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"Ce n'est pas la dette qui est insoutenable, c'est la dépense publique", analyse lundi 21 octobre, l'invité de franceinfo soir, Eric Woerth, député EPR de l'Oise, membre de la commission des Finances, de l'Economie générale et du Contrôle budgétaire.

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Transcription
00:00France Info soir, l'invité, Paul Barcelone.
00:05Et votre invité Paul Barcelone, c'est le député Eric Woerth, ancien ministre du budget.
00:10Bonsoir Eric Woerth.
00:11Bonsoir.
00:12Les débats commencent ce soir à l'Assemblée nationale autour du projet de budget pour 2025.
00:16Boucherie totale, enfer fiscal, voilà ce qu'on pouvait lire dans la presse ce matin.
00:20Vous-même avez parlé de furie fiscale après l'examen et finalement le rejet du texte en commission des finances.
00:26Ce soir vous nous dites vivement le 49-3, c'est ça ?
00:29Non, il va y avoir un débat, il commence tout à l'heure, vous l'avez dit.
00:33Il sera sans doute long et à tout moment le gouvernement peut l'interrompre.
00:37Musclé ?
00:38Oui, musclé.
00:39Les choses se sont correctement passées en commission des finances sur le plan de la forme, mais pas sur le plan du fond.
00:44L'augmentation, certes il y a un effort fiscal à faire, il a été annoncé par le gouvernement.
00:49On pouvait l'amender, bien sûr, le bouger ici ou là.
00:53Mais on ne peut pas accepter une telle masse d'impôts supplémentaires qui touche tout le monde.
01:00Les propriétaires comme les locataires, les épargnants comme les actifs, absolument tout le monde, dont surtout les entreprises.
01:09C'est un problème majeur pour l'économie française.
01:13Est-ce que le recours au 49-3 est inévitable, inéluctable ?
01:17Seulement Michel Barnier peut-il y échapper et faire mieux que ça ?
01:21C'est au Premier ministre et au gouvernement de répondre.
01:24On verra en fonction de l'évolution des débats.
01:27Mais on voit bien que si ces débats sont les mêmes sur le fond que la commission des finances, et je ne vois pas pourquoi ils seraient différents,
01:33à un moment donné, le désaccord sera total et l'impossibilité d'acter un texte de cette nature,
01:41qui serait un texte qui serait extraordinairement dangereux pour la France.
01:44Alors je sais bien que la situation est compliquée, qu'elle n'avait pas été suffisamment anticipée probablement.
01:49Mais ce n'est pas une raison pour répondre de cette manière-là, d'une manière extrêmement brutale pour les ménages comme pour les entreprises.
01:55Vous parliez de la bonne tenue au moins sur la forme des débats en commission des finances.
02:0060 milliards de recettes supplémentaires dans le budget qui avait donc été rejeté samedi.
02:04Certains dont vous ont dénoncé cette foire à l'impôt.
02:08La faute à qui et pourquoi ça se passerait différemment dans l'hémicycle ?
02:12On va assister à la même foire à l'impôt et aux mêmes 60 milliards de dérives, je mets des guillemets.
02:17Oui, ça va être exactement la même chose, parce que grosso modo, c'est les mêmes amendements multipliés par deux.
02:23Il y en a deux fois plus.
02:24Il y en a 3000.
02:25Donc tout ça prendra du temps et avec des oppositions très fortes de la part des groupes de la majorité relative,
02:34ou du bloc central comme on dit.
02:36Et puis sans doute des prises de position à la fois du RN et du Front populaire,
02:43conformes à ce qu'elles ont été pendant la commission.
02:47C'est difficile de faire un texte, puisqu'il faut à la fois être dans l'urgence et affronter les écarts par rapport aux prévisions
02:55et donc à l'aggravation de l'état de nos finances publiques.
03:00Il faut y répondre vite.
03:02C'est ce que fait le texte du gouvernement avec un effort fiscal important mais temporaire, ciblé,
03:09avec un effort sur la dépense publique qu'il faut continuer pendant des années.
03:13Car ce n'est pas la dette qui est insoutenable, c'est la dépense publique.
03:17Le niveau de dépense publique aujourd'hui n'est pas soutenable pour un pays comme la France.
03:21Oui, il y a une addiction, mais c'est une addiction qui date de siècles.
03:25Nous avons toujours considéré, et au fond c'est un peu notre culture,
03:30qu'il n'y avait pas de solution qui ne passe pas par un niveau d'augmentation de la dépense publique.
03:36On pense plus au niveau de la dépense publique qu'à l'organisation de la dépense publique.
03:40Donc il faut faire des efforts sur l'efficacité.
03:42Quand on dit ça, on n'a rien inventé, sauf que ce qui serait original, ce serait de le faire.
03:47Et de le faire pendant longtemps.
03:48Vous avez fustigé le rôle du Rassemblement National, du Nouveau Front Populaire à l'Assemblée.
03:53Est-ce qu'il n'y a pas une part de responsabilité aussi des membres de cette coalition droite macroniste,
03:58ce qu'on appelle le socle commun ?
04:003 000 amendements, il y en a plus de 500 qui ont été déposés par la droite,
04:04il y en a plus de 300 par le groupe Ensemble pour la République.
04:07Est-ce qu'il n'y a pas une part de responsabilité ?
04:09Ça ne fait que 800 sur 3 000, donc c'est déjà une bonne part.
04:14À partir du moment où le texte est en débat, il est assez naturel de l'amender.
04:19Ce n'est pas le nombre d'amendements que je critique, c'est classique.
04:23Je critique ce que j'ai appelé une furie fiscale, mais tout le monde y va de son commentaire.
04:29Mais en tout cas, une augmentation massive des impôts sans jugeote.
04:34Ou alors ça veut dire qu'on veut une autre société, c'est possible.
04:37Tout le monde dans une démocratie a le droit de s'exprimer.
04:40Mais si on veut une autre société, il faut être bien sûr que les Français en veuillent.
04:43Mais est-ce qu'elle est assez solide ? C'est surtout ça ma question.
04:46Est-ce qu'elle est assez solide cette coalition ?
04:48Vous serez reçu tout à l'heure à 20h pour la première fois au ministère de Relations avec le Parlement
04:52à la fois les députés macronistes, je mets là aussi les guillemets, et les députés de droite.
04:56C'est la première fois que vous allez vous voir comme ça en commun, tous ensemble.
05:00Est-ce que vous êtes assez liés les uns aux autres ?
05:02Est-ce qu'elle est assez solide pour affronter cette évereste budgétaire, cette mini-majorité ?
05:07La situation politique, elle est fragile.
05:09Encore une fois, ce n'est pas très original de le dire.
05:12C'est ce qu'on vit.
05:14Maintenant, ce qui me semble-t-il est moins certain, c'est que ça explose rapidement.
05:19Je pense que ça peut, au contraire, durer.
05:21Je pense que la France peut avoir un budget.
05:24D'abord, il y a un pôle de stabilité qui est le Sénat, qui est très important.
05:27Et puis, il y a l'Assemblée.
05:29La majorité au fond de la coalition.
05:32C'est la même majorité que la coalition.
05:34Et puis, il y a l'Assemblée, des voies et moyens de procédure qui permettent de passer outre.
05:40Donc, je pense qu'on doit pouvoir avoir un débat qui aille jusqu'au fond des choses,
05:44mais en même temps qu'on ait un budget pour répondre à l'urgence de la situation.
05:48Puis, deuxième point, il faut que le gouvernement y mette sur la table des propositions de réformes de structure.
05:53Alors, il y a une continuité depuis au moins les cinq ou six ou sept dernières années.
05:58C'est l'attractivité du pays.
06:00Oui, il doit reprendre.
06:02Bien sûr qu'il faut reprendre l'assurance chômage.
06:06Il faut travailler sur la santé.
06:08Il faut travailler sur l'éducation.
06:09Beaucoup de choses sont prêtes.
06:10Il faut juste avoir un peu de courage pour le faire.
06:12Moi, je ne doute pas que le gouvernement Barney en ait.
06:14Ça doit être aussi sur la décentralisation.
06:16Comment on exerce le pouvoir en France ?
06:18Qu'est-ce qu'on rapproche des citoyens par le biais des collectivités locales ?
06:22Et comment on consolide, au fond, la structure de la dépense publique
06:26en la répartissant mieux entre les dépenses locales et les dépenses nationales ?
06:30Éric Woerth, vous étiez ministre du budget sous François Fillon.
06:33En 2007, le Premier ministre disait « je suis à la tête d'un État qui est en faillite ».
06:38Une phrase peut-être qu'on a jugée un peu excessive à l'époque.
06:41Est-ce qu'elle serait d'actualité aujourd'hui pour vous ?
06:43Non, l'État n'est pas en faillite.
06:45L'État trouve autant de prêteurs qu'il souhaite.
06:47Enfin, quand je dis l'État, ce n'est pas uniquement l'État le dépensier.
06:50L'État, c'est la majorité de la dépense publique avec la sécurité sociale
06:54et puis après les collectivités locales.
06:58On a un niveau de dépense qui est aussi issu des travaux démocratiques que l'on fait.
07:03Moi, je n'ai vu personne s'opposer pendant les crises qu'on a vécues.
07:06Une crise de l'énergie, quoi qu'il en coûte Covid,
07:10une sortie quand même dans laquelle on a augmenté les salaires des uns et des autres.
07:15Tout ça est très très légitime, sauf qu'on n'en a pas...
07:17Le chômage partiel.
07:18Sauf qu'on n'en a pas nécessairement les moyens.
07:21Et que la croissance n'est pas suffisante pour absorber tout cela.
07:25Et on voit bien qu'elle ne le sera pas.
07:27Donc on a besoin de revenir à quelques fondamentaux
07:30qui est d'avoir une dépense en France publique plus importante que dans d'autres pays
07:34parce que c'est comme ça qu'on fonctionne,
07:36mais qu'on ait aussi raison gardée
07:39et que le niveau d'endettement ne soit pas trop important.
07:42Parce que j'ai entendu tout le temps pendant cette commission des finances
07:45parler de justice.
07:46Justice fiscale, justice fiscale, justice fiscale.
07:49Evidemment, il faut de la justice fiscale, il faut de la justice.
07:52Notre pays est très redistributeur.
07:54Tout le monde, personne n'y prête attention,
07:57mais notre pays est très redistributeur.
07:59Les écarts de revenus entre les 10% les plus riches
08:01et les 10% les moins riches
08:03sont formidablement réduits par notre machinerie.
08:06Mais il y a une autre justice qui est bien plus importante
08:09au fond que la justice entre vous et moi.
08:11C'est la justice entre les générations.
08:13C'est qu'on ne peut pas mettre à la charge
08:15des jeunes d'aujourd'hui et des jeunes de demain,
08:17des charges qui ne les concernent pas.
08:19Et ça, c'est un point qui devrait interloquer
08:22à peu près tous ceux qui ont une conscience politique,
08:25qu'elle soit de droite ou qu'elle soit de gauche.
08:27Vous parliez des économies pour les collectivités locales.
08:305 milliards, c'est l'effort demandé par le gouvernement aux collectivités.
08:34Certains plaident pour un retour d'une taxe d'habitation
08:37ou en tout cas d'un impôt qui ressemblerait à une taxe d'habitation.
08:39En deux mots, vous êtes pour, vous êtes contre ?
08:41Mais surtout pas !
08:43Moi, j'ai beaucoup travaillé là-dessus.
08:45J'ai présenté au président de la République
08:47une réforme complète de la décentralisation.
08:49On verra si le Premier ministre la met en discussion.
08:53Je pense qu'il devrait la mettre en discussion
08:55avec les associations d'élus, surtout à la veille
08:57du congrès et de l'AMF.
08:59Mais revenir, recréer une taxe d'habitation,
09:01quel que soit son nom, contribution,
09:03vous pouvez trouver tous les noms que vous voulez.
09:05On peut être très créatifs là-dessus, mais ce n'est pas très difficile.
09:07Redire au contribuable local
09:09qui va devoir payer alors qu'on lui avait dit
09:11il y a deux ans qu'il arrêtait de payer,
09:13il y a quand même des limites, d'autant plus que dans ce cas-là,
09:15lui, le propriétaire, alors lui,
09:17il aura une double peine, il aura vu sa taxe foncière
09:19augmenter, et ça c'est les collectivités qui l'ont augmentée,
09:21ce n'est pas l'État, car l'État a compensé
09:23la taxe d'habitation. Donc les collectivités
09:25ont décidé d'augmenter la taxe foncière,
09:27donc ce pauvre propriétaire, qui n'est pas
09:29nécessairement un hyper-riche, qui est juste
09:31quelqu'un qui a pu acheter son logement,
09:33il se retrouverait avec une nouvelle taxe d'habitation
09:35et avec une taxe foncière.
09:37C'est une voie qu'on ne peut pas emprunter.
09:39Parce que la crédibilité
09:41politique, je sais bien qu'elle est très atteinte.
09:43Je sais bien que peu de gens considèrent
09:45que la parole politique, elle a une valeur.
09:47Mais alors là, on démontrerait
09:49par puissance humile
09:51qu'effectivement, elle n'a pas de valeur.
09:53On ne peut pas revenir sur de tels,
09:55ce n'est pas des engagements, sur de telles décisions
09:57qui ont été prises, votées,
09:59financées.
10:01Un tout dernier mot, Éric Woerth, on a appris
10:03hier soir que le Doliprane
10:05allait passer sous pavillon américain
10:07même si l'État dit avoir obtenu
10:09des garanties extrêmement fortes et va
10:11rester actionnaire dans ce
10:13dossier via BPI France, la Banque Publique d'Investissement.
10:15L'État avait-il seulement
10:17le choix dans ce dossier ? A-t-il fait
10:19le bon choix et les garanties sont-elles
10:21à vos yeux suffisantes ?
10:23Vous me demandez mon opinion personnelle.
10:25Non, je pense que l'État
10:27n'était pas obligé
10:29de rentrer dans le capital.
10:31A l'heure où on demande aux Français de se serrer la ceinture.
10:33Je rappelle que Sanofi
10:35gardait 50%.
10:37Gardait 50% de cette
10:39filiale.
10:41Je rappelle que c'est une molécule, etc.
10:43On l'a entendu, assez banale.
10:45Il fallait évidemment protéger l'emploi.
10:47Mais l'industrialisation
10:49sur le territoire français, elle n'était pas
10:51remise en cause, qu'ait l'État à l'intérieur ou pas.
10:53C'est aussi assez contradictoire
10:55avec l'idée que, tout d'un coup,
10:57il y a des députés qui lancent l'idée
10:59qu'il faut séparer
11:01des participations
11:03de l'État dans des entreprises.
11:05Ça ne m'a pas échappé.
11:07Ce n'est pas une bonne idée.
11:09Ou alors, il faut dire
11:11ce qu'on finance avec. Si on se sépare
11:13de bijoux de famille, c'est-à-dire d'investissements
11:15qui rapportent 4 ou 5 milliards
11:17par an de dividendes,
11:19il faut que ce soit pour financer d'autres investissements.
11:21Moi, j'attends de savoir pour
11:23financer quoi. En tout cas, non.
11:25Ce n'était pas la peine d'aller acheter 2 ou 300 millions d'euros
11:27de Sanofi,
11:29de la filiale Opela
11:31pour le Doliprane.
11:33On est dans un combat purement symbolique.
11:35Je ne sais pas si on a encore les moyens du symbole.
11:37Merci beaucoup Éric Woerth,
11:39ancien ministre du Budget, ancien ministre du Travail
11:41et député Ensemble pour la République.
11:43L'invité politique de Paul
11:45Barcelone, l'invité politique tous les jours
11:47dans le France Infosoir.

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