• il y a 2 ans
Placée très tôt dans une famille d’accueil, elle a subi la violence physique et psychologique de la part de toute la famille. Malgré des tentatives d’appels à l’aide, personne n’a bougé et son enfance lui a été volée. C’est grâce au théâtre que Sabine a pu trouver son échappatoire. Elle est aujourd’hui comédienne et c’est une belle revanche sur la vie.

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Amusant
Transcription
00:00 Quand on mangeait, il y avait une sorte de hiérarchisation.
00:02 Nous, on mangeait les restes.
00:03 Et avec ce garçon, on se battait pour savoir qui allait avoir la cuisse.
00:06 On pouvait se foutre des gifles pour un verre de coca.
00:08 Et ça les animait en fait, ça les faisait plaisir de voir qu'on se passait notre temps
00:11 à se battre pour de la bouffe.
00:13 J'en veux extrêmement à cette famille d'Akane.
00:14 Ma naissance a été un véritable tsunami.
00:18 Dans le sens où déjà ma mère, étant donnée qu'elle était malade,
00:21 elle avait des problèmes psychologiques.
00:23 Pour moi, elle était schizophrène.
00:24 Plus plus.
00:25 Elle était en incapacité d'élever des enfants.
00:27 Je suis née prématurée, donc je suis née à 35 semaines.
00:29 J'ai passé trois mois en couveuse parce que ma mère prenait énormément de médicaments
00:33 et elle fumait aussi.
00:34 J'étais extrêmement malade.
00:35 J'étais en sevrage.
00:36 C'est des vomissements à répétition, c'est des tremblements à répétition,
00:41 c'est des moments où tu passes ton temps à dormir.
00:44 Ça aurait pu être fatal.
00:45 Ensuite, j'ai passé deux semaines avec ma mère.
00:46 Au bout de la deuxième semaine, ma mère a craqué.
00:48 Elle a fait une tentative de suicide.
00:50 Elle s'est jetée dans le canal Saint-Martin à Paris.
00:53 Elle m'a laissée seule dans son appartement.
00:54 C'est une voisine qui a entendu mes cris.
00:56 Et à partir de ce moment-là, ma vie a changé.
00:58 Les services sociaux ont été contactés.
01:00 La décision a été prise qu'il fallait que je sois retirée des droits parentaux.
01:04 À l'âge de 6 mois, j'ai été placée en famille d'accueil.
01:06 J'ai été élevée jusqu'à mes 21 ans dans cette famille d'accueil.
01:09 À trois ans et demi, un nouveau garçon est arrivé dans cette famille d'accueil.
01:12 En vérité, ma vie a changé à partir de cet arrivé.
01:16 C'est-à-dire que l'importance que j'avais aux yeux de cette assistante maternelle
01:20 a littéralement disparu.
01:22 Son attention était concentrée sur lui
01:25 et en omettant ma présence de manière forte, irrévocable.
01:29 J'ai senti ce deuxième abandon comme un poignard dans le cœur.
01:32 Une fois que ce deuxième enfant est arrivé,
01:34 là, les violences ont commencé.
01:36 Ça a commencé par des insultes,
01:38 ça a commencé par des petits coups parce qu'on faisait des conneries.
01:40 On était souvent fermés dans notre chambre.
01:41 J'ai eu des gestes de violence vis-à-vis du mari, de la femme
01:45 et parfois aussi des enfants.
01:46 Souvent des gifles, beaucoup de fessées, des brimades.
01:50 Il y avait aussi une énorme différence entre ses propres enfants et nous.
01:53 C'est-à-dire que, par exemple, quand on mangeait,
01:55 d'abord il y avait une sorte de hiérarchisation,
01:57 c'est-à-dire que c'était le père qui mangeait en premier,
02:00 ensuite c'était les garçons qui mangeaient en premier,
02:01 ensuite c'était les filles, donc ses propres enfants,
02:03 et ensuite nous, on mangeait les restes.
02:05 Et avec ce garçon, on se battait pour savoir qui allait avoir la cuisse.
02:08 Boire un verre de Coca, c'était exceptionnel.
02:10 Donc on se battait même pour boire un verre de Coca.
02:12 On pouvait se foutre des gifles pour un verre de Coca.
02:14 Et ça les animait en fait, ça les faisait plaisir de voir
02:17 qu'on se passait notre temps à se battre pour de la bouffe.
02:19 Dès qu'on faisait une bêtise, on n'avait pas le droit de manger, on était puni.
02:21 Les insultes, c'était, par exemple, on m'insultait tout le temps de "Karloucha".
02:24 Et la "Karloucha", ça veut dire "la noire" en arabe.
02:28 "Alors la Karloucha, ça va ? Allez, va faire le ménage, Karloucha."
02:31 Donc je passais mon temps à faire la "Karlouche", quoi.
02:33 Aller faire le ménage.
02:34 Il parlait souvent l'arabe, donc j'ai appris à comprendre le berbère
02:36 au fur et à mesure des années.
02:38 Donc quand il parlait sur moi, je savais ce qu'il était en train de dire.
02:40 Mais c'était sale, c'était vraiment sale.
02:42 "La petite Karloucha, elle est issue d'une mère juive.
02:45 Son père, il est sorti avec une juive alors qu'il est musulman.
02:49 Elle est métisse. C'est une chétane. C'est une merde.
02:52 De toute façon, ce sera toujours une merde. C'est une bonne à rien.
02:55 Elle ne réussira rien. Elle ne fera rien de sa vie."
02:57 Ça, c'était leur lettre motive.
02:58 Donc au bout d'un moment, tu te dis, "Ouais, puisqu'ils le disent,
03:01 c'est que je suis une merde."
03:01 Toutes les semaines, j'avais des rendez-vous chez les psychologues.
03:03 J'ai été suivie pendant 12 ans par la même psychologue,
03:06 par la même psychothérapeute.
03:07 Je ne parlais pas, je ne disais rien.
03:09 Et les questions qui m'étaient toutes souvent posées, c'est,
03:11 "Est-ce que tu vas bien ?"
03:12 Je répondais souvent, "Oui", alors qu'en fait, ça n'allait pas.
03:14 Je ressentais la pression de cette assistante maternelle
03:17 qui me disait tout le temps, à chaque rendez-vous,
03:19 "Si tu dis quelque chose, tu auras affaire à moi.
03:21 Et tu verras la pression que tu vas recevoir."
03:22 C'est-à-dire les coups, tu vas les recevoir.
03:24 Je l'aimais cette femme, donc j'avais envie de l'aider.
03:26 Donc j'avais envie de dire, "Oui, c'était une femme merveilleuse,
03:30 une très bonne maman."
03:31 Et en fait, pas du tout.
03:32 Personne n'était au courant.
03:33 Quand j'allais à l'école, mes professeurs, ce qu'ils voyaient,
03:35 c'est juste le fait d'être une enfant turbulente.
03:38 J'avais trop de problèmes, en fait.
03:39 Fallait que je gère psychologiquement
03:42 cette violence que j'avais à l'intérieur de cette famille.
03:45 Et puis en plus, arriver dans un autre environnement
03:48 où les enfants sont "normaux", quoi.
03:51 Et de voir cette normalité, de se dire que, en fait,
03:54 je ne vis pas la même chose.
03:55 En primaire, par exemple, ça a été dix fois plus difficile aussi,
03:58 parce qu'à l'école, je n'arrivais pas à me concentrer.
04:00 Parce que les cris à la maison étaient prédominants.
04:04 Les coups aussi, les insultes, les violences, les punitions.
04:09 Mais il ne se posait pas la question de se dire,
04:12 "Ah bah, en même temps, elle a eu un parcours difficile,
04:14 c'est aussi pour ça qu'elle est comme ça,
04:15 il faudrait peut-être essayer de la prendre autrement,
04:18 de l'accompagner de manière différente, etc."
04:20 Ce qu'il ne s'est jamais fait, c'était plutôt,
04:22 "Bon, elle est chiante, cette fille.
04:23 Elle nous casse la tête quand même."
04:25 Il faut savoir que quand un enfant est placé en famille d'Aïka,
04:27 à cette époque-là, c'était 15 000 francs par enfant.
04:30 Donc maintenant, aujourd'hui, c'est 1 500 euros par enfant.
04:31 C'est la poule aux odeurs.
04:33 Nous, nous étions, avec cet autre garçon,
04:34 nous étions vraiment la poule aux odeurs.
04:36 À l'âge de 12 ans, je me posais des questions sur l'argent.
04:38 Parce que cette femme, durant ses 12 premières années,
04:40 on ne se lavait pas.
04:41 La manière de s'habiller aussi était extrêmement pauvre.
04:45 Elle disait toujours qu'elle n'avait pas d'argent.
04:47 Je pouvais porter, par exemple, trois jours la même culotte,
04:49 deux jours le même t-shirt.
04:51 Pour moi, ça me paraissait totalement normal.
04:53 Donc il y a ce questionnement qui arrive, où je me dis,
04:55 "Mais je ne comprends pas, cette dame me dit
04:57 qu'elle a des problèmes d'argent,
04:58 mais en même temps, mon éducatrice me dit qu'elle gagne tant."
05:01 Donc ça veut dire quand même qu'elle est riche.
05:03 "Où va cet argent ? C'est elle qui gérait cet argent."
05:05 Et en plus de ça, on avait aussi tous les six mois
05:08 300 euros tous les semestres pour nous habiller.
05:10 Elle récupérait cet argent aussi.
05:12 Et elle faisait semblant de dire,
05:13 "Tiens, on va t'acheter un petit pantalon,
05:14 on va t'acheter ci, on va t'acheter ça."
05:15 Mais le reste, elle le gardait.
05:16 Elle dit, "T'inquiète pas, ce sera pour les prochains mois."
05:19 Mais en fait, on ne voyait jamais cet argent.
05:21 J'ai eu un déclic et je me dis,
05:22 "Là, il y a un véritable problème, ça ne va pas du tout."
05:23 À 15 ans, je pète un câble,
05:25 je vais voir mon ancienne éducatrice
05:26 et je lui dis, "Il faut que je te parle."
05:27 Parce que là, je me faisais tellement taper dessus
05:29 par le père, par la mère, par les frères, par la sœur.
05:33 En plus, Diac, parfois, on se battait aussi ensemble.
05:35 Mais maintenant, je comprends pourquoi on se battait,
05:37 c'est parce qu'on avait tellement envie
05:38 d'avoir l'approbation de cette famille
05:40 qu'on se battait pour savoir qui aura le meilleur amour,
05:42 qui recevra l'amour de ces gens-là, en fait.
05:44 On ne l'a jamais reçu.
05:45 À 15 ans, je finis par prendre mon courage à deux mains
05:48 et je vais voir cette éducatrice et je lui raconte tout.
05:50 Elle ne me croit pas.
05:51 Elle me dit, "Ce n'est pas possible, Samine."
05:53 Ça veut dire que pendant les 15 années où on t'a suivie,
05:55 les 12 années où on t'a suivie, il s'est passé tout ça ?
05:57 Je lui dis oui.
05:58 Et elle me dit, "Mais pourquoi tu ne nous as rien dit ?
06:00 Ce n'est même pas à moi de vous le dire,
06:01 ça vaut de le voir, en fait.
06:03 Vous n'avez pas été suffisamment bon,
06:04 je ne sais pas, formé dans la psychologie
06:06 et à un moment donné, il faut le voir."
06:08 Le lendemain, elle a pris la décision d'en parler
06:10 à toute l'équipe thérapeutique.
06:11 Et la décision a été irrévocable,
06:13 elle s'est fait virer de ce travail-là.
06:15 Donc, elle a perdu son premier taf.
06:16 J'ai eu une première victoire.
06:18 Sauf que quand elle l'a su, le lendemain,
06:20 je me fais littéralement défoncer par cette femme.
06:23 Elle me prend des claques, elle me dit que j'étais
06:25 une grosse connasse, que je l'avais trahi à cause de moi,
06:28 elle avait perdu de l'argent.
06:30 Et donc, à partir de ce moment-là, la vengeance,
06:32 elle a été terrible vis-à-vis de cette femme.
06:34 Elle ne m'a pas lâchée.
06:35 C'est que c'était des punitions sur punitions
06:37 sur punitions sur punitions sur punitions.
06:39 Mais elle continuait quand même à travailler
06:40 à l'aide sociale à l'enfance.
06:41 J'ai essayé de dénoncer auprès de l'aide sociale à l'enfance.
06:44 C'était juste, mais pas possible.
06:46 C'est-à-dire qu'elle avait deux boulots,
06:47 elle travaillait au centre thérapeutique,
06:48 donc elle pouvait accueillir des enfants
06:50 grâce à ce centre thérapeutique.
06:51 Et en même temps, elle travaillait aussi
06:53 avec l'aide sociale à l'enfance.
06:54 Je me disais, il y a un truc qui ne va pas.
06:55 Donc, je fouillais partout.
06:55 Donc là, j'ai découvert des choses de chaque enfant.
06:58 Et je vais dans la chambre de cette assistante maternelle.
07:01 Je vais vraiment fouiller dans toute sa chambre.
07:03 Et à un moment donné, je tombe sur une boîte.
07:05 Je dis, ah tiens, j'ouvre la boîte
07:06 et je vois qu'il y a plein de papiers.
07:07 Et moi, je suis dans mon intérêt, je me dis,
07:09 peut-être qu'il y aura des choses sur moi,
07:11 peut-être que je vais découvrir des trucs et tout.
07:12 Et en fait, ce que je vois en dessous de la boîte,
07:15 je fais ça, je dis, mais c'est quoi ça ?
07:17 Je le sors et c'était lourd.
07:18 Et là, je vois des liasses de billets.
07:20 Mais des liasses et des liasses de billets.
07:22 Donc, il y avait trois étages de liasses de billets comme ça.
07:25 Clac, clac, clac.
07:27 Des milliers d'euros cachés dans une boîte.
07:29 Et là, je me dis, mais putain, mais quel connasse.
07:32 La meuf, elle dit qu'elle a pas de chum depuis des années.
07:35 Elle nous prive de tout.
07:36 Mais dans cette boîte, il y a tout cet argent.
07:38 Et là, je me dis, ah ouais.
07:40 Et c'est comme ça que j'ai décidé aussi de dénoncer
07:42 auprès de l'aide sociale à l'enfance en disant,
07:44 mais il y a un problème.
07:44 En fait, tout l'argent qui nous est dû,
07:46 en fait, on n'a jamais vu la couleur.
07:48 Bien évidemment, on ne croit toujours pas.
07:49 Que ce soit mon éducatrice et que ce soit ma psychologue,
07:52 elles n'ont rien vu.
07:52 Je remercie cette prof que j'ai rencontrée,
07:55 mais je crois que dès la première fois où je l'ai vue,
07:57 j'en suis tombée littéralement...
07:59 Quand je dis amoureuse, c'est,
08:00 enfin, je veux dire amicalement, quoi.
08:02 J'ai été tout de suite attirée par cette femme.
08:04 Et au bout de quatre, cinq mois,
08:06 je me suis dit, il faut que j'aille lui parler.
08:07 Et donc, j'ai été voir cette femme.
08:08 Je lui dis, je pleurais.
08:09 Et je lui dis, il faut que vous m'aidiez.
08:11 J'ai envie de me suicider.
08:11 Elle me dit, mais attends, mais Samy,
08:12 mais qu'est-ce qui se passe ?
08:13 J'ai envie de mourir.
08:14 Et donc là, je lui raconte tout ce que je subis
08:16 dans cette famille d'accueil.
08:16 Elle a les yeux, le regard qui est complètement...
08:19 Enfin, elle est stoïque, quoi.
08:21 Sidérée.
08:21 Elle me dit, mais Samy, je ne peux rien faire.
08:23 Je dis, déjà, juste d'être avec moi, de m'écouter,
08:25 ça va beaucoup m'aider.
08:26 Et en plus, moi, à cette époque,
08:27 il faut savoir aussi que j'ai envie de faire du théâtre.
08:28 Donc, ce qui me tenait, c'était le théâtre.
08:30 Et la chance que j'ai eue, c'était en arrivant dans ce lycée.
08:33 J'arrive dans ce lycée, et puis sur le mur,
08:35 il y a une petite affiche avec Atelier Théâtre.
08:37 Donc là, j'ai joué toutes les semaines dans cet atelier.
08:39 C'était mon échappatoire.
08:40 Et quand j'ai décidé à 16 ans de vouloir être comédienne,
08:43 alors là, ça a été...
08:45 Dans la famille d'accueil, mais putain, mais t'es noire,
08:46 tu crois vraiment que tu vas réussir à être comédienne ?
08:48 Je me dis, mais...
08:48 Ah, parce que je suis noire, je ne vais pas réussir à être comédienne ?
08:51 Écoute-moi bien, tu me dis ça là,
08:53 rappelle-toi bien de cette petite phrase.
08:54 Parce que sur la tête de ma mère, je vais devenir une star.
08:57 Je ne suis pas réussie à devenir une star,
08:58 mais moi, j'ai réussi à devenir comédienne, déjà, c'est déjà bien.
09:01 Et je me dis, il faut que j'aie mon bac.
09:02 C'est le seul moyen de pouvoir faire mon métier de comédienne,
09:04 donc j'ai tout fait pour avoir mon bac.
09:05 Et à 21 ans, j'avais déjà préparé mes sacs depuis l'âge de 18 ans,
09:08 parce que je savais que j'allais jeter sur le départ.
09:09 Je me suis fait littéralement jeter dehors,
09:11 parce que j'étais avec un pote dans la cave,
09:13 qui était mon voisin et qu'on se connaît depuis 20 ans.
09:16 Je ne suis restée même pas 10 minutes,
09:18 mais j'ai été insultée de sale pue, de grosse merde, etc.
09:20 Je rentre, il prend mes sacs, il les vire,
09:22 et là, je me retrouve à la rue.
09:23 Donc j'ai mes pauvres sacs là, avec moi.
09:25 Je me dis, mais qu'est-ce que je fais ? J'ai 21 ans.
09:27 J'appelle mon amie Manu pour lui dire,
09:29 est-ce que je peux venir chez toi ?
09:30 Elle me dit, bah non, là, c'est min...
09:31 Malheureusement, mon père nous a grillés,
09:33 donc tu ne peux plus squatter à la maison,
09:34 parce que je dormais en cachette chez elle, en fait.
09:36 Son père n'était pas au courant.
09:37 Et donc là, j'appelle une autre copine,
09:39 qui avec toute sa générosité et avec le peu d'aide qu'elle pouvait,
09:42 m'a filé de la thune.
09:43 Elle m'accompagnait à l'hôtel,
09:44 donc j'ai passé deux jours à l'hôtel.
09:45 Heureusement, j'ai trouvé un boulot.
09:46 À ce moment-là, je parle de mes problèmes à des profs de ce lycée.
09:50 Il y a une prof qui m'accueille,
09:51 donc cette prof de sport qui m'a accueillie pendant trois jours,
09:53 Patricia.
09:54 Ensuite, il y a une autre prof de français
09:58 qui m'accueille pendant deux mois et demi dans son appartement.
10:01 Et ensuite, une autre prof qui m'accueille deux mois et demi
10:03 dans son autre appartement.
10:04 Et ensuite, durant mes 21 ans jusqu'à mes 30 ans,
10:08 j'étais sans domicile fixe,
10:09 donc je squattais d'appartement en appartement.
10:11 Et à chaque fois, à un moment donné, on me jetait dehors
10:13 parce qu'ils avaient besoin de place ou etc.
10:15 Les gens profitaient aussi de ma position de faiblesse.
10:18 Donc en termes de générosité, c'est de la fausse générosité.
10:21 Je suis généreuse avec toi,
10:22 mais il va falloir que tu me refiles le double de ce que je t'ai donné.
10:24 Donc je ne me sentais jamais à ma place.
10:26 Je me sentais constamment redevable,
10:27 comme je l'ai été auprès de cette famille d'accueil.
10:29 Et là, donc en plus, au moment où je pars de cette famille d'accueil,
10:33 deux mois après, la chance fait que je décroche un premier rôle
10:36 dans une série à succès.
10:37 Et puis au fur et à mesure des années, j'ai beaucoup tourné.
10:40 Il faut savoir que ma mère est décédée entre mes 26 et mes 27 ans.
10:42 Et six mois avant, j'ai eu une sorte de fulgurance en me disant
10:47 qu'il faut que je lui écrive une lettre et que je lui demande pardon,
10:49 parce que je me suis trompée.
10:50 Le plus gros des regrets, c'est d'avoir focalisé mon amour
10:52 sur cette assistante maternelle,
10:54 en oubliant que ma mère, elle a déjà la décision
10:57 de m'avoir abandonnée.
10:58 Pour moi, c'était le geste ultime où elle m'a sauvé la vie.
11:00 Je pense que si j'avais vécu avec elle,
11:02 je ne sais pas si je serais en train de vous parler aujourd'hui.
11:04 Mais pendant ces 20 dernières années, même 30 dernières années,
11:08 je l'ai haï parce que je ne comprenais pas sa maladie.
11:11 J'aurais voulu être...
11:13 Je me rappelle parce que quand je suis venue dans sa chambre
11:15 à l'hôpital où elle était,
11:17 elle avait le petit article avec moi sur la photo de la série
11:20 dans laquelle j'avais tourné et elle l'avait gardée.
11:22 Et elle parlait tout le temps de moi, sa fille, sa fille, sa fille.
11:25 Et au moment où je lui ai écrit une lettre,
11:27 je lui ai dit que je l'aimais,
11:28 là c'était trop tard et je ne suis même pas sûre
11:30 que les médecins lui aient remis cette lettre.
11:32 Mon père, ça a été la même chose aussi.
11:34 À cause de cette famille,
11:35 ils m'ont tellement embolisé que j'ai eu du mal à créer
11:37 cette famille avec tous mes vrais membres.
11:40 Mon père, je lui en ai beaucoup voulu
11:41 parce qu'il n'était pas suffisamment présent pour moi.
11:43 En plus, il avait sa famille, même si on se voyait souvent.
11:45 Et un jour, il y a une dizaine d'années, il a failli mourir.
11:49 Il a eu un accident vasculaire.
11:50 Et je lui ai dit, sur son lit d'hôpital,
11:52 il avait un bon ventre, il était bien portant,
11:56 il était magnifique.
11:57 Mon père, c'est mon père, je l'aime de ouf.
12:00 Je lui ai dit, écoute papa,
12:02 par rapport à ce qui s'est passé avant,
12:03 certaines trahisons que tu as eues,
12:05 c'est soit on récupère, on essaie de créer un lien perfi,
12:08 ou soit c'est mort, tu ne me verras plus jamais.
12:10 Il a eu l'alarme aussi, il m'a dit "mais tu es ma fille, je t'aime trop".
12:12 On était là, il ne me voyait pas à travers la télé,
12:15 il m'appelait, on se voyait des petits cafés.
12:17 Et il y a deux ans, le Covid arrive
12:20 et mon père est mort au tout début de la pandémie.
12:23 Ça a duré sept jours.
12:24 Et aujourd'hui, je suis orpheline,
12:27 je n'ai quasiment plus de famille,
12:28 enfin, à part du côté de mon père.
12:31 C'est difficile et j'en veux extrêmement à cette famille d'accueil.
12:33 J'en veux au système aussi.
12:35 J'en veux à ce système de protection de l'enfance.
12:38 Ils ne savent pas gérer quand tu sais qu'il y a 40% des sans-abri,
12:42 c'est des personnes issues de l'aide sociale à l'enfant.
12:44 En termes de construction, aujourd'hui, je suis épuisée.
12:46 Vraiment, je suis épuisée.
12:48 Je suis en train de lâcher prise
12:49 et ça me fait du bien de pouvoir le raconter maintenant
12:51 et de ne plus avoir ce besoin de le faire plus tard,
12:53 de ne plus avoir besoin de me justifier en fait.
12:56 De pouvoir faire mon métier de comédienne comme j'ai envie de le faire,
12:59 de crier au fort que je suis une putain de lesbienne aussi
13:01 parce que je me suis tchue par rapport à ça,
13:03 parce qu'être lesbienne en tant que comédienne,
13:05 ce n'est pas bon, etc.
13:06 Ben voilà, je suis lesbienne.
13:07 Et alors ?
13:08 Je suis métisse, je suis une femme,
13:09 je suis juive, je suis musulmane.
13:11 Je cumule toutes les tards possibles et imaginables avec ma seule personne
13:14 et je me dis que je suis encore vivante.
13:16 Là, je pleure, mais...
13:17 Mais ouais, je suis fière.
13:19 Là, ce que je suis en train de faire aujourd'hui,
13:20 j'ai mis quasiment 33 ans avant de passer ce cap-là.
13:25 Si je ne l'avais pas fait aujourd'hui, je pense que j'aurais eu...
13:27 Ça aurait été...
13:29 C'était soi, aujourd'hui ou jamais.
13:31 Et j'ai eu peur pendant tout le trajet
13:33 et je me dis que ce que tu es en train de faire là Sabine,
13:35 c'est extrêmement bien, mais sois fière.
13:37 C'est même meilleur que d'avoir décroché mon premier rôle à la télé.
13:41 Et je vous remercie aussi, vous, d'avoir créé ce média,
13:45 d'avoir créé cette initiative.
13:46 Et j'espère qu'il y aura d'autres personnes qui viendront
13:48 et parleront de leur histoire.
13:50 Et que les gens sachent que tout le monde a des problèmes.
13:53 Tout le monde a une vie bordélique et tout le monde peut s'en sortir.
13:56 [Générique]
14:01 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
14:04 [SILENCE]

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