Dans son édito du 29/04/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur les questions liées à l'immigration massive en France et dans le monde occidental. (Partie 2)
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00:00 - Alors ça, c'est pour la France.
00:01 Mais vous disiez vouloir jeter un regard
00:03 sur la situation ailleurs dans le monde.
00:05 - Oui. Trois zones dans le monde occidental.
00:07 On s'entend pour aller ailleurs, évidemment,
00:09 parce que la question de l'immigration se pose
00:11 pas seulement en Occident.
00:13 On pourrait parler ne serait-ce que de l'histoire du Tibet,
00:15 pour reprendre un exemple connu.
00:17 Vous savez, quand le changement d'une population arrive,
00:19 dans ce cas-là, c'était pas seulement l'immigration,
00:21 c'est une colonisation démographique chinoise,
00:23 mais le destin d'un peuple change complètement.
00:25 Mais laissons de côté cette situation un instant.
00:27 Trois grandes zones. En Europe occidentale.
00:29 Que se passe-t-il? On pourrait dire que globalement,
00:31 ce qui se passe en France, c'est une phase accélérée,
00:34 une phase radicale de ce qui se passe
00:36 partout dans le monde occidental.
00:38 Donc, on le voit en Europe occidentale, j'entends.
00:40 En Italie, état d'urgence. État d'urgence.
00:42 En Irlande, réaction très vive.
00:44 En Irlande, quand même, la population dit
00:46 "On n'en peut plus. La pression est trop vive."
00:48 Donc, la pression est pas seulement trop vive
00:50 pour des questions d'identité.
00:52 Elle est aussi pour des questions de logement.
00:54 Elle est pour des questions de services sociaux.
00:56 Réaction aussi dans les pays scandinaves.
00:58 Où c'est autour de la question migratoire
01:00 que se recompose véritablement la vie politique.
01:03 On l'a vu notamment au Danemark.
01:05 Il faut comprendre ce qui s'est passé au Danemark.
01:08 Un parti, on pourrait dire, l'équivalent du RN,
01:10 est parvenu à imposer son programme.
01:12 Un parti qui est l'équivalent des LR,
01:14 qui est parvenu à l'imposer à l'équivalent
01:16 d'un parti qui serait le Parti socialiste.
01:18 Et désormais, le consensus politique danois
01:20 est un consensus anti-immigrationniste
01:22 et non pas immigrationniste.
01:24 En Suède, le jeu de bascule.
01:26 On avait une élite très immigrationniste,
01:28 une population qui l'était beaucoup moins.
01:30 Le jeu de bascule vient de s'opérer.
01:32 En Finlande, ces derniers jours.
01:34 Donc c'est important. Réaction. Réaction vive.
01:36 En Amérique du Nord, c'est tout autre chose.
01:38 En Amérique du Nord, la réaction vive
01:40 à l'immigration massive n'est pas là.
01:42 Pourquoi? Le cas du Canada
01:44 est probablement le plus intéressant.
01:46 Le Canada se présente au monde
01:48 comme le laboratoire du monde de demain.
01:50 On pourrait dire que c'est l'état idéal
01:52 de Mme von der Leyen.
01:54 Le Canada est le laboratoire du monde post-national
01:56 et post-occidental.
01:58 Et Justin Trudeau, le premier ministre du Canada,
02:00 veut un Canada de 100 millions de citoyens
02:02 à la fin du siècle.
02:04 Il y en a environ 38 millions en ce moment.
02:06 Donc une politique active de recherche
02:08 de l'immigration massive.
02:10 Donc à coût de 500 000 par année,
02:12 le Canada part à la recherche dans le monde de gens
02:14 pour se peupler dans une nouvelle vague migratoire.
02:16 Et dans ce contexte-là, il y a que les Québécois
02:18 qui s'y opposent, sans surprise, en disant
02:20 qu'on va se faire noyer. C'est la noyade démographique
02:22 de l'immigration. Les États-Unis, c'est tout à fait
02:24 intéressant comme situation.
02:26 Parce qu'on se présente souvent, les États-Unis,
02:28 comme une nation fondamentalement d'immigration.
02:30 C'est le terme qui revient toujours pour en parler.
02:32 C'est beaucoup plus compliqué.
02:34 Si vous faites l'histoire du 20e siècle aux États-Unis
02:36 pendant 40 à 50 ans environ,
02:38 des années 20 aux années mi-60,
02:40 vous avez un moratoire sur l'immigration
02:42 aux États-Unis avec ce souci explicite
02:44 de ne pas modifier la composition
02:46 de la population du pays.
02:48 Parce que ça pourrait le bouleverser.
02:50 Ensuite, dans les années 60, il y a un changement
02:52 des règles d'immigration qui va entraîner
02:54 un basculement démographique. Aux États-Unis,
02:56 aujourd'hui, vous avez une nation où la conscience nationale
02:58 se fragmente, où l'effet migratoire,
03:00 ça transforme, soit dit en passant,
03:02 la vie politique de plusieurs États
03:04 au sud des États-Unis.
03:06 Le Texas, la Californie, l'Arizona.
03:08 Et vous avez, quand la population change,
03:10 quelquefois, les majorités politiques changent.
03:12 Donc, des États historiquement républicains
03:14 deviennent démocrates, et ainsi de suite.
03:16 Et vous avez aux États-Unis une réaction vive,
03:18 mais pas au niveau national,
03:20 avec une nuance, une petite nuance.
03:22 Donald Trump, pourquoi Donald Trump
03:24 est-il parvenu à s'imposer en 2015-16,
03:26 on l'oublie, parce qu'alors qu'il y avait
03:28 un consensus immigrationniste aux États-Unis,
03:30 eh bien, Trump s'est emparé
03:32 de la question de l'immigration. Il a dit non.
03:34 Nous, on veut faire un mur, on veut stopper ça.
03:36 Il a trouvé une adhésion. Donc, il y avait
03:38 une majorité disponible dans le pays autour de ça.
03:40 Mais pour bien lire cette question,
03:42 donc de l'immigration massive et de ses effets,
03:44 peut-être faut-il... Évidemment, j'ai évoqué
03:46 que c'était une question de l'immigration massive.
03:48 Mais peut-être, pour bien comprendre cette question,
03:50 peut-être faut-il la situer non pas au niveau des pays,
03:52 mais de voir comment, au niveau des villes, des régions,
03:54 comment tout ça est déjà assez avancé.
03:56 - Entendez-vous par là, Mathieu?
03:58 - Alors, l'immigration massive, elle, quelquefois,
04:00 elle a déjà... Quand on dit "quelquefois", oui,
04:02 dans un siècle, à quoi ça va ressembler.
04:04 Mais il faut quelquefois simplement changer la focale.
04:06 Si on regarde, par exemple, en France,
04:08 on regarde la Seine-Saint-Denis, bien,
04:10 le basculement démographique n'est pas à venir.
04:12 Il a eu lieu. Il a eu lieu, tout simplement.
04:14 Il a eu lieu à l'État européen, à Malmö, en Suède, à Bruxelles.
04:17 Évidemment, à Bruxelles, c'est particulier,
04:19 ce qui se passe à Bruxelles.
04:21 Est-ce que c'est encore une ville culturellement européenne,
04:23 Bruxelles? Est-ce qu'on peut poser la question
04:25 sans se faire traiter de fachos?
04:27 D'autres endroits. J'ai l'évoqué en Amérique du Nord,
04:29 en Californie. La Californie, il faut pas oublier
04:31 qu'il y a 30 ans, 30 environ, c'est un État culturellement...
04:33 Il y avait le côté un peu... l'Ouest ensoleillé,
04:35 mais c'est un État qui était culturellement
04:37 assez dans le mainstream américain.
04:39 C'est un État qui a complètement basculé autour de ça.
04:41 Au Canada, au Canada, à la ville de Toronto.
04:43 La ville de Toronto est devenue une ville...
04:45 C'est le laboratoire... En fait, c'est probablement
04:47 le coeur du réacteur de la mutation démographique
04:49 occidentale aujourd'hui.
04:51 À Montréal, au Québec, vous me permettrez de le dire.
04:53 L'immigration massive, qu'est-ce qu'elle a fait?
04:55 Elle a anglicisé massivement la métropole,
04:57 donc une rupture vive entre Montréal
04:59 et le reste du Québec.
05:01 Qu'est-ce que ça veut dire, tout ça?
05:03 Pourquoi je donne ces exemples? Parce que partout,
05:05 quand vous changez la composition de la population,
05:07 c'est sur ça qu'il faut revenir.
05:09 Une société, c'est pas une addition abstraite
05:11 d'individus désincarnés avec des droits
05:13 puis des valeurs de la République.
05:15 Une société, c'est un peuple, une culture,
05:17 une mémoire, des moeurs, une langue.
05:19 Mais quand vous avez plusieurs communautés
05:21 qui tendent à se vivre comme plusieurs peuples
05:23 à l'intérieur d'une même société,
05:25 vous avez une logique de fragmentation.
05:27 Et c'est cette logique de fragmentation qu'on voit,
05:29 et même dans des sociétés qui sont pas marquées
05:31 par l'immigration, si je peux me permettre,
05:33 pensez à l'Ukraine. On va parler de l'Ukraine
05:35 et l'Ouest de l'Ukraine. Au-delà,
05:37 il y avait les mêmes frontières, mais il y avait
05:39 presque deux peuples qui cohabitaient aux deux cultures.
05:41 Pensez à l'Irlande avec l'Irlande du Nord.
05:43 Pensez à Israël, la question démographique en Israël.
05:45 Est-ce qu'Israël va demeurer un État majoritairement
05:47 juif ou non? C'est une question fondamentale.
05:49 S'Israël perd sa majorité juive,
05:51 est-ce qu'Israël est encore l'État juif
05:53 rêvé par Herzl et d'autres?
05:55 Alors, quand on a tout ça à l'esprit,
05:57 la question oubliée aujourd'hui, dans les temps présents,
05:59 c'est le peuple, c'est la démographie,
06:01 ce sont les mœurs, c'est la culture, c'est l'histoire,
06:03 c'est l'identité, tout ce qui est balayé au long de l'idéologie des droits.
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