• il y a 3 mois
Mardi 10 septembre 2024, SMART BOURSE reçoit Nuno Teixeira (Membre du comité d’investissement « Cross Asset », Natixis IM International) , Evelyn Herrmann (Économiste Europe, Bank of America Global Research) et Hervé Guez (Directeur de la gestion actions et taux, Mirova)

Category

🗞
News
Transcription
00:003 invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13Evelyne Herrmann est avec nous, elle est économiste Europe chez Bank of America Global Research.
00:17Bonsoir Evelyne.
00:18Bonsoir.
00:19Merci d'être là.
00:20A vos côtés, Nuno Teixeira.
00:21Bonsoir Nuno.
00:22Bonsoir Grégoire.
00:23Membre du comité d'investissement CrossAsset de Natix 6e International et Hervé Ghez nous
00:27accompagne également ce soir.
00:29Bonsoir Hervé.
00:30Bonsoir Nuno.
00:31Ravi de vous retrouver.
00:32Vous êtes directeur de gestion de Mirova.
00:33Parlons de l'Europe, parlons de la situation économique en Europe et de la décision attendue
00:37cette semaine de la Banque Centrale Européenne.
00:39Alors j'ai mis jamais 203 Evelyne, je prends un peu d'avance peut-être sur l'idée que
00:47la BCE va pouvoir continuer quand même sans doute de baisser ses taux après les deux
00:52premières, la deuxième arrivant donc ce jeudi.
00:55Où est-ce que vous placez les enjeux aujourd'hui en matière de politique monétaire pour la
00:59Banque Centrale Européenne en zone euro ? Quel est votre scénario central et quelles sont
01:04les conséquences qu'on peut attendre des décisions de la BCE sur la conjoncture européenne
01:09à ce stade ?
01:10Oui alors vous avez raison, un partage jeudi c'est probablement plus une question.
01:14Donc pour nous la suite pour la BCE, l'enjeu pour la BCE c'est vraiment de normaliser
01:21les taux à la même vitesse que l'inflation se normalise en zone euro parce que ça se
01:28fait très rapidement en ce moment.
01:29Donc du coup on s'attend effectivement à une autre baisse au mois de décembre, encore
01:33une en mars 2025 mais à partir de ce moment-là pour nous l'inflation est déjà de retour
01:38à 2%.
01:39Donc ça sera effectivement le moment où la BCE va devoir constater bah on est en retard,
01:44là il faut vraiment accélérer et donc du coup on attend après trois baisses consécutives
01:50à chaque réunion jusqu'à ce qu'on soit de retour à un taux de dépôt de 2%.
01:55Donc au T3.
01:56Aujourd'hui les risques que cette accélération du cycle de baisse se matérialise un peu
02:01plus tôt nous semblent plus prononcés donc octobre semble quand même très tôt pour
02:07la BCE mais pourquoi pas changer un rythme une fois par réunion à partir du mois de
02:13décembre.
02:14Aujourd'hui on considère que c'est peut-être le risque le plus important par rapport à
02:18notre prévision.
02:20Au-delà de ça, est-ce que 2% ça sera la fin pour les taux de dépôt en zone euro ? On
02:24dira que non.
02:25Notre scénario de base est pour 1,5% en 2026, c'est vraiment sous l'hypothèse que déjà
02:33en termes structurels cette zone euro elle ressemble beaucoup à la zone euro qu'on avait
02:37en 2019.
02:38C'est une question qui ne se pose pas trop pour nous, pourquoi on devrait avoir des taux
02:43neutres supérieurs ou c'est une question qui se pose et on ne trouve pas trop la raison
02:47de pourquoi.
02:48La croissance potentielle de la zone euro ne s'est pas élevée ces dernières années ?
02:52Non et l'inflation sous-jacente ou les anticipations d'inflation probablement non plus.
02:58Donc du coup si on regarde les estimations de la BCE pour les taux neutres réels dans
03:02leur revue stratégique, ça s'arrête avant Covid mais c'était entre moins 1 et moins
03:082% en taux réels.
03:10La cible d'inflation de la BCE n'a pas changé, elle reste à 2%, si on la croit crédible
03:17on est à des taux nominaux de disons 1% et les facteurs structurels donc du coup l'excédent
03:26extérieur qui est quand même très conséquent dans l'euro, de retour à des niveaux de
03:30pré-crise énergétique, énergie, la démographie, la trajectoire de productivité, comme vous
03:37l'avez dit le CAPEX, rien n'a vraiment changé par rapport à ce moment-là donc
03:41du coup pourquoi les taux neutres auraient changé ?
03:44Donc on n'a pas forcément une estimation en niveau actualisé mais en relatif par rapport
03:49à cette période-là, on ne voit pas pourquoi en zone euro on aurait augmenté.
03:53Donc de conséquence on a vraiment, oui, une reprise très molle de l'économie réelle
03:59en zone euro, insuffisante pour combler l'écart de production négative, donc du coup un retour
04:05à un taux d'inflation en dessous de 2%, une BCE qui va devoir aller devant.
04:09Comment est-ce que la BCE va prendre conscience de ce que vous décrivez ? Parce qu'à écouter
04:13encore certains membres influents, je pense à Isabelle Schnabel notamment, membre du
04:17directoire allemande, on sent quand même beaucoup plus de prudence.
04:22C'est la parole d'une banquière centrale et c'est sans doute aussi son job mais on
04:27sent que pour Isabelle Schnabel le risque n'est pas totalement équilibré ou en tout
04:31cas dans son discours elle se focalise uniquement sur le risque d'une persistance de l'inflation,
04:37les services, d'un coût du travail, d'unitaire qui resterait trop élevé pour être compatible
04:44avec le retour à 2%.
04:45Enfin, tout son discours et son argumentaire est fondé sur ce risque-là aujourd'hui.
04:49Comment est-ce que les obstacles vont se lever ? Comment est-ce que vous voyez les résistances
04:53qui existent au sein de la BCE se lever au fur et à mesure ?
04:56Déjà le risque à la hausse sur l'inflation diminue avec chaque donnée qu'on a de la
05:03part de la zone euro, chaque chiffre d'inflation parce que c'est vrai qu'en glissement annuel
05:08l'inflation en services reste élevée mais quand on regarde les composantes individuelles,
05:13quand on ignore le tourisme par exemple pendant les saisons d'été, il y a quand même une
05:18désinflation assez prononcée.
05:19Quand on regarde les salaires, oui, en glissement annuel la croissance reste élevée mais quand
05:26on regarde les nouvelles négociations salariales, il y a quand même une désinflation assez
05:31prononcée surtout quand on regarde la suite de ce qui va se passer en 2025.
05:35Quand on regarde les marges de profit des entreprises, également la désinflation,
05:40donc sur les trois composantes on désinflate, en termes de croissance on n'accélère pas
05:46de façon significative donc du coup les risques, ce bilan de risque de la BCE il peut rester en
05:52vigueur mais il faut aussi au fur et à mesure probablement constater et la BCE ne va pas
05:57pouvoir éviter ça non plus que ce risque à la hausse sur l'inflation des facteurs liés à la
06:04structure du mécanisme de prix en zone euro, il diminue, diminue, diminue, diminue et pour nous
06:09au moment que l'inflation est vraiment de retour à la cible ou très proche de la cible y compris
06:14dans le sous-jacent, parce qu'en headline au total on y est déjà presque, ça c'est le moment le plus
06:20tard où il va falloir reconnaître que là il faut normaliser hauteur neutre au minimum.
06:24On a eu par exemple pour l'Allemagne la deuxième estimation d'inflation publiée
06:27aujourd'hui, c'est le 2% parfait pour l'inflation globale sur un an dans un pays
06:32comme l'Allemagne aujourd'hui et dans d'autres pays c'est parfois déjà inférieur à 2%.
06:36Comment, après cet exposé, comment vous envisagez la situation de votre côté,
06:40Schenatic 6ème, Nouno, la capacité de la Banque Centrale Européenne à baisser ses
06:46taux aussi vite que l'inflation baisse, pour reprendre les mots d'Evelyne, et plus
06:52globalement comment est-ce que vous voyez un peu le cycle de baisse de taux puisque
06:55la Fed va également entrer dans le jeu, pas cette semaine mais la semaine prochaine.
07:00Les deux cycles vont être très liés parce qu'effectivement la BCE peut pas se déconnecter
07:06complètement de la Fed. Nous on est plutôt plus prudent que le marché en termes d'ampleur des
07:12baisses des taux. On voit deux baisses de taux pour la Fed et pour la BCE avant la fin de l'année,
07:16tout simplement parce qu'on ne partage pas le scénario d'une récession imminente ou
07:24probable dans les trimestres à venir. Il nous semble que d'abord le marché du travail aux
07:30Etats-Unis reste finalement assez résilient, moins de recrutement mais on n'est pas du tout
07:35encore dans vraiment les licenciements nets que certains imaginent. En fait on est en plein emploi
07:43aux Etats-Unis et donc c'est normal qu'il y ait moins de recrutement parce que les sociétés ne
07:48peuvent pas vraiment recruter beaucoup plus. Il y a notamment une catégorie de salariés qu'on
07:54dit prime age qui sont ceux entre 25 et 54 ans. Là c'est au max. C'est là où les sociétés vont
08:01en général recruter, elles peuvent pas vraiment aller plus loin. Elles pourraient aller à la
08:06marche sur les deux extrêmes mais c'est beaucoup plus compliqué. Il y a de la productivité en plus
08:11aux Etats-Unis, des gains de productivité assez importants donc pourquoi les recruter
08:15beaucoup ? Donc s'inquiéter de ce type de statistiques nous semble un petit peu compliqué.
08:20Et puis du côté des indicateurs avancés, on voit que les services tiennent bien. C'est vrai que le
08:28manufacturier est un peu plus en berne mais c'est une économie à 80% de services.
08:32Ça fait deux ans qu'il est en berne le manufacturier. Les enquêtes
08:35manufactueurs piquent du nez depuis au moins deux ans.
08:37Voilà donc la BCE ne pourra pas non plus accélérer beaucoup le mouvement par rapport à la Fed.
08:44Donc le frein pour la BCE, vous le voyez plutôt, la Fed va être un frein pour la Banque Centrale
08:50Européenne ?
08:51Oui parce que sinon on risque d'avoir à nouveau un euro qui sera fermé. On a quand même profité
08:57aussi je dirais d'un renchérissement du dollar pendant pas mal de temps. Là on voit que ça se
09:05rééquilibre un petit peu. Il ne faudrait pas non plus que l'euro vienne en plus handicapé la
09:10croissance en zone euro. Alors c'est vrai qu'on n'est pas si loin du potentiel mais il y a des
09:16pays qui souffrent, l'Allemagne en particulier. Et puis il y a quand même aussi des problèmes
09:21d'endettement. Je ne sais pas si c'est une des dimensions que la BCE surveille mais c'est vrai
09:27qu'il faut financer à la fois la transition énergétique. On a maintenant le rapport de
09:32M. Tailly, l'ampleur des investissements qu'il faudrait pour remettre à niveau en termes de
09:38compétitivité l'industrie européenne. Donc tout ça plaide quand même pour effectivement un
09:45scénario de baisse des taux mais relativement graduel qui accompagnerait tout simplement
09:51cette baisse de l'inflation. On a aussi la chance d'avoir des matières premières qui sont calmées,
09:58donc des prix de l'énergie, de l'électricité, etc. qui vont dans le bon sens. Il reste des
10:03services mais c'est vrai que les services ils sont un peu plus contraints aussi par le niveau
10:11d'emploi qui est plutôt encore solide. Et puis ils n'ont pas la contrainte extérieure en termes
10:17de compétitivité. Comment vous regardez ce cycle de baisse de taux, Hervé, chez Mirova ? On le
10:24disait un peu en rigolant mais c'est vrai qu'il y a les bonnes et les mauvaises baisses de taux
10:26pour les investisseurs et pour les marchés. C'est-à-dire qu'il y a des baisses de taux qui
10:30permettent d'imaginer qu'on prolonge le cycle, qu'on accompagne la baisse de l'inflation, etc. Et
10:36puis il y a des baisses de taux qui sont parfois délivrées un peu plus dans l'urgence et dans la
10:40nécessité de venir au chevet d'une économie qui serait un peu trop fragilisée. Est-ce que vous
10:47êtes dans un camp plutôt que dans un autre à ce stade ? Non, non. Après je pense qu'aujourd'hui
10:52c'est... Enfin, non, je n'ai rien d'original à dire par rapport à ce qui a été dit sur le
10:56court terme. Enfin je pense que c'est d'ailleurs assez consensuel et attendu maintenant sur les
11:01marchés ce cycle de baisse des taux et effectivement je pense que les paroles dures à droite ou à gauche
11:07c'est un peu des jeux de rôles mais que fondamentalement c'est quasiment acté sur la
11:11partie de baisse des taux. C'est l'ampleur disons. C'est l'ampleur et c'est effectivement la question
11:16que vous avez sur le côté plutôt à long terme. L'arrivée, le point d'arrivée. Le point d'arrivée, etc. Et c'est
11:21là où peut-être... Alors clairement j'ai pas de boucle de cristal mais en tout cas j'ai deux... J'ai
11:26des inquiétudes. C'est-à-dire que la situation ressemble mais elle n'est pas exactement la même
11:30quand même puisque au global on a maintenant au niveau européen un modèle allemand très
11:37exportateur qui arrive à bout de souffle et je pense pour des raisons structurelles assez fortes.
11:42Et donc ça c'est un élément... C'est un élément nouveau et c'était l'élément dans la...
11:49dans la configuration de décisions politiques européennes qui était un élément bloquant sur les
11:56mesures protectionnistes par ailleurs. Puisque quand on a la plus grosse économie européenne qui
12:01est un modèle exportateur, vous pouvez imaginer qu'ils sont pas très chauds pour mettre des barrières douanières, etc.
12:08Et d'ailleurs on a vu l'Europe annoncer 30% de protection tarifaire sur les véhicules électriques chinois.
12:14Je crois que c'était 3-4 jours après, le Canada a mis 100%.
12:18Or, au-delà des débats politiques, je pense qu'il y a eu en tout cas pour moi une hypothèse qui est qu'à moyen-long terme
12:26on rentre sur un cycle où on va abandonner en grande partie les effets bénéfiques qu'a pu avoir l'Europe sur le
12:32modèle exportateur allemand très fort et qu'on a un mouvement qui est... J'aime pas le terme démondialisation
12:37parce qu'on a l'impression qu'on va tout défaire, mais en tout cas où on fera moins. C'est-à-dire qu'à la fois pour des raisons
12:44environnementales, sociales, de commerce, on est plutôt sur une phase où les zones vont chercher à relocaliser un maximum d'emplois
12:51et d'industries, et de bas salaires. Et donc on a peut-être quand même l'effet amont d'une inflation de long terme un peu plus élevée
13:00que celle du cycle d'avant, mais pas...
13:03— Oui, oui, une mondialisation moins débridée, c'est ça. Démondialisé, c'est encore une autre étape, hein, et visiblement...
13:09— Non, non, bien sûr. Mais en tout cas, il y aura une phase de relocalisation de certaines industries, de besoin aussi de relocaliser
13:18pour des questions environnementales certaines productions. Et donc que ça, en soi, ça peut être un peu plus inflationniste que ça l'a été
13:26par rapport à la période où, justement, on a fait l'inverse, c'est-à-dire on a plutôt désindustrialisé pour faire venir à bas coût des produits
13:33à l'autre bout du monde. Et donc que ce mouvement-là, je pense qu'à minima, il est fini, voire il pourrait avoir un peu de retour, voilà.
13:40Donc sans être inquiet sur le niveau d'inflation de long terme, voilà, qu'on soit plutôt... Plutôt que d'être entre 0 et 1,5, il n'est pas exclu qu'on soit
13:50plutôt entre 1,5 et 3, ce qui veut rien... Enfin ce qui n'empêche pas que les taux courts doivent baisser. — Oui, bien sûr.
13:56Voilà. Par contre, ce qui peut questionner sur le chemin sur les taux longs qui, lui, me semble-t-il, commence à être pas mal fait.
14:05Donc voilà un petit peu peut-être ce que j'allais dire là-dessus. — À court terme, qu'est-ce que ça change pour l'investisseur de passer
14:13d'une séquence de hausse de taux assez dure, assez synchronisée dans le monde à un cycle de réglage des politiques monétaires ?
14:21Qu'est-ce que ça implique pour des grands marchés, pour des grandes classes d'actifs aujourd'hui ?
14:26— En tout cas, pour la partie action... Enfin, il y a des phénomènes de court terme. Et tu l'as dit, Grégoire, bon, c'est pas la même chose
14:35de baisser ses taux parce qu'on rentre sur un cycle de normalisation de l'inflation, ou on baisse ses taux parce qu'il y a une récession,
14:40il faut faire face à une récession. Donc la récession, il y a la baisse des profits. Donc les marchés d'action vont pas aimer.
14:45On rentre sur une phase de baisse des taux, si elle est ordonnée, qu'il n'y a pas de récession, qu'on est sur une économie qui va bien.
14:52C'est très positif pour les actifs risqués. Ça sera bienvenu. Le débat, il est un petit peu là. C'est-à-dire qu'il y a un an, on n'aura pas d'atterrissage,
15:04l'économie en surchauffe. Après, inquiétude sur le hard landing. Maintenant, est-ce qu'on est revenu sur un risque de récession ?
15:12Nous, on a été très ennuyeux. On a toujours plaidé plutôt pour une normalisation politique-économique. Et donc on est plutôt sereins là-dessus.
15:19Mais on voit bien qu'il y a effectivement beaucoup de nervosité et volatilité, puisque chaque chiffre est un peu guetté pour savoir dans quel scénario
15:25on va atterrir sur l'économie américaine, puisque c'est quand même l'économie américaine qui donne le la sur ces sujets.
15:32Donc c'est plutôt effectivement les chiffres qui vont venir sur le fait que l'économie américaine, tout en ralentissant un peu, se tient bien,
15:41qui va être importante, plutôt qu'est-ce que la Fed et la BCE vont baisser de 25 ou 50 BP à très court terme.
15:48C'est vraiment le sous-laissant croissance qui compte.
15:50Voilà. Pour les taux, je pense que ça encore une fois, c'est acheter le fait que les taux vont baisser, et vont baisser significativement.
15:56Sur les taux longs, je pense qu'une partie... Nous, on était à la baisse, des anticipations de baisse sur la partie longue des taux.
16:05On commence à arriver sur des niveaux qui nous...
16:07Moins agressifs aujourd'hui. 3,70 sur du 10 ans américain, ce n'est pas value, quoi.
16:12Il y a un petit peu de potentiel, mais on ne sera pas...
16:17Qu'est-ce que ça change pour vous ? Alors, je ne sais pas, je reprends les grandes équipes.
16:20On voit la courbe américaine revenir à zéro entre le 2 ans et le 10 ans, qu'on n'a pas vu depuis longtemps.
16:25Est-ce que ça crée des perturbations aussi sur les marchés ?
16:28Il y a eu l'épisode carry trade yen de début août, et on a vu dans la foulée des grands indices type Nasdaq, type thématique IA,
16:37qui ont beaucoup profité, et qui ont pu souffrir aussi dans ces moments-là.
16:43On voit aussi la vol, passer un peu des marchés obligataires vers les marchés actions.
16:47Ça aussi, c'est nouveau. On a une volatilité à 20 sur les marchés actions désormais.
16:52Qu'est-ce qui vous intéresse dans ces changements, et la profondeur des changements peut-être dans le régime de marché aujourd'hui, Nounou ?
16:59Alors, c'est vrai qu'on a eu un peu de volatilité cet été.
17:03Pas forcément pour de bonnes raisons, comme je l'évoquais sur le marché de l'emploi en particulier.
17:08Il y a eu le carry trade qui est arrivé au même moment, donc ça a causé des perturbations.
17:13La Banque du Japon a monté les taux, hein ?
17:15Oui, oui, tout à fait.
17:16Combien ?
17:17Je ne sais pas, pour les mètres 0,15, 0,10, je ne sais même pas encore.
17:21C'est surtout la communication qui n'a pas été forcément très rapide.
17:26Quand on a empilé du levier pendant des années sur des positions de carry, oui, ça peut créer des petits chocs, on l'a vu.
17:33Tout à fait.
17:34Moi, je trouve que ce qui se passe sur le marché est finalement plutôt sain, parce qu'on s'inquiétait quand même
17:39au premier semestre de la concentration extrême de la hausse du marché américain sur quelques valeurs.
17:45Et on a vu pendant l'été un rattrapage assez sensible de la composante, on va dire, value au sens large,
17:52avec des secteurs aussi défensifs, qui finalement a fait toute la hausse des deux mois d'été,
17:59alors que les valeurs de croissance ont fait zéro.
18:02Donc, qu'il y ait un peu de rééquilibrage, moi je trouve ça plutôt sain.
18:05Ça, c'est une bonne nouvelle.
18:06C'est une bonne nouvelle dans ce qui s'est passé sur les marchés cet été.
18:09Le fait qu'on ait cet élargissement et que le marché soit moins monomaniaque, moins obsessionnel sur cette valeur, c'est une bonne nouvelle.
18:15Oui, on projetait beaucoup de rêves sur les valeurs liées à l'IA.
18:20Il y a toujours des bonnes choses, on l'a vu aujourd'hui avec Oracle.
18:23Mais disons qu'il faut peut-être s'attendre à ce que ça soit moins moteur et que le marché s'élargisse un petit peu,
18:30ce qui est plutôt favorable de notre point de vue.
18:33Alors, dans les années d'élection, on a quand même traditionnellement, je dirais, des mois de septembre-octobre qui sont un petit peu compliqués,
18:43ce qui est logique, un peu d'incertitude.
18:45Et d'ailleurs, la performance est plutôt un peu moins bonne dans les années d'élection sur le S&P 500 que sur les autres années.
18:52Sur ces mois spécifiques.
18:54Mais en revanche, le dernier trimestre de l'année, en particulier à partir du résultat de l'élection, c'est plutôt bon.
19:01C'est plutôt du 10% sur les cinq dernières années, donc c'est pas mal.
19:05La dernière fois qu'on avait eu un dernier trimestre défavorable, c'était en 2018.
19:10Mais finalement, on n'est pas dans une mauvaise configuration pour avoir une performance satisfaisante sur les actions.
19:17Pour autant, on a neutralisé notre position actions un peu tôt, début août.
19:23On était surpondérés jusque là.
19:25Mais le mois de septembre nous donne un petit peu raison.
19:29Et en revanche, pendant tout l'été, alors là, on se distingue un petit peu de nos amis de Nirova,
19:34on a plutôt continué à allonger la censille sur nos portefeuilles obligataires.
19:39Et on pense qu'il y a encore du potentiel, tout simplement parce que le couple, on va dire,
19:44espérance-risque, espérance de rendement par rapport au risque, nous semble, pour les mois qui viennent,
19:50plutôt assez favorable encore sur l'obligataire par rapport aux actions.
19:54Donc neutralité actions et un peu plus de conviction sur l'obligataire pour les mois qui viennent.
19:59Évelyne, quand vous dites ce qu'il y a, vous êtes économique.
20:01Je dirais évidemment, si on a des mauvais chiffres qui font peur au fond marché, là, clairement, l'obligataire...
20:09C'est une bonne couverture, c'est une bonne couverture.
20:11Si le marché jouait à se faire peur avec l'idée d'une récession, pourquoi pas ?
20:15Ce serait une bonne couverture d'avoir de la duration sur l'obligataire.
20:19Personnellement, l'obligataire, disons, se décorelle des actions quand on passe en dessous de 2% d'inflation.
20:26On a vu, d'ailleurs, cet été, des portefeuilles diversifiés qui avaient énormément souffert en 2022.
20:30Dans le petit choc de l'été, on a vu, justement, que l'obligataire retrouvait cette valeur d'amortisseur
20:37par rapport à la baisse des marchés actions.
20:40Quand vous échangez avec vos équipes chez BOFA Global Research, les équipes américaines,
20:45sur le scénario macro-US, en tant qu'économiste Europe,
20:49quelle est la nature des échanges que vous avez, justement, aujourd'hui, Evelyne ?
20:53Nous, on est complètement jalouse.
20:57C'est une situation envieuse, c'est ça ?
21:00L'estimation courante pour le T3, il y a encore 2,3% en annualisé sur la variation trimestrielle.
21:08Si seulement on avait une année comme ça en Europe, ce serait bien.
21:12Ceci dit, effectivement, mais c'est bien de le rappeler.
21:16Pour notre équipe US, ils restent assez optimistes sur l'économie américaine.
21:22Comme vous avez évoqué, ce n'est pas une économie qui semble sur le point de s'écouler.
21:273-6 mois, le risque de récession est ?
21:30Il semble relativement limité dans les chiffres qu'on voit aujourd'hui.
21:33Encore, pour le T3, actuellement, les chiffres suggèrent un taux de croissance annualisé.
21:38Attention, ce n'est pas la même façon de mesurer, mais au-dessus de 2% pour l'économie américaine.
21:43Les chiffres du marché d'emploi ont certes ralenti ou suggèrent un ralentissement, mais comme vous avez vite évoqué…
21:49Sur la tech, notamment, si la tech a tendance à licencier.
21:52Oui, c'est de la façon de laquelle nous en dirais, ou on expliquerait ça en ce moment.
21:56C'est plus une côté offre.
21:57Du coup, il y a une normalisation dans les embauches.
22:00On ne voit pas ce licenciement en masse aux Etats-Unis, ou même pas en masse, mais juste un abus,
22:08qui suggérait qu'il y a vraiment quelque chose qui est en train de se détruire.
22:11Avec l'histoire de la productivité, la question de la pénurie sur le marché du travail,
22:15les entreprises américaines ne sont pas en train de se dire, il faut absolument que je licencie, que j'allège ma structure de coûts, etc.
22:22Non, il paraît que non.
22:23Après, pour la productivité, si on a de la productivité, on peut vivre avec les croissances salariales.
22:304% de croissance des salaires, oui.
22:32Une hausse de productivité, c'est plutôt désinflationniste, on va dire.
22:37Donc là, ce que disent nos collègues, ils ont changé leur anticipation de la Fed.
22:41C'est une banque centrale qui n'est pas têtue.
22:44Quand il y a un changement du rythme dans l'économie, ils changent aussi rapidement.
22:49Je trouve ça plutôt très crédible, comme c'est leur but, finalement.
22:53Et donc, du coup, eux, ils ont changé leur prévision pour la Fed.
22:56Ils s'attendent maintenant à cinq baisses de taux consécutives de 25 points de base.
23:00Vraiment dans l'idée qu'on peut réduire le niveau de resserrement.
23:08De restriction.
23:09Le niveau de restriction.
23:10Donc, du coup, on atteindrait un taux directeur aux États-Unis de 4% d'ici début printemps 2025.
23:19Ce qui va réduire significativement.
23:21Or, quand vous regardez les estimations type règles Taylor, ça a toutes ses limites.
23:28Mais ça suggère quand même que la Fed peut se permettre maintenant de baisser.
23:33Ce n'est pas pour arriver à un point neutre.
23:35Ce n'est pas pour arriver à un point stimulatoire, loin de ça.
23:39Mais c'est juste une réduction.
23:41Parce qu'on sait, aux États-Unis, d'ailleurs, on sait la même chose.
23:44Mais les banques centrales opèrent de façon différente.
23:46On sait la même chose en zone euro.
23:48On n'a plus besoin de ce niveau de restriction qui semblait encore adéquat il y a un an.
23:53Dans les sujets du moment aussi, alors, il y a la Chine.
23:56Je ne sais pas comment vous regardez d'ailleurs la question chinoise sans être sur place.
23:59Hervé, par exemple, vous évoquiez tout à l'heure la question structurelle d'une mondialisation moins fluide,
24:06plus frictionnelle, moins débridée, etc.
24:10On citait le cas de l'Allemagne.
24:12Quand je regarde un peu de loin les publications des entreprises qu'on a pu avoir à l'issue du deuxième trimestre,
24:17toutes les entreprises, quels que soient leurs secteurs,
24:20qui sont exposées dans leurs activités au marché chinois,
24:24que ce soit la consommation, l'industrie, l'auto, etc.,
24:27elles reportent toutes quand même des mauvaises nouvelles sur cette partie chinoise aujourd'hui.
24:32Oui, alors, après, pas avec la même ampleur.
24:34Alors, c'est ma question.
24:35Ce qui se passe sur l'automobile est très particulier et a des conséquences extrêmement fortes,
24:40compte tenu aussi du poids.
24:41Oui, mais qui se répercute sur nos marchés.
24:43On en parlait de l'Allemagne.
24:45Une part importante de ce qui se passe vient du malaise de l'industrie automobile.
24:49Et ça, c'est toujours problème.
24:51C'est que les marchés, on veut tout faire tout de suite,
24:54et on écrit les scénarios, et le monde de l'industrie, la vraie vie, ça prend un peu plus de temps.
24:58Mais ce qui est en train de se passer sur l'automobile,
25:01sans vraiment être pédant, et on n'était pas le seul à le dire,
25:05quelque part, c'était un petit peu écrit.
25:07C'est-à-dire, le fait qu'on passe du véhicule thermique au véhicule électrique,
25:13était forcément une mauvaise nouvelle pour les gros acteurs automobiles
25:19qui ont construit une grosse partie de leur valeur ajoutée,
25:22leur positionnement sur cette technologie du véhicule thermique.
25:27Et ça ouvrait, ça rebattait les cartes du champ concurrentiel de l'industrie automobile.
25:32Que ce soit avec des Chinois ou des Américains.
25:34Il y a eu l'histoire Tesla, mais on voit aussi Lucie Larivière.
25:38Il y a d'autres types de constructeurs sur le véhicule électrique.
25:40Il y a eu le véhicule chinois.
25:41Et donc, ce qui s'était installé, c'est-à-dire une industrie allemande,
25:45que ce soit le positionnement premium des constructeurs que tout le monde connaît,
25:52ou des positionnements plus marquettes, du DAS auto que d'autres connaissent,
25:57ça est fortement attaqué.
26:00Et évidemment, à partir du moment où les technologies changent, évoluent,
26:04et des constructeurs se créent,
26:05ce marché qui était devenu un des premiers marchés de ces constructeurs,
26:09ils sont face à une situation extrêmement...
26:12C'est la vitesse à laquelle ça va, en fait, qui me frappe.
26:14C'est-à-dire qu'il y a encore cinq, six ans,
26:16même si on avait ces perspectives de transition.
26:21Je veux dire, l'épargne-marché des constructeurs occidentaux et donc allemands en Chine,
26:25c'était deux tiers du marché.
26:26Là, c'est déjà divisé par deux, quoi.
26:28Oui, mais le point d'arrivée était connu.
26:31Ce qui est compliqué, c'est de se dire, est-ce que ça va se faire vite, pas vite ?
26:34Quel est le moment ?
26:35Et puis effectivement, quand il y a un point de bascule et il y a une inflexion,
26:37ça peut venir assez vite.
26:38Donc on est dans ce moment-là, et je pense que ça, c'est un moment un peu structurel,
26:42qui ne veut pas dire qu'une fois que ces marques vont disparaître, etc.
26:45Mais en tout cas, ça va remettre en cause un avantage compétitif,
26:48un marché, une potentielle d'exportation de façon structurelle.
26:53Sur la partie consommation, luxe, marques,
26:59il y a un ralentissement, il y a des inquiétudes, la Chine ralentit,
27:03il y a un petit peu de vent contraire.
27:05Je suis moins inquiet sur ce positionnement-là
27:07que sur le positionnement exportateur industriel.
27:10L'émergence de nouvelles marques chinoises sur fond,
27:14un nationalisme retrouvé du consommateur.
27:17Dans le domaine de la beauté, vous dites que ça ne peut pas prendre
27:20la même ampleur que ce qu'on voit sur l'automobile.
27:22Je n'ai pas dit que ça n'aura pas d'impact, oui, mais pas la même ampleur.
27:26Pas la même ampleur, d'accord.
27:27Pas la même ampleur.
27:28Je pense que ce n'est pas un sujet, d'abord politiquement, économiquement
27:32et de façon symbolique, c'est quand même pas la même chose
27:34en termes de montant de dépenses que vous faites,
27:37en termes d'emplois, d'industrie.
27:38Quand vous êtes sur l'industrie automobile,
27:40un achat avec les véhicules électriques à 50 000 ou 100 000 euros
27:44et quand vous achetez un bien, même si c'est un carré d'une marque
27:50très connue et qui est chère, on n'est pas sur les mêmes...
27:53On n'est pas stigmatisés de la même manière,
27:55parce qu'il y a eu aussi, à un moment donné,
27:57une forme de stigmatisation par le Parti communiste chinois
28:01des signes extérieurs de richesse, notamment sur les véhicules
28:06effectivement étrangers.
28:07Et puis, il y a une montée en gamme aussi de l'industrie automobile chinoise.
28:13Enfin, on voit des véhicules qui, bon, peut-être qu'à l'usage,
28:17c'est moins brillant qu'une Mercedes ou une Audi,
28:19mais qui semblent quand même offrir déjà un certain niveau
28:23de qualité apparente, en tout cas.
28:25Et donc, je partage tout à fait l'avis d'Hervé.
28:29Là, il y a du souci à se faire.
28:31Et il y a du souci à se faire aussi dans l'autre sens,
28:33parce que même avec du 30% de droits de douane en Europe...
28:38Ça reste compétitif. L'automobile chinoise reste compétitive.
28:41Sur un certain nombre de modèles électriques, effectivement.
28:45Donc, double peine.
28:47À ce sujet, Evelyne, à propos de compétitivité,
28:49j'ai noté la semaine dernière, dans l'actualité, en une journée,
28:53deux phrases, deux discours portés par des grands patrons allemands.
28:57On a eu le PDG de Volkswagen, alors dans une situation
29:00historiquement inédite pour Volkswagen, puisque l'entreprise
29:04va sans doute fermer une ou deux usines en Allemagne
29:07pour la première fois de son histoire.
29:09J'allais dire trahir le pacte avec les salariés de Volkswagen
29:12de ce point de vue-là.
29:14Non, mais pour montrer un peu l'écho que ça peut avoir en Allemagne, j'imagine.
29:17Donc, le PDG de Volkswagen nous dit
29:19nous ne sommes plus compétitifs.
29:21C'est fini.
29:23Et le lendemain, le patron de Deutsche Bank,
29:25là aussi, grande institution emblématique
29:27du secteur bancaire allemand, en l'occurrence,
29:29les Allemands ne travaillent pas assez.
29:31Nous ne travaillons plus assez en Allemagne.
29:33Il va falloir, à nouveau, retravailler plus.
29:36Alors, il cite des chiffres, d'ailleurs, je crois qu'il dit
29:38la moyenne du temps de travail hebdomadaire en Europe,
29:41c'est autour de 34 heures par semaine.
29:44Et les Allemands, visiblement, sont très en dessous aujourd'hui
29:46en termes de durée hebdomadaire du travail, j'entends.
29:49Bref, toujours la même question.
29:51Mais, comme le disait Hervé, il y a un modèle, là,
29:54qui s'est fait désinguer, quoi.
29:57Oui, il y a plusieurs points que je ferai là-dedans.
29:59Déjà, c'est intéressant. Je suis macro-économiste.
30:02Les entreprises individuelles, je ne commenterai pas.
30:05Mais ce qui est intéressant, donc, dans ces...
30:08Il parle macro, là.
30:10Ce qui est intéressant dans le fait qu'il y a une très grande entreprise
30:13qui considère fermer de la capacité en Allemagne,
30:16ça veut dire qu'il y a de la capacité en excédent.
30:19Ce qui veut dire qu'on a des capacités non utilisées aujourd'hui.
30:23Ce qui veut dire que ce qu'on voit en termes d'inflation,
30:25ce n'est pas de l'inflation faite à la maison.
30:27Parce que si on avait tellement d'inflation faite à la maison,
30:30on n'aurait pas de capacité qu'on n'utilise pas.
30:32De surcapacité. Oui, bien sûr.
30:33Voilà. Donc, du coup, ça, c'est le premier point que je ferai là-dedans.
30:36Il y a des experts qui estiment qu'il y a une trentaine d'usines automobiles en Europe
30:39qui tournent sans être rentables.
30:41Ça, c'est la première chose que je ferai.
30:43Donc, le premier point que je constaterai,
30:45ça marche très bien avec l'idée qu'on fait face à une désinflation
30:49qui est peut-être plus prononciée
30:51que ce qu'on voit aujourd'hui encore dans les négociations
30:54parce qu'on est encore en train de rattraper un niveau de salaire réel
30:57où on a vu une perte quand même assez conséquente
31:00depuis les dernières 2-3 ans. Premier constat.
31:02Deuxième constat, c'est également par rapport à qu'est-ce que ça veut impliquer
31:07de moyen à long terme.
31:08Donc, du coup, oui, l'Allemagne a un modèle d'exportation très prononcé,
31:13mais la zone euro au total reste une zone
31:16qui crée un excédent commercial assez conséquent,
31:19y compris et surtout l'Allemagne.
31:22Donc, aujourd'hui, si on discute un retour à la mondialisation
31:26ou une recalibration de la mondialisation,
31:31s'il y a des marchés où, si nous, on ferme l'Europe un peu plus
31:36pour les exportateurs de l'extérieur de l'Europe,
31:40ça va se faire probablement de l'autre côté.
31:43De la même chose, bien sûr.
31:44Si nous, on a un excédent commercial,
31:46l'équilibre général, pour embêter tout le monde avec des termes vraiment économiques,
31:51l'équilibre général n'est pas du tout évident.
31:53Donc, du coup, pour moi, pour une économie qui a déjà des surcapacités
31:56et qui perd portativement peut-être encore du marché à l'extérieur,
32:00c'est des inflationnistes.
32:01Donc, qu'est-ce qu'il faut faire ?
32:02Mais on a eu ce débat, je pense, à chaque fois qu'on est là.
32:06C'est le moment pour repenser la politique budgétaire.
32:10Et j'aimerais vraiment avoir tort à ce sujet un jour.
32:14Pour l'instant, malheureusement, c'est ça la composante qui nous manque.
32:18On a aujourd'hui un modèle qui vient à maturité.
32:22Il faut repenser.
32:23Et de ce point de vue-là, il y a un rendez-vous politique
32:25à l'automne 2025 en Allemagne d'importance.
32:27Il n'y a pas de raison d'imaginer qu'avant ce rendez-vous,
32:29les choses évoluent, si ce n'est à la marge,
32:32sur le plan de la stratégie budgétaire de l'Allemagne.
32:34Le rapport Draghi publié hier a plutôt joué,
32:38renforcé encore l'Allemagne dans sa position.
32:41Lynn ?
32:43Je respecte beaucoup le rapport.
32:45Il est très intéressant, ce rapport-là.
32:46Mais on sait qu'il faut faire des choses en Europe et on n'a pas réussi.
32:49Ah oui ?
32:50La réponse de l'Allemagne, c'était « nein ». Voilà.
32:52Oui, un mot pour répondre à 400 pages.
32:54Pas besoin de plus, quoi. D'accord.
32:57La réponse venait plus rapidement qu'on peut lire le rapport, probablement.
33:01Mais voilà, c'est un peu...
33:04Donc avant 2025, je pense que c'est dur.
33:06Il y a un débat qui est en train de se faire,
33:09mais il faut vraiment attendre le résultat de ces élections-là,
33:13la composition du Parlement.
33:15Est-ce qu'on peut trouver des majoritaires qui sont quand même de deux tiers
33:19au Bundestag et au Bundesrat
33:21pour pouvoir changer la règle budgétaire ?
33:23Avec la règle budgétaire en place aujourd'hui,
33:26on n'a pas de marge de l'avant.
33:29Le temps politique en Allemagne est parfois long,
33:31mais on apprend aussi en France à vivre avec un temps politique un peu différent.
33:35Ça vous inspire quoi ?
33:36Le rapport Draghi, moi, je ne sais pas.
33:38Est-ce que pour un investisseur, ça se regarde ?
33:40Est-ce qu'on se dit que c'est toujours la même histoire, l'Europe ?
33:43Le rapport des cinq présidents, c'était pas tout à fait il y a dix ans,
33:46c'était il y a neuf ans, précisément, j'ai revu.
33:48Bon, ça a été déjà écrit à l'époque, mais...
33:50Je suis d'accord avec tout ce qui vient d'être dit.
33:52En tout cas, en partie, avec la partie...
33:57La règle d'or budgétaire allemande est un non-sens dans le moment qu'on vit.
34:02Donc ça, s'il pouvait relâcher la question budgétaire en Allemagne.
34:05Mais le problème, finalement, de fond, de l'Europe auquel on tourne,
34:09c'est ce fameux « nous ».
34:10C'est-à-dire, on parle d'un « nous »
34:12qui n'existe qu'institutionnellement,
34:16mais peu d'un point de vue économique, marché du travail, etc.
34:22Et donc, la vraie grosse difficulté, notamment pour la Banque centrale,
34:27c'est qu'on manie des pays qui ont des dynamiques,
34:32des structures différentes et des dynamiques différentes.
34:36Et on l'a vu sur beaucoup de sujets.
34:39On l'a vu sur les prix de l'électricité, la politique énergétique,
34:42on le voit sur les politiques tarifaires, etc.
34:45Et donc, je pense qu'on est...
34:47Donc, de façon un peu provocatrice,
34:50on avait écrit un papier il n'y a pas très longtemps,
34:53en disant, mais finalement, il y a quand même un an et demi, deux ans,
34:56on avait écrit, est-ce que l'Allemagne va pas être en train
34:59de redevenir l'homme malade de l'Europe ?
35:01Avec exactement ce positionnement qui était de dire,
35:04ce modèle exportateur très fort, resserré budgétaire,
35:07est-ce qu'il ne va pas être attaqué structurellement ?
35:10Mais je pense que s'il y a une bonne chose là-dedans,
35:13c'est que ça pourrait remettre tout le monde dans le même bateau.
35:16Parce qu'aujourd'hui, on a des intérêts,
35:19mais totalement divergents sur la façon de regarder
35:22qu'est-ce que devrait être une politique monétaire,
35:25budgétaire, industrielle, parce qu'on est, encore une fois,
35:28dans une structure économique et des dynamiques budgétaires différentes.
35:31Et donc, je pense que c'est cette complexité-là
35:34auquel on tourne autour.
35:37Et donc, si on peut espérer quelque chose de l'Europe,
35:40pour répondre, pour revenir sur le rapport Draghi,
35:43c'est, oui, qu'elle cesse d'être le naïf de ce jeu
35:46qui se met en place de mondialisation
35:49entre les Etats-Unis et la Chine.
35:52Et cette naïveté est, selon moi, une fausse naïveté,
35:55parce qu'effectivement, il y avait un cas particulier,
35:58qui était l'Allemagne, qui avait un intérêt évident
36:01à ne pas trop soulever le problème de,
36:04entre la Chine qui exporte fortement,
36:07avec des barrières douanières, nous, on maintient le modèle tel qu'il est,
36:10on ne bouge pas. Je pense que l'Europe a forcément besoin de bouger,
36:13a besoin de réinvestir sur beaucoup de champs,
36:16sûrement pas sur l'exportation de véhicules allemands en mi-gamme, ça c'est sûr,
36:19mais on a besoin de réindustrialiser,
36:22de reconsommer local, de façon beaucoup plus forte,
36:25de réinvestir sur les nouvelles technologies.
36:28L'Europe est quand même, on parle, regardez,
36:31dans un indice global, pour prendre un exemple,
36:34aujourd'hui...
36:37Un peu avant l'été, c'est plus vrai maintenant,
36:40la capitalisation de NVIDIA avait dépassé la capitalisation totale
36:43du CAC 40.
36:46On n'a pas été capables de créer
36:49des sociétés valant plus de 100 milliards,
36:52alors que les États-Unis,
36:55ex-Nilo, on en a quelques-unes qui valent beaucoup,
36:58mais qui sont des sociétés déjà assez anciennes, finalement.
37:01Le sujet des marchés de capitaux...
37:04Le jour où on aura,
37:07pas un Nein, mais un oui allemand,
37:10en disant qu'on a un sujet de réindustrialisation au global dans l'Europe,
37:13de s'attaquer un petit peu,
37:16s'il faut en passer par des mesures protoxynistes temporaires,
37:19le temps de redévelopper une industrie sur certains sujets,
37:22évidemment que c'est quelque chose qu'il faut faire.
37:25Est-ce que ça va être fait ?
37:28L'espoir n'est pas une stratégie, comme on dit.
37:31Une fois qu'on a fait la critique de l'Allemagne, Eveline,
37:34comment vous regardez la situation française sur le plan économique ?
37:37Le niveau d'urgence ?
37:40La capacité des marchés et des partenaires européens
37:43à, comment dire,
37:46adoucir, accommoder un peu, peut-être,
37:49les défis budgétaires auxquels la France fait face aujourd'hui ?
37:52Oui. Alors, vous avez dit que vous avez écrit ce papier
37:55sur l'Allemagne il y a un an et demi.
37:58Nous, on était, dans le relatif France-Allemagne,
38:01très en faveur de la France depuis, je crois, 2007.
38:04Donc ça faisait très longtemps.
38:07Cette année, c'était pas une très bonne année.
38:10Cette année, c'était pas une très bonne année.
38:13Il y a beaucoup de points structurels qui en l'air très bien en France,
38:16par rapport à l'Allemagne. En tout cas, il y a le mix énergétique,
38:19il y a justement cette histoire que ce ne soit pas l'automobile
38:22qui est le marché principal de l'économie,
38:25que ce ne soit pas la Chine qui est le marché principal,
38:28on va dire, pour simplifier, pour la croissance économique,
38:31de l'économie totale. Il y avait la démographie
38:34qui a l'air mieux et, de l'autre côté,
38:37il y avait cette faiblesse sur les finances publiques
38:40qui n'était pas super. Bon.
38:43Donc, du coup, là, c'était un changement un peu cette année.
38:46Ça en a commencé avec, du coup, les chiffres de 2023 sur le budget
38:49de l'OMS. C'est devenu un steppage
38:52qui s'est traduit dans une trajectoire
38:55carrément changée en niveau et ce n'était pas la dernière
38:58dans cette direction cette année.
39:01Et il s'y ajoute que cette perspective de tout va bien
39:04en France par rapport à l'Allemagne
39:07était un peu sous l'hypothèse que 2027, c'est encore très loin.
39:10Donc, là, on a un peu tout rapatrié,
39:13disons que l'arbitrage entre les fondamentaux économiques
39:16est plus sain et la fragilité des finances publiques
39:19est moins aussi évidente.
39:22Elle n'est plus aussi évidente qu'elle ne l'était encore en 2023.
39:25Donc, c'est de ce point de vue-là.
39:28À court terme, nos stratégistes sont plutôt optimistes.
39:31Donc, du coup, si vraiment on arrive à avoir un budget 2025,
39:34très bien, mais à moyen terme...
39:37Quelque chose s'est dégradé quand même dans la perspective
39:40de moyen terme pour la France aujourd'hui.
39:43Petit mot de conclusion, Nouno.
39:46Hervé, sur les marchés, quelle est l'attitude
39:49qui vous paraît pertinente dans la situation actuelle
39:52à adopter, Nouno ?
39:55Je pense qu'il faut rester constructif.
39:58On a encore de la croissance au niveau mondial.
40:013%, on est sur 3% de croissance mondiale.
40:04On en a parlé assez peu, mais l'hypothèque de la Chine
40:07qui a tendance à s'enfoncer quand même.
40:10On peut parler de déflation, mais presque.
40:13On craint un scénario un petit peu à la japonaise,
40:16mais c'est 20% de l'économie mondiale.
40:19C'est quand même important.
40:22Après, on rentre dans un cycle de normalisation des taux
40:25qui n'est pas défavorable à l'épargnant.
40:28Normalement, ça devrait aider et les poches obligataires
40:31et les poches actions.
40:34Donc, il faut rester plutôt constructif.
40:37On croit effectivement à un peu ce rééquilibrage
40:40vers des secteurs comme l'assurance par exemple,
40:43comme un certain nombre de secteurs
40:46qui ont été un peu délaissés.
40:49La santé, on reparle de la santé.
40:52Pour l'Europe, je crois que c'est un peu ça
40:55qu'il faut essayer de jouer et garder quand même.
40:58On ne peut pas éviter la diversification internationale
41:01parce que le marché qui garde les moteurs de performance
41:04les plus importants à moyen et long terme,
41:07ça reste quand même les Etats-Unis.
41:10Un mot rapide, spécifiquement chez Miroval,
41:13qu'est-ce qui vous intéresse aujourd'hui sur les marchés ?
41:16Le conseil restera toujours le même pour les épargnants.
41:19Ne cherchez pas à timer le marché.
41:22On est dans une période, on voit bien,
41:25environnement politique compliqué, élections qui arrivent,
41:28un peu de nervosité, de volatilité.
41:31Après, le marché financier, c'est des indices.
41:34Ça progresse à long terme en fonction des multiples EPE.
41:37Il y a des opportunités.
41:40En plus, effectivement, c'est un moment qui est intéressant
41:43puisque les taux sont sur des niveaux de rendement
41:46qui ne sont pas trop mal.
41:49Dans les actions, on l'a dit, là-haut,
41:52c'est fait sur beaucoup de secteurs très spécifiques.
41:55Il y a beaucoup de valeurs.
41:58On n'était pas tous sur le noir non plus.
42:01Il faut rester investi.
42:04Quand les marchés deviennent fous et qu'il y a un moins 10 %,
42:07être capable d'ajuster un petit peu dans ces situations-là,
42:10mais pas trop chercher à se dire que c'est le moment de tout prendre
42:13ou d'être investi à 100 % ou de désinvestir la totalité.
42:16Ça, c'est des stratégies qui marchent rarement.
42:19Oui, l'excès n'est pas bon conseiller quand on investit sur les marchés.
42:22Merci à vous trois d'avoir été les invités de Planète Marché ce soir.
42:25Eveline Herrmann, BOFA, Bank of America Global Research,
42:28Hervé Ghez, Mirova et Nono Teixeira, Natix ICM.

Recommandations