L'invité du jour - Clovis Cornillac

Télématin

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Damien et Maya reçoivent le comédien Clovis Cornillac. Il présente la pièce "Dans les yeux de Monet" à retrouver au théâtre de la Madeleine.

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00:00Il était sur scène hier soir et il est avec nous en direct ce matin, rien que pour ça, merci beaucoup, bonjour et merci Clovis d'être là.

00:07Merci de l'invitation.

00:08Quand vous êtes au théâtre, donc à l'occurrence un théâtre de la Madeleine, dans une très jolie pièce intitulée « Dans les yeux de Monet », vous couchez à quelle heure ?

00:14Vous arrivez à vous endormir à quelle heure Clovis ?

00:16Vers deux heures.

00:17Est-ce qu'il faut sortir de scène, il y a l'adrénaline, il y a tout ça ?

00:20Oui, alors je ne sais pas si c'est l'adrénaline, c'est juste un besoin de palier en fait entre le moment où c'est…

00:29C'est une décompensation ?

00:31Oui sûrement, quelque chose comme ça, mais ça fait partie. Après il y a probablement des gens pour qui c'est plus rapide, d'autres plus long, mais moi une fois à peu près je m'endors vers deux heures.

00:41Et vous dînez après le spectacle ? Pardon pour cette question extrêmement…

00:44Non mais les gens s'apprêtent, il n'y a pas de règles.

00:48Non mais en général je ne mange pas après.

00:50Ah oui ?

00:51Non, je mange une fois dans la journée, au milieu de la journée.

00:54Ah oui ?

00:56Comme ça je suis bien pour le soir et puis après…

00:59Est-ce qu'il y a le jeune intermittent ?

01:01Oui.

01:02Mais vous êtes un jeune intermittent ?

01:04Un jeune vieux.

01:06Allez Chlovis, on va voir dans quelques instants des images, on va simplement pitcher un tout petit résumé de la pièce en un mot.

01:11On est en 1892, vous campez Claude Monet, le célèbre peintre, on peut dire en utilisant des mots de 2024 qu'il est en plein burn-out, il n'a plus d'inspiration, ses yeux, il ne voit plus rien, il n'arrive plus à peindre.

01:20Oui, c'est un moment de vide créatif et d'interrogation je pense.

01:25Pour les gens qui sont des artistes comme ça, notamment plasticiens ou même auteurs je pense ou compositeurs, c'est à mon avis une pure angoisse d'être dans le creux.

01:36C'est la page blanche pour l'écrivain et c'est le tableau blanc pour Monet.

01:40Oui, mais avec des questions qui sont très pragmatiques, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui voulait peindre la lumière, peindre la lumière.

01:48Moi, depuis que je me suis approché de ce rôle-là, forcément je ne regarde plus tout à fait pareil et c'est une tanasse de le dire parce que c'est vraiment tellement à l'instant, c'est tellement lié à quelque chose.

02:03Il le disait lui-même, je crois que je cherche l'impossible et donc c'est une lutte.

02:09Mais en dehors de ça, là où je pense que le spectacle plaît beaucoup au public et pourquoi il y a un échange comme ça, c'est que l'auteur Cyril Jelly a réussi à faire un spectacle qui nous parle à tous.

02:22C'est-à-dire que ça n'est pas universitaire, ça n'est pas…

02:25Non, c'est très accessible, bien sûr.

02:26Oui, c'est vraiment… On a le sentiment avec les rôles joués par Maude Becker, formidable, cette jeune femme, et Éric Pratt qui joue un marchand d'art.

02:36Le marchand d'art de Monet.

02:37Absolument, qui est Durand-Ruel et qui a aidé énormément les peintres à l'époque. Mais du coup, ça amène de l'aventure. Il y a de l'aventure dans cette petite pièce.

02:47Regardez, il y a une courte bande-annonce de 25 secondes, donc en 1892, Monet s'installe à Rouen pour peindre la cathédrale, tenter de peindre la cathédrale. Regardez l'extrait.

03:07Suspense.

03:21Cet épisode, il a vraiment existé, Monet qui s'installe face à la cathédrale pour la peindre.

03:28Pendant deux ans.

03:29Et 30 tableaux de la même cathédrale.

03:32Du même point de vue, mais avec des moments et des couleurs…

03:35Des lumières différentes.

03:36Très différentes. Et c'est vrai que les toiles sont assez impressionnantes dans ce qu'elles diffusent. C'est comme des toiles, je ne sais pas si vous avez fait ça, quand on voit les toiles de Van Gogh en vrai.

03:48Quand tu les vois en vrai, la lumière, typiquement, il y a quelque chose de… c'est de l'impressionnisme, c'est une impression, c'est un sentiment, mais très fort.

04:02Ça éclate un peu au visage.

04:03C'est puissant.

04:05Mais il y croit, Monet, mais il a des rares, parce que son agent, le barchand d'art, Durand-Ruel, quand il lui dit « je vais peindre plusieurs fois la cathédrale », franchement, il faut y croire, parce que c'est risqué, en gros.

04:18De toute façon, l'impressionnisme, tout ce mouvement-là, ce n'est pas tellement la prise de risque, c'était la conviction de peindre quelque chose qui n'avait pas été peint.

04:30Et notamment, par rapport aux académiciens, tout ce qui était académique, cette peinture très belle, mais très figée sur les gens et tout ça, il peigne un sentiment, une lumière, un moment.

04:44Et beaucoup d'extérieur, beaucoup de paysages, beaucoup de… très peu de… finalement, la cathédrale, c'est probablement… ces 30 tableaux comme ça de la cathédrale, c'est une dinguerie.

04:58Mais c'est fabuleux que ce gars-là, qui a toujours été dehors pour peindre la nature, se soit enfermé dans une petite pièce pendant deux ans. Oui, il y a de quoi devenir dingue.

05:08Vous êtes devenu expert en Monet, en impressionnisme ?

05:11Non, pas du tout.

05:12Non, mais vous disiez, vous regardez la lumière différemment, vous l'appréhendez différemment. Est-ce que vous avez appris des choses en travaillant ce rôle-là aussi ?

05:19Probablement, mais pas de manière didactique, c'est-à-dire qu'en fait, j'ai approché ce travail-là comme si je devais jouer un journaliste du matin qui faisait des trucs.

05:30C'est-à-dire que j'irais vous voir, je regarde les petites choses, j'essaie de comprendre comment ça fonctionne, ou si je dois jouer un caméraman.

05:39Notre métier, il est fabuleux pour ça, pour cette curiosité, cette capacité qu'on a à aller dans tous les milieux et essayer de pouvoir redistribuer quelque chose aux gens.

05:50Je ne pensais pas, Clovis, que Monet était à ce point bourru, fuyant les mondanités et l'importance de Durand-Ruel, donc son marchand d'art.

05:59Parce qu'on est d'accord que s'il a cartonné pour ce mot de 2024, c'est parce qu'il l'a aidé financièrement, Durand-Ruel, il l'a supporté, porté à bout de bras.

06:09Et puis d'autres, Durand-Ruel s'est occupé de beaucoup de peintres à l'époque. Le mec était fou, ce Durand-Ruel aussi, parce qu'il a acheté énormément de tableaux, énormément, et il les a fait connaître.

06:23Et typiquement pour Monet, c'est passé par les États-Unis. Il a été d'abord acheté par les Anglo-Saxons.

06:31Il est revenu après, il était très coté une fois que ça s'est bien passé aux États-Unis.

06:35Et ça, c'est grâce à Durand-Ruel.

06:37Et donc Monet, bourru, pas très beau caractère, ça tranche avec la poésie qui peut ressortir de ses tableaux ?

06:44Non, mais ce qui me parle beaucoup là-dedans, c'est que c'est une forme d'intransigeance, c'est-à-dire avec lui-même.

06:53Et comme c'est des gens qui ne perdent pas de temps à l'empathie, c'est terrible à dire, parce que moi j'ai absolument empathie.

07:02Ce qui m'intéresse, c'est les gens, mais je ne suis pas un artiste.

07:06C'est la grande différence avec ces artistes-là, c'est-à-dire qu'ils sont obsessionnels.

07:11Et toute l'énergie vraiment va à un endroit, et c'est la peinture.

07:16Là, pour le coup, c'est...

07:18Alors, ça se passe donc au théâtre de la Madeleine, ça commence il y a une dizaine de jours, quinze jours à peu près.

07:22Oui, oui.