ne peut pas
06:50y avoir de corrélation entre une signalétique, un scoring d'une
06:54plateforme privée avec une signalétique qui serait supervisée par
06:58le régulateur.
06:59Pour autant, le juge énonce que les préconisations du CSA, même si
07:03elles avaient existé, n'ont aucune portée impérative en milieu
07:06scolaire, ce qui pose question sur le rôle majeur qui est assigné
07:10à l'ARCOM en matière d'éducation média, notamment en lien avec
07:13le ministère de l'Éducation nationale et le Clémy.
07:14Je regarde Mme Nathalie Saumet.
07:17Donc ça, c'est le premier volet.
07:19L'autre rejet, j'allais dire plus classique, même si c'est inédit,
07:23c'est le fait que le juge considère qu'une signalétique, un scoring
07:26privé d'une plateforme de SVOD, et le terme, l'argument est très
07:31générique, une plateforme privée de diffusion en ligne, donc même
07:35si c'est Netflix qui...
07:36Je ne fais pas du name and shame, loin s'en faut, même si c'est
07:39Netflix qui est là, ici, convoqué, cela s'applique à toutes les
07:42plateformes privées de diffusion en ligne.
07:45Le juge considère que ce type de scoring n'est pas mobilisable en
07:48milieu scolaire.
07:52Donc le risque, et c'est en quoi nous sommes dans une démarche
07:55exploratoire, au regard notamment du caractère récent de ce contentieux
07:59inédit, c'est un risque de confusion que témoigne, que révèle
08:02ce contentieux des scorings jeunesse, de ces chocs de classification
08:07pour les parents et les enseignants.
08:09On le sait, la démultiplication des scores signalétiques,
08:14classification des films et autres, génère une confusion informationnelle.
08:17Donc ça, c'est un terrain d'enquête que nous allons explorer.
08:20Historiquement, la signalétique jeunesse est née d'une volonté
08:22de simplification, d'harmonisation des classifications, avec notamment
08:26une grande révision qui a eu lieu de la signalétique du CSA en 2002,
08:31avec des négociations très longues pour arriver à des logos identiques
08:34sur toutes les chaînes, lisibles avec des mentions d'âge et qui ont
08:37été étendues notamment au service de médias audiovisuels à la demande.
08:41Il y a une forte attente, toutes les enquêtes qui ont été conduites
08:43par l'ex-CSA et par Mme Sophie Géel notamment, témoignent d'une forte
08:48attente des parents vis-à-vis de la signalétique CSA et Arcom,
08:52une attente d'une intervention de la puissance publique,
08:54d'une supervision publique, conséquence de ce contentieux,
08:58mais ce contentieux n'est qu'un révélateur, n'est qu'une alerte,
09:00fragilisation donc du corps enseignant au regard des choix qu'ils vont
09:05faire dans la classification des films qu'ils vont utiliser,
09:08du non-accès à la signalétique de l'Arcom et de la prise en compte
09:11nécessairement dans l'usage de ces ressources, de la transformation
09:14des valeurs et des critères.
09:17Alors c'est une solution qui est circonscrite, c'est une solution
09:20qui apparaît également comme étant fragile parce que le corps éducatif,
09:27notamment les personnes d'éducation, utilisent pas seulement des œuvres
09:32cinématographiques qui sont visées dans le cadre des ressources numériques
09:36audiovisuelles qu'ils mobilisent dans leurs enseignements.
09:38Exemple, les films sans visa ou originals, exemple le film d'Alfonso Cuaron,
09:45Roma, qui est préconisé par plusieurs académies, là c'est l'Académie
09:49de Bordeaux, notamment dans le cadre des études hispaniques, et pour lequel
09:53il n'y a pas de visa d'exploitation cinématographique parce que ce film
09:56n'a pas été exploité en salles.
09:58Donc comment va faire l'enseignant lorsqu'il s'agira éventuellement
10:01de mobiliser cette signalétique ?
10:03Doit-il s'appuyer sur la signalétique Netflix France, 13+, ou sur une
10:08signalétique Netflix étrangère, par exemple belge, 16 ans ?
10:13Donc ça c'est une vraie problématique, sachant que le juge a indiqué que
10:16ce scoring privé ne s'appliquait pas en milieu scolaire.
10:20Donc solution fragile.
10:25Il nous apparaît en conséquence que les scorings jeunesse sont rentrés
10:28dans une nouvelle ère.
10:30Je reprends ici le beau mot de Fernando Pessoa, l'ère de l'intranquillité
10:34des scorings jeunesse, avec notamment deux segments qui nous intéressent
10:38particulièrement, les tout-petits et le scoring 18+.
10:41Pour les tout-petits, c'est une mission essentielle de l'ARCOM et c'est
10:44en quoi la signalétique jeunesse est un outil, parmi d'autres,
10:49mais qui intègre aussi des problématiques de santé publique.
10:53L'ARCOM, dans ses campagnes sur la signalétique jeunesse, relayées
10:55par les opérateurs, alerte notamment sur la question de l'exposition
11:00même aux écrans.
11:01Ça a été souligné sur la durée d'exposition aux écrans et un rapport
11:05récent remis au président de la République, Enfants à écran,
11:07témoigne de recommandations en ce sens, dans la lignée de recommandations
11:10sanitaires, pas d'écran avant 3 ans, etc.
11:12Lorsqu'on s'attache, notamment là, j'ai pris l'exemple de Netflix,
11:16même si j'aime beaucoup Netflix, j'ai un porte-clés Netflix,
11:21sur le site de Netflix, lorsqu'ils expliquent les recommandations
11:29qu'ils utilisent, recommandations de tout public, all audiences,
11:32tous, ce n'est qu'une analyse de contenu, ce n'est pas une recommandation
11:36sanitaire et au contraire, dans les algorithmes de recommandations,
11:39on constate que ces plateformes utilisent notamment des onglets,
11:42série à binge-watcher, binge-watcher pendant le week-end,
11:45à regarder sans modération, etc.
11:46Donc là, il y a clairement une divergence dans les finalités poursuivies
11:51au-delà de l'apparence de la protection des jeunes publics.
11:54Autre élément qui soulève pour nous une problématique, c'est le scoring
11:5918+, extrêmement évanescent sur les plateformes de SVOD non régulées
12:03en France et qui rentre en contradiction avec les classifications
12:08en France, Visa et Arcom 18+, un exemple qui témoigne de cette
12:18évanescence, c'est une série, la fabuleuse Mrs Maisel, qui est
12:22une série prime vidéo, qui est classée 16+, 18+, en moyenne.
12:29Cette série, c'est une série fer-de-lance de M6+, qui est sur
12:35la plateforme de M6 et pour laquelle actuellement, il n'y a pas
12:38encore de signalétique.
12:39Donc, quel signalétique va être apposé par M6 sur une série qui fait
12:44l'objet d'une classification 16+, et 18+, sur Prime Vidéo en France ?
12:51Donc, le problème demeure.
12:52C'est un problème à 3+, score, illustré par exemple par une mise
12:57en garde récente de l'Arcom à l'endroit de France 2 pour la
13:00diffusion de la série It's a sin, notamment pour le premier épisode,
13:04déconseillé par France 2 au moins de 10 ans.
13:07L'Arcom préconise un accès au moins de 12 ans.
13:14Donc, la mise en garde concerne France 2, mais dans le même temps,
13:17cette série, elle est accessible sur la plateforme de France
13:18Télévisions.
13:19Donc, est-ce que cette mise en garde ne concerne que France 2,
13:22ou est-ce qu'elle concerne aussi, et ça, c'est une récaption,
13:25est-ce qu'il doit y avoir une corrélation lorsqu'il y a une mise
13:27en garde de ce type ?
13:28Est-ce qu'elle est adressée uniquement à l'opérateur linéaire ?
13:30Mais est-ce qu'elle concerne aussi sa diffusion délinéarisée sur la
13:33plateforme de France Télévisions ?
13:34En l'occurrence, l'épisode numéro 1, litigieux, fait l'objet toujours
13:39d'un scoring moins 10.
13:43Allons-nous vers une ciné-checkisation des scorings jeunesse ?
13:48Ciné-check, c'est une plateforme qui a été conçue par NICAM.
13:52NICAM, si vous ne connaissez pas, c'est un organisme néerlandais
13:55privé, qui est notamment l'organe qui pilote la signalétique des jeux
14:00vidéo, PEGI et PEGI online.
14:03C'est un dispositif d'autorégulation qui est promu notamment par l'Union
14:07européenne.
14:08Dans cette dynamique, NICAM a créé, d'abord aux Pays-Bas,
14:11et ce dispositif a notamment été étendu en Belgique,
14:13Ciné-Check, qui permet, c'est vraiment très facile d'accès,
14:17vous tapez n'importe quel film, série, pas tous, tous ne rentrent pas.
14:22Si vous mettez mes fils Maisel, ça n'apparaît pas.
14:24Il y a quand même des angles morts sur cette plateforme,
14:26mais qui est adressée directement aux parents, aux enfants,
14:29aux enseignants, pour identifier les contenus éventuellement
14:32préjudiciables, quel que soit le type de contenu,
14:35film, série, jeux vidéo et autres.
14:38On en revient à The Ring, classé 16 en Belgique.
14:41Je vous ai mis, parce que c'est bientôt l'effet de fin d'année,
14:44Harry Potter and the Philosopher's Stone.
14:47Harry Potter, le film, par le CNC, c'est un visa tout public.
14:51Lorsque vous allez sur Ciné-Check, Belgique, c'est 9 ans.
14:53Donc allons-nous vers une forme, dans un souci de simplification,
14:58de Ciné-Checkisation, avec derrière toutes les problématiques
15:02de quel modèle de régulation il y a derrière
15:05ce possible mouvement qui interroge la souveraineté régulatoire
15:10aussi, nationale, sur ces questions, avec les préoccupations
15:14qui sont celles qui animent à la fois le CNC,
15:17le ministère de la Culture et l'ARCOM.
15:19Donc ce ne sont pas des conclusions, ce sont des perspectives
15:22qu'ici nous vous offrons.
15:23C'est un travail de recherche qui est en cours.
15:24Là encore, comme Alexandra, nous sommes ouverts aux collaborations
15:28et notamment avec l'ARCOM, bien sûr.
15:30Je remercie à ce titre les échanges que j'ai pu avoir
15:32cet été avec madame Alexandra Miel,
15:33de la direction de la protection des publics.
15:36Perspective, une perspective urgentielle, j'allais dire,
15:39à droit constant, parce que les acteurs éducatifs
15:42attendent de nous des réponses, notamment des éclaircissements
15:44sur ces scorings jeunesse plurielle,
15:49comment les mobiliser, comment éviter le contentieux.
15:51Donc ça, c'est une urgence sociétale immédiate.
15:54On ne va pas attendre de changer le corpus normatif
15:57pour apporter ces réponses-là.
16:00Mais il y a aussi une urgence normative
16:03dans le cadre de la clause de revoyure
16:05de la directive service médias audiovisuels,
16:09dans la mesure où se pose la question,
16:10cela a été évoqué dans d'autres interventions,
16:12de l'articulation notamment des normes sectorielles européennes
16:16et des normes générales.
16:18La directive service médias audiovisuels avec le DSA,
16:20notamment pour les plateformes en ligne,
16:22sachant que pour les scorings privés des plateformes de SVOD,
16:24se pose la question de l'intervention humaine.
16:27Est-ce qu'il y a une régulation de ces scorings
16:29uniquement par des systèmes d'IA ?
16:31Ca aussi, c'est une question que nous envisageons.
16:33Merci de votre attention.