L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Matignon : le RN est-il un faiseur de rois ?» (Partie 2)

  • il y a 2 semaines
Dans son édito du 03/09/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00Je la crois abusive, mais pas complètement fausse.
00:03C'est-à-dire, le RN a un pouvoir véritable.
00:05On a décidé, au moment des législatives,
00:07qu'on reconstituait contre lui le cordon sanitaire.
00:11Il ne fallait pas lui toucher,
00:13il ne fallait pas s'en approcher,
00:15même avec une perche arrière RN.
00:18Et on a même reconstitué le cordon sanitaire
00:20à l'Assemblée avec le RN,
00:22en refusant qu'il puisse occuper des postes
00:24dans la gestion de l'Assemblée.
00:26Mais une fois qu'on a fait ce travail,
00:28on l'a parqué à l'extérieur, loin des fréquentables,
00:31on a quand même un peu besoin de lui.
00:33Donc, comment désormais tendre la main
00:35à celui qu'on a présenté comme un monstre?
00:38Donc, il existe.
00:39C'est-à-dire, il a beau être anti-républicain,
00:41méchant, héritier des pires heures de l'histoire,
00:43il existe et c'est un bloc cohérent à l'Assemblée,
00:46beaucoup plus discipliné, d'ailleurs,
00:48que d'autres blocs à l'Assemblée.
00:50Une partie de la gauche, dit en passant,
00:52aujourd'hui, parce que c'est un discours
00:54plus de gauche que de droite, normalement,
00:56la gauche dit le RN, finalement,
00:58a pavé le chemin pour le RN.
00:59Il y a, par exemple, Alexis Lévrier.
01:01Je me permets de le citer parce que c'est un
01:03idéologue d'extrême-gauche qui est souvent
01:05présenté dans les médias comme un historien des médias,
01:07ce qu'il est aussi, mais je pense que là,
01:08il parle en tant qu'idéologue d'extrême-gauche.
01:10« Même si le civisme des Français
01:12a permis d'éviter le pire aux législatives,
01:15ce président est déjà prisonnier du RN,
01:17l'aboutissement logique d'un règne malgré
01:20par une complaisance constante
01:22à l'égard de l'extrême-droite et de ses médias,
01:24un Jupiter sans doute, mais en carton-pâte. »
01:27Donc, c'est intéressant.
01:28L'idée du RN, Faiseur de Roi,
01:30est portée dans la gauche intellectuelle en ce moment.
01:34Et Xavier Bertrand le découvre
01:35via un prix à diaboliser ses adversaires.
01:38D'ailleurs, quand on parle un peu,
01:39quand on sonde dans cet environnement-là,
01:41on comprend que sa majorité,
01:43il l'espère en détachant peut-être des éléments du PS.
01:46C'est-à-dire fracturer le NFP,
01:49ramener une partie du PS avec lui,
01:51être capable de construire une majorité
01:53du centre et des ralliés,
01:54on pourrait dire des blocs Macron compatibles,
01:56mais qui ne sont pas formellement
01:58dans le bloc central aujourd'hui.
02:00Mais, je l'ai dit,
02:01les stratégies de contournement du RN sont compliquées
02:03en ce moment parce qu'il y a deux options pour le RN.
02:05Le RN peut dire on vous censure tout simplement.
02:08Mais s'il décide de ne pas censurer,
02:10parce que personne n'espère l'appui formel du RN,
02:12mais s'il décide de ne pas censurer,
02:14eh bien, celui qui réussira à devenir premier ministre
02:17en profitant de l'absence de censure,
02:19on serait obligé de lui demander
02:21quelle qualité avez-vous que le RN peut apprécier
02:23et qui fait en sorte qu'il a décidé
02:25de ne pas vous censurer.
02:26Le premier ministre nouveau,
02:28sachant que sa position dépend du fait
02:30que le RN décide de ne pas le censurer,
02:32ça l'oblige à faire preuve d'un langage
02:34qui relève moins de l'antifascisme de Carnaval.
02:37À travers cela, ça vaut la peine de le dire,
02:39le RN a, on pourrait dire,
02:41annoncé deux stratégies possibles aujourd'hui.
02:44La première, qui était celle des derniers temps,
02:46c'est le pragmatisme parlementaire.
02:48On ne censurera personne d'avance,
02:50sauf évidemment la gauche radicale.
02:52Pour le reste, on est prêt à parler.
02:54Aujourd'hui, le principe de censure s'est étendu.
02:57Je l'ai dit, Baudet, mais aussi Bertrand.
02:59Autrement dit, le RN veut rappeler
03:01qu'il représente non seulement aujourd'hui
03:03le pragmatisme parlementaire, des diabolisations,
03:05il faut dire que ça n'a pas très bien fonctionné,
03:07il veut représenter la vraie opposition,
03:09celle qui s'oppose au pouvoir
03:10tel qu'il se manifeste en ce moment.
03:12Et le RN a dit, voilà ce qui nous intéresse.
03:14Voilà ce qui nous intéresse.
03:16Un gouvernement technique
03:17qui réformerait le mode de scrutin
03:19en intégrant une bonne dose de proportionnel,
03:22on pourrait le soutenir.
03:24Alors, reste à voir si pour le RN,
03:26la grande priorité, c'est la réforme du mode de scrutin
03:28ou être capable d'imposer des politiques
03:30en matière d'immigration.
03:32C'est peut-être un peu étonnant.
03:33Surtout, la question de la réforme du mode de scrutin
03:36et la proportionnelle s'en dit beaucoup
03:38sur l'évolution de la psychologie politique du RN.
03:40Parce qu'autrefois, le RN disait,
03:42le scénario, c'était le suivant.
03:43On gagne la présidentielle,
03:45et ensuite, les législatives,
03:46portées par cette dynamique,
03:48on peut les gagner et on devient majoritaire.
03:50Et là, on a le pouvoir politique
03:51et on remplace la classe politique antérieure
03:53capable d'appliquer notre programme.
03:55Le jour où l'Assemblée déciderait,
03:57on basculerait dans un régime proportionnel,
04:00le RN peut renoncer à ce moment-là
04:02l'idée d'avoir les pleins pouvoirs
04:04dans les paramètres démocratiques,
04:06évidemment, qui sont les nôtres,
04:07avec la présidence, l'Assemblée
04:09et la capacité de mener son programme.
04:11Il deviendrait durablement et pour toujours
04:13un groupe politique parmi d'autres.
04:15Il se normaliserait pour de bon.
04:16L'envers de ça, c'est qu'il pourrait négocier
04:18avec d'autres, peut-être des majorités à venir.
04:20Peut-être qu'il croit que c'est inévitable.
04:22Ces dernières semaines, ces derniers mois,
04:24on en avait parlé ici, ceux qui souhaitaient
04:26la réforme du mode de scrutin, c'est qu'ils disaient
04:28un jour la vague du RN va être tellement forte
04:30qu'il sera capable d'être majoritaire à l'Assemblée.
04:32Il faut empêcher ça à jamais.
04:34Retour à la proportionnelle.
04:35On s'y opposait à l'époque parce que ça permettait
04:38de tenir le RN éloigné.
04:40Aujourd'hui, favorable à la proportionnelle
04:42parce que ça évite qu'il ne devienne majoritaire
04:44au final, à travers tout ça.
04:46Le RN, oui, non pas faiseur de roi,
04:48mais acteur désormais incontournable
04:50d'une Assemblée où on a voulu l'invisibiliser.
04:52Est-ce que les Français ne risquent pas
04:54de se lasser de ce que plusieurs voient désormais
04:56comme une comédie politique?
04:58Je crois que c'est le but.
05:00En partie.
05:02L'idée est de s'éloigner le plus possible
05:04du contexte des élections
05:06où une véritable protestation s'est manifestée.
05:08Qu'est-ce qu'on veut à partir de là?
05:10C'est faire oublier les élections
05:12et réduire, je pense que c'est le jeu
05:14d'Emmanuel Macron dans les circonstances,
05:16réduire justement la politique
05:18à ce petit jeu parlementaire,
05:20cette comédie des postes, ce défilé
05:22de noms contradictoires à certains égards.
05:24Chacun veut son poste.
05:26Chacun veut sa voiture.
05:28Chacun veut enfin habiter quelques semaines
05:30ou quelques mois dans les palais de la République.
05:32Il humilie aussi la politique en tant que telle.
05:34Et à travers cela, il détache
05:36comme jamais la politique
05:38des enjeux profonds du pays.
05:40Et je pense qu'il faut garder ça à l'esprit.
05:42D'un côté, une classe politique qui n'aura jamais
05:44été aussi lunaire pour le commun des mortels.
05:46Et de l'autre côté,
05:48les Français, donc les enjeux de fond
05:50qui ne sont plus traités politiquement
05:52parce que nous sommes seulement dans la comédie des postes.
05:54On réduit la politique à l'ajout parlementaire.
05:56On la détache des enjeux profonds.
05:58De ce point de vue, les catégories de la population
06:00qui sont dans une démarche d'opposition,
06:02on veut les démobiliser, on veut les renvoyer à la maison.
06:04On veut dire, regardez la politique, ça ne sert à rien.
06:06On a voté, ça ne donne rien, la comédie se poursuit.

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