Dans son édito du 14/09/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur l'existentialité supposée - ou non - de l'immigration en Europe.
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00:00Non, ça je crois que c'est ce qu'on se dit des deux côtés du débat politique
00:05pour se donner l'impression que ce qui se passe est important.
00:07Donc d'un côté, on a la gauche, on a le régime au sens large qui dit c'est terrible.
00:12Dès lors qu'on ralentit l'immigration massive,
00:16ils ont l'impression qu'on bascule dans les heures les plus sombres de l'histoire.
00:19Et de l'autre côté, on prend des mesurettes qu'on veut présenter comme de très grandes mesures
00:24pour donner l'impression que vous voyez, on a décidé, on a des muscles et on les utilise.
00:27Mais au final, on demeure néanmoins dans un logiciel,
00:32un logiciel qui est fondé sur la sacralisation du droit d'asile,
00:35la sacralisation du droit au regroupement familial,
00:38dans un logiciel qui traite l'immigration sur un mode individualisé plutôt que collectif.
00:43Donc un logiciel qui ne peut que favoriser l'immigration massive.
00:46Reste à voir si on est capable d'en contenir les flots,
00:49mais on n'est pas capable, cela dit, de stopper la chose.
00:51Stopper l'immigration, formule d'extrême droite.
00:54Moratoire sur l'immigration, formule d'extrême droite.
00:57Mais non, formule du nouveau premier ministre français Michel Barnier en 2021.
01:02Ayons à l'esprit que cette idée d'un moratoire sur l'immigration nous est venue
01:07d'un premier ministre qui incarnait le gaullisme centriste le plus modéré.
01:11On comprend que lorsque une figure politique qui a sa trajectoire dit une chose semblable,
01:16ça témoigne d'une « prise de conscience ».
01:19Ensuite, n'oublions jamais le raisonnement qui continue de dominer la vie publique.
01:23C'est un raisonnement en trois temps.
01:251. L'immigration massive n'a pas lieu.
01:27Ça n'existe pas. Ça n'existe pas.
01:29Pourquoi vous en parler? Vous êtes dans une théorie conspirationniste, cher ami.
01:32Ensuite, c'est vrai que ça existe, mais c'est fondamentalement positif.
01:35Nous ne pouvons que nous réjouir.
01:37Et finalement, c'est vrai que ça a causé d'immenses ravages,
01:40mais on n'y peut rien, aussi bien s'adapter.
01:42Donc ça, c'est un logiciel qu'on a vu dans tous les pays.
01:45Le mouvement auquel on assiste est à l'échelle de l'histoire.
01:48Parce qu'il faut toujours penser à l'échelle de l'histoire.
01:50Il ne faut pas penser à l'échelle du quotidien ou de l'actualité.
01:52Il faut penser l'actualité comme un moment de l'histoire.
01:54Qu'est-ce qu'on voit?
01:55C'est ce qu'on pourrait appeler l'inversion du mouvement colonial dans l'histoire.
01:58Une forme de contre-colonisation qui se déploie aujourd'hui dans le monde européen.
02:02Donc les populations venues d'autrefois des empires coloniaux européens
02:06qui remontent vers l'Europe.
02:08C'est la ruée vers l'Europe, pour reprendre la formule de Stephen Smith.
02:11Et aujourd'hui, on voit que l'Europe est incapable de gérer ces vagues migratoires.
02:16Il y a une forme d'inversion de la légitimité, vous le noterez.
02:19Aujourd'hui, autrement dit, les populations venues de l'extérieur de l'Europe,
02:23extra-européennes, sont censées nous apporter l'ouverture, la diversité,
02:27les lumières d'un monde enfin métissé.
02:30Et les populations européennes qui se refusent de cela sont accusées de racisme
02:34comme si elles étaient prisonnières d'une psychologie réfractaire devant les progrès.
02:39Donc le discours qu'on prêtait hier aux colonisateurs européens
02:42et qu'ils avaient amené le progrès aux colonisés,
02:44aujourd'hui on inverse la logique.
02:46Ce sont les Européens qu'on veut civiliser par l'immigration massive.
02:50La réalité des choses, néanmoins, c'est qu'il y a aujourd'hui des territoires
02:53conquis à certains égards en Europe, pour reprendre la formule de certains,
02:57Londres, la Belgique, certains territoires français,
03:00sont des territoires où les normes juridiquement,
03:03on est encore en France, en Belgique, en Grande-Bretagne,
03:05mais la population qui est là porte une culture
03:08qui n'est plus historiquement celle de ces peuples européens.
03:11Et dans ces phénomènes, on voit aussi monter de l'insécurité,
03:14mais ce n'est plus de l'insécurité normale,
03:16c'est en fait un nouvel ordre qui s'impose,
03:18pression sur les systèmes sociaux,
03:20ça on en parle partout dans le monde aujourd'hui,
03:22on se rend compte que les systèmes sociaux sont en train d'écraser
03:25sous le poids de la population nouvelle,
03:27des possessions culturelles,
03:29et aussi mise en minorité des peuples historiques européens.
03:32Et ça on le voit partout et c'est peut-être la dimension la plus importante
03:35et la moins nommée dans tout cela.
03:37Vous parlez, Mathieu Bocoté, de mise en minorité
03:40des peuples historiques européens.
03:43Qu'entendez-vous par là?
03:45C'est une catégorie importante, je crois.
03:47Parce qu'aujourd'hui, on est enfermé dans une définition
03:49strictement juridique de la nationalité.
03:51Donc on nous dit, finalement, il n'y a pas de problème,
03:53il ne peut pas y avoir de mise en minorité
03:55parce que le droit fait le peuple.
03:57Mais quoi qu'on en dise, à l'échelle de l'histoire,
03:59un peuple, ce n'est pas qu'un tampon administratif
04:01ou un tampon juridique.
04:03Qu'est-ce qu'on voit? D'un côté, il y a une certaine gauche
04:05qui réduit la nation au vivre ensemble diversitaire.
04:08À droite, il y a la réduction de la nation
04:12aux catégories du marché.
04:14Ce sont ces Allemands qui disent, finalement,
04:16le peuple allemand s'en fiche.
04:18L'essentiel, c'est d'amener des travailleurs
04:20pour faire une pression à la baisse sur les salaires.
04:22C'est quand même la même logique qui s'applique partout.
04:24Donc la nation, le peuple historique,
04:26c'est-à-dire un peuple qui s'inscrit dans l'histoire,
04:28un peuple qui est travaillé par les générations,
04:30un peuple qui a son enracinement,
04:32un peuple qui est capable d'accueillir des gens
04:34qui viennent d'ailleurs, évidemment,
04:36mais dans des quantités raisonnables.
04:38Et lorsque ces gens sont capables et veulent s'assimiler,
04:40il y a une distance culturelle immense
04:42entre celui qui arrive et celui qui accueille.
04:44Depuis les années 80, en fait,
04:46on en est venu à croire que toute définition
04:48du peuple substantiel,
04:50c'est un langage caché pour parler de la race.
04:52Mais pas du tout. Un peuple n'est pas une race.
04:54Les deux concepts sont à dissocier.
04:56Et tout ce qu'on a voulu faire, en fait,
04:58c'est de vous parler de peuple, d'identité, de culture,
05:00racisme, xénophobie, racisme, xénophobie
05:02pour interdire de voir l'existence de ces peuples,
05:04de les remarquer, de les noter.
05:06Mais là, aujourd'hui, à l'échelle de l'histoire,
05:08on constate la mise en minorité.
05:10C'est la pire chose qui peut arriver à un peuple.
05:12Parce que devenir étranger chez soi,
05:14c'est le pire sort qui peut arriver à un individu
05:16comme à un peuple. Et aujourd'hui, je crois
05:18que c'est la grande angoisse des Européens,
05:20la peur de devenir étranger chez soi.
05:22C'est la question posée par l'immigration massive.