Anne Fulda reçoit Mikhaïl Rudy pour son livre «Le Disciple» dans #HDLivres
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Michael Rohde-Dilly, alors on vous connaît, vous êtes un pianiste, un concertiste de renommée internationale.
00:09Vous avez fui l'Union soviétique pour la France en 1976.
00:13Vous avez déjà créé un livre, écrit un livre qui était plutôt une autobiographie qui s'appelait « Le roman d'un pianiste ».
00:19Et là, vous venez de publier votre premier roman qui s'appelle « Le disciple », un livre qui est paru aux presses de la cité,
00:26un livre qui est passionnant et enflammé.
00:28Alors, ce qui est intéressant, c'est que vous n'avez jamais été une espèce de monomaniac de l'art, c'est-à-dire que vous avez toujours mêlé les arts.
00:35Vous êtes dévoué à la musique, mais pas que.
00:40Mais pourquoi ce désir de passer à l'écriture ?
00:42Est-ce que c'est parce que l'écriture et la musique ont été, lorsque vous étiez enfant, vos deux moyens de vous évader ?
00:51Sans doute. En fait, la musique, pour moi, ça n'a jamais été une passion, c'était plutôt une vocation.
00:58Je ne sais pas comment, mais très, très tôt, j'ai ressenti que ce serait ma vie.
01:01Et donc, quand je suis sur scène, c'est vraiment le moment normal pour moi.
01:05Le reste, c'est un petit peu comme quelque chose de réel dans la vie.
01:09La vie réelle, c'est de donner du concert. Donc, pour ça, ça fait partie de moi.
01:14Par contre, la littérature, c'est une passion.
01:17Et ce n'est pas seulement la passion, mais aussi la façon de découvrir le monde.
01:21J'ai grandi dans une ville ukrainienne, qui est malheureusement très connue maintenant,
01:25qui n'était absolument pas connue à l'époque, qui s'appelait Staline.
01:28Maintenant, après, ça s'appelle Donetsk, et dans un milieu plutôt pas très culturel.
01:33Et par une sorte d'intuition, j'ai appris les choses par les livres.
01:39Donc, la littérature m'a donné tout.
01:42Des livres que vous preniez à la bibliothèque, comme des livres aussi qui passaient un peu sous le manteau,
01:46parce qu'il y avait pas mal de littérature interdite à l'époque.
01:48Ça, c'est un petit peu plus tard.
01:50Mais déjà, les livres qui...
01:53Enfin, j'avais un abonnement dans plusieurs bibliothèques publiques.
01:57Enfin, j'ai imaginé ma vie.
02:01J'avais vraiment rêvé, c'est-à-dire...
02:04Alors, il y a des personnages comme ça, des résonances littéraires dans votre livre.
02:08Il y a Rimbaud qui apparaît.
02:09Puis il y a aussi Aragon, d'une certaine façon, avec la première phrase du livre,
02:15qui est la première fois que j'ai vu François d'Alessio.
02:17Je l'ai trouvé franchement ordinaire, avec ses grosses lunettes et son air absent.
02:21Donc, effectivement...
02:22La première fois que je l'ai vu avec Bérénice, je l'ai trouvé franchement laid.
02:27Voilà.
02:28Alors, François d'Alessio, justement, parlons-en, c'est un jeune Français qui a...
02:3418 ans, qui vient du conservatoire de Paris.
02:37Petit génie du piano.
02:38Génie du piano, mais un caractère très tourmenté.
02:43En fait, c'est le tout premier élève d'un professeur qui a 25 ans,
02:49qui s'appelle Constantin Toumanov.
02:51Et donc, leur rencontre se passe en fait très mal,
02:53parce que ce François d'Alessio, il est fermé, il est froid.
02:58Et on ne comprend pas pourquoi, en fait, il est venu à Moscou.
03:01Mais dès qu'il commence à jouer, à la première seconde,
03:05le professeur comprend tout de suite que c'est un génie du piano.
03:10En fait, je suis inspiré par le personnage d'Arthur Rimbaud.
03:13Et je voulais imaginer comment quelqu'un comme...
03:17un génie d'Arthur Rimbaud peut exister dans la profession d'interprète de musique classique,
03:22qui est par nature une façon de...
03:25une art qui est dédiée à servir le compositeur.
03:28Qu'est-ce que ça veut dire vraiment le génie ?
03:30Vous évoquez aussi notamment les relations de maître à disciple,
03:33qui sont toujours complexes, pas évidentes.
03:36Il est aussi question beaucoup de musique.
03:39On parle de compositeurs qu'on imagine que vous aimez.
03:42Il y a Skriabin, Tchaïkovski, il y a Beethoven.
03:45Parce qu'il y a aussi quelque chose d'intéressant qu'on voit.
03:47Là, ça se passe dans la...
03:49On est encore dans l'ex-URSS, c'est en 88.
03:52Le roman commence en 88, c'est la Perestroïka.
03:55Mais il y a quelque chose qui est toujours...
03:57qui semble présent, c'est que la musique est un art populaire,
04:01y compris sous le régime communiste.
04:02Ça, c'est quelque chose qu'on sent aussi dans votre livre.
04:07Est-ce que cette époque de la Perestroïka a changé un petit peu ?
04:11Vous étiez déjà parti.
04:13C'était une époque complètement...
04:14Oui, mais je suis retourné.
04:15C'était une époque complètement folle,
04:17quand tout était possible.
04:21Mais la musique, c'était...
04:25un art parmi l'art qui n'était pas interdit.
04:29Les gens de talent, naturellement, allaient vers...
04:35Par exemple, vous citez l'ère préférée de Lénine.
04:42Oui, la Passionata.
04:44C'est vrai que même les dictateurs aiment la musique.
04:50Oui, Hitler et Maclère.
04:53Vous avez passé votre enfance, vous le disiez,
04:56dans l'ancienne ville ukrainienne de Salino.
04:59Aujourd'hui, donc, à Donetsk.
05:02Comment vous regardez rapidement,
05:04comment vous considérez ce qui se passe là-bas,
05:06entre l'Ukraine et...
05:08Je suis catastrophé.
05:10Je trouve ça tellement incroyable.
05:13Précisément, la période de la Perestroïka,
05:16c'était une période très difficile,
05:17mais une période d'espoir.
05:19Je ne peux pas imaginer qu'il y ait un retour en arrière,
05:25l'invasion des Russes en Ukraine.
05:28Pour moi, c'était quelque chose de...
05:32Inimaginable.
05:34Je suis très triste que l'idéal démocratique
05:39soit vraiment tout près, tout proche.
05:42Maintenant, à mon avis, c'est éloigné.
05:46En tout cas, je vous conseille de lire,
05:49ce n'est pas le sujet du livre,
05:50parce que c'est un vrai roman
05:51avec quand même quelques résonances autobiographiques.
05:53Ça s'appelle, votre roman, ça s'appelle Le disciple.
05:57On se pose la question de qui est le disciple, qui est le maître.
06:01Voilà, et c'est paru aux presses de la Cité.
06:04Merci beaucoup, Oumy Haddad.
06:05Merci beaucoup, Monique.