Il a respecté les dernières volontés de son père

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Découvrez l'histoire profondément touchante de Mario dont la vie a été bouleversée par l'annonce de la maladie de Charcot dont souffrait son père. Il nous raconte leur lutte quotidienne contre cette maladie implacable ainsi que leur quête de solutions, depuis les traitements expérimentaux jusqu'aux choix éthiques difficiles. Mario a tenu à respecter les dernières volontés de son père et milite aujourd'hui pour que les lois sur les conditions d'accompagnement à la fin de vie évoluent dans le bon sens.

Un grand merci à Mario pour sa confiance et pour son témoignage fort et émouvant
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Son livre "Mon père, ma bataille" est disponible partout.

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Transcript
00:00En fait, mon père m'avait toujours dit que si un jour il devait se retrouver comme un légume sur un fauteuil roulant,
00:04il fallait qu'on le fasse partir.
00:05Donc ça, c'est quelque chose qui résonnait déjà en moi depuis toujours.
00:08Mais quand vous êtes confronté à la maladie et qu'elle arrive vraiment dans votre vie,
00:12ce n'est pas si facile que ça.
00:13La maladie de Charcot, c'est la sclérose latérale amyotrophique.
00:16Et c'est une maladie neurodégénérative qui attaque les muscles du corps,
00:20malheureusement, qui s'atrophie au fur et à mesure du temps.
00:23On devient un légume, en fait.
00:24Et quand on vous annonce que vous avez la maladie de Charcot,
00:26vous savez que vous avez entre 2 ans et 5 ans à vivre maximum.
00:31Donc c'est assez radical et violent comme diagnostic quand on vous dit ça.
00:35Alors nous, cette maladie, on ne la connaissait pas du tout à l'époque.
00:37C'est une maladie qui était assez méconnue du grand public.
00:41On l'a connue avec mon parrain, qui était le frère de mon père,
00:44qui est mort de cette maladie en 2008.
00:47Elle a touché 3 personnes de la même génération, ce qui est assez rare.
00:50Mon père, lui, est parti en 6 mois.
00:51Donc c'est vraiment la forme foudroyante.
00:54Effectivement, j'ai vu l'évolution de cette maladie
00:57qu'on voit généralement en 5 ans, en 6 mois.
00:59Et surtout, quand on n'est pas préparé à ça,
01:01quand on ne sait pas ce que c'est,
01:02c'est à la fois très rapide et à la fois très long.
01:06Parce que quand on découvre un proche, forcément son père,
01:10atteint de ce type de maladie,
01:12et puis qu'on essaye de tout faire pour croire au miracle
01:16et essayer de trouver des solutions, c'est assez complexe.
01:18Et nous étions en Sicile pour l'enterrement et la cérémonie du décès de son frère.
01:22Et après le décès, on s'est réunis tous pour déjeuner.
01:26J'ai vu qu'il avait une gêne à la gorge quand il mangeait des aliments, etc.
01:29Et je lui ai dit « Papa, qu'est-ce qui se passe ? Je te vois pas très bien. »
01:33Je lui ai dit « Non, mais il y a un truc qui me gêne dans la gorge. »
01:35Et là, je lui ai dit « Écoute, quand tu rentres en Belgique,
01:37parce qu'il habite en Belgique, va faire un examen, c'est peut-être la thyroïde. »
01:39Il y avait beaucoup de problèmes de thyroïde dans la famille,
01:41donc je me suis dit que c'était ça.
01:42Je lui ai dit « Va faire un contrôle et puis tu me tiens au courant. »
01:45Au mois de mars 2009, j'étais en studio à Milan pour l'enregistrement de mon dernier album.
01:49Et j'ai mon téléphone qui sonne, c'est mon père qui m'appelle et qui me dit
01:51« Voilà, je viens de sortir de l'hôpital, j'ai fait un examen.
01:54Et le médecin vient de me dire que j'avais la même maladie que mon frère. »
01:57Donc forcément, je suis en cabine studio en train de chanter, c'est un choc.
02:01Je suis assez refroidi et je me dis « Écoute papa, c'est certainement une erreur.
02:05Tu as du mal à comprendre. Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. »
02:08On est dans le déni, on ne veut pas l'accepter.
02:11Très rapidement, j'appelle des amis qui sont à Paris, qui connaissent beaucoup de professeurs.
02:14Je prends rendez-vous avec un nouveau professeur à la salle pétrière à Paris.
02:17Et 15 jours après, on est là-bas avec mon père pour faire un test, pour faire des examens.
02:22Et là, le médecin, après cette série de tests, qui sont en fait des tests assez basiques,
02:27ce sont des tests physiques, de réflexes, etc.
02:29Il nous dit très cash, comme ça, ils ne se sont pas trompés.
02:32« Bon, votre père a bien la maladie de Sherco et il lui reste peut-être un à deux ans. »
02:40Et donc c'est assez violent quand un médecin vous dit ça, comme ça,
02:43Il ne met pas des gants, c'est assez froid, vous avez envie de l'engueuler, même, d'ailleurs.
02:47« Docteur, vous dites ça comme ça, c'est grave, quoi. »
02:50Et bon, ils ont certainement leur habitude, je ne sais pas,
02:54la manière de faire, mais j'ai trouvé assez peu délicat, en tout cas, de dire les choses de cette manière.
02:59Puis mon père est sorti, il n'a pas réagi.
03:01Il est sorti de la pièce et je suis resté un peu en retrait avec le médecin.
03:04Et puis je lui dis « Docteur, enfin quand même, il y a forcément quelque chose à faire. »
03:08Et il m'a dit « Non, profitez des derniers instants de votre père parce qu'il ne sera plus là. »
03:13Donc c'est assez choquant.
03:15D'abord, on sort de la salle pétrière, mon père est très silencieux.
03:19Forcément, moi aussi, je vous avoue, je suis assommé par cette nouvelle.
03:24Je ne sais pas comment réagir, quoi lui dire.
03:26Donc on prend la voiture et on reprend la route.
03:29Moi, j'habite en Bourgogne et donc on avait deux heures et demie de route et on est assez silencieux dans la voiture.
03:34Je m'arrête à une station service, on prend un café et puis je remonte dans la voiture
03:37et je me suis dit dans la tête « Déjà, il est forcément abattu, il ne faut pas que toi aussi tu sois abattu. »
03:41Tu parles à ton père et tu lui dis « Écoute papa, ce n'est pas parce qu'il t'a dit ça que forcément ça va se passer comme il l'a dit. »
03:49Dans la vie, il y a des miracles, il y a des choses qui se passent, on va se battre.
03:52Moi aussi, je vais trouver des solutions, même s'il faut aller aux Etats-Unis,
03:55s'il faut aller dans un autre pays pour trouver des traitements, etc.
03:58On va le faire, je ne te lâche pas et on va s'en sortir.
04:01On a toujours été positif, donc on reste positif et je lui donne un message d'espoir,
04:04un message qu'on allait combattre cette maladie ensemble et je n'avais que cette possibilité.
04:12Parce que si on s'abat sur son sort, autant mourir tout de suite.
04:15Et puis on arrive chez moi, ma femme avait préparé le repas, etc.
04:19Forcément, je l'ai eu entre-temps et donc elle ne fait semblant de rien et on passe une soirée sympa.
04:24Depuis ce moment-là, j'observe forcément, je vois bien qu'il a du mal à avaler, qu'il ne dit rien,
04:29qu'il sait mais qu'il ne veut pas montrer et donc démarre à ce moment-là un vrai combat.
04:35J'essaie de trouver toutes les solutions possibles, je cherche sur Internet,
04:41j'appelle des cliniques, même des pseudo-cliniques qui sont des charlatans et qui vous vendent du rêve.
04:48Parce que forcément, il y en a qui profitent des situations dramatiques
04:51pour vous vendre des solutions miracles qui n'existent pas.
04:55J'ai envoyé mon père d'ailleurs en Allemagne, dans une clinique privée en Allemagne,
04:58qui soi-disant pouvait guérir ça mais c'était bidon.
05:01Forcément, quand vous avez un de vos proches que vous aimez qui est atteint d'une maladie incurable,
05:06vous essayez en vain de trouver la solution miracle.
05:11Ensuite, il rentre chez lui en Belgique, je le raccompagne, il habite en province de Liège.
05:15Nous sommes au mois de mars, on se revoit pour Pâques, on est très famille chez nous
05:19et on aime fêter les fêtes de Pâques, les fêtes de Noël, etc.
05:24On se réunit chez mon père et là déjà, vous voyez qu'il y a une perte de ses moyens, il est au ralenti.
05:32En fait, mon père m'avait toujours dit que si un jour il devait se retrouver comme un légume
05:36sur un fauteuil roulant ou dans un lit, qu'il voulait partir et qu'il fallait qu'on le fasse partir.
05:40Donc ça, c'est quelque chose qui résonnait déjà en moi depuis toujours.
05:44Mais quand vous êtes confronté à la maladie et qu'elle arrive vraiment dans votre vie,
05:47ce n'est pas si facile que ça.
05:48Parce que vous avez forcément envie que votre père reste le plus longtemps possible vers vous
05:54et comme par hasard, c'est le moment où avec mon père, on commençait à avoir une relation de copains, d'amis.
06:00Il y a un dilemme entre le fait de se dire qu'il faut que je garde le plus longtemps possible vers moi,
06:05donc il faut continuer à se battre, à croire au miracle,
06:07et puis de l'autre côté, vous avez envie de respecter la parole de votre père
06:11qui se voit souffrir, qui se voit dépérir et qui veut juste mettre fin à ses souffrances.
06:16Je repoussais un peu le processus jusqu'au moment où à un moment donné,
06:20l'hôpital m'appelle en pleine nuit et mon père était en train d'étouffer.
06:23Donc il fallait l'intuber tout de suite et sans la machine, il ne respirait plus.
06:27Donc là est arrivée une nouvelle étape, une étape qui était la dernière d'ailleurs,
06:31puisque la maladie de Sherco se termine par l'atrophie des muscles respiratoires
06:35et donc vous étouffez en quelque sorte.
06:37Et donc là, quand j'ai vu la machine, j'ai repensé à ce qu'il me disait.
06:40Donc on le fait rapatrier chez lui parce que c'était sans volonté.
06:42Malgré tout, il s'est réveillé après l'intubation.
06:45Il ne pouvait plus parler forcément, il ne pouvait plus même utiliser les mains,
06:48donc c'était très compliqué de dialoguer.
06:50Mais à travers le regard, à travers les yeux, on comprend beaucoup de choses.
06:53C'était la fin et donc là, effectivement, j'ai appelé les médecins de famille
06:57que je connaissais depuis tout petit et je lui ai dit écoute, il faut que tu viennes,
07:00il faut qu'on parle de tout ça, il faut qu'on voit comment on fait.
07:04Et donc il est venu et on a fait ce qu'il fallait.
07:06Alors mon père était déjà depuis deux jours dans un coma.
07:09Il respirait avec cette machine, mais le médecin me disait de toute façon,
07:12il est sous valium, il n'est plus là, en quelque sorte, il n'est plus là.
07:15Mais il me faisait comprendre que quand même, l'être pouvait souffrir.
07:19Et donc là, il vous fait signer un papier, puis il vous prépare un cocktail
07:23de deux, trois médicaments, je ne sais plus lesquels,
07:30mais voilà, il me disait, écoute, on va faire l'injection
07:32et de toute façon, il est en train de partir, ça va abriger ses souffrances
07:35et en quelques secondes d'ailleurs, en quelques minutes, vous partez.
07:41Et donc mon père, comme il m'avait toujours dit qu'il ne voulait pas respirer avec une machine,
07:45j'ai dit au médecin, avant de faire l'injection, on va faire quelque chose,
07:48c'est que je vais débrancher la machine et puis on verra ce que le corps décide de faire.
07:51Et donc je débranche ce tube qui était accroché à sa gorge
07:55et donc là, il s'arrête à respirer, il s'arrête de respirer.
07:58Et incroyable, quelques secondes plus tard, une vingtaine de secondes plus tard,
08:02le corps se remet à fonctionner et à respirer.
08:05Et le docteur me dit, écoute, c'est certainement une réaction du corps,
08:08mais ça ne va pas durer longtemps.
08:09Et dix minutes, un quart d'heure, vingt minutes passent, il respire toujours
08:13et le médecin ne comprenait pas, il dit, écoute Mario, c'est assez incroyable,
08:17je ne sais pas quoi te dire, mais bon, il respire.
08:20Donc là, il lui fait l'injection en même temps et il respire toujours.
08:23Et donc une demi-heure plus tard, les membres de la famille, sa soeur, quelques cousins partent
08:28et je me retrouve seul avec mon père et donc c'est quoi, c'est trois quarts d'heure plus tard,
08:33je me retrouve face à lui, j'étais assis sur le canapé, le lit en face
08:36et là, il fait un dernier souffle et puis il s'en va.
08:38Comme s'il avait envie d'être seul avec moi pour partir, c'était assez incroyable,
08:43mais ça s'est passé comme ça.
08:45Quand il part, ce n'est pas facile parce qu'il y a tellement d'émotions qui se mélangent en moi,
08:49il y a tellement de choses, on se remet en question et en même temps, ça va très vite après,
08:53c'est-à-dire que quelques minutes après, il y a les pompes funèbres qui arrivent,
08:56ils viennent avec leur boîte, le corps part.
08:59C'est assez dur comme expérience parce qu'il faut tout de suite enchaîner
09:03avec le lien avec la famille, le lien avec les obsèques, le lien avec tout ça.
09:09Étant le fils aîné, ayant pris dès le début les rênes de cette maladie et de tout ça,
09:17il fallait encore que je reste fort et que je sois l'organisateur de ce qui arrivait après.
09:22Et c'est ça qui est difficile, c'est qu'il faut faire abstraction de ce qui vient de se passer,
09:26ce qui est impossible, ça va très vite.
09:28Mon père voulait qu'à la cérémonie en plus, il me le disait à chaque fois,
09:31il voulait que je chante une de ses chansons préférées et c'était très compliqué,
09:35je ne voulais pas le faire du tout, mais c'était la volonté de mon père.
09:38Donc si vous voulez, quand vous êtes face à des gens, à la famille, à votre père,
09:45le cercueil etc. et qu'il faut en plus trouver la force de pouvoir chanter quelques phrases d'une chanson,
09:51tout ça c'était lourd, lourd à porter.
09:53En fait j'avais peur même de m'investir dans une association parce que j'avais peur de ce souvenir violent,
10:01j'avais peur que ça me fasse mal encore une fois, j'avais peur de retomber dans cette souffrance.
10:04Et donc je me suis dit à quoi bon faire ça puisque c'est pour te refaire du mal encore,
10:08ça ne sert à rien.
10:08Et grâce à l'écriture, grâce à ce témoignage, j'ai pu me libérer d'un poids
10:13et finalement faire comme une sorte de thérapie envers soi-même qui m'a fait beaucoup de bien.
10:18Et qui aujourd'hui d'ailleurs mon combat est plutôt dans l'espoir,
10:22parce que dans l'espoir de trouver des solutions, dans l'espoir de trouver du réconfort
10:25et de faire avancer les choses pour ceux qui sont malades.
10:27Donc aujourd'hui finalement cette expérience me donne la possibilité aujourd'hui
10:33d'essayer en tout cas de faire du bien aux autres.
10:35Qui sommes-nous pour refuser à une personne qui souffre de partir dans le respect et la dignité ?
10:40On n'est personne pour choisir du destin de quelqu'un qui souffre.
10:43Je pense que la loi doit vite évoluer dans ce sens.
10:46Quelqu'un qui souffre et qui est sûr de mourir, alors je dis bien qui est sûr de mourir.
10:50On a un diagnostic d'un médecin ou de plusieurs médecins qui nous disent que voilà,
10:55cette personne elle est condamnée, elle va mourir dans six mois, dans un an, dans deux ans.
11:00Et elle va souffrir en plus.
11:01Je pense qu'on doit donner la possibilité à la personne qui souffre,
11:05à la personne qui sait qu'elle est condamnée, de pouvoir mourir comme elle le souhaite,
11:09autour des gens qu'elle aime, d'une manière digne.
11:12C'est-à-dire qu'elle peut choisir, je pense, d'être sain d'esprit,
11:15de se dire je vais réunir ma famille et j'ai décidé de partir.
11:18Souffrir soi-même déjà c'est très très dur.
11:20Mais vous savez en plus que vous faites souffrir tous ceux qui sont autour de vous,
11:25qui n'ont pas les moyens de vous aider, puisqu'il n'y a rien.
11:29Pour certaines maladies il n'y a rien, il n'y a pas de remède, il n'y a pas d'arme, il n'y a rien.
11:32En fait c'est la double peine pour le patient qui souffre.
11:34Le seul regret que je peux avoir c'est de ne pas avoir pu trouver des solutions.
11:38Mais malheureusement on n'est pas magicien et la loi de la nature,
11:43la nature est plus forte que nous, c'est elle qui choisit effectivement.
11:46Peut-être que dans 30 ans on aura le traitement, le remède à ça, mais bon c'est comme ça.
11:51On apprend de chaque étape, de chaque expérience.
11:56Les gens partent mais ils sont toujours là quelque part, autour de vous, au-dessus de vous, à vous guider.
12:01Je sais que j'ai appris et j'ai compris aussi ce qu'était mon père après sa mort.
12:05Parfois il faut que les gens partent pour qu'on comprenne des choses,
12:07c'est triste, c'est malheureux, mais c'est la réalité des choses.
12:12D'avoir écrit ce livre, donc « Mon père, ma bataille »,
12:14m'a permis effectivement de me libérer de beaucoup de choses,
12:18de comprendre aussi pas mal de choses.
12:20Et surtout de dire que toutes les recettes de ce livre seront reversées à l'association Arsla,
12:24qui lutte contre la maladie de Charcot et dont je suis aussi aujourd'hui un ambassadeur parmi tant d'autres.
12:29Et j'espère que nous pourrons leur apporter un maximum de choses.

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