Anne Fulda reçoit Bruno Corty pour son livre «Dictionnaire amoureux de la littérature américaine» dans #HDLivres
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bienvenue à L'Heure des Livres, Bruno Corti, on est ravi de vous recevoir.
00:05Vous êtes rédacteur en chef du Figaro littéraire.
00:08Vous avez déjà écrit plusieurs livres, notamment L'Aventure, pour quoi faire,
00:12avec des co-auteurs comme Jean-Christophe Ruffin et Sylvain Tesson.
00:16Et là, vous publiez le livre d'un passionné, un livre passionnant, écrit par un passionné.
00:20C'est un dictionnaire amoureux de la littérature américaine qui est paru chez Plon.
00:24Alors ça va de A comme Chris Hadrian, selon le New Yorker,
00:28parmi les 20 meilleurs écrivains contemporains de moins de 40 ans,
00:31à C comme Truman Capote, F, il y en a beaucoup,
00:34John Fante, William Faulkner, Phil Gerald évidemment,
00:38jusqu'à Z comme Bob Zimmerman, un certain Bob Dylan.
00:41Alors vous le racontez, c'est amusant, c'est au gré d'un déménagement
00:44que finalement cette envie d'écrire sur la littérature américaine vous est venue.
00:49Oui, je pense que c'est vraiment un alibi en fait, parce que j'aurais pu le faire depuis longtemps,
00:53mais il faut se pousser du col et je n'avais pas trop envie.
00:56Il a fallu que je vide des armoires dans mon journal préféré,
00:59et il y avait des milliers de livres et il a fallu sacrifier beaucoup de choses.
01:02Et je me suis aperçu qu'en faisant un choix obligatoire, j'ai gardé Les Américains.
01:05Et pour moi, ça a été un peu un déclic de se dire que pourquoi ceux-là ?
01:08Parce que c'est les tout premiers en fait, quand j'ai commencé,
01:11et c'est même les tout premiers avant même d'être journaliste, il y a 36 ans, que je lisais.
01:15Alors ce qui est intéressant, c'est que vous racontez qu'en fait,
01:18cette découverte de la littérature américaine, elle est allée souvent de pair
01:21avec la découverte de la chanson américaine et du cinéma américain.
01:25Chez vous, c'était même des chanteurs français qui glorifiaient les Etats-Unis.
01:30Oui, Michel Sardou, Jean Dassin et beaucoup d'autres.
01:34Mais oui, c'était Eddy Mitchell qui faisait en plus la dernière séance,
01:38qui nous passait des films qui nous donnaient envie.
01:41Et puis c'est vrai que c'est la chanson, parce qu'il y avait Patti Smith,
01:44que j'ai découvert quand j'allais avoir 15 ans et qui restait une espèce de passion encore aujourd'hui.
01:48Il y a eu le théâtre aussi, j'ai vu une pièce de Sam Shepard.
01:53Et là, en fait, c'était d'abord tous les arts sauf les livres.
01:57Et puis bon, à un moment donné, il faut lire.
01:59Et Jack London et tous les autres sont arrivés derrière.
02:02Alors cette littérature américaine, vous le racontez avec beaucoup de reconnaissance, de gratitude.
02:09Vous y êtes venu aussi grâce à des passeurs.
02:11Alors certains étaient journalistes, des grandes plumes, du Figaro,
02:15il y avait Renaud Matignon, Eric Neuf, d'autres éditeurs.
02:20Et d'autres qui étaient un peu tout à la fois, comme Philippe Labreau, par exemple.
02:23Oui, alors Philippe Labreau, c'est le maître, là, il n'y a rien à dire.
02:26Philippe Labreau, c'est tout.
02:28C'est-à-dire que c'est à la fois le romancier qui a été étudiant aux États-Unis,
02:31qui a dû entreapercevoir Faulkner.
02:34C'est le journaliste, le grand reporter qui était là au moment de la mort de Kennedy.
02:37C'est le cinéaste qui adapte Ed McBain pour faire Son mobile apparent avec Jean-Louis Trintignant.
02:42Et c'est le parolier de Johnny pour Mon Amérique à moi.
02:45Donc, pour moi, Labreau, c'est mon dieu, en fait.
02:49C'est vraiment le personnage qui parle le mieux de l'Amérique.
02:51Il est passionné, même s'il reconnaît que l'Amérique est aussi un pays terrible,
02:56avec énormément de défauts.
02:58Alors, évidemment, vous ne faites pas que des entrées par nom d'auteur,
03:02il y a aussi des entrées thématiques.
03:04Et puis vous évoquez aussi des monstres sacrés qui ont émergé au moment
03:08d'une sorte de génération dorée, entre 1896 et 1902, très précis.
03:13Mais c'est vrai qu'il y a l'époque.
03:15C'est fabuleux, parce que Fitzgerald, Faulkner, Hemingway, Dos Passos, Steinbeck.
03:20Là, on a trois prix Nobel.
03:22Et c'est vraiment pratiquement, j'allais dire, le meilleur du meilleur.
03:25Après, c'est très difficile de passer derrière tout ça.
03:27Mais dans ces cinq-là, il y en a qui ont totalement disparu ou quasiment.
03:31C'est-à-dire que Dos Passos qui lit.
03:33Alors Manhattan Transfer.
03:34Saul Bellow aussi.
03:35Oui, et puis il y a Saul Bellow.
03:36Prix Nobel 1976.
03:37Plus personne, les gens pensent qu'on parle de Saul Key.
03:40Mais oui, Saul Bellow, c'est un écrivain formidable.
03:42Il est plus difficile que les autres, sans doute.
03:45Mais le relire ou essayer de le relire.
03:47Herzog, par exemple, c'est un roman énorme qui est absolument fascinant.
03:50Alors, votre premier choc littéraire, finalement.
03:53Qu'est-ce que vous conseilleriez comme livre pour un jeune qui ne lit pas énormément ?
03:59Alors, il y a le malentendu Jack London.
04:03On commence tous par Jack London.
04:04Mais pas, je ne dirais pas, Cro blanc, L'appel de la forêt.
04:06Ça, c'est basique.
04:07Mais on peut lire Jack London avec Martin Eden,
04:10qui est un roman de formation.
04:12On peut lire Jack London avec Le loup des mers,
04:14qui est un formidable roman maritime.
04:16Qui se voulait un roman Nietzschean.
04:17Et puis London s'est aperçu, finalement.
04:19Personne n'avait voulu voir ce message.
04:20Tout le monde a vu ça comme un roman d'aventure.
04:22Il s'en est éteint.
04:23Et il est magnifique.
04:24Donc, Jack London, oui.
04:25Hemingway avec les nouvelles.
04:26Elles sont formidables, ces nouvelles.
04:28Elles sont très touchantes parce que c'est son double.
04:30Lui, jeune, adolescent, avec son père, qui finira par se suicider.
04:34Qui annonce déjà son drame intime.
04:36Mais je pense que Hemingway, je pense que même Fitzgerald,
04:39ce n'est pas une écriture difficile.
04:41C'est une écriture magnifique.
04:42Et je pense que ça, on commencerait comme ça.
04:44Ce serait déjà bien.
04:45Alors, ces dernières années, il y a eu pas mal de disparitions
04:48parmi les monstres.
04:49Oui.
04:50Paul Auster.
04:51Récemment, cette année.
04:52Toni Morrison.
04:53Philippe Roth.
04:54Philippe Roth, oui.
04:55Est-ce que la relève est assurée ?
04:57Ça, c'est une bonne question parce que ce n'est pas évident.
05:00Mais on aurait pu dire la même chose au XXe siècle
05:02avec les écrivains français.
05:03Une fois que Mauriac, Sartre, Camus et tous sont morts,
05:06on a pu se dire, c'est fini.
05:08Or, non, c'est jamais fini.
05:09C'est pour ça que j'ai fait en sorte que dans ce dictionnaire,
05:12il y a à la fois les grands massifs et puis les petits arbres,
05:15les jeunes pousses.
05:16La plupart de ces jeunes pousses, d'ailleurs,
05:18sont des héritiers de Raymond Carver.
05:20C'est des gens qui parlent de l'Amérique de la classe moyenne,
05:23l'Amérique un peu besogneuse,
05:24les familles dysfonctionnelles et la violence.
05:27En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire ce livre.
05:30Ça peut se picorer, ça peut se lire d'une traite,
05:32comme on veut.
05:33C'est donc un dictionnaire amoureux de la littérature américaine.
05:36Merci beaucoup, Bruno Corti.
05:37Et c'est paru chez Plon.
05:38Chez Plon.
05:39Merci.
05:40Merci.