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Transcription
00:00Et donc, je vous demande d'accueillir très chaleureusement Claire Bailet
00:06qui vient directement de Genève pour nous délivrer une keynote,
00:10la première keynote de cette journée sur un thème qui nous intéresse
00:13tout particulièrement à l'Art com et au titre évocateur,
00:17grandir dans un monde connecté, vaste question.
00:21Juste un petit mot d'introduction, Claire.
00:23Vous êtes professeure à la Faculté des sciences sociales de l'Université
00:26de Genève et directrice de Medialab, Institut des sciences de la communication
00:31et des cultures numériques.
00:32Et vous êtes une spécialiste de la sociologie de la jeunesse
00:36et du numérique et vous vous intéressez particulièrement
00:39à la sociologie juvénile et contemporaine.
00:42A noter également, pour ceux que ça pourrait intéresser,
00:45mais je suis sûre que ça va vous intéresser,
00:47de la parution de votre article, le dernier,
00:49qui parle de l'auto-présentation notamment liée au sujet
00:55de street crédibilité, comme diraient les jeunes.
00:58C'est accessible en open access sur Internet.
01:01Vous le retrouvez sans difficulté.
01:03Voilà, je vous laisse la parole.
01:05Merci. Bonjour à toutes et à tous.
01:08Je suis trop contente d'être ici avec vous aujourd'hui.
01:12Merci, un grand merci à l'Orfalu.
01:14C'était très, très agréable, l'organisation de l'événement.
01:17Et quand ça se passe aussi bien, il faut aussi le souligner
01:21et remercier les personnes qui sont impliquées.
01:24Alors, effectivement, moi, je vais vous parler de ce petit objet-là
01:30qui a beaucoup de place et beaucoup de sens dans nos vies.
01:33Je ne sais pas si parmi vous, exceptionnellement, aujourd'hui,
01:36il y a des personnes qui sont venues avec cet objet.
01:38Vous pouvez peut-être lever la main.
01:42Voilà, voilà, donc c'est ça.
01:44Donc ce petit objet qui nous accompagne maintenant depuis un certain
01:48nombre d'années.
01:49Alors moi, je m'intéresse en particulier aux cultures numériques
01:53des adolescentes et des adolescents.
01:55Mais c'est vrai que le téléphone et les ados, c'est une vieille histoire.
02:00Ça ne date pas de tout à fait d'hier.
02:02Le téléphone est un objet qui accompagne l'adolescence depuis son
02:06apparition dans tous les foyers parce qu'il permet justement d'être
02:09en lien à distance depuis la chambre, depuis son espace privé,
02:14de communiquer avec ses proches, avec ses amis, de se confier.
02:18Des fois, on est même plus à l'aise, en fait, à distance pour échanger
02:22sur certaines thématiques intimes que quand on est en face à face.
02:26Et puis de s'organiser, évidemment.
02:28Alors moi, à mon époque, on faisait des lignes comme ça, en fait.
02:32Moi, je devais appeler un tel, qu'il devait appeler une telle,
02:34qu'il devait appeler un tel pour qu'on puisse s'organiser pour sortir.
02:37Et puis, il y avait une seule ligne qu'il fallait partager.
02:39Donc c'était un peu des fois le drame quand cette ligne était occupée.
02:42Voilà.
02:43Mais quand même, ça a toujours été une porte ouverte vers l'extérieur
02:47depuis la chambre.
02:48Maintenant, ce qui est nouveau, c'est que c'est un objet qui est omniprésent
02:52puisqu'il est avec nous.
02:53Il nous suit partout, dans nos poches, dans nos sacs, dans nos manteaux.
02:57Et surtout, il va concentrer une multitude d'activités.
03:02Et donc, forcément, il nous permet d'avoir des activités, justement,
03:08relationnelles, affectives, conjugales, familiales, logistiques, culturelles,
03:13informationnelles.
03:14Voilà, si vous faites de la course à pied, probablement vous avez
03:16une application de course à pied dans votre téléphone.
03:19Donc, effectivement, c'est plus seulement un téléphone.
03:22C'est même plus tellement un téléphone, en tout cas pour les ados qui détestent
03:25appeler.
03:26Mais c'est plutôt, oui, un objet de communication, de mise en relation,
03:30d'entretien, du lien social.
03:32C'est un objet hyper intime pour les ados.
03:35C'est un objet qui sert de chenille-fille, qui sert de télévision,
03:39qui sert de console de jeux vidéo, qui est un cinéma, qui est un magasin,
03:44qui est un guichet.
03:45Donc, forcément, on l'utilise beaucoup parce qu'il concentre, en fait,
03:49une pluralité d'activités et d'usages.
03:53Donc, ce qu'on appelle, notamment, le sociologue allemand Andreas Hepp,
03:58the deep mediatization of the social world, la médiatisation profonde du
04:02monde social qui fait qu'aujourd'hui, pratiquement toutes nos activités
04:06vont être médiatisées par le téléphone.
04:09Et donc, les ados, forcément aussi, puisqu'ils et elles grandissent
04:13dans cette société et sont socialisés dans cette société.
04:16Donc, voilà, en 2022, 99% des jeunes interrogés déclarent posséder
04:21un smartphone.
04:22Ça, c'est les chiffres en Suisse.
04:23Mais les chiffres en France ne sont pas tellement éloignés et pas
04:27tellement éloignés non plus des autres groupes d'âge.
04:30Des fois, il y a une espèce de focalisation comme si le smartphone
04:32était un objet propre aux jeunes et aux adolescentes et aux adolescents,
04:35alors que non, vous allez dans le bus, dans le train, dans n'importe
04:39quel espace public, vous allez voir absolument tout le monde sur
04:42son téléphone.
04:43Ce n'est absolument pas un objet propre aux jeunes.
04:46Par contre, effectivement, aujourd'hui, une adolescente de 15 ans qui
04:49est née en 2009, elle naît déjà à l'ère du smartphone.
04:52Et donc, quand je disais que c'est un objet intime, c'est que c'est
04:55des objets avec lesquels les ados ont grandi.
04:58Et déjà, ils et elles ont appris à se percevoir, à percevoir leur
05:02image à travers cet écran, puisque depuis qu'ils sont nés,
05:05c'est-à-dire depuis la maternité, ils ont été pris en photo et puis
05:09partagés sur WhatsApp pour annoncer la naissance.
05:11Et puis, depuis, on les suit comme ça pour les filmer, pour filmer
05:17la première dent, le premier anniversaire, les premiers pas,
05:21la première coupe de cheveux.
05:23Enfin, voilà.
05:24Donc, en fait, ils et elles ont appris à se percevoir, à se voir
05:27à travers l'écran du téléphone.
05:28Et c'est vraiment un objet qui va médiatiser aussi, justement,
05:31la construction de soi, de l'image de soi, de son identité.
05:35Et donc, après, les parents s'étonnent et se fusquent quand les jeunes
05:38posent et font mille selfies avec leurs amis.
05:43Mais en fait, c'est juste comme ça qu'ils ont grandi et qu'ils ont
05:46appris à se voir et à se percevoir.
05:47Et donc, c'est bien normal qu'à un moment donné, ils vont eux-mêmes
05:50s'approprier l'objet et leur image à travers ces pratiques-là.
05:54Donc, le petit musée du mois, c'était en entretien.
05:57C'était un jeune qui m'avait dit, mais madame, mais il y a toute ma
06:01vie dans ce téléphone.
06:02C'est le petit musée du mois parce que j'ai toutes les photos des
06:04vacances avec papa que je ne vois pas souvent.
06:07Puis, j'ai gardé les messages de ma première copine.
06:09Et puis, j'ai tous ces événements de ma vie qui sont capturés dans
06:13le téléphone.
06:14Et donc, j'ai besoin de retrouver ça.
06:16J'ai les sons avec lesquels j'arrive à dormir.
06:18Et donc, voilà, c'est un objet qui va vraiment s'intégrer à toutes
06:21les routines, les rituels du quotidien.
06:24On a tous nos petites routines avec le téléphone.
06:26On fait notre petit chemin.
06:27On ouvre telle application, puis telle autre, puis telle autre.
06:29Puis après, ça fait des boucles.
06:30On recommence.
06:32Donc, voilà, ça rythme la journée.
06:33Ça permet d'être en lien, d'être aussi en lien, justement,
06:37de manière continue avec ses pères et avec sa famille.
06:41Cette mode de conversation continue, je pense que c'est un peu ce
06:44qu'il y a, ce qui est le plus nouveau, en fait, peut-être inédit.
06:47Il y a d'autres choses.
06:48Je vais y venir aussi.
06:49Mais c'est vrai que c'est une manière d'être toujours en lien à soi
06:54et en lien aux autres de manière continue, sans être tributaire
06:58des frontières spatio-temporelles.
07:00C'est-à-dire que oui, ici, je pense qu'il y a déjà des personnes
07:03qui ont consulté ou qui consultent maintenant leur téléphone parce
07:06qu'on n'a plus besoin d'être seulement dans l'ici et maintenant
07:09avec les personnes qui sont présentes.
07:10Mais on peut être à la maison avec des collègues ou au travail
07:14avec des gens de sa vie privée.
07:16Donc, c'est ce que beaucoup de sociologues ont appelé le contexte
07:19collapse, quand le contexte, en fait, explose et disparaît.
07:23Et ça, c'est très nouveau.
07:24Et forcément, ça transforme un petit peu les liens sociaux parce
07:28qu'on n'est plus du tout tributaires des contextes dans lesquels
07:31on se trouve.
07:33Alors maintenant, si on parle de cette socialisation adolescente
07:37médiatisée, profondément médiatisée, de nouveau.
07:42Moi, dans mes enquêtes, en fait, j'essaye d'étudier vraiment
07:45comment les jeunes se socialisent, notamment beaucoup entre eux,
07:51dans une forme de continuum entre ce qui se passe en ligne,
07:54ce qui se passe à distance et ce qui se passe dans les relations
07:58présentielles.
07:59Parce qu'en fait, c'est en conversation.
08:01On vit toutes et tous dans un continuum d'espace et d'interactions
08:05en ligne, à distance et en présentiel.
08:08Et donc, j'étudie comment est-ce que ça s'incarne.
08:10Donc, typiquement, on fait ce qu'on appelle des digital walking
08:13interviews.
08:14Et en fait, c'est des entretiens.
08:16Alors d'abord, on fait, parce que je vais être rapide sur cette enquête,
08:19mais en gros, c'est une enquête ethnographique qui étudie
08:22l'appropriation des espaces urbains par les jeunes en Suisse qu'on mène
08:26dans quatre villes, à Zurich, Fribourg, Genève et dans la région
08:30du Mientresioto au Tessin.
08:32Et donc, en fait, chaque fois, on étudie comment les jeunes s'approprient
08:35les espaces urbains.
08:36Mais évidemment, on tient compte aussi des pratiques numériques,
08:40puisque de nouveau, dans une société profondément médiatisée,
08:43on s'approprie les espaces urbains aussi avec les outils numériques.
08:47Et donc là, typiquement, dans cet exemple, on a Diego qui a 17 ans,
08:51qui, comme pratiquement tous les ados, se géolocalise,
08:54sont géolocalisés via Snap avec ses amis pour savoir où il se trouve
08:58dans la ville, etc.
08:59Et lui, il avait promis à sa copine Diana de frapper un gars qui lui
09:04avait manqué de respect.
09:05Et donc, elle, elle voit que Diego et ce gars qui devrait se faire
09:11frapper, normalement, sont tout proches.
09:14Et alors, elle écrit, mais t'es tout prêt, t'es tout prêt,
09:16vas-y, entre en action.
09:17Et là, il y a Diego qui répond,
09:20« Aber der Opfer ist mit Vater, ich habe ihn gesehen. »
09:24Donc, ça veut dire qu'en fait, oui, mais la victime est avec son père.
09:27Je l'ai vu, mais je ne peux rien faire.
09:29Donc, voilà, on voit comment, en fait, tout, évidemment, chaque fois
09:33que des ados se rencontrent dans la rue, tout a été organisé en ligne.
09:36Tout le monde voit où et qui, à chaque moment.
09:39Et donc, tout ce qui est de la logistique, de l'organisation,
09:42du maintien du lien adolescent, va transiter, notamment,
09:46beaucoup par Snap.
09:47Et donc, ça participe à ces dynamiques sociales, relationnelles,
09:50identitaires entre pères.
09:53Et donc, c'est ce que, voilà, un des messages, il y en aura plusieurs,
09:58mais un des principaux messages que je voudrais délivrer aujourd'hui,
10:01c'est que ce sont des espaces, les réseaux sociaux, les médias sociaux
10:04qui sont hyper structurés.
10:06D'accord ?
10:07Il n'y a pas des choses qui se font au hasard.
10:09Il n'y a pas des choses qui se font spontanément.
10:10Il y a beaucoup de conventions.
10:12Ça répond à des conventions, ça répond à des règles, à des normes.
10:15Et quand on transgresse ces conventions, eh bien, c'est toujours plus...
10:19Enfin, ça peut être accidentel, évidemment, une première fois,
10:21mais sinon, en général, on apprend à respecter les conventions.
10:26Et notamment dans, justement, l'article dont on parlait lors tout à l'heure,
10:30on travaille vraiment, justement, sur le self-presentation management,
10:33comment les gens gèrent la présentation de soi, la mise en visibilité de soi.
10:38Et ça aussi, c'est très structuré parce qu'il y a ce qui se passe
10:41dans l'espace public qui va être capturé dans le téléphone et gardé
10:44dans le téléphone, genre typiquement des bagarres ou des choses comme ça.
10:48Ça va être capturé comme preuve et ça va constituer des dossiers,
10:51mais ça ne va pas être forcément partagé.
10:53Ensuite, il y a ce qui se passe qui va être partagé, mais pour une sélection
10:58d'amis très spécifique, c'est la story privée sur Snap.
11:01Et là, c'est l'immense majorité des choses qu'on va partager,
11:05des captures de soi et des autres qu'on va partager.
11:08C'est un cercle bien restreint, bien délimité d'amis qu'on a choisis.
11:12Donc, c'est toujours en lien avec une question d'intimité et de sociabilité.
11:17Et ensuite, il y a ce qu'on va poster publiquement, typiquement une story
11:21à la une sur Insta.
11:22Et ça, c'est vraiment une micro sélection des choses, en fait,
11:25et on va beaucoup plus travailler ces images-là.
11:27Donc, il y a ce qu'on va capturer, il y a ce qu'on va capturer,
11:30partager aux amis sélectionnés qui va être plus spontané, avec un peu,
11:34plus ou moins, on peut s'afficher, c'est un peu la fiche.
11:36Ça peut être un peu gênant parce que les amis vont comprendre,
11:39en fait, puisqu'on a une complicité avec nos amis.
11:41Donc, ça peut être un peu gênant.
11:43Et puis, il y a ce qu'on va réserver à un public plus large.
11:46Et là, ça va être très travaillé.
11:48Et de nouveau, forcément, la mise en scène de soi,
11:51la mise en visibilité de soi, elle est aussi très codée.
11:55Et c'est vrai que les adultes, en général, n'ont pas vraiment ces codes-là.
11:59Typiquement, ces images comme celles-ci, on voit des jeunes dans des parkings
12:05qui posent à beaucoup avec des cagoules, pourquoi ils sont tout noirs,
12:07pourquoi ils font des signes avec les doigts et tout ça.
12:10Forcément, votre grille d'interprétation, là, aujourd'hui, à l'ARCOM,
12:14vous n'avez probablement pas les codes anthropologiques pour comprendre ça.
12:18Et pour eux, ça fait méga sens et ils vont hyper bien l'expliquer.
12:21Et c'est en référence à tout un univers culturel, notamment,
12:24justement, de street credibility et tout ça.
12:26Donc, voilà, on n'a pas forcément les codes pour ça.
12:29Bien, mais c'est aussi des espaces structurés de valorisation,
12:33des liens intimes, des amis.
12:35Parce que qui est-ce qu'on va taguer ?
12:36Avec qui est-ce qu'on va, justement, s'afficher sur les réseaux ?
12:39Qui vont être nos amis ?
12:39Comment on va mettre en valeur un capital social intime ?
12:43Ça, c'est super important, en fait, parce que quand on est à Doge,
12:46vous vous rappelez quand même, on n'aimerait pas être le sans ami,
12:48celui qui n'a pas d'amis.
12:49Donc, voilà, on va montrer qu'on a des amis.
12:51Puis ça, c'est des espaces de valorisation de ce capital intime,
12:54hyper important à l'adolescence.
12:58Donc, tout ce qui est aussi l'enjeu, si on comprend que c'est structuré,
13:02puis si on comprend qu'il y a des enjeux d'intimité,
13:04puis si on comprend que l'idée, c'est qu'on va devoir avoir accès
13:09au groupe privé Snap, à la story privée Snap de un tel ou une telle.
13:14Donc, tous les enjeux autour, c'est qui va me mettre dans sa story privée ?
13:18À l'intimité de qui je vais avoir accès ?
13:21Et des fois, il ne faut pas se planter.
13:22C'est là qu'il y a toujours ces enjeux aussi avec le cercle
13:26et on voit à quel point c'est ancré dans des cercles relationnels,
13:29scolaires et puis que c'est des amis qui se connaissent.
13:32Là, Johan, par exemple, il explique que vraiment pour lui,
13:35c'est très très gênant quand des gens le mettent dans leur story privée
13:40et que lui estime qu'il n'est pas assez proche pour ça, pas assez intime.
13:44Donc, comme il est assez populaire, il y a plein de gens qui veulent
13:46le mettre dans leur story privée, mais lui, du coup, il va sanctionner ça
13:50parce qu'il dit, tu crois quoi, on n'est pas vraiment si amis que ça
13:53que tu me mettes dans ta story privée.
13:54Et donc, il va envoyer des contenus à d'autres et puis il va faire circuler
13:59typiquement parce qu'il estime que là, il y a une espèce de convention
14:01justement qui a été rompue.
14:04Donc, on voit bien chaque fois cette articulation, si vous voulez,
14:07entre ce qui se passe en ligne et puis les processus de socialisation,
14:12de sociabilité entre pairs qui ne sont tout à fait pas forcément nouveaux.
14:16Alors maintenant, il va falloir que j'accélère parce que je ne pense
14:21pas que je vais pouvoir tout dire.
14:22Ce n'est pas grave.
14:23On va regarder deux vidéos parce qu'il y a quand même un autre point,
14:27un deuxième point important de mon propos aujourd'hui avec vous.
14:32Parce que c'est quand même historiquement nouveau, inédit et là,
14:36les spécialistes que vous êtes, on va pouvoir peut-être en discuter,
14:38que les mineurs aient un espace d'expression médiatique.
14:43Voilà.
14:44Enfin, point.
14:46Moi, en tout cas, quand j'étais ado, je regardais des séries écrites
14:50par des adultes, produites par des adultes, réalisées par des adultes,
14:54pas forcément toujours excellentes.
14:56Et voilà, maintenant, les plateformes, on va pouvoir les critiquer.
14:59Ce n'est pas le modèle que moi, je choisirais, par exemple.
15:03Mais effectivement, la manière dont les jeunes s'approprient
15:06ces plateformes-là et comment ils en font des espaces d'expression
15:11justement médiatique inédit.
15:13Ils imitent notamment beaucoup, beaucoup les adultes.
15:15Alors, c'est très, très drôle.
15:17Vraiment, de père à père, ils font beaucoup, beaucoup d'imitation
15:20des adultes, ce que les jeunes ont toujours fait, mais ils ne l'ont
15:22pas fait avec une diffusion médiatique publique.
15:25Alors, on va voir des exemples.
15:27Oh, pardon.
15:28Oui, s'il te plaît, posez ton portable, nous sommes à ta table.
15:31C'est un moment familial, un moment...
15:34Ah, on m'appelle.
15:37Oui, j'attendais un appel.
15:41Oui.
15:43Oui, Christelle.
15:44Oui.
15:45Non, tu ne déranges pas ta caisse.
15:48Non, non, non, non, on fait un petit repas rapide.
15:52Oui, mais comment ça va ?
15:54Mais oui, mais depuis le temps, ouais.
15:57Bah, tu dates, hein ?
15:59Attends deux secondes.
16:01Vous pouvez, s'il vous plaît, faire moins de bruit ?
16:03Je suis en plein téléphone.
16:04Ça ne se voit pas ?
16:06Merci.
16:07Oui, excuse-moi, c'était les enfants.
16:09Bah oui.
16:11Ah, bah, hein ?
16:12Colomer avec le téléphone, il faut savoir prendre l'attention.
16:16Bah oui, en recherche d'attention.
16:21Et puis, ce qui est intéressant aussi, c'est que ce qui est complètement
16:25inédit, c'est que ce sont aussi des espaces de participation,
16:28de réaction, où les jeunes vont parler commentaire, être dans des formes
16:32d'engagement très participatif.
16:33C'est-à-dire que dans les commentaires, ce n'est pas seulement j'aime,
16:35j'aime pas, bonne vidéo, mauvaise vidéo.
16:38C'est vraiment...
16:39On voit que ça rentre en résonance avec un vécu.
16:41Les jeunes se reconnaissent dans ces contenus-là et puis vont parler
16:45d'eux, en fait.
16:46Parler de leur situation, par l'espace des commentaires.
16:48Donc, c'est très, très riche à analyser parce que, vraiment,
16:51chaque fois, ils vont partager une expérience proche, similaire.
16:53On voit que c'est rentré en résonance.
16:55Comme quelqu'un qui dit, moi, c'est mon père.
16:58Noah, pose ton téléphone tout de suite.
16:59Deux minutes après, il regarde une vidéo YouTube.
17:02C'est tellement vrai, mais leur excuse, c'est je suis un adulte, moi.
17:06Donc, on voit comment, en fait, évidemment, les jeunes ont tous
17:08des expériences à partager et ils le font dans ces espaces.
17:12On voit qu'il y a quand même un des commentaires qui a reçu 473 likes.
17:16Donc, les commentaires aussi sont likés, sont aimés par ceux qui les suivent.
17:20Et donc, c'est aussi une manière de s'affilier et de valider
17:24ce qui a été dit.
17:26Là, il y a une autre petite vidéo.
17:27Bon, je la mets quand même parce qu'elle est vraiment délicieuse.
17:29Je trouve que c'est tellement parlant de voir aussi simplement
17:31ce qu'ils font.
17:32C'est comment ils jouent les profs qui sont face à un jeune et puis
17:37qu'ils vont essayer un petit peu de le grandir par rapport à ses
17:43résultats scolaires.
17:45Moi, ce que je ne comprends pas, c'est que tu as toutes les capacités
17:48pour avoir la moyenne.
17:49C'est ça.
17:50Et on est très déçus.
17:51Moi, je suis vraiment déçue.
17:53Ton professeur principal va te le dire parce qu'il te suit quand même
17:56depuis plus d'années que moi.
17:58Je m'inquiète.
17:59On est très inquiète.
18:00Je m'inquiète vraiment.
18:02Et la participation orale était très bonne au début de l'année,
18:05que ce soit dans les Espagnols.
18:06Mais nous savons aussi ton carnet ici.
18:09Moi, ce que je ne comprends pas, c'est que je te trouve silencieux.
18:12Tu étais dynamique au début.
18:14Moi, je suis très choquée parce que j'ai l'impression d'être avec
18:18une personne qui se rend fermée.
18:20Qu'est-ce qu'il y a à la maison ?
18:21Est-ce qu'il y a quelque chose que tu dois nous dire qui se passe
18:23à la maison ?
18:24C'est ça.
18:25Il faut en discuter.
18:26Il faut en parler.
18:27Il ne faut pas garder ça pour soi.
18:28C'est écrit sur la poche.
18:35Voilà.
18:36On voit effectivement à quel point ils sont des fins observateurs,
18:40observatrices des adultes et à quel point ils s'expriment.
18:43Et c'est vrai que c'est très peu étudier les contenus de ce que les
18:46jeunes produisent sur les réseaux sociaux.
18:48En dehors de l'obsession du temps d'écran ou de l'obsession justement
18:52des questions de contenus dangereux, etc.
18:54Mais qu'est-ce qu'ils font en fait ?
18:55Qu'est-ce qu'ils fabriquent ?
18:56Donc ça, c'est des choses sur lesquelles moi, je travaille.
18:59Il y a vraiment tous ces codes, notamment l'adulte avec ses clés.
19:01Il y a toujours l'adulte qui a un énorme trousseau de clés en général.
19:05Donc, il y a plein de codes.
19:06En plus, c'est vraiment des cultures où on retrouve comme ça une forme
19:08de mémétique d'une vidéo à l'autre.
19:11Alors, malheureusement, les écrans dans la famille, je vais devoir...
19:14J'ai été trop ambitieuse.
19:15Mais si vous voulez, je voulais vous présenter un peu une enquête
19:18que j'ai menée sur la place des écrans dans les familles où j'ai
19:22vraiment aussi mis la parole sur pas seulement ce que les parents pensent
19:26des pratiques des adolescents, mais beaucoup ce que les adolescents
19:30pensent des pratiques des parents et notamment aussi de la difficulté
19:33des parents de...
19:34C'est un petit peu l'exemple de la vidéo de Noa tout à l'heure,
19:39à quel point en fait les parents ont toujours un principe de distinction,
19:42de hiérarchisation par rapport à leurs pratiques.
19:44C'est oui, mais moi, ce que je fais, c'est utile, c'est légitime, etc.
19:49Et puis le fait qu'ils n'ont jamais essayé.
19:51Et donc, voilà.
19:52Mais ça, je vais un peu passer.
19:54Peut-être un point important, c'est aussi dans la bouche de beaucoup
19:58d'enfants, de beaucoup de jeunes, ils trouvent que souvent l'écran
20:02vient cristalliser tous les conflits, en fait, et que tout est à cause
20:05du téléphone.
20:06T'es malade, c'est ton téléphone, t'as des mauvaises notes à l'école,
20:09c'est ton téléphone, c'est ton téléphone, c'est ton téléphone.
20:11Et donc, en fait, souvent, quand il y a des conflits, comme Julie qui nous dit,
20:15chaque fois que je m'énerve, ils disent que c'est à cause de mon téléphone.
20:17Tout, c'est à cause de mon téléphone.
20:19Tu restes trop sur les écrans, tu vois, après, tu es comme ça.
20:22Donc, une espèce de transformation, comme ça, des ados qui sont ados
20:25parce qu'ils ont des téléphones.
20:26Voilà.
20:27Donc, ça, c'est des choses qui ressortent, en tout cas, dans la bouche
20:29des enfants que je trouve intéressants.
20:31Et donc, quand j'ai une punition, on m'enlève mon téléphone.
20:34Oui, c'est assez facile aussi, effectivement.
20:36Donc, voilà.
20:37Dernier point, je sais que j'ai un peu dépassé.
20:39Je suis désolée.
20:40C'est mon dernier point qui va nous amener à la conclusion parce que
20:43c'est un point méga important.
20:44C'est cette obsession de la question du temps ne nous dit jamais
20:48ce que font les jeunes, en fait.
20:49Si tu passes quatre heures sur Spotify, écouter de la musique,
20:52si tu écoutes des podcasts, si tu joues, si tu parles à tes amis,
20:56si tu regardes TikTok, mais TikTok, tu regardes quoi ?
20:58C'est quoi ton feed ?
20:58C'est quoi tes vidéos ?
20:59Enfin, je veux dire, c'est un indicateur quand même relativement pauvre
21:02par rapport, de nouveau, à la pluralité des activités qu'on peut mener.
21:06Et ce que je trouve intéressant, c'est que moi, dans mes terrains,
21:08j'ai vu qu'il y avait aussi énormément d'inégalités sociales.
21:10Je trouve qu'on en parle peu et, en fait, on sait que le temps d'écran
21:13est quand même corrélé au niveau socio-économique des parents.
21:17Et donc, voilà, ce n'est pas que les parents les plus pauvres sont
21:20des plus mauvais parents, évidemment, mais moi, il faut vraiment fouiller
21:24ça en entretien.
21:25Et il y a un espèce de manque d'alternatives aussi chez beaucoup
21:28de jeunes qui, tout simplement, n'ont pas d'autres activités.
21:31Alors en Suisse, c'est particulièrement impressionnant.
21:34Moi, j'avais vraiment des jeunes dans les milieux favorisés qui
21:36avaient tennis lundi, piano mardi, équitation mercredi et puis le
21:41week-end au ski à Verbier et qui, par ailleurs, sont dans des classes
21:44d'élite, en fait, donc très exigeantes au niveau du lycée.
21:48Donc, il y a beaucoup de travail scolaire.
21:50Il y a beaucoup de demandes aussi d'investissement dans le travail
21:52scolaire en dehors des heures de cours et d'autres jeunes qui sont
21:55dans des filières de relégation où il n'y a pas de travail après l'école,
21:58où ils n'ont pas d'activité.
21:59Et ça ressortait beaucoup dans les entretiens des jeunes qui disaient
22:02mais moi, madame, je n'ai pas d'autres activités.
22:03En fait, je n'ai rien d'autre à faire.
22:04Je rentre chez moi, je fais le ménage et après, je n'ai rien d'autre à faire.
22:07Donc aussi, de nouveau, de prendre en compte ces facteurs-là aussi
22:10d'inégalité sociale quand on parle du temps d'écran, le temps d'écran
22:13de qui, pour faire quoi et de reposer chaque fois un contexte, en fait,
22:16sur ces questions-là.
22:17C'est beaucoup ce qui manque, je trouve.
22:19Donc voilà, qu'est-ce qui est compliqué ?
22:22De faire autre chose.
22:23Personnellement, je n'ai pas d'autres activités à faire.
22:25C'est pour ça que je vais sur TikTok.
22:27Voilà, donc, en conclusion, la question du temps d'écran,
22:33elle ne peut pas être séparée de celle des ressources matérielles
22:36et symboliques des jeunes et des familles.
22:38Si on ne tient pas compte du contexte de socialisation et si on ne tient
22:41pas compte du point de vue et de l'expérience des jeunes,
22:44tout discours moraliste et normatif est une preuve de l'incapacité
22:48des institutions à sortir de la responsabilisation individuelle
22:51face aux problèmes sociaux.
22:52Je balance ça un peu vite mais on pourra en discuter.
22:56Et puis, les écrans concentrent une multitude de pratiques signifiantes
23:00que nous avons déléguées, pour le coup, à une oligarchie de société
23:03qui gère ces infrastructures numériques, Alphabet, Beta, Microsoft,
23:07TikTok et compagnie.
23:08Ça ne va pas forcément s'améliorer dans les années à venir.
23:12Et les intérêts et les objectifs poursuivis par ces sociétés n'œuvrent
23:15ni pour le bien commun, ni pour le bien-être des citoyennes
23:17et des citoyens.
23:18Les enfants et les adolescents sont perçus par ces sociétés uniquement
23:22comme des consommateurs et des consommatrices.
23:23Donc, voilà, il n'y a pas d'alternative non plus aux plateformes
23:26aujourd'hui.
23:27Donc, voilà, c'est un petit peu à tout ça qu'on peut réfléchir.
23:30J'ai des pistes d'action mais je pense que je n'ai pas le temps.
23:32J'ai pas le temps.
23:33Mais on peut en parler dans les questions.
23:36OK.
23:37Alors, par exemple, moi, ce que je fais, alors, moi, je le fais dans mes cours
23:41de master à l'université.
23:42Donc, il faudrait évidemment l'adapter à un public d'enfants et d'adolescents.
23:45Mais c'est vraiment des ateliers de curation des algorithmes, en fait.
23:48Parce qu'effectivement, et ça a été dit précédemment, apprendre à converser
23:53avec les algorithmes.
23:54Parce qu'en fait, votre fluide, il peut être absolument génial.
23:57Il peut être méga diversifié, vous donner accès absolument à tout.
24:00Vraiment, n'importe quelle passion, n'importe quelle subculture,
24:04n'importe quelle tendance politique.
24:05Vous allez trouver des gens super engagés sur TikTok.
24:07Moi, j'ai un feed magnifique sur TikTok, vraiment.
24:10Donc, mais par contre, effectivement, ça se travaille.
24:12Comment est-ce qu'on travaille ?
24:14Comment on converse ?
24:15Comment on utilise ces algorithmes en fonction du type de contenu qu'on
24:18veut avoir ?
24:19Mais ça, c'est absolument pas...
24:22Alors, ça a été dit ce matin, les gens, ils ont des imaginaires,
24:25des algorithmes.
24:26Ils textent, ils testent, ils expérimentent.
24:27Mais chacun le fait tout seul dans son coin.
24:29Complètement isolé avec des parents qui disent que c'est complètement
24:32stupide et que ça ne sert à rien, que c'est une perte de temps.
24:34Donc, voilà.
24:35Changer ça, puis prendre ça en charge.
24:38Et puis, voilà, une considération accrue des contenus consultés.
24:42Le temps d'écran, c'est une chose.
24:43Mais en fait, les contenus, mais qu'est-ce qu'ils regardent en fait ?
24:45Et qu'est-ce que ça leur fait ?
24:46Mais surtout, c'est quoi les contenus ?
24:49Et puis, voilà, aussi œuvrer pour une réglementation en accord avec
24:53les droits de l'enfant et qui les protège de contenus haineux,
24:57ainsi que du matraquage publicitaire.
24:59Parce que je ne sais pas si vous avez vu, mais maintenant, Instagram sort
25:01une version ado.
25:03Donc, voilà, qui protège les ados où ils peuvent avoir un compte privé
25:07par défaut, etc.
25:08Mais la publicité, par exemple, elle n'entre absolument pas en ligne
25:11de compte.
25:12Donc, en fait, ils ne sont absolument pas protégés de la publicité.
25:14Et voilà.
25:15C'est tout pour moi.
25:16Merci.
25:17Pardon.
25:28Merci beaucoup.
25:31C'était absolument fascinant et j'ai entendu beaucoup de réactions
25:34dans la salle.
25:35Vous aussi.
25:36Est-ce qu'on a un petit peu de temps pour des questions ?
25:38Est-ce qu'il y en a ?
25:40Par ailleurs, je rappelle que si vous nous suivez en ligne, vous pouvez
25:43poser vos questions.
25:47Virginie ?
25:48Merci beaucoup pour ces éléments contextuels qui permettent d'avoir
25:52un peu du tangible par rapport à tous ces sujets-là.
25:56J'étais assez intéressé par cette catégorisation entre ce qui est
26:00capturé, ce qu'on partage en privé, ce qu'on partage en public.
26:04Et je me demandais si, avec votre recul et votre regard un peu
26:09longitudinal sur ce terrain-là, vous n'observez pas des formes de
26:13valorisation, d'une ouverture.
26:16Finalement, plus on montre des choses en public et plus potentiellement
26:20on va être valorisé dans les algorithmes ou par les pairs.
26:23C'est quelque chose, en tout cas, que j'observe avec les influenceurs.
26:27Pour eux, c'est important de montrer toute leur vie, même les moments
26:32de pleurs, de tristesse.
26:34Et finalement, on aurait comme ça des éléments plutôt associés
26:37initialement du contenu privé ou qui restent entre amis proches,
26:41qui basculeraient dans la sphère du public.
26:44Ou je prends un autre exemple avec la plateforme Biril qui, là encore,
26:49pousse dans ce sens-là.
26:51C'est l'idée de montrer finalement toute sa vie, prendre une capture
26:55de sa vie à un moment donné qu'on ne choisit pas dans la journée
26:58puisqu'on a un signal sonore qui nous demande de capturer ce moment-là.
27:01Donc voilà, je ne sais pas si ça fait écho.
27:03Du coup, est-ce qu'il y aurait une valorisation finalement de cette
27:07ouverture de l'intimité et de montrer de plus en plus son intimité
27:11dans la sphère publique ?
27:13Alors, merci beaucoup pour cette question.
27:15Non, je dirais que c'est plutôt le contraire dans ce qui se passe
27:17vraiment dans les sociabilités adolescences, juvéniles, lambda.
27:21Justement, en dehors du monde de l'influence, après, effectivement,
27:24il y a des gens qui veulent vraiment avoir cette dimension médiatique,
27:28publique.
27:29Il y a beaucoup de gens qui essayent, il y a beaucoup de gens qui se plantent
27:30puis tout d'un coup, ça marche.
27:32Et puis là, alors effectivement, il peut y avoir une forme de reconnaissance,
27:35notamment à l'école et comme ça.
27:36Mais si on veut dire vraiment les pratiques ordinaires,
27:39les pratiques des jeunes, au contraire, moi, je fais l'hypothèse
27:41d'un retour d'une pudeur en force en fait.
27:44Et au contraire, c'est très vite gênant.
27:46Enfin, nous, on l'a eu dans nos trois langues,
27:48imbarzan, tepenlish et gênant.
27:50Absolument, vraiment massif.
27:53Tout est gênant.
27:54Tout était gênant.
27:55Et donc, il fallait vraiment savoir calibrer à qui il faut se mettre
27:59en scène, il faut se filmer.
28:00Mais à qui est-ce qu'on partage ?
28:02Et ça, c'est vraiment un enjeu très important.
28:05Il ne faut justement pas trop.
28:06Il faut savoir s'afficher sans s'afficher.
28:08Ça, c'était vraiment une chose qui ressortait aussi du terrain.
28:12Donc, en fait, c'est une structuration très fine.
28:15Et c'est pour ça que nous, on a fait un tableau où on croise
28:17justement ce qu'on fait dans l'espace présentiel face au public,
28:21des gens présentiels dans l'espace public.
28:23Et ensuite, quel est le destin numérique finalement de ce qui se passe
28:27dans la rue ?
28:28Et ce qu'on observe, c'est vraiment...
28:29Non, justement, il y a plein de jeunes qui nous disent
28:30mais moi, en soirée et tout, je fais plein de stories,
28:32mais c'est pour mes amis et tout ça.
28:34Et je vais faire une photo.
28:35On va vraiment poser et ça va être la lumière.
28:38On va travailler super longtemps, mais il y aura une photo parce que
28:40ça va nous demander beaucoup de travail pour une diffusion publique.
28:44Donc, ils se font beaucoup...
28:46Il y a beaucoup de sanctions aussi si on se met en public,
28:49si on s'affiche publiquement sans maîtriser trop les codes.
28:54Oui ?
28:57Il y a une dame.
29:00On a le temps pour combien de questions encore ?
29:04Merci pour votre présentation.
29:06Alors moi, ma question serait justement sur les débats au niveau
29:09législatif sur l'interdiction de l'accès aux réseaux sociaux.
29:13Donc là, on a 16 ans pour l'Australie.
29:15On a eu une tentative sur 15 ans pour la France.
29:20Le débat repart au niveau européen.
29:22Donc, qu'est-ce que vous pensez d'une interdiction d'accès aux réseaux
29:26sociaux pour les adolescents ?
29:28Alors moi, je pense que ce qu'il faut faire prioritairement,
29:31c'est vraiment de l'éducation en fait et de demander de nouveau...
29:34Enfin, je n'ai pas eu le temps de vous montrer, mais on voit les
29:36verbatimes de ce qui se passe dans les familles.
29:38Genre, papa à table, on n'a pas le droit du téléphone à table,
29:41mais papa, il l'a tout le temps.
29:42Enfin, je veux dire, donc de demander de nouveau à des enfants de se
29:45passer d'outils dont nous, on est absolument dépendants.
29:48De nouveau, on les a filmés.
29:50En plus, c'est tellement irréaliste parce que la plupart des parents,
29:53moi, me disent qu'à partir du moment où l'enfant va acquérir une
29:56forme d'autonomie dans l'espace public, va sortir, va aller au judo,
29:59va prendre le bus, va aller à l'école tout seul, il a besoin d'un téléphone.
30:02Sachez, il a besoin d'un téléphone.
30:03Donc, les parents, ils équipent aussi leurs enfants, à moins qu'on leur...
30:06Du coup, on leur met tous une montre et puis que du coup,
30:08ils n'ont plus aucune autonomie, mais ils sont quand même géolocalisés.
30:10Parce que les parents ont une exigence, vraiment, que les enfants soient
30:14tout le temps joignables, ce qui pose d'autres problèmes.
30:16Ce serait une autre conférence.
30:18J'ai pas mal travaillé là-dessus aussi, sur comment ça vient perturber
30:22la prise de l'autonomie et l'acquisition notamment de la confiance en soi,
30:26de la confiance dans les concitoyens.
30:28Enfin bref.
30:29Et donc, voilà, c'est comme si moi, chaque fois, je dis aux adultes,
30:32mais vous, alors vous n'utilisez plus Google Maps, vous n'utilisez plus
30:36non plus.
30:37Enfin, je ne sais pas, il y a un moment donné, pourquoi on demande
30:39aux jeunes quelque chose qu'on est incapable de faire ?
30:42Et ou alors, si on peut dire oui, mais les enfants, ils ont besoin
30:45d'être plus accompagnés, protégés, et évidemment, ce qu'on peut entendre,
30:49on dit ok, alors on fait des plateformes qui sont adaptées pour eux
30:53et pour elles.
30:54Et puis, mais c'est sans contrôle parental.
30:57C'est un grand débat.
30:59On s'embarque.
31:00Mais surtout, de nouveau, il faut éduquer parce qu'aujourd'hui,
31:04même à 15 ans, vous leur donnez un téléphone avec l'accès à TikTok,
31:07ils ne sauront pas l'utiliser.
31:08Pourquoi est-il encore à 15 ans ?
31:09Bon, on sait utiliser, alors qu'on n'a rien fait avant.
31:11Enfin, je ne sais pas, c'est, voilà, pour moi, il faut vraiment
31:14accompagner, il faut vraiment, et puis accompagner les parents
31:18et les familles parce qu'on ne peut pas clairement déléguer ça aux
31:22parents et aux familles qui, eux-mêmes, souvent, ne comprennent pas
31:24non plus.
31:25Ils sont des gros utilisateurs et donc, ça doit se faire à l'école.
31:28Enfin, voilà, pour moi, c'est une évidence.
31:33Oui, il y a ma fille qui a une question.
31:34Oui.
31:39Mais que pensez-vous de la géolocalisation ?
31:45Alors, en général, la géolocalisation, c'est aussi, c'est très complexe.
31:49C'est vrai que les ados adorent géolocaliser, mais du coup,
31:52ça permet aussi de recolter des données par les infrastructures
31:56numériques sur où ces jeunes se trouvent.
31:58Donc, ça peut poser certains problèmes.
32:01Moi, ça me dérange.
32:02Alors, entre jeunes, ça peut poser pas mal de problèmes parce que
32:05ce qui arrive très souvent, c'est qu'on va voir des copines,
32:08par exemple, qui sont ensemble à une activité où on n'est pas
32:11et on est toujours en train...
32:12Finalement, ça peut fabriquer un petit peu du regret de se dire
32:15mais pourquoi je ne suis pas avec elle ?
32:16Pourquoi je ne suis pas là ?
32:17Etc.
32:18Mais en même temps, je trouve que ça rentre dans une espèce de logique
32:21effectivement globale de ce lien permanent.
32:25Donc, voilà, je comprends le sens, en tout cas, que ça a.
32:28Maintenant, des parents qui géolocalisent les enfants, là,
32:30j'ai beaucoup plus de mal.
32:31Et dans mes terrains, de nouveau, il y a beaucoup de parents qui
32:34géolocalisent jusqu'à tard, 16, 17 ans, ou bien j'ai des parents
32:37qui vont mettre un périmètre, en fait, de liberté de mouvement
32:43à leurs ados de 16, 17 ans.
32:44Et si l'ado sort du périmètre, genre du quartier, la mère est notifiée.
32:48Donc, voilà, je pense que, voilà, de nouveaux vastes sujets sur
32:54ces questions de surveillance et de surveillance aussi dans les couples.
32:57Il y a beaucoup, beaucoup de jeunes qui disent que dans leur couple,
32:59ils sont géolocalisés, par exemple, et que, notamment beaucoup,
33:02les femmes doivent rendre des comptes à leurs partenaires parce que,
33:05tout d'un coup, elles étaient à un endroit où elles n'ont pas
33:06l'habitude d'être.
33:08Donc, c'est sûr que ça favorise énormément des pratiques
33:11de surveillance.
33:15Oui, merci pour votre présentation.
33:17C'était passionnant.
33:19D'après ce que vous retracez, on voit aussi se construire des
33:23logiques d'apprentissage au fur et à mesure de l'utilisation
33:27des portables.
33:28J'ai l'impression que ces jeunes, ces ados apprennent aussi.
33:32Je me demandais si ça pouvait jouer dans des déstabilisations
33:35de rapports de pouvoir au sein de la famille.
33:37Il y a des collègues qui ont travaillé sur la façon dont les jeunes
33:40savaient mieux utiliser l'ordinateur que leurs parents et jouaient
33:45un peu à laisser la main aux parents pour ne pas trop déstabiliser
33:48les rapports de hiérarchie entre parents-enfants.
33:50Est-ce que vous avez...
33:51Enfin, c'était les travaux de Laurence Ledoirin, notamment.
33:53Est-ce que c'est des choses que vous avez observées avec l'usage
33:57du téléphone portable ?
33:58Oui, notamment, justement, des parents qui essayent de mettre
34:02des limites et puis des enfants qui les font sauter, assez typiquement.
34:06Maintenant, moi, ce que j'ai surtout observé, en tout cas dans mon
34:09enquête dans les familles, c'est à quel point le discours des adultes
34:12est dénigrant, en fait, par rapport à toutes les pratiques numériques
34:16des jeunes, avec souvent, en plus, un aveu de méconnaissances,
34:20typiquement du style de verbatim, qui disent, ah, alors là, ils regardent
34:24toutes ces vidéos complètement stupides.
34:26Là, c'est vraiment débile.
34:27Je ne connais pas, je ne sais pas, mais en tout cas, c'est vraiment
34:29complètement stupide.
34:30Donc, dans une même phrase.
34:31Et ça, il y a quand même beaucoup.
34:33C'est-à-dire que je pense qu'il y a beaucoup de parents qui développent
34:35un complexe.
34:37Et donc, ça peut créer aussi des tensions.
34:39Il y a beaucoup de mères, notamment, qui sont hyper culpabilisées quand
34:43les enfants passent trop de temps sur les écrans.
34:46Sauf que ce trop de temps, de nouveau, dans certaines familles,
34:48c'est une heure, dans certaines familles, c'est six heures.
34:50Donc, en fait, voilà, c'est quand même très subjectif.
34:54Et vraiment, des mamans qui me disent, en entretien, quand ma fille est
34:57trop sur les écrans, je me dis, oh là là, quelle horreur, je suis une
35:00mauvaise mère.
35:01Donc, on associe aujourd'hui la bonne parentalité au juste encadrement
35:05des écrans.
35:06Petit mépris de classe au passage, comme ça.
35:09Et donc, effectivement, je pense qu'il y a beaucoup de...
35:12En tout cas, moi, ce que j'observe, c'est beaucoup de complexe,
35:14beaucoup de culpabilité.
35:15Et peut-être que ça vient aussi, des fois, jouer avec le sentiment
35:18d'être moins outillée.
35:19J'ai aussi des jeunes qui sont un peu méprisants par rapport à ce qu'ils
35:23regardent sur TikTok.
35:25J'ai des jeunes filles qui m'ont dit, ah, ma mère est tout le temps sur
35:27TikTok, mais elle regarde ces trucs du bled, là, des trucs mal faits,
35:30leurs vieilles recettes.
35:31Donc, voilà, il y a aussi...
35:33Ça, je pense que ça, c'est depuis toujours.
35:35Quand aussi, nous, moi aussi, quand j'étais ado, mes parents,
35:38ils n'aimaient pas énormément Nirvana, ils n'aimaient pas énormément
35:42ce que je regardais à la télé.
35:43Ça, c'est depuis toujours.
35:45J'ai trouvé des archives, la RTS, qui est la télévision suisse.
35:48En 1971, il y avait un documentaire qui s'appelait
35:52Libre d'être hippie, sur les jeunes.
35:54Et il y avait des vieux messieurs qui disaient, c'est de la vermine,
35:57c'est des parasites.
35:58Donc, bon, voilà, le fait que les générations adultes dénigrent
36:02les pratiques culturelles des jeunes, c'est aussi une espèce de truc
36:05dont on n'arrive pas à sortir, mais qui est quand même très ancien.
36:08Pardon pour ma longue réponse, je vais essayer de faire plus court.
36:11Pardon.
36:12Je vous propose qu'on prenne une dernière question, peut-être.
36:14Ah, deux dernières questions.
36:16Ah, oh là là.
36:18Alors, trois questions, si elles sont très courtes et avec des réponses
36:21assez courtes, on aura plein de temps pour les échanges de façon
36:24informelle.
36:25C'est absolument passionnant.
36:26C'est normal.
36:28Ma question est à propos des différents réseaux sociaux,
36:35qui ont chacun une spécificité.
36:37Je voulais savoir si les adolescents avaient conscience et comment
36:43ils expliquaient la spécificité de chaque réseau social.
36:46OK, merci.
36:47Je vais aller vite.
36:48Alors, cette fois, moi, j'appelle ça les écosystèmes relationnels
36:52et culturels numériques, c'est-à-dire que les jeunes,
36:53ils arrivent très bien à expliquer quelle plateforme sert à faire quoi,
36:57avec qui.
36:58Et donc, typiquement, il y a des plateformes plus de scrolling
37:01comme TikTok, où là, on est vraiment plus pour regarder des choses,
37:03mais ça n'empêche pas de taguer des amis, justement, ou de réagir
37:06dans les commentaires.
37:07On va partager avec des amis de culture un petit bout de sociabilité.
37:11Et puis après, il y a des plateformes comme Snap qui sont vraiment
37:13plus, justement, inscrites dans du relationnel, dans ces conversations
37:16continues, dans le fait d'être en lien les uns avec les autres.
37:20Mais, en fait, si vous voulez, il y a deux grandes catégories.
37:22On peut dire qu'il y a vraiment celle qui est plus de l'ordre de la
37:24consultation de contenu avec plutôt des gens qu'on ne connaît pas,
37:28puis plutôt autour d'intérêts et tout ça, ce qui n'empêche pas
37:31d'être en interaction avec des pairs à ce moment-là par les échanges,
37:34par les tags, par les commentaires.
37:36Et l'autre catégorie qui est plus le relationnel, mais même à l'intérieur
37:39de ça, par exemple, mes étudiants avec qui je travaille ça,
37:41qui sont tout à fait des ados, ils expliquent très bien qu'en fait,
37:44même dans une même journée, ils vont utiliser trois ou quatre
37:47applications pour parler avec la même personne, mais de choses différentes.
37:50Donc, en fait, c'est pour ça, c'est vraiment comme des écosystèmes
37:53comme ça.
37:56Merci.
37:57La deuxième question.
37:59Allez-y, Céline.
38:00Oui, bonjour.
38:01Merci.
38:02Votre intervention était intéressante à bien des égards, on le voit,
38:04et notamment un égard dont vous venez de parler dans votre avant-dernière
38:09réponse.
38:10On voit bien combien les discours de délégitimation de la pratique
38:16du smartphone créent des tensions au sein des relations parents-enfants
38:23et au sein des familles plus largement.
38:25Et en fait, ils ne vont pas s'en rappeler tous ces discours de
38:28délégitimation qui ont existé, qui existent encore au sujet d'un autre
38:32écran, celui de la télévision.
38:35Et en fait, dans ce que vous dites, on retrouve à la fois la manière
38:39dont le temps d'écran pouvait être utilisé comme critère de
38:45dénigrement, de marqueur d'autorité au sein des familles, la manière
38:50aussi dont il y avait ce dénigrement au sujet des contenus qui pouvait
38:56être regardé.
38:57C'est ce que vous venez de dire aussi.
39:01Cette culpabilisation aussi des mères et des parents plus largement
39:05et la manière dont le rapport à l'écran constituait une norme en
39:09lien avec ce qu'est un très bon parent ou ce qu'on ne l'est pas.
39:13Et donc, on voit vraiment qu'il y a ce déplacement finalement de ce
39:16discours normatif de délégitimation des écrans qui va maintenant vers
39:22les écrans des smartphones.
39:23Alors, même si on n'est évidemment pas dans le même objet, puisque vous
39:26l'avez dit, c'est un objet individuel, etc.
39:29Mais il y a ces racines qui sont là et on voit à quel point les
39:36individus incorporent toutes ces normes à l'égard de la consommation
39:41des écrans, à l'égard de la dangerosité des écrans et qui aujourd'hui
39:46se manifestent à l'égard des smartphones.
39:48Demain, je ne sais pas.
39:49Mais il y a cette tradition qui semble être en oeuvre.
39:53Oui, alors juste un tout petit commentaire.
39:57Effectivement, c'est le cas aussi pour les jeux vidéo.
39:59Pourtant, on est un peu revenus avec les jeux vidéo quand même.
40:02Effectivement, après, c'est vrai que c'est pareil.
40:07On a de la peine à se mettre...
40:08Enfin, il y a toujours...
40:09C'est ça qui est intéressant en sociologie.
40:11C'est qu'on voit que c'est toujours aussi relié à des questions de
40:13position sociale.
40:14Parce que ça, c'est bien les travaux de Dominique Pasquier, notamment sur
40:17LNL les garçons, qui a montré comment en fait, il y avait aussi un mépris
40:20de classe de la part des parents, notamment des mères des classes
40:22supérieures, qui pensaient que ça rendait débile.
40:25C'est quand même aussi situé socialement.
40:26C'est aussi dire, c'est la culture populaire qu'on n'aime pas.
40:29TikTok, c'est aussi beaucoup ça.
40:32Donc souvent, on ne s'intéresse peu au contenu, mais voilà, c'est
40:35délégitimé parce que c'est considéré comme une culture pauvre en fait.
40:39Maintenant, tout petit point aussi, le smartphone crée énormément
40:43de tensions au sein des couples.
40:44Et moi, j'ai pas mal écrit là-dessus parce qu'on en parle très peu.
40:47Une espèce de gap dans la littérature, dans le sens où ce n'est pas seulement
40:50par un enfant, le nombre de mères qui m'ont dit justement qu'elles
40:53étaient agacées par leur mari.
40:55Et j'ai fait des entretiens de couples où ça devenait un truc entre eux,
40:58super intéressant du coup à observer, où vraiment, chaque fois, je disais
41:03à un monsieur, à un monsieur, mais alors qu'est-ce que vous faites
41:06quand vous êtes...
41:07Comment vous utilisez les écrans quand vous n'êtes pas au bureau ?
41:09Sa femme qui dit, il n'est jamais pas au bureau.
41:12Vous mettez le doigt sur le problème de couple là, c'est ça ?
41:14Où vraiment, on voit qu'en fait, les mères sont aussi très agacées.
41:17Je dis les mères parce que c'est plus souvent des femmes qui sont
41:19très agacées par les usages des messieurs.
41:21Mais ça de nouveau, c'est en fait, il faut toujours prendre le contexte
41:24et l'écosystème parce qu'on pointe les ados.
41:26Mais quand on met son nez dedans, on voit qu'au sein des couples,
41:29au sein des familles et tout, en fait, ça crée beaucoup de conflits.
41:33Mais ce n'est pas que par un enfant.
41:36Et ça me paraît une très bonne conclusion, pas très bonne,
41:39mais en tout cas très intéressante.
41:41Merci beaucoup encore une fois, c'était vraiment passionnant.

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