• il y a 7 mois
Anne Fulda reçoit Lolita Chammah pour son livre «J’ai regardé la nuit tomber» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Lolita Chama.
00:02 Alors, on vous connaît comme comédienne, essentiellement,
00:05 notamment, surtout, au théâtre, mais pas que.
00:08 Et vous venez d'écrire un premier livre, un premier roman,
00:11 qui s'appelle "J'ai regardé la nuit tomber",
00:13 un livre qui est paru chez Stock,
00:15 un joli livre émouvant, sensible,
00:18 qui vient, revient sur un...
00:20 qui aborde plutôt un sujet qui est rarement évoqué,
00:22 c'est celui de la perte d'un enfant,
00:24 du... ce qu'on appelle assez...
00:26 de façon assez laide, le deuil périnatal.
00:29 Un livre que vous avez dédié à vos enfants,
00:31 à celui qui n'est plus là, à celui qui est là,
00:34 et à celui qui viendra.
00:35 Celui qui est là, c'est Gabriel,
00:37 celui qui n'est plus là, c'est Colia.
00:39 Ne serait-ce que prononcer son nom,
00:40 c'est lui donner une vie, dites-vous.
00:43 Est-ce que c'est pour cela que vous avez...
00:45 essentiellement, que vous avez écrit ce livre,
00:47 donc, pour donner une vie à ce petit garçon
00:50 né prématurément à 5 mois et demi
00:52 et qui est mort quelques jours plus tard ?
00:55 - Euh...
00:56 Je crois que j'ai écrit ce livre pour plusieurs raisons.
00:59 Évidemment, la raison première,
01:02 c'est un hommage à mes enfants.
01:04 Pour moi, c'était très important de...
01:07 voilà, de leur écrire cette lettre d'amour
01:09 à celui qui peut les lire, mes mots,
01:11 et à celui qui ne peut pas entendre mes mots, bien sûr,
01:14 mais c'était...
01:15 voilà, j'avais envie de...
01:16 de rendre hommage à la maternité
01:19 de façon globale, et dans ce cas-là, de merveilleux
01:22 et aussi de...
01:23 extrêmement douloureux,
01:25 comme mon histoire et comme l'histoire
01:27 de tant d'autres femmes, de tant d'autres couples.
01:29 Euh...
01:30 J'ai voulu aussi écrire ce récit...
01:34 presque comme un acte politique.
01:36 C'est quelque chose que je dis très vite
01:38 au début de mon récit, parce que...
01:41 j'ai eu la sensation, après cette tragédie
01:45 que j'ai traversée, que...
01:47 c'était quelque chose de très tabou,
01:49 euh...
01:50 de très rentré,
01:52 et que...
01:54 j'avais besoin d'en parler, et que pour moi,
01:58 le silence, c'est la mort, et que c'était
02:00 de mettre des mots, de mettre des mots pour moi,
02:03 mais aussi, surtout, pour les autres,
02:06 c'était quelque chose d'essentiel. Voilà.
02:09 Est-ce que, justement, vous parlez d'actes politiques,
02:12 de mettre des mots sur quelque chose de tabou,
02:15 mais à votre avis, qu'est-ce qui est tabou exactement dans...
02:18 dans ça ? C'est, en fait, d'être confrontée à quelqu'un,
02:22 ou malheur de quelqu'un,
02:24 ou est-ce que c'est aussi, finalement, quelque chose,
02:26 tout ce qui entoure la maternité, l'accouchement,
02:28 qui demeure, malgré tout, enfin, aujourd'hui,
02:31 tout est, entre guillemets, transparent,
02:32 mais il reste des formes de zones d'ombre,
02:35 d'une opacité autour de cet événement
02:39 tellement important ?
02:40 Totalement. Enfin, c'était surtout ça,
02:42 la sensation que tout ce qui a trait à la maternité,
02:46 enfin, surtout quand c'est de façon tragique,
02:49 et même, d'ailleurs, quand c'est de façon plus heureuse,
02:51 on a une tendance à ne pas parler de ça,
02:54 à ne pas regarder ça, à faire comme si, nous, les femmes,
02:59 nous, les mères, c'était normal de porter la vie,
03:02 d'accoucher, de souffrir.
03:05 Et que je pense que, pour moi, dans la révolution aussi
03:09 que notre époque est en train de vivre aujourd'hui,
03:12 de ces grands bouleversements entre les hommes et les femmes,
03:15 il m'a semblé que mon histoire venait aussi...
03:20 Comment dire ?
03:22 faisait partie aussi de cette révolution dans laquelle on est,
03:24 c'est-à-dire, on a le droit de dire les choses.
03:27 De dire les choses, oui.
03:29 Alors, dans votre livre,
03:32 il y a des côtés, évidemment, tristes, sombres,
03:36 mais il y a aussi des côtés lumineux,
03:37 notamment cette espèce d'humanité que vous décrivez
03:40 chez certaines personnes que vous croisez,
03:43 chez certaines mères, notamment.
03:45 C'est... Alors, je ne veux pas parler de sororité,
03:48 mais en tout cas, il y a cette humanité.
03:51 Vous l'avez rencontrée aussi ?
03:52 Totalement. C'est vraiment quelque chose qui traverse ma vie
03:56 depuis maintenant un an et demi,
03:57 et qui continue à la traverser de façon très forte.
04:01 Notamment depuis que mon livre est sorti,
04:03 je reçois énormément de témoignages.
04:06 Et c'est bien la plus belle des récompenses.
04:09 Pour moi, je me rends compte que, en fait, c'est partout,
04:14 tout ça, c'est partout, tout le temps.
04:15 C'est quelque chose qui n'a pas de frontière,
04:17 pas de milieu social, pas de hiérarchie,
04:19 parce que l'histoire des mères et des pères,
04:21 c'est l'histoire du monde, c'est l'histoire de la vie.
04:24 Et c'est vrai que j'ai cette communauté invisible,
04:26 comme je la nomme dans mon récit.
04:29 Voilà, c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde.
04:31 Tout le monde a des histoires liées à ça.
04:34 Et ça fait partie de la consolation,
04:37 la rencontre avec ça, bien sûr.
04:39 Cette communauté invisible liée par une puissance indicible,
04:42 écrivez-vous. C'est assez joli.
04:43 Alors, il y a votre douleur,
04:45 et puis il y a aussi celle que vous évoquez,
04:47 celle du père, évidemment, et celle du frère.
04:50 C'est pas facile aussi, d'un grand frère,
04:52 mais en même temps, c'est lui qui...
04:53 - Frère, mais... - Oui, pardon.
04:56 C'est lui qui vous tire vers la lumière aussi.
04:59 Enfin, je parle de ma famille,
05:02 je parle de mon compagnon, avec pudeur, bien sûr,
05:04 parce qu'en écrivant ce récit,
05:06 je me suis rendue compte que c'était ma voix,
05:10 et pas leur voix, et que de toute façon,
05:11 c'est très difficile de se substituer
05:14 au chagrin des autres.
05:15 Enfin, moi, je fais part de mon expérience,
05:18 de mon trajet, mais bien sûr,
05:22 ce qui est sûr, c'est que c'est une épreuve collective,
05:25 donc quand on traverse quelque chose comme ça,
05:27 donc évidemment, son entourage a une part importante
05:31 dans le soutien, si on peut dire,
05:34 puisque c'est quelque chose qu'on traverse très seul aussi.
05:38 Dernière question, est-ce que la tristesse s'en va
05:41 ou elle ne peut que s'estomper ?
05:43 -Elle ne peut que s'estomper, bien sûr. -Bien sûr.
05:46 Elle ne s'en va jamais, et puis, même, de toute façon,
05:48 moi, je ne crois pas vraiment au deuil,
05:51 dans le sens que je ne crois pas qu'on se réveille un matin,
05:53 c'est quelque chose que j'écris aussi dans mon livre,
05:55 et puis qu'on se répare.
05:57 La vie continue autrement,
06:01 c'est aussi le sujet de mon livre,
06:03 avec vitalité, tout de même, et avec panache,
06:06 on redécouvre le sens des choses et la joie,
06:10 mais d'une autre façon, d'une façon transformée pour toujours,
06:12 ça, c'est sûr.
06:14 -En tout cas, je vous conseille de lire ce livre,
06:16 donc ça s'appelle "J'ai regardé la nuit tomber",
06:18 très beau titre.
06:19 C'est donc un livre paru chez Stock.
06:21 Merci, Louli Tachama.
06:22 -Merci beaucoup à vous.
06:24 (Générique)
06:26 ---
06:27 [SILENCE]

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