• il y a 2 mois
Transcription
00:00Bonjour Clovis Cornillac, au départ, il y a eu la transmission du verbe et du jeu par vos parents et ce coup de foudre pour les planches qui vous a donné envie de quitter la maison à seulement 14 ans avec des premiers essais dans la rue pour proposer votre théâtre.
00:14Ce n'est pas un hasard d'ailleurs, si votre premier rôle au cinéma était dans le film Hors la loi, depuis vos débuts et jusqu'à aujourd'hui, de Carnaval à un petit truc en plus qui vient de dépasser les 12 millions d'entrées en passant par votre rôle césarisé de Kevin dans Mensonge, Trahison et Plus si Affinité.
00:29Vous avez toujours fonctionné à l'instinct et à l'envie.
00:31Vous êtes d'ailleurs aujourd'hui à l'affiche de la pièce de théâtre Dans les yeux de Monet.
00:34Vous serez sur scène au Théâtre de la Madeleine à Comté de ce soir.
00:37Nous sommes en 1892.
00:39Claude Monet traverse une période sombre lorsqu'il arrive à Rouen avec ses pinceaux.
00:43Il est logé au-dessus d'une boutique de lingerie avec comme but celui de peindre la cathédrale.
00:47Clovis, cette année 2024, va marquer les 150 ans de l'impressionnisme.
00:53Claude Monet est sans doute l'un des plus grands représentants de l'impressionnisme.
00:57C'était important pour vous de pouvoir incarner ce personnage-là ?
01:00Le fait que ça arrive aux 150 ans est hasardeux.
01:03Il n'y a pas de calcul.
01:04Ce que je veux dire, c'est que c'est quelque chose qui s'est mis en place comme ça.
01:07Peut-être que les planètes s'alignent de temps en temps,
01:10mais c'est surtout une trajectoire, une pièce que je trouve très bien écrite,
01:19très bien faite aussi dans l'aspect entre guillemets spectaculaire,
01:24c'est-à-dire d'offrir du spectacle, mais pas stupide et en même temps pas didactique.
01:30C'est-à-dire arriver à rentrer dans une aventure visuelle, forte d'intentions,
01:37forte de rebondissements, pour offrir un accès à des personnages comme Monet
01:47et qui rayonnent sur d'autres.
01:52Monet, quand on est en 1892, il est vraiment dans une période très compliquée.
01:57On ne sait pas vraiment où il en est.
01:58Il a l'impression qu'il ne sert plus à rien.
02:00D'ailleurs, il est juste en quête d'argent.
02:02Et cet argent, il le dépense justement à des choses qui sont un peu inutiles.
02:07Et il va y avoir cette série qu'il a en tête, des cathédrales avec des angles différents,
02:12des lumières différentes.
02:14C'est un moment qui est très fort encore aujourd'hui.
02:17Les cathédrales de Monet sont ancrées dans la mémoire collective.
02:21Elles font partie du patrimoine mondial.
02:24Et on se rend compte à quel point être artiste, c'est ça.
02:27C'est réussir à figer un instant, un monument et à le rendre éternel en quelque sorte.
02:35Oui, il y a quelque chose.
02:37Effectivement, il y a plein d'aspects dans ce travail-là qu'il a eu à ce moment-là.
02:44Et la manière dont c'est raconté dans la pièce, c'est d'être dans le creux,
02:49ce qu'on appelle aujourd'hui, je pense, on entend beaucoup chez les artistes,
02:54les sportifs, les politiques et les journalistes, j'imagine, et tout ça,
02:57le burn-out, c'est-à-dire l'espèce de creux émotionnel de quelque chose
03:04qui est pour un artiste, j'imagine, un artiste peintre ou un sculpteur ou un auteur,
03:11d'être face au vide et d'avoir une obsession sur quelque chose
03:17en se disant comment on réactive une machine, comment on la met,
03:20est-ce que ce n'est pas perdu pour toujours, quel est le rapport aussi.
03:23Lui, il a un rapport assez dément à la lumière et à l'instant.
03:28Donc, quand t'approches ça, tu te dis mais il y a de quoi devenir fou.
03:33Ça vous est déjà arrivé d'être au bord du burn-out ou pas ?
03:36Je ne crois pas et en même temps, il me semble qu'on ne mettait pas de mots à l'époque,
03:43j'ai eu des moments où j'ai été radical comme pour me sauver de quelque chose.
03:48Il y a un moment, j'ai arrêté par exemple le théâtre subventionné du jour au lendemain.
03:52J'avais comme un malaise et je n'étais pas bien, mais je ne mettais pas ça sur du burn-out.
03:57Ce n'était pas le mot qui me venait, mais je n'étais pas bien, je n'allais pas bien.
04:00Et puis, je l'ai fait une fois aussi avec le cinéma en 2013
04:05où tout à coup, j'ai eu un moment où j'ai fait stop.
04:08J'arrête et je suis retourné au théâtre avec la contrebasse.
04:11Ça m'a, je ne sais pas, renourri de quelque chose et j'ai commencé à réaliser des films.
04:18Et en fait, à chaque fois, alors est-ce que c'est des burn-out ?
04:22Je pense que ça me paraît un peu urbain comme langage,
04:28mais en tout cas, je pense qu'on a des moments, probablement dans la vie,
04:31avec aussi des deuils, des choses comme ça qui nous arrivent,
04:34où tu perds pied et où moi, à chaque fois pour reconnecter de manière assez radicale,
04:39il faut que j'arrête quelque chose. Il faut que quelque chose s'arrête.
04:42Ça ne peut pas continuer comme ça. Et je pense que c'est, dans ma nature, ça m'a sauvé.
04:46Si j'avais continué, va savoir.
04:49Vous avez toujours fonctionné à l'instant, Clovis ?
04:52C'est la première, en tout cas, c'est le premier oui à moi-même.
04:59C'est-à-dire que je l'écoute.
05:04Ça ne peut pas être suffisant, mais s'il n'y a pas quelque chose d'instinctif au départ,
05:12je me méfie de moi-même et je me méfie de...
05:15Du coup, tu ne regrettes jamais ce que tu fais.
05:18Je n'ai jamais été dans une posture en disant, oui, ceci est raté.
05:24Quand c'est raté, c'est de ma faute, autant que celle de ceux qui me l'ont proposé.
05:30Est-ce que ce que vous avez déjà réalisé, Clovis, vous a permis et vous permet davantage
05:35de vous connaître davantage et d'avancer, de grandir en quelque sorte ?
05:39Je n'ai jamais eu le sentiment, en tous les cas, de ne pas être moi.
05:43Et puis le fait de fabriquer, de fabriquer des films,
05:48c'est tellement une mise à nu très secrète.
05:52Et cette notion d'être absolument tout nu,
05:57parce qu'on donne absolument tout dans un cadre, un plan, un mouvement de caméra,
06:02un costume, une lumière, tout ça, ça raconte à chaque fois,
06:06ça te raconte quelque chose de très personnel.
06:08Donc en fait, c'est comme une exposition,
06:10donc ça t'oblige à creuser pour toi, savoir qu'est-ce que tu racontes, qu'est-ce que tu dis.
06:15Donc forcément, quand la santé est avec nous, pour l'instant,
06:21que le travail est toujours présent, oui, je pense qu'on...
06:26Je n'ai pas l'impression d'être plus moi,
06:28mais j'ai l'impression de creuser, creuser, creuser, creuser.
06:32Et puis aussi avec les rencontres, on se nourrit des aventures,
06:36des choses qu'on a la chance d'aborder.
06:40Je pense que cette histoire de théâtre avec Monet te change.
06:47C'est-à-dire qu'à chaque fois, il y a des petits éléments qui creusent.
06:51Je disais la lumière, c'est vrai que je ne...
06:53C'est pas fake, je regarde par réflexe presque.
06:58Et je me dis, avant, je n'avais pas forcément ce regard-là.
07:01Je regardais, par exemple, je regardais, je me disais,
07:03tiens, c'est joli, ce paysage est très chouette,
07:06ou cette personne avec cette lumière, tout ça, c'est joli et tout ça.
07:09Mais maintenant, j'ai comme un réflexe de me dire,
07:13c'est maintenant et c'est comment ?
07:15Comment on fait ça ?
07:18Ça va vous rendre fou.
07:22Ça va parce que je ne sais pas peindre.
07:25Donc, au moins, je n'ai pas cette problématique de me dire,
07:28voilà, t'es au pinceau et tu dois y aller.
07:31Non, moi, je suis peinard, c'est juste une manière de regarder.
07:35En tout cas, vous, vous êtes sous la lumière, ça y est, dès ce soir,
07:38dans les yeux de Monet, c'est au Théâtre de la Madeleine,
07:41du mardi au samedi.
07:43Merci infiniment d'être repassé dans le monde des leudis.
07:45Vous avez un monde sympa.
07:47À bientôt.
07:48Ciao.

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