Pot de départ pour Bruno Le Maire : «Nous avons un dérapage des comptes publics qui est dramatique», assure Marc Touati, économiste

  • avant-hier

Tous les soirs à 20h30, Pierre de Vilno reçoit un invité qui fait l’actualité politique. Ce soir, Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI.
Retrouvez "L'invité politique d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linvite-politique-deurope-1-soir

Category

🗞
News
Transcript
00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Et j'accueille les chroniqueurs de la première heure.
00:07Bonsoir Anthony André, bonsoir Pierre.
00:08Chef du service politique du JDD, bonsoir Alexandre Malafaille.
00:11Bonsoir Pierre de Villeneuve.
00:12Fondateur du Think Tank, Synopia.
00:14On va accueillir Marc Twaty dans un instant.
00:16D'abord je voudrais qu'on écoute Bruno Le Maire partant de Bercy avec cette phrase.
00:21Mes chers amis, je pars.
00:25Comme dirait Michel Sardou.
00:26Je vous aime.
00:27Je vous aime.
00:29Mais je pars.
00:30Bonsoir Marc Twaty.
00:31Bonsoir.
00:32Économiste, président du cabinet.
00:34C'est mignon, c'est mignon.
00:35Oui, c'est mignon mais est-ce que c'est approprié ?
00:38Pas vraiment, c'est-à-dire qu'aujourd'hui encore une fois on ne peut pas rigoler avec ce qui est en train de se passer à l'heure actuelle en France.
00:43C'est-à-dire que nous avons un dérapage des comptes publics qui est dramatique.
00:47C'est-à-dire qu'en ce qui me concerne, j'ai 30 ans de carrière,
00:50c'est la première fois que je vois un aussi fort dérapage entre les annonces et les prévisions.
00:55C'est-à-dire que là on parle de 2024 mais pour 2026 par exemple,
00:58Bercy avait annoncé 3,6% de déficit et maintenant le Direction du Trésor annonce 6,7.
01:05Il y a quatre points d'écart.
01:06C'est énorme.
01:07La dernière fois qu'on a vu ça c'était avec la Grèce.
01:10Donc c'est quand même très dangereux.
01:11C'est-à-dire que globalement, encore une fois, on voit bien qu'il y a ce dérapage des comptes publics et ça c'est très dangereux.
01:17Parce que le bilan, c'est vrai, bon évidemment Bruno Le Maire il est sympathique, je l'ai rencontré plusieurs fois etc.
01:23Malheureusement il ne m'a pas écouté.
01:25C'est vrai que je lui ai conseillé d'arrêter d'augmenter la dette publique.
01:29Mais nous on n'a pas arrêté d'augmenter cette dette publique malheureusement.
01:32Et les chiffres sont catastrophiques.
01:34Depuis 2017, la dette publique, rendez-vous compte, a augmenté de 950 milliards d'euros.
01:41Les fameux 1000 milliards.
01:42C'est les fameux 1000 milliards et on s'établit à 3300 milliards.
01:46J'ai tellement de mal à le dire.
01:49Mais surtout le plus important c'est que si à la rigueur on avait augmenté cette dette publique
01:53et qu'en échange on avait eu une croissance forte,
01:55on avait eu beaucoup de création d'emplois, une baisse de la pauvreté,
01:59la paix sociale comme on l'appelle de nos voeux régulièrement.
02:03Mais ce n'est pas le cas, c'est-à-dire que sur la même période,
02:05pendant que la dette publique a augmenté de 950 milliards,
02:08le PIB français, donc la richesse qu'on crée en France, a augmenté de 560 milliards.
02:13Il y a 400 milliards d'écarts qui ont, je ne vais pas dire qu'ils ont disparu,
02:16mais c'est clair qu'il y a un manque à gagner.
02:18Bruno Lemaire dit que le Covid a été la catastrophe mondiale économique la plus terrible depuis 1929.
02:24On sait très bien que le Covid c'est 200 milliards et il reste 800.
02:28C'est quoi ces 200 milliards ?
02:29C'est ça le problème, c'est que le Covid a bondo bien entendu.
02:33Parallèlement sur le Covid, on a géré un peu n'importe comment,
02:36c'est-à-dire qu'on a distribué à tout le monde, même ceux qui n'en avaient pas besoin.
02:40Il y a eu des filous d'ailleurs.
02:41Malheureusement, il y a eu un chiffre intéressant, c'est qu'en 2020-2021,
02:45pendant le Covid, les créations d'entreprises ont explosé.
02:49Pourquoi ? Pour avoir les aides.
02:51Évidemment, maintenant, les entreprises disparaissent.
02:53Donc, comment on donnait ces aides sans regarder ?
02:56En plus, sur le chiffre d'affaires, évidemment,
02:58notamment dans la restauration, c'était plus intéressant de ne pas travailler
03:02que d'ouvrir et de prendre des risques, etc.
03:05Encore une fois, on a fait ça en dépit du bon sens.
03:07On a abusé, si vous voulez.
03:09Je ne veux pas dire que j'en veux à Bruno Lemaire,
03:11mais c'est vrai que, surtout à ses conseillers, parce que...
03:16Ah, on a perdu Marc Twaty.
03:18On va essayer de le joindre mécaniquement, peut-être sur un téléphone avec un fil, non ?
03:23Parce que, voilà, c'est peut-être ça.
03:25On va essayer en attendant Alexandre Malafaille.
03:273 300 milliards de dettes, 80 milliards par an jusqu'en 2027.
03:33Ce sont les intérêts de la dette qui sont à peu près autour de 35-50 aujourd'hui.
03:38Peut-être 80, c'est les prévisions des économistes les plus pessimistes en 2027.
03:4416 milliards à trouver tout de suite.
03:47Il a raison Marc Twaty, c'est difficile de partir tout guiré, en citant Michel Sardou.
03:51C'est peut-être pour ça qu'il part.
03:53Oui, parce qu'il n'aurait pas dû partir avant.
03:55Parce que c'est ça aussi la question.
03:57Souvenez-vous de la phrase de Chevènement qui disait
03:59« Un ministre ferme sa gueule ou sa démissionne ».
04:01Disons que, très objectivant, l'équation pour n'importe quel ministre des Finances
04:05depuis maintenant une vingtaine d'années,
04:07elle est très difficilement soluble.
04:09Qu'on le veuille ou non, il y a une espèce d'inertie du système
04:11et de blocage du système dès qu'on veut commencer à le toucher,
04:13dès qu'on veut commencer à le réformer.
04:15Alors il faudrait peut-être avoir plus de courage.
04:17Les politiques en ont peut-être manqué, et pas seulement Emmanuel Macron.
04:19Mais très sincèrement, quand vous voyez la masse d'argent qui est dépensée
04:23et les attentes et les demandes des Français par rapport à tout ça.
04:26Parce que c'est très facile de dire « on va faire des économies ».
04:28Mais vous les faites où et vous les faites comment ?
04:30Là vous parlez de 16 milliards, c'est les 16 milliards années en cours.
04:33Les 16, c'est le minimum du minimum.
04:35Mais tout le monde hurle.
04:37Vous prenez sujet par sujet, ministère par ministère,
04:39dans les sports, les anciens combattants,
04:41tout le monde a un coup de rabot qui lui fait mal.
04:44Dans la défense, on vous dit que c'est en train de freiner.
04:46Et pour autant, on ne parle pas d'austérité.
04:48Vous avez remarqué, l'austérité, c'est le mot interdit.
04:50On est d'accord, parce que ça fait peur, mais c'est le chemin qu'on prend.
04:53Sauf que, moi je dirais Bruno Le Maire,
04:55il n'a plutôt pas si mal tenu son job pendant 7 ans.
04:57Et pour une fois, on a eu quelqu'un pendant 7 ans.
04:59Ce qui est quand même rare.
05:00Marc Twaty, vous êtes revenu.
05:02Oui, je crois que dès qu'on a dit du mal de Bruno Le Maire,
05:04je ne sais pas ce qui s'est passé, c'est s'exprès ou pas.
05:08Non, je plaisante bien sûr.
05:09Vous savez, la question que je vous posais, c'est
05:11est-ce qu'il aurait dû partir avant ?
05:13C'est-à-dire qu'est-ce qu'à un moment donné, il avait le choix
05:15et de dire, parce qu'on sait très bien qu'on a,
05:17on assiste, et je parle sur le contrôle d'Antoine André,
05:19on a quand même un Jupiter locataire de l'Elysée,
05:23qui a dû quand même lui dire, qui lui-même connaît un peu la finance,
05:25qui a dû lui dire, tu fais ça, ça, ça et ça.
05:27Est-ce qu'à un moment donné, il n'aurait pas dû dire,
05:29moi, je ne suis pas, et dans ce cas-là, je m'en vais ?
05:31Ce qui est clair, c'est que c'est Emmanuel Macron
05:33qui était aux commandes, clairement.
05:35C'est-à-dire que c'est lui qui n'a pas voulu baisser la dépense publique.
05:37Je pense que Bruno Le Maire, il avait cette volonté à la base.
05:39Finalement, il ne l'a pas fait, malheureusement.
05:41Mais le drame, c'est qu'effectivement, il fallait peut-être dire, on m'en stoppe.
05:43D'ailleurs, c'est ce qu'a fait Emmanuel Macron
05:45vis-à-vis de François Hollande.
05:47Il est parti comme ça, et puis après, c'est comme ça
05:49qu'il a pu devenir président.
05:51Oui, tout à fait, mais le vrai enjeu était de dire,
05:53surtout, en 2020, effectivement,
05:55en mars 2020, on croyait que c'était la fin du monde,
05:57donc bon, je ne dis pas le contraire.
05:59Mais ensuite, on a bien compris qu'il fallait arrêter
06:01d'augmenter cette dette publique,
06:03que les taux d'intérêt allaient augmenter, que ça allait nous coûter extrêmement cher.
06:05Donc là, je pense, en 2022
06:07et même en 2023, il fallait dire non.
06:09On ne suit pas une bonne politique,
06:11donc j'arrête. Et là, je pense
06:13qu'il serait sorti avec les honneurs.
06:15Parce que là, aujourd'hui, regardez ce qu'il reste.
06:17Malheureusement, ça va rester comme un boulet.
06:19Il y a deux ans de suite qu'il nous annonce
06:21une baisse du déficit, et que le déficit
06:23est en train d'augmenter.
06:25Et on a une procédure pour déficit excessif au niveau de l'Union Européenne.
06:27Antonin André, pour vous aider.
06:29Moi, je voudrais relativiser quand même un tout petit peu ce discours
06:31d'Ecliniste, parce que je vous écoute, Marc Poitier,
06:33sagement, et je respecte infiniment
06:35votre expertise. Enfin,
06:37on considère comme acquis, aujourd'hui,
06:39un chômage qui est quand même relativement bas
06:41et qui n'a jamais été aussi bas depuis 30 ans,
06:43on considère que c'est un acquis, alors que c'est quand même
06:45le résultat aussi de choix politiques.
06:47Vous parliez de la croissance tout à l'heure. La croissance française,
06:49elle va être à 1, voire 1%, à la fin de l'année.
06:51Vous avez raison, ce n'est pas énorme.
06:53Quand on se compare aux autres pays européens,
06:55on est plutôt largement au-dessus.
06:57On va éviter la récession, comme ça a été le cas en Allemagne.
07:01La France reste, depuis 5 ans, le pays le plus attractif
07:03en termes d'investissement étranger.
07:05On a encore eu 15 milliards de levées de fonds à Versailles
07:07au mois de mai dernier.
07:09Donc, si vous voulez, je trouve que
07:11cette facilité à ne pas voir
07:13et à ne pas créditer,
07:15ce qui a plutôt réussi, et d'ailleurs, quand vous parlez
07:17avec les chefs d'entreprise, ils voulaient surtout
07:19n'inversons pas la tendance générale.
07:21Je rappelle que les allègements de charges pour les entreprises
07:23sont quand même assez massifs
07:25et ce n'est pas très répandu dans la culture française.
07:27Donc oui,
07:29les déficits publics dérapent. Est-ce
07:31aussi grave qu'on le dit ?
07:33Je ne pense pas, parce qu'en fait,
07:350,5 ou 0,1 point
07:37de croissance en plus sur une année,
07:39votre déficit mécaniquement, il baisse.
07:41Donc, attention à ne pas non plus crier au loup
07:43et tout voir en noir.
07:45Moi, je suis de nature optimiste, mais il faut aussi être réaliste.
07:47Et je vais relativiser tous vos chiffres, évidemment.
07:49Taux de chômage à 7,5%.
07:51C'est le taux de chômage de catégorie A.
07:53Si vous prenez le taux de chômage, toute catégorie
07:55confondue, on est à 16,5%
07:57de taux de chômage. C'est ça, la réalité
07:59du taux de chômage en France.
08:01On a changé les catégories.
08:03D'accord, certes, mais encore une fois,
08:05quand il y a des radiations, etc.,
08:07c'est facile de faire baisser le taux de chômage.
08:09Après, évidemment, c'est un gros problème ce qu'on a évoqué là.
08:11Faire de la croissance avec du déficit
08:13ou avec de la dette, évidemment, c'est facile.
08:15Sauf que tous les pays, nos voisins
08:17et notamment les Allemands, qui commencent d'ailleurs à s'agacer,
08:19eux, ils ont réduit
08:21leur déficit. Ils sont à 1,5% du PIB
08:23justement pour tenir leurs engagements.
08:25C'est pour ça qu'ils n'ont pas fait une croissance forte.
08:27Donc, nous, évidemment, on n'a pas tenu nos engagements.
08:29Donc, c'est facile de faire de la croissance
08:31quand on dérape sur les comptes publics.
08:33Quant aux entreprises, je suis désolé, chiffre de la Banque de France,
08:35nous battons des records
08:37historiques de défaillance
08:39d'entreprises.
08:41Je pense qu'il fait bien de partir maintenant, Bruno Le Maire, parce que là, les chiffres vont
08:43vraiment être mauvais.
08:45Mais c'est ça le paradoxe, parce qu'Antonin a raison en disant qu'à Versailles,
08:47on a une attractivité. Tout ça, c'est d'ailleurs le boulot
08:49plus de Macron que de Bruno Le Maire.
08:51L'attractivité aussi, si je peux
08:53permettre très rapidement, c'est très simple.
08:55Quand on fait des cadeaux fiscaux aux entreprises
08:57étrangères pour investir en France, évidemment
08:59qu'elles viennent investir en France.
09:01Vous avez un exemple ?
09:03Toutes les entreprises qui investissent en France,
09:05elles ont une ristourne fiscale
09:07pendant 5 ans.
09:09Après 5 ans, il faut voir s'il y a le reste ou pas.
09:11Donc si Tesla avait mis son usine en France,
09:13ils auraient eu 5 ans de cadeaux fiscaux.
09:15Moi, ce que je souhaiterais, c'est
09:17que justement, on réduise la fiscalité
09:19pour tout le monde, pas que pour les entreprises, d'ailleurs, pour également
09:21les ménages. Et juste, je vais terminer, parce que j'ai entendu
09:23tout à l'heure votre question sur
09:25la rigueur. Il n'y a pas de rigueur en France.
09:27Vous savez, le problème, c'est qu'aujourd'hui,
09:29et ça, c'est un problème fondamental,
09:3132% de la dépense publique,
09:33ce sont des dépenses de fonctionnement.
09:35Et c'est ça qu'il va falloir
09:37aujourd'hui, c'est à ça qu'on doit
09:39s'attaquer, sans évidemment
09:41casser le social, bien entendu, même s'il faudra faire des efforts,
09:43s'il faudra lutter contre la lutte sociale.
09:45Je propose qu'on donne Marc Coetzi à Bercy.
09:47Avec plaisir !
09:49Moi, ça, si on me laisse faire, avec plaisir. Mais si c'est juste pour avoir
09:51un titre, ça ne m'intéresse pas.
09:53Mais c'est évident que l'enjeu
09:55est là. Moi, je reste optimiste
09:57parce que je pense qu'on peut encore sauver la France.
09:59Mais il est clair que là, on a vraiment tiré sur la corde
10:01au maximum, et elle a deux doigts de se
10:03casser, et quand elle va casser, évidemment,
10:05malheureusement, ça va faire mal. On passera votre candidature
10:07à Michel Barnier. Merci beaucoup, Marc Coetzi,
10:09d'avoir été avec nous en direct sur Europe 1 19h26.
10:11On revient tout de suite. A tout de suite.

Recommandée