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00:00Bonjour, Pierre Asselineau.
00:01Bonjour.
00:02Vous êtes écrivain journaliste, membre du jury Goncourt depuis 2012
00:05et enseignant d'écriture littéraire à Sciences Po depuis 25 ans.
00:08Vous êtes l'auteur d'une quarantaine de livres, parmi lesquels beaucoup de
00:11biographies consacrées notamment à Marcel Dassault, Georges Simonon,
00:15Albert Londres. Il y a eu également Hergé au commencement.
00:18Il y a eu le journalisme et le besoin de raconter.
00:20Puis, il y a eu l'écriture, la littérature, la radio,
00:24l'enseignement, le tout en autodidacte, ce que vous revendiquez au fil des
00:27lignes, paragraphes, pages, ouvrages, cours, le grand timide, réservé,
00:32respectueux des règles, comme vous définissez Philippe Tesson,
00:35le jour où vous avez poussé la porte du quotidien de Paris,
00:38à trouver sa place et son ton.
00:40Aujourd'hui, vous publiez Comment écrire, Chalbin-Michel,
00:42ou Un condensé nourrissant et éclairant, avec les conseils techniques
00:46et secrets des meilleurs écrivains français et étrangers.
00:49Le livre s'ouvre sur deux citations.
00:51L'une est signée Robert Pingé.
00:53Écrire, pour moi, c'est respirer tout ce qu'on peut en dire d'autre et du
00:57baratant que vous procure l'écriture, alors, Pierre Asselineau.
01:01Une respiration, c'est sûr, mais ce n'est pas la seule respiration
01:05qu'on peut avoir dans la vie.
01:06Bien sûr, non, l'écriture, pour moi, c'est naturel.
01:10Je ne vous dirai pas que j'ai commencé à 5 ans et que depuis, j'en suis fou.
01:14Pas du tout, c'est venu tardivement.
01:16Mais ça a d'abord été l'écriture journalistique.
01:18Et je suis resté toute ma vie journaliste à l'exemple des gens
01:22qui m'ont formé, comme Philippe Tesson ou Bernard Pivot.
01:26Quoi qu'ils aient fait par la suite, ils sont restés toute leur vie journaliste
01:29parce que ce n'est pas seulement un métier, c'est un état d'esprit, un état d'âme.
01:33Et même en tant qu'écrivain, il y a de ça encore chez moi, comme chez eux.
01:40Voilà, écrire.
01:41Mais pour moi, c'est une activité double qui ne fait qu'une, c'est lire et écrire.
01:45Vous revenez sur un conseil qu'on vous a donné de Roger Stéphane
01:50qui vous a dit que ce qui motivait un écrivain,
01:54avant tout, et comment il écrivait, c'était d'abord à partir de ses secrets,
01:58de son secret.
01:59Oui, il m'a dit.
02:00C'est quelque chose que vous avez réussi à conserver pendant très longtemps.
02:02Oui, mais moi, je me suis toujours dit qu'il ne faut pas trop se révéler.
02:08Mais enfin, je l'ai fait progressivement.
02:10Et puis, on se révèle quand même par rapport aux autres,
02:16par rapport à soi-même.
02:17Mais c'est très difficile de garder ce qu'on estime être son secret
02:22toute sa vie, parce qu'on s'en étrangle.
02:25Il faut les sortir, les secrets, surtout quand on est écrivain ou un artiste,
02:29tout simplement.
02:30C'est déjà fait pour vous ?
02:32Ça a été fait progressivement, oui.
02:34Pas totalement, mais progressivement, par petits bouts.
02:37Et ça me va très bien.
02:39Vous savez, moi, je suis là sous l'influence de Georges Simenon,
02:43qui est une de mes passions littéraires.
02:45Simenon a toujours refusé de se faire psychanalyser,
02:49parce qu'on lui disait quand même, là, le dossier est chargé,
02:51ses rapports avec sa mère, tout ça.
02:53Et il disait, oui, mais le problème, c'est que si je le fais,
02:56je n'aurai plus rien à écrire.
02:57Ça va me stériliser.
02:58Donc, il avait peur de ça.
03:00Et je peux le comprendre.
03:01Et c'était mon cas aussi.
03:03Moi aussi, je suis de la chair à psy, comme la plupart des gens.
03:06On a tous nos névroses.
03:07Mais j'ai gardé ça pour moi et ça m'a permis d'irriguer tout ce que
03:11j'écris et de stimuler.
03:13Et je m'en porte très bien, finalement.
03:15Vous étiez d'ailleurs à Casablanca.
03:19Qu'est-ce que vous gardez de cette enfance, d'ailleurs ?
03:21Parce que l'un des auteurs que vous citez, vous les citez quasiment
03:24tous, finalement, quand on regarde bien dans cet ouvrage, c'est pour
03:28vous un livre qu'il faut piller, d'ailleurs, parce que chacun va
03:30s'y retrouver.
03:32Il dit que l'enfance permet d'écrire des livres.
03:36On écrit toujours par rapport à son enfance.
03:39On n'en sort pas, qu'elle soit bonne ou mauvaise, brillante ou sombre.
03:42Ce n'est pas la question.
03:43Mais je crois que c'est Saint-Exupéry qui disait, on est de son
03:47enfance comme on est d'un pays.
03:48Et évidemment, on est tous du pays de son enfance et les écrivains,
03:52bien sûr. Et ce que ce soit, même si vous, par exemple, si vous
03:56quittez votre pays, vous partez très loin, ça vous suit.
04:02Il m'est arrivé de parler du Maroc, de mon enfance, mais ça, c'est un
04:05territoire. Mais ce qui est plus important, c'est le territoire de
04:08l'imaginaire. Et j'y suis toujours resté, c'est-à-dire quelque chose
04:11de lumineux. Moi, j'ai eu la chance d'avoir une enfance lumineuse,
04:16généreuse, avec des parents aimants.
04:18En fait, je suis un désespoir pour un psy, sur ce plan-là, parce que
04:22ma petite enfance, je veux dire, je n'ai que des souvenirs
04:27extraordinaires.
04:28Vous avez beaucoup écrit de biographies, je le disais, avec ces
04:33histoires qui sont racontées.
04:35Est-ce que vous n'êtes pas d'abord un raconteur d'histoires,
04:37finalement, Pierre Rassouline ?
04:38Mais tout écrivain, tout écrivain raconte des histoires.
04:42Ça a commencé avec Homère et ça continue.
04:46Moi, je pars du principe que, de toute façon, on n'invente rien.
04:50Évidemment, il y a toujours quelque chose en plus.
04:53Joyce, pour la langue anglaise, et Céline Rabelais pour la langue
04:57française. Mais il y en a très peu.
05:00Mais sinon, on n'invente rien.
05:02Alors, je pars du principe qu'on raconte tous des histoires,
05:07même si tout est déjà dans la Bible.
05:10Et ce qui n'est pas dans la Bible est dans Shakespeare.
05:12Avec ça, vous avez fait le tour des passions humaines.
05:15Avec, évidemment, toujours cette pointe de fiction qui est plus que
05:18nécessaire. Est-elle donc, par excellence, le lien de la liberté
05:21de l'esprit, alors ?
05:22La fiction ? Oui, parce qu'elle permet de dire tout ce qu'on veut.
05:27Évidemment, il y a toujours une limite.
05:28Sade, à beau être dans la pléiade, c'est encore controversé.
05:33Donc, il y a eu quelques affaires là-dessus avec des romanciers
05:38depuis 30 ou 40 ans, et encore plus maintenant, dans la fiction,
05:43dans le roman. Mais finalement, globalement, on peut tout dire.
05:46Enfin, c'est par excellence le territoire de la liberté de
05:50l'esprit.
05:51Est-ce que, justement, vous faites partie des personnes qui
05:53considèrent qu'il faut séparer l'œuvre de l'artiste ?
05:56Non, c'est un tout. C'est un tout.
05:58Ce qui n'empêche que je considère que Paul Morand est un sale type,
06:04mais un styliste exceptionnel.
06:08Et je le lis avec un plaisir fou.
06:10Je suis même jaloux quand je le lis, parce que je me dis qu'est-ce que
06:13j'aimerais écrire comme ça ?
06:15Et dans le même temps, connaissant très bien sa biographie et sa vie,
06:18je me dis toujours mais quel sale type.
06:20Paul Morand, ce n'est pas le cas.
06:22Paul Morand, c'est la collaboration mondaine, c'est l'antisémitisme
06:25mondain. C'est le pire, parce qu'il est sous le masque de la normalité.
06:30Pour terminer, à la dernière page, vous citez Anna Akhmatova.
06:37Est-ce que c'est le moment le plus difficile de terminer la dernière page ?
06:41De mettre un point à la fin du livre ?
06:43Oui, parce qu'on se dit c'est le point final et après, il n'y a plus rien.
06:48Mais quand même, avec l'expérience, on se dit aussi qu'il y aura
06:53peut-être un livre de poche, une réédition en poche.
06:56Et là, on peut rajouter des choses.
06:58Donc, un livre n'est jamais fini.
06:59Et puis, en fait, à part les rééditions et tout ça, le livre continue
07:04parce que c'est le lecteur qui écrit la suite.
07:06Il le complète. Donc, ça n'est jamais fini.
07:09Il n'y a pas de point final à un livre.

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