• il y a 4 mois

Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Stéphanie de Muru pour débattre des actualités du jour.
Retrouvez "Les débats d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu

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Transcription
00:00Europe 1 Soir, 19h21, Stéphanie Demeureux.
00:05Et place au débat, on accueille nos deux chroniqueurs de la journée dans Europe 1 Soir.
00:10Antonin André, chef du service politique du JDD, bonsoir Antonin.
00:13Bonsoir Stéphanie, bonsoir à tous.
00:14On a envie de vous retrouver au troisième étage.
00:16Nathan Devers, écrivain philosophe, bonsoir Nathan Devers.
00:20Alors on va évoquer le sujet qui domine l'actualité internationale,
00:24l'armée israélienne qui a annoncé aujourd'hui avoir récupéré le corps de 6 otages israéliens
00:29à un moment clé où les négociations pour un cessez-le-feu se poursuivent
00:33sous la houlette du secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken qui se trouve en Égypte.
00:37Alors on va tenter d'y voir plus clair parce que la situation est un petit peu confuse sur place.
00:42On va retrouver Frédéric Ancel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po Paris,
00:48auteur des 100 mots de la guerre aux éditions presse universitaire française.
00:54Bonjour Frédéric Ancel.
00:55Bonjour, bonjour.
00:57Alors Anthony Blinken a exhorté hier Israël et le mouvement islamiste palestinien
01:02à ne pas faire déroyer les négociations en vue d'un cessez-le-feu.
01:06Le Hamas a accusé Netanyahou de faire obstruction à un accord en vue d'une trêve.
01:10Aujourd'hui c'est l'inverse, ce serait le Hamas qui est accusé de refuser
01:15alors que Netanyahou a accepté ce compromis.
01:18On a du mal à y voir clair Frédéric Ancel.
01:21C'est surtout un très très grand classique des négociations,
01:23quelle que soit d'ailleurs leur nature dans le monde géopolitique
01:26et en particulier en pleine belligérance ou co-belligérance,
01:29chacun demande beaucoup pour obtenir le maximum.
01:33Je dirais que c'est la règle des reins dans ce genre de situation.
01:37Là nous avons quand même peut-être quelque chose un petit peu différent,
01:40c'est un mouvement, le Hamas, un mouvement terroriste qui lui est au bord de la sexisme.
01:48Alors je sais que ça fait plusieurs mois qu'on dit ça,
01:50mais mathématiquement, j'ai envie de vous dire géographiquement,
01:53si les Israéliens restent sur le fameux axe des Philadelphies vers la frontière entre Gaza et l'Égypte,
01:59le Hamas n'a absolument aucune possibilité de s'approvisionner,
02:02ni en hommes, ni en armes, ni en matériel.
02:04Et par conséquent, à terme, il perdra.
02:06C'est la raison pour laquelle je pense, alors je le dis avec beaucoup de prudence,
02:10qu'on peut raisonnablement espérer davantage un accord que ces derniers mois.
02:15Justement, Frédéric Ancel, est-ce qu'on n'en sait plus sur ce nouveau compromis
02:19concocté sous la houlette d'Anthony Blinken,
02:21justement sur ce point de passage fondamental au niveau de l'Égypte,
02:26justement ce fameux axe de Philadelphie dont vous nous parlez,
02:30qu'est-ce qu'a obtenu Israël ?
02:32Alors Israël a priori a obtenu de pouvoir demeurer sur cet axe de Philadelphie,
02:37moyennant le retrait de ses troupes des principales zones les plus peuplées de la bande de Gaza,
02:44en fait presque tout le territoire,
02:46et en ne conservant qu'un kilomètre de zone entre Israël, proprement dit, et la bande de Gaza.
02:54Maintenant, je vous dis ça, mais à plusieurs reprises,
02:57le Hamas s'est opposé de manière absolument catégorique à cette possibilité, et vis-à-vis ça.
03:02Donc moi, je sais, je pense savoir que là, ça c'est la position acceptée, admise par les États-Unis
03:09et par la quasi-totalité des régimes arabes, qui d'ailleurs, il faut le signaler, sont modérés.
03:13Ils sont modérés sur cette question-là, et pour l'essentiel détestent le Hamas.
03:18Ça veut dire l'opportunité pour Israël de faire passer des armes,
03:22et d'où le désarroi du Hamas, on imagine, et le fait de refuser cet accord.
03:28Oui, c'est ça, à ceci près qu'en échange, le Hamas pourrait obtenir davantage de prisonniers
03:34dans les journées israéliennes, et des prisonniers à ses yeux plus prestigieux.
03:38Parce que fondamentalement, ce que souhaite le Hamas, c'est pas seulement la victoire militaire,
03:41bon ça, de toute façon, il l'aura pas, mais c'est su dès le début, c'est pas son problème.
03:44Son problème principal, c'est de demeurer, à terme, après la guerre, politiquement,
03:48comme la force principale, au sein de la population palestinienne,
03:52et notamment face à l'autorité palestinienne.
03:54Et pour ce faire, il a toujours joué la politique, d'abord la politique du pire, on l'a bien vu cet octobre,
04:00mais aussi la politique des otages moyennant des échanges de prisonniers.
04:05Parce que, pour la population palestinienne, on peut le comprendre fort bien,
04:09c'est quelque chose de très très important de pouvoir voir revenir ces prisonniers à la maison.
04:14Alors évidemment, c'est le cas également du côté israélien, on rappelle que l'armée israélienne
04:18a annoncé aujourd'hui avoir récupéré les corps de 6 otages israéliens,
04:22il en resterait plus de 100, 100 otages, on ne sait pas s'ils sont vivants ou pas,
04:28évidemment ça pèse énormément dans les négociations.
04:31Ah mais non seulement ça pèse, mais vous avez raison de le souligner,
04:34parce que c'est au fond, pour les israéliens en tout cas, le point central.
04:38Il faut bien comprendre que sur une centaine effectivement de prisonniers
04:42qui demeureraient entre les mains d'otages, entre les mains du ramasse,
04:46le ramasse n'a quasiment, sauf à quelques reprises pour un ou deux otages à chaque fois,
04:51n'a pas transmis de signe de vie, de preuve de vie, et au mieux de bonne santé,
05:00de la quasi-totalité de ces otages. Or ça, c'est une pratique qui ne se fait pas.
05:04Et ça veut dire quoi, ça Frédéric Ancel, c'est qu'il faut être éminemment inquiet pour ces otages ?
05:09Alors ça peut vouloir dire deux choses, soit c'est un moyen de pression psychologique et politique
05:13sur le gouvernement, le ramasse jouant de manière cynique sur l'exaspération
05:17bien compréhensible de la population israélienne, et évidemment des familles des otages,
05:21donc ça c'est tout à fait possible, c'est vraisemblable, soit, et où,
05:25l'une hypothèse n'est pas exclusive de l'autre, soit la part du ramasse,
05:28ça signifie quelque chose de bien plus grave, c'est que 1, il ne les a pas tous entre ses mains,
05:32et qu'une bonne partie de ces otages, lui, a échappé et appartiennent à d'autres groupes ou des familles
05:37qui souhaitent précisément les, entre guillemets, les vendre, les céder à un prix
05:41qu'il ne veut pas ou qu'il ne peut pas accepter le ramasse,
05:45et enfin, ça peut vouloir dire que le ramasse, en réalité, sait parfaitement
05:49qu'il n'en reste quasiment plus de vivants.
05:52Frédéric Ancel, ça veut dire quoi, justement, ces otages,
05:56est-ce que c'est ce qui a contraint Netanyahou à finalement quand même accepter cet accord ?
06:00Parce qu'on sait qu'il était plutôt réticent hier, Anthony Blinken le craignait,
06:04on sait que le Premier ministre israélien est très pressurisé, de toute part,
06:08son armée, le renseignement, et puis justement l'opinion publique avec la question des otages.
06:13Oui, bien sûr, la pression intérieure, surtout dans une authentique démocratie,
06:17c'est le cas pour Israël, elle est évidemment déterminante,
06:20et les régimes ou les États qui sont, eux, autoritaires, voire totalitaires,
06:24et c'est le cas pour le ramasse, en jouent, bien évidemment, de manière absolument systématique
06:28et très intelligible. Donc oui, la pression intérieure, la pression extérieure aussi,
06:32parce que c'est quand même la première fois en dix mois qu'il y a autant de pression,
06:36parfois d'une manière très amicale, de l'extérieur sur Netanyahou.
06:40Alors je vais vous donner un seul exemple intéressant, me semble-t-il,
06:42quand je parle de pression amicale, face à une potentielle, même si je n'y crois pas,
06:47mais face à une potentielle attaque iranienne sur Israël,
06:51et bien deux puissances importantes dans la région, la France et le Royaume-Uni,
06:55ont déjà assuré Israël de leur soutien militaire.
06:58Mais ça, ce n'est pas gratuit.
07:00C'est-à-dire que fondamentalement, ces puissances-là, mais également les États-Unis,
07:03mais également des États arabes, je pense aux Émirats arabes unis,
07:05font pression, encore une fois, je le répète, plutôt amicale sur Israël
07:09pour qu'on arrive à, enfin, un véritable accord.
07:12Merci Frédéric Ancel d'avoir été avec nous pour ce décryptage.
07:16Je retrouve donc nos chroniqueurs, Antonin André, chef du service politique du JDD,
07:21Nathan Devers, écrivain philosophe.
07:23Antonin André, vous suivez évidemment la politique française,
07:26c'est ce que venait de dire Frédéric Ancel,
07:28la France qui a déjà assuré son soutien tout de même à Israël,
07:31qui n'a pas lâché tout en exerçant une petite pression sur Miami de Netanyahou.
07:36Oui, la France, depuis le début de ce conflit, de toute façon, est quand même en retraite.
07:39C'est-à-dire que ce n'est pas l'acteur principal de la région,
07:41et on voit bien que les choses se jouent davantage entre les Américains et la péninsule arabique,
07:45avec des médiateurs qui sont beaucoup plus écoutés que nous,
07:49parce qu'en réalité, la France a quand même déserté ce conflit
07:52et a regardé ailleurs depuis bien des années,
07:54donc on n'est pas les acteurs principaux.
07:57Frédéric Ancel, interprète, parce qu'il est spécialiste de la question,
08:01des petits bougers comme ça de la France et de la Grande-Bretagne,
08:04mais en réalité, les négociations qui se jouent en ce moment
08:07impliquent beaucoup plus les pays arabes, les États-Unis et la péninsule arabique
08:11que la France, qui sur ce dossier doit plutôt manœuvrer avec prudence,
08:15notamment pour des raisons de politique intérieure, en réalité.
08:18Nathan Devers, on en parlait avec Frédéric Ancel,
08:21ce petit revirement de la part de Miami Netanyahou,
08:24qui est vraiment pressurisé de toutes parts,
08:27mais qui n'a plus vraiment le choix que d'accepter aussi des compromis.
08:30Il y a à mon avis deux éléments qui sont différents.
08:33Le premier, la société israélienne est déchirée depuis le 7 octobre
08:38sur la question de savoir dans quelle mesure il faut accepter
08:41de faire des concessions pour la libération des otages.
08:44Le discours, en gros, de Netanyahou et de ceux qui sont favorables,
08:48il y en a qui sont beaucoup plus sur cette ligne que Netanyahou encore,
08:52mais favorables à une poursuite coûte que coûte de la guerre,
08:55c'est le discours de la raison d'État,
08:57consistant à dire, bien sûr, les otages c'est inimaginable,
09:00si quelqu'un avait des proches qui étaient otages,
09:03évidemment qui seraient favorables à l'arrêt immédiat de la guerre,
09:06à la libération de 10 000, 20 000, 30 000, 1 million de prisonniers
09:10contre une personne parce que c'est absolument terrible,
09:14mais la raison d'État veut que, après le 7 octobre,
09:18il faut tout faire pour empêcher un deuxième 7 octobre d'arriver
09:21et pour infliger une défaite totale au Hamas.
09:24Cette position, elle serait audible,
09:26et d'ailleurs elle est entendue en Israël,
09:28et personne ne discrédite complètement cet argument.
09:31Mais le problème venant de Netanyahou
09:33et plus globalement de certaines personnes au gouvernement,
09:36c'est que depuis le 7 octobre, ils n'ont pas montré
09:38beaucoup de signes de compassion vis-à-vis des otages.
09:40Monsieur Netanyahou a mis des semaines entières
09:43à rentrer en contact avec les familles des otages.
09:45Le gouvernement a mis des semaines à prendre vraiment à bras le corps,
09:50à écouter la famille des otages, c'était même de la com' de faire ça,
09:53c'est même pas de la grande politique,
09:54c'est juste que vous avez des otages dans votre pays
09:56avec une situation aussi incroyable,
09:58au moins, ne serait-ce que par cynisme,
10:00ne serait-ce que pour remonter un peu dans les sondages,
10:02vous les voyez, vous mettez un communiqué ou un tweet,
10:04il n'a même pas fait cela.
10:06Pour quelles raisons ?
10:08Pour une raison, à mon avis, importante,
10:10c'est que la classe politique israélienne aujourd'hui,
10:12elle est dans un état, bien avant le 7 octobre d'ailleurs,
10:15lamentable, et qu'au lendemain du 7 octobre,
10:17ça a été un discrédit qui a été jeté sur elle,
10:20une telle faille sécuritaire de la part d'un des gouvernements
10:23qui employait le plus le lexique et le langage sécuritaire,
10:26c'est quand même, je pense que ça leur a mis une gifle inimaginable.
10:29Mais ce qu'il faut bien souligner, c'est que cette question des otages,
10:32elle a été traitée en Israël essentiellement
10:34par la société civile, des oeuvres de solidarité incroyables.
10:37Un centre à Tel Aviv que j'ai visité,
10:39qui s'appelle le centre des otages,
10:41dirigé notamment par une ancienne députée travailliste
10:44qui s'appelle Émilie Moiti,
10:46et ce centre-là n'implique pas le gouvernement.
10:48Et c'est lui essentiellement qui fait un travail
10:50de communication, mais aussi de renseignement
10:52et d'aide, de soutien psychologique aux familles des otages.
10:54On pourrait aussi mentionner les manifestations
10:56qui ont lieu toutes les semaines depuis dix mois
10:58à Tel Aviv, partout dans le pays, mais surtout à Tel Aviv.
11:01Initialement, des manifestations de solidarité vis-à-vis des otages,
11:04et évidemment, elles ont pris très très vite
11:06une dimension politique, jusqu'à être perçues,
11:09et en partie, à juste titre, en partie,
11:11comme des manifestations anti-gouvernementales.
11:13Messieurs, vous restez avec nous, Nathan Devers, Antonin André,
11:16on continuera un petit peu à parler de cette situation prochainement,
11:18mais surtout comment cette situation vient se répercuter
11:21sur la convention démocrate qui se tient en ce moment même
11:24à Chicago. Restez avec nous dans Europe un soir.
11:28Et place au débat, on retrouve nos chroniqueurs du jour,
11:30Antonin André, ou plutôt de la soirée,
11:32chef des services politiques du JDD,
11:35bonsoir Antonin, Nathan Devers, écrivain et philosophe.
11:39On parlait il y a quelques instants avec Frédéric Ancel,
11:42de ces pourparlers qui vont reprendre, donc,
11:44sous la houlette d'Anthony Mbliken,
11:46demain au Caire.
11:48Clairement, Nathan Devers,
11:50est-ce que ces négociations ont des chances d'aboutir ?
11:53Ça fait quand même le dixième round.
11:56Je ne suis pas devin,
11:58et je ne peux pas savoir, je pense qu'en plus,
12:00le comportement du Hamas,
12:02quoi qu'on en dise,
12:04est tellement difficile à décrypter.
12:06Il a envoyé encore aujourd'hui un communiqué
12:08pour dire qu'il refusait les dernières conditions
12:10proposées par Israël,
12:12alors qu'Israël s'était montré
12:14objectivement plus conciliant,
12:16et d'ailleurs c'est un peu ce que disait Frédéric Ancel.
12:18Mais je pense que, encore une fois,
12:20l'enjeu est vraiment triple.
12:22Il y a l'enjeu des otages, qui est central,
12:24on en a parlé. Il y a un deuxième enjeu,
12:26qui est évidemment majeur,
12:28c'est l'enjeu de la situation humanitaire à Gaza,
12:30qui est terrible, et les civils de Gaza
12:32qui vivent entre le marteau et l'enclume
12:34du terrorisme islamiste du Hamas
12:36et des bombardements
12:38et des opérations militaires de la guerre israélienne
12:40sont dans un état qui est indescriptible.
12:42Ça, c'est un enjeu majeur.
12:44Et il y a un troisième enjeu, qui à mon avis
12:46est plus complexe, là, à prévoir,
12:48qui est la question de savoir dans quelle mesure
12:50le Hamas sera anéanti
12:52au terme de cette guerre.
12:54Il suffit qu'il ait
12:56une défaite partielle,
12:58il suffit qu'il arrive, avec un accord de cesser le feu,
13:00à avoir des revendications
13:02qui sont acceptées
13:04et qui lui permettent de se refaire une petite santé
13:06pour que l'effet puisse être absolument immense.
13:08Et ce qu'il faut bien voir, et je pense que c'est
13:10la grande erreur de la presse dans le monde entier,
13:12c'est que quand elle traite ce conflit,
13:14elle fait un zoom sur ce qui se passe dans la bande de Gaza.
13:16Bien sûr, la situation est dramatique,
13:18c'est là où il y a le plus de morts, etc.
13:20Le centre de gravité est en Cisjordanie.
13:22Dans la bande de Gaza, il n'y a aucun
13:24contentieux territorial. Israël s'en est retiré.
13:26Le vrai centre de gravité est de l'autre côté.
13:28Et de l'autre côté, aujourd'hui...
13:30Pour quelles raisons ?
13:32C'est là qu'il y a un contentieux territorial,
13:34avec la politique d'implantation
13:36ou de colonisation, peu importe le mot,
13:38menée par Israël,
13:40accélérée depuis 20 ans,
13:42et Netanyahou s'engage à l'accélérer énormément.
13:44Et avec une autorité palestinienne,
13:46aujourd'hui, qui ne tient plus qu'à un fil.
13:48C'est-à-dire que vous avez en Cisjordanie
13:50des populations qui, de plus en plus,
13:52veulent d'un pouvoir ou bien
13:54remis au Hamas, ou bien partagé
13:56entre le Fatah, le parti actuellement
13:58au pouvoir à Ramallah de Mahmoud Abbas,
14:00et le Hamas. Et pour une raison très simple,
14:02c'est que l'autorité palestinienne, en plus d'être
14:04corrompue et de ne pas avoir
14:06organisé de délection, l'a montré
14:08du point de vue de la cause palestinienne.
14:10Une telle faiblesse, je parle dans la Palestine
14:12d'avant le 7 octobre, une telle faiblesse,
14:14une telle incapacité à porter sa cause,
14:16face notamment aux accords Abraham,
14:18face à la politique de Netanyahou,
14:20qu'il se passe cet enjeu-là.
14:22Et le Hamas le sait très bien.
14:24Ils sont tapis dans leur tunnel de Gaza,
14:26mais ils savent très bien que les moindres
14:28de leurs actions ont un impact,
14:30une vague d'influence centrale
14:32en Cisjordanie, et que c'est cet endroit-là,
14:34plus que Gaza, qui pourra
14:36faire basculer le conflit, dans un sens ou dans l'autre,
14:38dans les années et même dans les décennies
14:40à venir.
14:42J'ai deux hausseurs à apporter.
14:44D'abord Gaza.
14:46Je suis en désaccord tout à l'heure avec vous.
14:48C'est aussi un aspect du problème. Gaza, c'est une prison à ciel ouvert
14:50qui est complètement cadenassée par Israël
14:52et sur laquelle prospère le Hamas
14:54parce que, d'une certaine façon,
14:56la vie qui est
14:58organisée ne repose que sur
15:00la capacité du Hamas à avoir des oeuvres sociales,
15:02à donner à manger aux gens,
15:04à organiser la vie dans une prison à ciel ouvert.
15:06Donc, on peut très bien considérer que ce n'est pas un sujet.
15:08Si le Gaza
15:10se reconstruit sur les mêmes bases que ce qu'il a été
15:12pendant des années, le problème
15:14demeurera une menace pour Israël
15:16et entretiendra le ressentiment
15:18islamisme et la
15:20prospération de mouvements radicaux.
15:22Par ailleurs, sur la Cisjordanie,
15:24je souscris en partie à ce que vous dites,
15:26l'OLP, l'histoire que vous décrivez
15:28sur une OLP qui fait peu de cas
15:30du peuple cisjordanien palestinien
15:32qui, en réalité, est un pouvoir corrompu,
15:34malheureusement, ça dure depuis extrêmement longtemps.
15:36Yasser Arafat lui-même, tout auréolé
15:38de sa gloire et de son sacrifice
15:40pour la population palestinienne, était plus préoccupé
15:42par ses contemps banques
15:44et la répartition du pouvoir entre
15:46les gens de sa caste que par le sort des palestiniens.
15:48Donc, je ne pense pas que
15:50les choses soient aussi schématiques que ce que vous décrivez.
15:52C'est le cas du Hamas aussi, le sort des palestiniens.
15:54Oui, mais sur quoi ils prospèrent ? En fait, le sujet, c'est ça.
15:56C'est-à-dire que tant qu'on maintiendra ces populations
15:58et ces peuples entre les mains
16:00de gens qui exploitent l'état de faiblesse
16:02dans laquelle ils sont mis par Israël,
16:04vous pouvez faire tous les calculs que vous voulez
16:06et tous les raisonnements intelligents, ça continuera.
16:08Vous êtes en devers, vous voulez répondre à Antonin André ?
16:10Oui, j'aurais deux réserves sur vos réserves.
16:12C'est que la situation à Gaza, je ne dis absolument pas
16:14qu'elle est dramatique et évidemment
16:16que je comprends très bien pourquoi elle suscite
16:18autant l'attention des médias. C'est pas ça que je remets en cause.
16:20Évidemment qu'il y a un aspect de prison.
16:22C'est un moment de déstabilisation de la nation.
16:24Oui, mais ce que je disais, c'est qu'il n'y a pas de contentieux
16:26territorial à Gaza depuis le retrait
16:28israélien ordonné par Ariel Sharon.
16:30Aujourd'hui, depuis la guerre du 7 octobre,
16:32il n'y a aucun Israélien sérieux
16:34à part Ben Gvir et Smotrich, qui sont deux illuminés,
16:36qui veut reconstruire des implantations
16:38à Gaza. Ça veut dire tout.
16:40La question, ce n'est pas les implantations à Gaza.
16:42La question, c'est les conditions de vie sur une bande de terre
16:44sur lesquelles les gens sont entassés dans une prison
16:46à ciel ouvert et ne peuvent pas circuler librement.
16:48C'est ça le sujet de Gaza. Ce n'est pas le sujet des implantations israéliennes.
16:50Je n'ai pas du tout nié cela. Je ne parlais pas du tout du même sujet.
16:52Excusez-moi,
16:54je parlais du centre de gravité du conflit.
16:56Et le centre de gravité du conflit, aujourd'hui,
16:58à Cisjordanie, c'est devenu, du fait
17:00de la colonisation, un gruyère territorial.
17:02Ça veut dire que la possibilité même, demain,
17:04qu'un État palestinien puisse exister,
17:06qu'il y ait une solution à deux États, est remise en cause,
17:08non pas à Gaza. Elle est remise en cause en Cisjordanie.
17:10Ça fait évidemment des années, mais ça fait notamment
17:1210 ans, 15 ans,
17:14que la chose s'accélère à une vitesse qui rend
17:16impossible la possibilité même
17:18d'une Palestine. Et je pense que cela est
17:20un fait absolument majeur. Si on se replace
17:22dans la carte d'avant le 7 octobre,
17:24le paradigme qui était accepté
17:26par tous les acteurs importants du conflit, et notamment
17:28par les États-Unis, c'était en gros le paradigme
17:30d'un abandon de la solution des deux États.
17:32C'était très clairement la vision de Jared Kushner.
17:34C'était un universitaire
17:36israélien qui a créé un paradigme,
17:38un concept, qui s'appelle la réduction
17:40du conflit. On oublie
17:42l'idée de résoudre le conflit,
17:44c'est-à-dire de créer un débat.
17:46On le réduit, on le maintient à basse intensité,
17:48on fait des petites négociations comme ceci.
17:50C'était ça qui était accepté. Et ça,
17:52c'était du côté de la Cisjordanie.
17:54Et il me semble, évidemment personne n'est devin,
17:56personne ne peut savoir ce qui va se passer demain,
17:58mais que quand on a une autorité palestinienne
18:00OLP, EFATAR,
18:02aujourd'hui, qui ne tient plus qu'à un fil
18:04avec une Cisjordanie qui est dans une situation
18:06qui est terrible
18:08et qui est en plus absurdissime d'un point de vue
18:10géopolitique, c'est en cela que la Cisjordanie
18:12est, me semble-t-il, le vrai
18:14centre de gravité, même si
18:16la situation est mille fois pire à Gaza,
18:18ce que je n'ai pas nié un seul instant, je ne suis pas fou à ce point.
18:20Alors Nathan Dever, vous venez de citer les
18:22États-Unis et l'ancien
18:24chargé de mission
18:26au Proche-Orient, Jared Kushner,
18:28beau-fils d'ailleurs de Donald Trump,
18:30le sujet de Gaza qui devrait être
18:32géré, clairement, habilement par
18:34Kamala Harris, qui doit être investie
18:36officiellement candidate démocrate à la présidentielle
18:38à l'issue de la convention
18:40qui se tient depuis hier à Chicago,
18:42justement, en marge de cette
18:44convention, des manifestations de groupes
18:46pro-palestiniens, très mécontents de
18:48la manière dont Joe Biden et sa vice-présidente
18:50gèrent le dossier du Proche-Orient,
18:52ont lieu. On fait le point avec
18:54Aviva Freed, correspondante européenne
18:56aux États-Unis. Écoutez.
18:58Kamala, la tueuse, nous t'inculpons pour génocide.
19:00C'est à ce cri que les manifestants ont défilé
19:02au milieu d'un imposant dispositif
19:04policier qui n'a pas empêché
19:06les militants de donner de la voix.
19:08Les manifestants, pour la plupart,
19:10revêtus d'un keffier et agitant
19:12des drapeaux palestiniens, reprochent
19:14à l'administration Biden son soutien
19:16à Israël. Sarah, sa fille d'origine
19:18syrienne, ne sait d'ailleurs pas encore
19:20si elle votera démocrate en novembre.
19:22En tant qu'administrate,
19:24je suis d'accord avec vous.
19:26En tant qu'Arabe,
19:28tout comme d'autres Arabes que je connais,
19:30ou franchement quiconque se préoccupe
19:32des droits humains, je ne suis pas à l'aise
19:34avec l'idée de voter pour une criminelle
19:36de guerre.
19:38Tout cela pourrait faire les affaires de Donald Trump
19:40aux Grandes Dames de Denise de Ligolle.
19:42Elle départ avec son tee-shirt
19:44« Votez pour Kamala », mais pour elle, il n'y a aucun doute.
19:46Trump est le prochain
19:48Hitler. C'est vraiment une mauvaise personne.
19:50Et s'ils ne comprennent pas ça, honte à eux.
19:52Ils devraient s'informer.
19:54Loin d'être entendus, certains ici
19:56se réjouissent même d'avance de pouvoir faire tomber
19:58Kamala Harris en novembre.
20:00A Chicago, à Viva Free Europe 1.
20:02Alors c'est vrai qu'on a un petit peu
20:04le spectre de 1968
20:06où on se souvenait que Johnson avait
20:08dû jeter l'éponge après des manifestations
20:10contre la guerre au Vietnam. Alors évidemment,
20:12Gaza n'est pas le Vietnam, mais c'est quand même
20:14un objet de tension, Antonin André,
20:16qui peut diviser les démocrates
20:18quand même, clairement. Vous allez me contredire,
20:20je le sens.
20:22On parle de quelques milliers de manifestants
20:24qui sont assez peu représentatifs
20:26à mon avis du peuple américain.
20:28J'ajoute que la question palestinienne aux Etats-Unis
20:30ne sera pas l'alpha et l'oméga de l'élection
20:32aux Etats-Unis.
20:34Un sujet de dissension, pour les démocrates,
20:36c'est pas le moment.
20:38Vous avez bien entendu les leçons qu'on vient d'entendre,
20:40des gens qui comparent Trump à Hitler. On voit bien qu'on a affaire
20:42à une poignée d'excités. Et par ailleurs,
20:44je trouve que la comparaison avec Johnson
20:46est complètement inepte, parce qu'en réalité,
20:48il n'y a pas de soldat américain au Proche-Orient.
20:50C'est pas un enjeu.
20:52On n'est pas dans le contexte de la guerre froide
20:54où vous aviez une espèce d'affrontement entre deux blocs
20:56dans un monde où l'arme nucléaire
20:58pesait sur l'ensemble des continents
21:00et où ces conflits régionaux
21:02opposaient deux puissances
21:04qui étaient l'URSS
21:06ou les puissances communistes
21:08et les Etats-Unis.
21:10Gardons un peu la tête froide,
21:12ça n'a rien à voir.
21:14Le sujet palestinien est présent dans la société.
21:16Il y a eu des manifestations dans les universités américaines.
21:18Pour un pays
21:20qui traditionnellement soutient Israël,
21:22il y a un changement de paradigme
21:24chez certains.
21:26Ne soyons pas totalement dupes
21:28de l'instrumentalisation qu'on en fait.
21:30C'est pas un phénomène de grande ampleur aux Etats-Unis
21:32et c'est pas ça qui va empêcher Kamala Harris d'être élue.
21:34Je confirme que les Américains regardent leur pouvoir d'achat
21:36et la politique intérieure, ça c'est certain.
21:38Tout de même, n'attendant Devers,
21:40c'est pas le moment que les démocrates se divisent.
21:42Ils doivent être derrière Kamala Harris
21:44et ça sera regardé
21:46la manière dont elle gérera forcément ce dossier,
21:48en tout cas à l'interne.
21:50Oui, bien sûr.
21:52Je ne suis pas certain que pour l'élection
21:54de Kamala Harris ou de Donald Trump,
21:56la prochaine élection américaine,
21:58je ne suis pas certain que cette question
22:00puisse avoir un effet pivot dans les swing states.
22:02En revanche, à plus long terme,
22:04il me paraît assez évident
22:06que le parti démocrate
22:08va être amené à faire évoluer
22:10sa position sur Israël.
22:12Et quand je dis à long terme, c'est notamment,
22:14il y a déjà des individus au sein du parti démocrate
22:16qui veulent une position beaucoup plus radicale.
22:18Je pense à M. Sanders,
22:20je pense à AOC dans une moindre mesure.
22:22Vous avez aussi, surtout,
22:24dans les universités américaines,
22:26dans les universités de sciences politiques,
22:28qui forment les futures élites du pays.
22:30Ce sera peut-être à une échelle de 20 ou 30 ans,
22:32mais vous avez des gens pour qui sans doute
22:34leur première émotion politique,
22:36leur premier engagement absolu,
22:38c'est un engagement du côté des Palestiniens
22:40et qui parfois même
22:42remet en cause,
22:44non seulement la politique israélienne,
22:46mais même le rapport, la relation
22:48fondée depuis extrêmement longtemps
22:50entre les États-Unis et Israël.
22:52Relation qui n'a pas toujours été au beau fixe.
22:54Il ne faut pas non plus imaginer que du côté des États-Unis,
22:56ça a toujours été un soutien inconditionnel
22:58envers les actions de la politique israélienne
23:00et notamment en tant que guerre.
23:02C'est vrai qu'on entend des voix dissonantes
23:04et là on les entend un petit peu plus.
23:06L'amitié de principe n'était pas remise en cause.
23:08Il est possible qu'elle soit amenée
23:10à très très long terme.
23:12D'un côté, un parti républicain
23:14qui là a clairement
23:16décidé que s'il revenait aux affaires,
23:18la Palestine n'existe plus.
23:20Ça s'est quasiment dit explicitement.
23:22Et vous avez en face
23:24un parti démocrate
23:26qui a connu,
23:28en tout cas ces dernières années,
23:30qui a connu un moment où il avait une position extrêmement claire,
23:32c'était le discours du CAIR de Barack Obama,
23:34ce très très beau discours qui appelait à la non-violence
23:36dans les batailles palestiniennes,
23:38à l'érection d'un État palestinien
23:40qui n'a absolument pas été suivi d'effet malheureusement.
23:42Mais ce discours de CAIR
23:44n'a pas été appliqué.
23:46Il était tenu au CAIR, précisément dans une région
23:48et à destination d'un public
23:50qui n'était pas le public américain.
23:52C'est-à-dire qu'en réalité,
23:54je pense qu'on est un peu
23:56nous-mêmes prisonniers de notre propre prisme.
23:58Ce que vous décrivez comme étant le lit
24:00d'une forme de formation politique
24:02des jeunesses,
24:04des élites américaines,
24:06parfois on le voit par un prisme déformant.
24:08On parle de quelques universités qui ont été perturbées.
24:10On est loin d'avoir...
24:12Je vous laisse terminer.
24:14On peut dire que c'est un mouvement d'ampleur.
24:16Si on regarde les chiffres, ça n'est pas un mouvement d'ampleur.
24:18Mais symboliquement, peut-être qu'il l'est.
24:20Oui, symboliquement.
24:22On continue nos débats, Antonin André,
24:24Nathan Devers, dans quelques instants.
24:26Puis j'en profite pour faire une petite annonce.
24:28Europe 1 rend hommage à Alain Delon.
24:30Toute la semaine,
24:32retrouvez le podcast inédit Destin Extraordinaire
24:34de son enfance au dernier mois de sa vie.
24:36Redécouvrez le parcours hors du commun
24:38d'une légende du cinéma français racontée par Pascal Praud,
24:40illustrée par
24:42de formidables archives d'Europe 1.
24:44C'est donc à retrouver sur europe1.fr
24:46et de l'application Europe 1.

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