Dans son édito du 15/10/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00Absolument. Et là, c'est absolument fondamental, parce qu'il faut comprendre, le dirigeant
00:06actuel en Pologne, c'est M. Tusk. C'est censé être un libéral. Il a chassé les
00:10méchants ultraconservateurs qui étaient là auparavant. Donc, on faisait confiance
00:14à l'ouest en disant, lui, c'est un type bien. Lui, il ne nous fera pas des mauvais
00:17coups. Or, qu'est-ce qui arrive? Il suspend le droit d'asile. Et on semble le tolérer.
00:22Pourquoi? Parce qu'il le fait dans un contexte où, il nous dit, le droit d'asile est instrumentalisé
00:27par les Russes, notamment, pour exercer une pression, une provocation migratoire à la
00:32frontière. On s'en souvient, on en avait parlé sur ce plateau il y a 2-3 ans. La
00:35Biélorussie faisait ça, la Russie aussi. Donc, globalement, ils vont chercher, les
00:40Russes et les Biélorusses, des migrants dans le Tiers-Monde, comme on le disait autrefois.
00:44On les amène à la frontière. On les jette sur la frontière. Et là, les Polonais disent,
00:49mais à l'instant, ça n'a aucun sens. C'est une provocation. Dès lors, le droit d'asile
00:53est instrumentalisé. Dès lors, le droit d'asile est utilisé contre nous. Eh bien,
00:56nous n'avons pas à nous soumettre à un droit d'asile qui devient ruse de notre ennemi
01:01historique. Dès lors, dès lors, on dit, on ne l'implique plus. Et c'est ce qui fait
01:04en sorte qu'en Occident, à l'Ouest, on dit, c'est tolérable. Parce que si c'est pour
01:09vous protéger des Russes, on est prêt à accepter la suspension du droit d'asile. Reste
01:13à savoir s'il n'y a que les Russes dont on doit se méfier aujourd'hui.
01:15Cela dit, si on laisse de côté cet élément de contexte, son discours de M. Tusk est tout
01:21à fait semblable à celui d'un Viktor Orban. C'est globalement le même discours qui consiste
01:26à dire, nous voulons assurer notre souveraineté nationale. La fonction première du pouvoir
01:30polonais consiste à préserver le peuple polonais, la sécurité des Polonais, la liberté
01:35des Polonais. Et si on nous explique qu'on doit sacrifier tout ça parce qu'un droit
01:39a été sacralisé entre-temps, qui est censé abolir tous les autres droits, le droit d'asile
01:43qui est aujourd'hui le voie de passage des migrations massives qui submergent l'Homme
01:47occidental. Mais ce droit, nous allons le remettre en question.
01:50Et qu'est-ce qu'il y a derrière cette remise en question? Il y a un point de vue propre
01:53aux pays d'Europe de l'Est. En Europe de l'Est, la nation est antérieure à l'État,
01:57peut-on dire. C'est-à-dire que souvent, prenez le cas des Polonais, mais pas seulement les
02:01Baltes aussi, ils ont souvent perdu leur indépendance nationale. Ils l'ont regagnée.
02:04Et ils savent à quel point c'est fondamental, l'indépendance nationale. Ils savent par
02:08ailleurs que l'identité de la nation est plus importante que les modalités juridiques
02:12par lesquelles on l'organise. Ce qui fait, soit dit en passant, qu'à l'Ouest, à l'Est,
02:16dis-je, on défend l'identité culturelle de la nation, pas seulement des principes républicains
02:20évanescents. Une culture, une nation enracinée. Et de même, on se dit, hier, on ne voulait
02:25pas se faire dominer par Moscou. Aujourd'hui, on ne veut pas se faire dominer par Bruxelles.
02:30Les empires, les uns, les autres, même s'ils n'ont pas le même visage, on s'en méfie.
02:34Et on regarde ce qui se passe à l'Ouest, on regarde ce qui arrive dans le monde occidental,
02:37on regarde l'histoire de l'immigration massive à l'Ouest et on se dit, est-ce que ça se
02:41passe si bien que ça chez nos amis d'Europe de l'Ouest? On peut se demander ce qu'ils
02:45voient lorsqu'ils nous regardent.
02:47Autrement dit, l'Europe occidentale était le modèle et elle est devenue l'antimodèle.
02:52C'est exactement ça. Alors, premièrement, on se prenait pour le modèle universel. Ensuite,
02:56eux-mêmes nous voyaient comme un modèle. C'est ce que dit Kundera dans certains de
02:59ses plus beaux textes. Il nous dit, pour nous, l'Europe, c'était une promesse. Or, qu'est-ce
03:03qu'on voit aujourd'hui? L'Europe de l'Ouest, vue d'Europe de l'Est, est un continent chaotique,
03:08submergé, impuissant, un laboratoire des folies où aucune Europe dominée par une idéologie
03:13qui l'écrase et l'empêche de se défendre. Je dirais même, l'empêche même de se nommer.
03:18Nous n'avons plus de nom, nous n'avons plus d'identité, nous n'avons plus de culture,
03:21nous ne sommes qu'état de droit. Sacré, celui-là. Ensuite, on pourrait se demander,
03:25et ça c'est peut-être la question audacieuse, si l'esprit européen, sur le plan civilisationnel,
03:31je ne parle pas de machins européens vendorléennesques, l'esprit civilisationnel européen n'a-t-il
03:36pas migré à l'Est un peu? Est-ce que l'Europe de l'Est ne peut pas aujourd'hui nous faire
03:40un peu la leçon sur notre propre impuissance dans l'Europe occidentale? Lorsque l'Europe
03:45de l'Est dit, on ne va quand même pas décider de s'abolir nous-mêmes au nom de l'état
03:49de droit sacralisé, est-ce qu'elle ne nous dit pas quelque chose d'intéressant pour
03:53nous-mêmes? Et ce pourquoi, ce pourquoi, le pouvoir bruxellois, globalement, veut mater
03:58les nations qui résistent justement à la submersion migratoire, veut mater les nations
04:03qui résistent à la répartition des migrants, veut mater les nations qui croient à la souveraineté
04:06nationale et à la souveraineté démocratique et qui ne veulent pas s'abolir dans le fantasme
04:11de ce qu'on appelle aujourd'hui l'état de droit, qui est un état de droit dévoyé.
04:14Donc, il se peut qu'à l'Est, on regarde l'Ouest et on se dise, n'est-ce pas, ce n'est plus
04:18l'URSS, c'est le RSS. Et de ce point de vue, ce qui est paradoxal, c'est que puisque là
04:23maintenant la Pologne dit, oui, nous on veut suspendre le droit à l'asile, mais c'est par
04:28rapport aux Russes, mais c'est comme s'il y a une espèce d'erreur dans le cerveau des
04:30Européens globalement. À Bruxelles, ils ne comprennent plus ce qui arrive, c'est ce
04:35qui se passe et là, on sent qu'il y a une forme de paralysie mentale à Bruxelles, encore.