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Anne Fulda reçoit Laura Poggioli pour son livre «Époque» dans #HDLivres

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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Laura Poggioli.
00:03Alors, on vous reçoit...
00:05Vous avez déjà publié un premier roman,
00:07qui s'appelait Trois Sœurs,
00:08un livre qui avait été récompensé par le prix envoyé par La Poste.
00:11Et là, vous publiez aujourd'hui Époque,
00:14un livre qui est publié aux éditions de l'Iconoclast,
00:17et un livre qui est présenté comme un roman,
00:19qui est un roman,
00:21mais qui est très proche de la réalité,
00:23qui est écrit d'une écriture assez réaliste, sèche.
00:27Alors, l'histoire, c'est celle de Lara,
00:30une jeune femme d'environ 30 ans,
00:33qui fait un stage dans un service d'addiction aux écrans,
00:37service hospitalier.
00:39Alors, on se demande, effectivement,
00:41pourquoi vous avez choisi de traiter ce sujet
00:45et pourquoi vous placez votre héroïne dans ce cadre,
00:48dans ce décor.
00:50J'ai choisi de traiter ce sujet,
00:52parce que c'est un sujet qui me touche.
00:54Moi, intimement, ça faisait plusieurs années
00:56que je m'intéressais à ce sujet de l'addiction aux écrans,
00:59en tant que mère, d'abord,
01:01parce que je m'interroge par rapport à mes enfants,
01:03à comment ils vont grandir avec ces outils-là,
01:07qui modifient un certain nombre de choses,
01:09je pense, dans l'enfance et l'adolescence.
01:12Et puis, il me touchait aussi, moi, personnellement,
01:15notamment le rapport un peu addictif aux réseaux sociaux.
01:18Je l'avais ressenti au moment de la publication
01:20de mon premier roman, en août 2022.
01:22J'avais commencé, à ce moment-là, à utiliser les réseaux sociaux
01:25pour communiquer autour de ce livre.
01:27J'avais senti que ça me déstabilisait un petit peu,
01:29que ça m'apportait des choses positives,
01:31mais aussi, parfois, le fait de me comparer,
01:34de me dévaloriser aussi.
01:35Et à ce moment-là, je me suis dit que j'avais vraiment envie
01:38de traiter ce sujet-là dans mon deuxième roman.
01:40Alors, j'ai cherché, puisque je me nourris toujours du réel,
01:44j'ai cherché un endroit qui accompagnait les jeunes
01:48qui souffraient de ce type de...
01:50d'un rapport aux écrans un peu addictif.
01:53Oui, c'est ça.
01:54Et donc, j'ai identifié une unité
01:56qui est rattachée au service pédopsychiatrique
01:58de l'hôpital Robert-Debré.
02:00Et je les ai contactés, ils ont accepté de m'accueillir.
02:03Donc, j'ai passé un mois et demi dans cette unité,
02:06début 2023.
02:07Et donc, ça a nourri, évidemment, l'unité qu'on retrouve
02:11dans le roman dans lequel mon héroïne Lara passe six mois.
02:15Oui, parce qu'on voit bien, à la lecture
02:17et aux cas que vous racontez,
02:19de Julien, un collégien déscolarisé depuis trois ans,
02:23ou de Lou, neuf ans, qui passe ses nuits,
02:25ses nuits entières sur son portable, dort presque plus,
02:28ou une autre jeune fille, Stéphania,
02:30qui est tétanisée à l'idée de sortir chez elle.
02:32On voit bien que vous êtes nourrie par le réel.
02:37Alors, ce qui est intéressant, c'est que votre héroïne,
02:40elle, elle voit, à travers les expériences
02:42qu'ont vécues ces jeunes,
02:45c'est parfois presque enfant encore,
02:47une expérience qu'elle a vécue,
02:49une expérience amoureuse, malheureuse,
02:52et qui a mal tourné, notamment,
02:54à cause de l'utilisation des réseaux sociaux.
02:57Oui, donc elle passe du temps dans cette unité,
03:00on la suit pendant six mois, et au fur et à mesure,
03:02il y a des souvenirs qui refont surface.
03:04Déjà, il y a plein de petites choses,
03:05elle, par rapport à son adolescence,
03:07plein de petits souvenirs.
03:08Donc, ça permet de comparer, un peu,
03:10de faire des points entre les époques,
03:12des choses qui sont permanentes,
03:14et puis des choses qui sont un peu nouvelles.
03:16Et en même temps, elle se souvient d'une relation d'emprise
03:19vécue quelques années auparavant avec un médecin.
03:22Et une relation assez courte, en fait,
03:24mais dans laquelle les outils numériques
03:26ont joué un rôle important.
03:28Elle va décortiquer un petit peu tout ça.
03:30Et voilà, en y repensant,
03:32elle réalise qu'en fait,
03:33ces outils qui donnent une espèce d'impression
03:35de quotidien, d'intimité,
03:37qui permettent de photographier l'autre aussi,
03:40ils ont imprimé vraiment quelque chose de très fort
03:42sur cette relation.
03:43Et ensuite, ils ont permis aussi la mise en place
03:45par cet homme d'un cyberharcèlement
03:47qui a duré pendant des mois.
03:48Et donc, elle se souvient de ça.
03:50Et il y a une tension dans le roman.
03:52C'est un peu une histoire dans l'histoire.
03:53Et on se demande jusqu'où ça va aller
03:55et comment ça va se terminer.
03:57Oui, parce qu'en fait, ce que ça traduit,
03:59en tout cas l'histoire que Lara, elle, a vécue,
04:02c'est qu'en fait, il y a de nouveaux codes amoureux
04:04à cause du digital
04:06et qui impliquent de nouveaux dangers aussi amoureux.
04:10Différents qu'à l'époque.
04:13Oui, de nouveaux dangers.
04:14Il y a toutes ces images qui peuvent être capturées
04:16et qui posent la question après de leur diffusion,
04:18sans le consentement, évidemment,
04:20donc toutes les problématiques de Revenge Burn, etc.
04:23Il y a ces connexions constantes, en fait,
04:26et ça crée en fait un état de dépendance.
04:28Ça vient nourrir un état,
04:29même si on n'est pas forcément à la base,
04:31donc là, ce genre de...
04:33On n'a pas ce tempérament.
04:35Et oui, voilà, ça m'intéressait de questionner ça,
04:39ce que ça change, en fait,
04:40ce que cette ultra-connexion contemporaine,
04:42elle modifie de notre rapport aux autres,
04:45au monde, à nous-mêmes aussi,
04:46et dans toutes les relations humaines,
04:47y compris les relations amoureuses.
04:49Alors, dernière question, face à cette génération qui vient,
04:53qui est là de...
04:54Enfin, dont on est,
04:56de personnes qui sont à la fois voyeurs et exhibitionnistes,
05:00n'est-ce qu'il n'est pas temps
05:02de faire de l'addiction aux écrans une cause nationale ?
05:05Parce qu'en fait, ça fait des ravages.
05:06Si, je pense.
05:07Alors, moi, après, je ne suis pas... Je suis refranchière,
05:09donc c'est vrai que je ne suis pas essayiste,
05:12je ne fais pas de politique, non plus.
05:14Mais oui, je pense, bien évidemment.
05:16Après, il y a des choses qui évoluent.
05:17Là, en janvier, on a interdit davantage, je crois,
05:20le téléphone portable dans les collèges,
05:22mais il y a certainement plein de choses à mettre en place
05:24pour reculer, en fait, le moment où les adolescents l'utilisent,
05:29ou pour faire de la sensibilisation, de la prévention.
05:33Après, on ne peut pas supprimer non plus ces outils,
05:35et moi, l'idée avec ce roman, ce n'était pas de dire
05:37non plus que c'était mieux avant,
05:38ou de nous culpabiliser aussi,
05:40parce que ce qui était important aussi pour moi,
05:41de faire ressentir ça dans le livre,
05:43c'est que même si on n'a pas forcément, au départ,
05:46une espèce de rapport addictif, de comportement addictif,
05:50en fait, ces outils sont conçus, quand même.
05:52Il y a quand même l'industrie du numérique
05:54qui travaille derrière, avec des neuroscientifiques, etc.,
05:57pour nous rendre, en fait, addicts.
05:59Donc oui, je pense qu'à un moment donné,
06:00effectivement, les pouvoirs publics
06:02doivent se saisir de cette problématique-là.
06:05En attendant, même si ce n'est pas effectivement
06:08un livre politique, c'est un livre qui met le doigt
06:10sur un vrai problème, ça s'appelle Epoch.
06:13C'est publié à l'Iconoclast.
06:15– Merci Laura Poggioli.
06:16– Merci.

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