Anne Fulda reçoit Maryse Burgot pour son livre «Loin de chez moi. Grand reporter et fille de paysan» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à L'Heure des Livres, Maryse Burgot.
00:03On vous connaît, vous êtes journaliste à France Télé.
00:06Depuis plus de 30 ans, presque 35 ans, vous êtes grand reporter là-bas.
00:11Et vous venez de publier « Loin de chez moi, grands reporters et filles de paysans »,
00:15un livre qui est paru chez Fayard.
00:17Un livre très intéressant, assez étonnant, original,
00:20parce que c'est à la fois une autobiographie et puis un récit de vos missions sur le terrain,
00:26comme on dit, de grands reporters sur des théâtres connus,
00:30des Balkans, l'Ukraine, le Proche-Orient.
00:32Alors ce titre, « Loin de chez moi », évidemment, il y a deux lectures,
00:36et c'est dans le sous-titre « Grands reporters et filles de paysans ».
00:39« Loin de chez vous » parce que vous partez souvent à l'autre bout du monde,
00:42et « Loin de chez vous » parce que loin de vos racines
00:45et que ce n'était pas écrit que vous deveniez ce que vous êtes devenu
00:49en étant née à Bazouj, la Pérouse.
00:52Vous l'avez très bien prononcé.
00:54Bien regardé. Dans une famille d'agriculteurs.
00:57Exactement. Je suis fille de paysans bretons,
01:01deux agriculteurs qui sont aujourd'hui à la retraite.
01:04Et oui, ce n'était pas un parcours écrit parce que je viens d'un milieu rural,
01:10agricole, une petite commune de 1200 habitants.
01:14Et ce n'était pas un milieu intellectuel, pas un milieu dans lequel il y avait des livres,
01:18mais néanmoins un milieu extrêmement bienveillant, très travailleur,
01:22des grands lecteurs du journal quotidien Ouest France,
01:27mais pas de livres à la maison, peu, il y en a un petit peu plus maintenant.
01:30Donc c'est vrai que ce parcours-là n'était pas écrit
01:33parce que je n'avais pas tout à fait les codes pour rentrer dans une école de journalisme.
01:37Et c'est un peu ce qui fait ma fierté maintenant.
01:41Et c'est aussi pour ça que j'ai écrit ce livre en partie.
01:45Je voudrais dire à ceux qui pensent qu'ils ne sont pas nés tout à fait au bon endroit,
01:50non pas que je dise que je ne suis pas née au bon endroit, je suis née dans un magnifique endroit.
01:55Mais tout n'a pas été très simple pour moi, tout est possible en fait.
01:59Vous écrivez « Je suis une évadée de mon milieu d'origine, et puis plus loin,
02:03ce récit témoigne aussi du poisseux sentiment d'imposture lié à mon lieu de naissance,
02:07de l'intranquillité permanente, du manque de nonchalance et d'insouciance caractéristique
02:11de celles et ceux qui n'ont pas grandi dans un milieu privilégié, ils se reconnaîtront. »
02:15– C'est vrai qu'on est étonnés parce que quand on vous voit,
02:18on voit la grand-reportère Aguirre qui semble sûre d'elle.
02:22Vous êtes proche, parce qu'on est dans une émission qui parle de livres,
02:25d'auteurs comme Annie Ernaud, qui parle pas mal de ce sentiment de transfuge de classe.
02:33Vous sentez cela ?
02:35– Alors je n'aime pas le mot transfuge de classe,
02:38parce qu'il semblerait dire que je n'aime pas ce milieu dont je viens.
02:42Alors non, je le regarde bien droit dans les yeux ce milieu et il m'oblige,
02:49et je lui offre ce parcours avec plaisir.
02:53Mais oui, j'ai une sorte de sentiment d'imposture, je dis qu'il est lié à la naissance
02:59parce que je vois bien autour de moi certaines personnes qui ont beaucoup d'assurance
03:06et qui parfois ne savent pas tellement plus de choses que moi,
03:09mais je vois que c'est une question de naissance.
03:11Et ça vous l'avez pour toujours, je l'ai moi.
03:15– Donc vous travaillez plus ?
03:17– Je travaille beaucoup, je travaille beaucoup.
03:20– Alors vous commencez votre livre par un épisode que vous dites avoir hésité à relater,
03:26c'est la prise d'otage, vous avez été victime, c'était en 2000.
03:31Pourquoi cette hésitation finalement ? Vous êtes journaliste, ça vous est arrivé ?
03:34Vous parlez d'humiliation, c'est étonnant.
03:37– Oui, parce qu'être otage c'est une humiliation.
03:40– Bien sûr, ça oui, mais de le raconter.
03:42– Oui, vous êtes privée de votre liberté, alors que vous n'avez rien fait pour mériter cela.
03:48Et puis moi j'étais entourée d'hommes, de combattants islamistes radicaux,
03:54de façade un peu, qui voulaient surtout des dollars.
03:58Oui, c'est une expérience très humiliante, à bien des égards.
04:03Et donc c'est d'une certaine manière une blessure que j'ai bien encapsulée quelque part,
04:08que j'ai bien emprisonnée, que j'ai bien domptée au fil des années.
04:12Non, c'est vrai que je n'aime pas cette histoire, je n'aime pas en parler,
04:16j'avais pensé que peut-être je n'en parlerais pas du tout dans le livre.
04:19Et puis ce serait malhonnête parce que c'est mettre sous le tapis
04:22les choses qui m'ont semblé désagréables.
04:25Alors voilà, je me suis dit que je raconte et puis après on n'en parlera plus.
04:29Bon alors vous ne racontez pas que ça, on n'a pas le temps de revenir sur tout.
04:33Vous parlez aussi de votre premier grand reportage en Inde et puis de souvenirs de terrain.
04:39Et aussi vous avez été un moment correspondante à Londres et à Washington.
04:43Et en fait c'est des codes complètement différents, c'est ça que vous racontez, c'est amusant.
04:48Et d'ailleurs vous préférez finalement ce qui vous constitue,
04:52c'est aller au loin et non pas être assignée à résidence comme on dit désormais.
04:58Oui, non mais j'ai beaucoup aimé ces parenthèses à Londres et aux États-Unis
05:03parce qu'elles étaient familiales, c'est-à-dire que je ne suis pas allée,
05:06quand je vais sur une zone de conflit, évidemment que j'y vais seule, je ne vais pas emmener ma famille.
05:11Là on est partie ensemble, c'était une magnifique aventure familiale
05:15en plus d'être une aventure professionnelle extraordinaire.
05:18J'étais là pour la deuxième élection de Barack Obama, c'était vraiment génial.
05:22Dans une carrière de journaliste, faire une élection américaine c'est juste extraordinaire.
05:27Mais quand je suis rentrée, j'ai assez vite eu envie de retourner sur les terrains,
05:34non pas les terrains de guerre parce que je ne suis pas du tout addicte à la guerre et tout ça,
05:37mais les terrains un peu durs, âpres, où il faut quand même aller chercher les choses
05:42avec un peu de ténacité et en n'ayant pas trop peur.
05:49Et bien vous y êtes retournée et en attendant que vous y retourniez,
05:54je vous conseille de lire « Loin de chez moi, grand reporter et fille de paysan »,
05:57un livre qui est paru chez Fayard. Merci beaucoup Mariette Beaugo.
06:00Merci de m'avoir invitée.