Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour. Ensemble, ils reviennent sur l'élimination du chef du Hamas Yahya Sinouar et les suites du conflit au Proche-Orient.
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00:00Heureux Pinsoir. 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:05Israël règle ses comptes avec le chef du Hamas, Yahya Sinouar.
00:10Voilà ce que déclare le général Herzi Alevi, le chef d'état-major de l'armée,
00:16qui dit que la guerre ne s'arrêtera pas avant la capture de tous les auteurs
00:20de cette attaque sanglante par l'armée israélienne
00:24qui annonce la mort de cinq de ses soldats dans le sud du Liban,
00:27puisqu'il y a l'autre front, évidemment, de l'autre côté du pays,
00:30avec le sud Liban et le Hezbollah.
00:33Je vous propose d'écouter la toute dernière déclaration
00:36du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
00:39Et aujourd'hui, comme nous l'avions promis, nous lui avons réglé son compte.
00:45Le mal a pris un coup sévère, mais la tâche qui nous attend n'est pas encore terminée.
00:49À toutes les familles des otages, je dis, c'est un moment important de la guerre.
00:54Nous continuerons de toutes nos forces jusqu'au retour de tous vos proches,
00:57qui sont nos proches.
00:59Voilà, on pense bien sûr aux otages. Emmanuel Macron aussi a fait une déclaration
01:03en disant qu'on attendait la libération des otages. Nathan Devers ?
01:07On pense à toutes les victimes de Sinoir, et elles sont nombreuses.
01:12Il ne faut jamais se réjouir de la mort d'un homme.
01:15Et même avant le 7 octobre.
01:17Des milliers et des milliers de personnes.
01:19Bien sûr, et de tous les côtés.
01:21On ne peut pas vraiment se réjouir de la mort d'un homme quand on est civilisé.
01:24Mais on peut dire qu'aujourd'hui, un des plus grands criminels de notre époque est mort.
01:28Quelqu'un qui a été l'auteur, le cerveau, le commanditaire des attentats
01:33les plus barbares de ces dernières années, des journées noires du 7 octobre.
01:39Qui les a fait, vous savez, il y a quelque temps, la presse française en a un peu parlé,
01:42mais la presse allemande avait révélé la chose.
01:44Israël avait trouvé des documents à Gaza, de la main de M. Sinoir,
01:48sur la manière dont il avait pensé le 7 octobre.
01:50Et Sinoir, qui est quelqu'un qui parlait hébreu,
01:52qui connaissait très bien la société israélienne,
01:54avait, avec énormément d'intelligence, une forme de génie du mal,
01:57conçu ces attentats pour qu'ils puissent réactiver tous les traumatismes
02:00de la société israélienne.
02:02Traumatisme de la guerre de Kippour,
02:04traumatisme de la prise d'otages de 1972 à Munich,
02:07traumatisme évidemment de la mémoire juive, des pogroms, de la Shoah, de la Shoah par balles,
02:10traumatisme des viols, et traumatisme des otages.
02:13Pour, si vous voulez, créer une sorte de tension dans la société israélienne.
02:17Il avait calculé tout ça, entre guillemets, très bien,
02:20s'il tentait qu'on puisse bien faire le mal.
02:23La deuxième chose, c'est qu'en effet, Sinoir,
02:26c'est quelqu'un qui a décidé, en tant que chef politique,
02:29de plonger son propre peuple dans un chaos, dans une nuit,
02:33dans un mélange de sang, de malheur et de cendres.
02:36C'est, si vous voulez, quelqu'un qui était dans une politique du nihilisme total,
02:40où plus il y avait de civils qui mouraient de son propre camp,
02:43et bien plus il se réjouissait, parce qu'il estimait, disait-il,
02:46comme M. Agnier, que c'était le carburant, que le sang des siens,
02:49le sang de ses propres civils, était le carburant de sa cause politique.
02:52Donc c'est ça qui est mort, aujourd'hui, à Gaza.
02:55Et peut-être une dernière chose qu'on peut rappeler,
02:57c'est que Sinoir a été longtemps prisonnier en Israël,
02:59et qu'il avait eu un cancer du cerveau,
03:01et qu'il avait été guéri par un médecin israélien,
03:04qui lui avait sauvé la vie.
03:06Médecin dont la fille ou la nièce, je ne me souviens plus,
03:09mais une des vraiment proches, était morte le 7 octobre,
03:12tuée par les hommes de Sinoir.
03:15Et donc on a une pensée, aujourd'hui, pour toutes les personnes,
03:18quels que soient leurs camps, à Gaza, en Israël,
03:20qui ont été victimes, qui sont mortes,
03:22ou qui ont eu la vie absolument détruite,
03:24par le nihilisme islamiste de Sinoir.
03:27Tout ce qu'a dit Nathan Dever est extrêmement important.
03:31Il a passé 20 ans en prison, en Israël.
03:34Sinoir a été libéré, je crois, en 2011,
03:37contre, justement, un soldat israélien.
03:39C'est la raison pour laquelle il parlait hébreu,
03:41c'est la raison pour laquelle il connaissait, en effet,
03:44il a appris à connaître Israël,
03:46il a appris à connaître les traumatismes
03:48qui sont ceux, aujourd'hui, des Israéliens.
03:51Je ne sais pas si on doit se réjouir de sa mort,
03:53mais en tout cas, on doit se réjouir de sa mort pour une chose,
03:55c'est que c'est peut-être ce qui va nous amener à des négociations.
03:58C'est-à-dire qu'il n'était pas seulement l'un des chefs du Hamas,
04:01c'était un islamiste, et qui plus est, nationaliste.
04:04Et c'est très important, car lui,
04:07il s'en fichait de savoir ce que l'Iran voulait faire dans la région,
04:09de savoir ce que le Qatar voulait faire dans la région,
04:11de savoir ce que la Turquie voulait faire.
04:13Lui, il était plutôt proche de l'Egypte,
04:15qui est l'une des moins présentes, si je puis dire,
04:18dans le conflit, en tout cas depuis le 7 octobre.
04:21Donc, la balle, finalement, aujourd'hui, est dans le camp de Netanyahou,
04:24qui dit que rien ne se passera tant que les otages,
04:27rien ne se calmera tant que les otages ne seront pas libérés.
04:31Mais la vraie question pour Netanyahou, aujourd'hui,
04:33c'est qu'il vient de gagner la guerre.
04:35La guerre, elle est quasiment gagnée.
04:36Mais en revanche, il va falloir trouver une solution politique
04:39à faire avec Gaza, parce qu'on ne peut pas continuer
04:42dans ces conditions-là.
04:44D'autant qu'il a réussi à couper la tête chiite du Hezbollah
04:47et la tête sunnite du Hamas.
04:49La fiche de poste au sein du Hamas est de plus en plus faible.
04:53C'est-à-dire qu'il reste quasiment seulement le frère de Sinoir,
04:56Mohamed Sinoir, qui est à priori moins talentueux,
05:00moins diplomate que son frère.
05:03Donc, la question, aujourd'hui, c'est comment on sort de cette guerre,
05:06comment on offre un avenir, que ce soit aux Israéliens et aux Palestiniens.
05:09Et ça, je crois qu'après cette mort de M. Sinoir,
05:13la balle est vraiment dans le camp de Benjamin Netanyahou.
05:16Nathan Dever, les Palestiniens, aujourd'hui,
05:19est-ce qu'il y a une chance qu'ils se détachent de ce joug du Hamas ?
05:23Est-ce que l'OLP, qui est encore présente dans une petite partie de la population,
05:29pourrait former, en tout cas, provoquer des Palestiniens modérés
05:35avec une solution à deux États, comme on le souhaite ?
05:38Je pense qu'il y a deux sujets, parce que le Gaza et la Céjordanie
05:42ne vivent pas du tout la même situation.
05:44Gaza, quand il y avait eu le retrait israélien en 2005,
05:48à l'époque, le rêve des Israéliens, des Palestiniens,
05:51en tout cas, même de la communauté internationale,
05:53c'était, disait-on jadis, que Gaza devienne le nouveau Singapour,
05:56un Singapour du Moyen-Orient.
05:58Il y avait eu des élections législatives,
06:00qui avaient été d'ailleurs très surveillées,
06:02il n'y avait pas eu de triche lors de ces élections,
06:04surveillées par beaucoup à l'international,
06:06et le Hamas les avait gagnées.
06:08Le parlement de Ramallah avait fermé,
06:10parce que l'autorité palestinienne n'avait évidemment pas voulu donner,
06:12et on comprend très bien pourquoi, le pouvoir au Hamas,
06:14et le Hamas avait pris violemment le pouvoir par les armes à Gaza.
06:17Et depuis, il tuait systématiquement les opposants,
06:20les homosexuels, les gens qui étaient soupçonnés
06:22d'avoir des liens avec Israël, etc.
06:24Il faut souhaiter que du côté de Gaza,
06:26demain, il y ait une reconstruction,
06:28peut-être avec des aides économiques,
06:30peut-être avec des influences politiques
06:32de pays arabes de la région,
06:34il y ait une reconstruction sans cet islamisme.
06:36Là, c'est Jordanie, là où la chose est radicalement différente,
06:39c'est que l'autorité palestinienne,
06:41si on se remet dans le monde d'avant le 7 octobre,
06:43était dans une sorte de faiblesse
06:45et d'impuissance totale
06:47face au grignotage du territoire palestinien.
06:50Donc évidemment, les Palestiniens se retrouvaient dans une solitude absolue,
06:53où d'un côté, ils voyaient leur territoire être réduit à peau de chagrin,
06:56avec l'absence de continuité territoriale,
06:58c'est ça le projet de la colonisation Netanyahou,
07:00c'est de rendre impossible l'idée d'une Palestine demain.
07:02Ils voyaient la Palestine disparaître, je dirais, sur la carte internationale,
07:06puisque dans les accords Abraham,
07:08cette paix entre Israël et un certain nombre de pays sunnites,
07:10la Palestine n'était même pas consultée
07:12dans le cadre de ces accords Abraham,
07:14et ils voyaient leur autorité être complètement impuissante,
07:16et avec un blocage politique,
07:18parce qu'il n'y a pas eu d'élection depuis les fameuses élections de 2006.
07:20Donc il faut espérer demain qu'il y ait un pouvoir à Ramallah
07:23qui soit moins corrompu,
07:24qui soit moins bloqué politiquement,
07:26qui ne soit évidemment pas islamiste,
07:28et qui puisse mieux défendre, je dirais,
07:30la cause qui est la sienne.
07:32Raison pour laquelle, me semble-t-il,
07:34le véritable centre de gravité du conflit israélo-palestinien
07:36n'est pas du tout à Gaza,
07:38même si ça c'est le centre de gravité humanitaire,
07:40parce que c'est le cœur de tous les drames,
07:42mais qu'il est plutôt du côté de Ramallah.
07:44En tout cas, l'opinion internationale compte,
07:46aujourd'hui, Emmanuel Macron a envoyé des messages,
07:48encore une fois, je le disais,
07:50il appelle à la libération des otages
07:54qui sont là, auxquels on pense, évidemment.
07:58Emmanuel Macron, qui n'avait pas du tout les mêmes mots,
08:02il y a encore quelques jours,
08:04à propos de la création d'Israël,
08:06puisqu'il disait, parce que
08:08Tsaïl avait visé des soldats,
08:10avait blessé, accidentellement,
08:12des casques bleus de la finule au Liban,
08:14avait dit que M. Benjamin Netanyahou
08:16devrait se souvenir
08:18que l'État d'Israël est la résultante
08:20d'une décision de l'ONU,
08:22ce à quoi Benjamin Netanyahou
08:24avait dit que c'était surtout
08:26une gare d'indépendance qui avait eu lieu
08:28pour la création d'Israël.
08:30Écoutez, ce matin, Gérard Larcher, le président du Sénat,
08:32sur ses propos
08:34d'Emmanuel Macron.
08:36J'ai été stupéfait
08:38que ces propos puissent être tenus.
08:40C'est d'abord une méconnaissance
08:42de l'histoire, de la naissance
08:44de l'État d'Israël,
08:46naissance qui n'est pas venue
08:48comme un acte notarié,
08:50uniquement constaté par l'ONU.
08:52Mais de quoi vous le soupçonnez ?
08:54Je ne soupçonne de rien.
08:56Je dis que le droit
08:58à l'existence d'Israël n'est pas
09:00discutable, ni négociable.
09:02Et moi, je suis...
09:04C'est-à-dire qu'il peut remettre en cause la légitimité
09:06de l'État éboru par sa déclaration ?
09:08Il y a comme un doute.
09:10Il y a comme un doute, dit Gérard Larcher.
09:12Vous avez été surpris, Nathan Devers ?
09:14Évidemment que, comme toujours
09:16dans ce genre de déclarations, il y a un petit mélange
09:18de vrai et de faux. Ça veut dire que si l'ONU avait voté
09:20contre l'existence d'Israël en 1947,
09:22on aurait probablement
09:24que la suite aurait été différente.
09:26Mais en tout cas, il est évident qu'Emmanuel Macron
09:28sous-entendait qu'Israël était une sorte
09:30d'artefact politique.
09:32Un pays qui a été créé par décision de l'ONU,
09:34ça sous-entend qu'il peut aussi
09:36être détruit par décision de l'ONU
09:38parce qu'il n'a pas un véritable lien
09:40avec son territoire, avec son histoire,
09:42et qu'il ne repose pas sur quelque chose de concret.
09:44En cela, la déclaration
09:46était choquante et il y avait d'autres manières
09:48de critiquer Netanyahou.
09:50D'autant plus que l'ONU
09:52aujourd'hui n'est plus du tout
09:54quelque chose qui est reconnu
09:56en tout cas, si, par la
09:58communauté internationale,
10:00mais par un certain nombre d'observateurs. Elle est complètement
10:02disqualifiée, elle n'a plus aucune légitimité.
10:04Antonio Guterres et Persona Non Grata,
10:06le secrétaire général de la Nations Unies,
10:08et Persona Non Grata en Israël,
10:10après plusieurs polémiques,
10:12plusieurs déclarations qui ont montré
10:14non pas qu'il était un soutien du Hamas
10:16ou du Hezbollah, bien sûr, mais qui en tout cas
10:18n'était pas, à mon avis, assez dans le sens
10:20d'Israël. Et puis, je veux bien
10:22parler d'Emmanuel Macron, mais il faut
10:24quand même savoir que son pays, la France,
10:26depuis 7 ans, est quasiment condamné tous les ans
10:28par l'ONU. Condamné pour
10:30les violences sexistes,
10:32condamné pour le racisme,
10:34condamné pour les violences policières. Tous les ans,
10:36l'ONU condamne la France. Donc Emmanuel Macron,
10:38il doit accepter quoi ? Que la France est un pays
10:40qui est violent envers les femmes ? Que la France
10:42est un pays raciste ? Que la France est un pays
10:44où il y a un racisme systémique
10:46et des violences policières systémiques ? Non.
10:48Benjamin Netanyahou est dans son bon droit
10:50de critiquer l'ONU.