• il y a 2 ans
Comment imaginer qu’après une soirée alcoolisée, la personne que nous aimons puisse s’ôter la vie sous nos yeux ? Un événement aussi brutal qu’inattendu qui ne laisse derrière lui que de la souffrance. Face à une peine aussi profonde, les émotions se mélangent, oscillant entre la colère et la culpabilité.

C’est l’écriture qui a permis à Elodie de se sauver de cette réalité. À mi-chemin entre la fiction et l’autobiographie, elle est venue nous parler du livre qui raconte son parcours et rend hommage à cette grande histoire d’amour.

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Son livre " Les princes charmants ne savent pas voler " est disponible partout : https://www.lisez.com/livre-grand-format/les-princes-charmants-ne-savent-pas-voler/9782809846058

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Amusant
Transcription
00:00 Je m'attends qu'elle va m'emmener aux urgences, mais...
00:02 Moi j'ai qu'une envie, c'est me jeter sous la première bagnole.
00:04 Et là on m'emmène dans une chambre, les fenêtres sont fermées à clé,
00:07 et je vois des sangles sous le lit, et je me dis "Oh la la, mais qu'est-ce que c'est que ça ?"
00:11 Je me dis "En fait on va m'attacher à une meurtrière, c'est moi qui l'ai tuée,
00:14 pourquoi on m'enferme ?" parce que j'étais trop dangereuse pour moi-même en fait.
00:18 Il y a 6 ans environ, j'ai rencontré un homme sur une plage
00:21 pendant que j'étais en vacances avec des copines en Thaïlande.
00:24 On était partis là-bas se reposer, faire la fête, enfin voilà. Et un soir, je me fais aborder sur la plage
00:31 par un homme qui était très très beau, qui me plaisait beaucoup,
00:34 et il se met à me parler, et on commence à discuter.
00:37 Puis on flirte un peu, j'avais eu un bon coup de cœur, mais en même temps,
00:40 on est à l'autre bout du monde, on se dit "Bon de toute façon cette relation n'est pas une relation,
00:44 ça ne mènera à rien." Et puis on change d'île avec mes copines.
00:48 C'est la fête de la full moon, avec des milliers de personnes.
00:51 On est toutes les deux avec ma copine, et d'un coup, elle m'attrape le bras.
00:54 Je lui dis "Ben quoi, qu'est-ce qu'il y a ?" Et là, elle me retourne,
00:57 et là, je me retrouve face à cet homme, Casper.
01:00 De se re-rencontrer, c'est... Franchement, c'était improbable.
01:04 On repasse 2-3 jours ensemble, voilà, on sent que tous les deux,
01:07 il y a vraiment quelque chose qui s'est passé entre nous, mais bon voilà, il habite en Allemagne.
01:11 J'habite à Paris, les paysages ici, je suis comédienne,
01:14 deux univers complètement différents, deux pays différents.
01:18 On se dit au revoir, on est un peu tristes, mais bon voilà, c'est la vie,
01:21 chacun doit reprendre son chemin.
01:24 Moi, je rentre à Paris, lui il rentre en Allemagne, et puis on échange nos Facebooks quand même.
01:27 Et puis il arrive à Paris, et ben, il commence à me parler,
01:32 moi aussi, on discute, on discute, une journée, deux journées,
01:36 et puis on se fait un FaceTime, on se voit avec nos caméras,
01:38 et puis tous les jours, tous les jours, on commence à parler.
01:40 Et là, il me dit "Est-ce que tu veux que je vienne à Paris ?"
01:42 Et là, je me dis "Oh là là, je l'ai rencontré en Thaïlande, il est rentré chez lui en Allemagne,
01:46 il me propose de venir à Paris, et il se trouve qu'on est tombés fous amoureux, mais vraiment..."
01:51 Et donc il vient à Paris, et là, ça a été le début d'une grande, grande, grande histoire d'amour.
01:55 Il venait tous les 15 jours à Paris, ça a été ça pendant 8 mois.
01:59 On est allé à Lyon, j'allais chez lui, il m'avait présenté sa mère, son père, son frère,
02:03 lui c'était un homme qui aimait la vie plus que tout, il aimait beaucoup faire la fête,
02:09 on faisait beaucoup la fête ensemble.
02:11 On a voyagé, on a été au Portugal, après avec une copine, on a rejoint un copain lui à Berlin,
02:15 on a été à Amsterdam, enfin on a fait plein de choses ensemble.
02:18 On sentait que l'avenir n'était pas forcément évident, évident, dans le sens où on ne parlait pas la même langue,
02:23 on n'habitait pas le même pays, et on essayait de mettre des choses en place petit à petit.
02:26 Et l'hiver est arrivé, et vu qu'il est paysagiste, lui il était paysagiste à son compte,
02:32 c'était un bosseur de dingue, mais le week-end, voilà, le week-end, il y avait un côté lâchage,
02:36 c'est-à-dire que c'était la fête, arrivé le vendredi soir, c'était on fait la fête, on sort, on rigole, on boit.
02:43 Il était d'origine polonaise, donc il tenait bien l'alcool, il levait bien, il fait bien le coup.
02:48 Voilà, jusque-là, moi, tout me paraissait normal.
02:50 On n'était pas dans un quotidien normal.
02:52 Et donc quand l'hiver est arrivé, il m'a dit "Bah écoute, si tu veux, moi je viens m'installer à Paris,
02:57 chez toi, le temps de l'hiver, parce qu'il n'y a pas de travail pour moi l'hiver,
03:00 les gens ne se quepent pas trop de leur jardin, donc là, génial, parce qu'il faut amoureux,
03:04 plus besoin de se quitter, plus besoin de pleurer à l'aéroport, on était super heureux.
03:08 Donc ça, il m'annonce ça fin septembre.
03:11 Et un week-end, où c'était pas prévu pour une fois, il débarque et puis, donc il vient à la maison.
03:17 J'ai une copine qui me dit "Ah, il est là, ton chéri, depuis le temps que tu me vaccines avec lui,
03:21 que tu m'empeintes, j'ai trop envie de le rencontrer, venez à la maison".
03:24 Et là, on se fait un petit apéro, on discute, on rigole, on fait connaissance,
03:29 tout le monde parle anglais, tout le monde fait l'effort de parler anglais.
03:31 Et elle me dit "Oh là là, mais il est génial, il est génial ton chéri, t'as raison,
03:35 il faut amoureux de toi, ça se voit". On se dévorait des yeux.
03:38 Voilà, on avait plein de projets, on commençait à parler de plein de choses ensemble.
03:43 Et on passe la soirée, et on boit un verre, deux verres, trois verres.
03:46 Et puis là, je vois qu'il commence à être un petit peu chaud, le pépère.
03:50 Il commence à passer derrière la saune d'eau, à monter le son.
03:53 Une fois, puis c'était dimanche soir, c'est Paris, c'est dimanche, tranquille.
03:56 Et donc à un moment, je lui dis "Bon allez, vas-y, on y va, on prend mon scooter".
04:00 Il vautrait littéralement sur mon dos, je conduis, il me donne des coups de casque, des chevrets.
04:06 Il est vraiment, mais comme une logue quoi, complètement boué.
04:09 Je ne l'avais vraiment pas vu comme ça depuis très longtemps.
04:12 Et on arrive chez moi, voilà, j'ouvre la porte.
04:15 Et quand j'arrive au troisième étage, devant ma porte, il est assis par terre,
04:19 comme ça, il me dit "Oh mon amour, je t'aime, épouse-moi, tu es merveilleuse, tu vois, ok d'accord,
04:23 allez vas-y, hop, on rentre, tu vas te coucher direct".
04:26 Et là, j'ouvre la porte de chez moi, donc il passe devant moi,
04:29 j'allume la lumière, et puis j'allume la lumière,
04:32 et je me retourne, et quand je me retourne, il saute par la fenêtre.
04:35 Voilà.
04:37 Ça m'émeut encore à chaque fois que j'en parle, parce que, parce que voilà.
04:40 Enfin, ça va très très vite.
04:42 Donc, mais vraiment, on venait d'arriver, on venait d'arriver, il ne s'est rien passé d'autre.
04:46 J'ai juste ouvert la porte, il m'a devancé, j'ai juste eu le temps d'allumer la lumière,
04:50 et quand je me suis retournée, je l'ai vu sauter par la fenêtre.
04:53 La fenêtre était ouverte parce qu'on avait fumé des cigarettes avant de partir,
04:56 et moi je déteste l'odeur de cloche dans mon appartement.
04:59 Donc, j'avais arrêt, tout simplement.
05:01 Donc là, bah j'accours, je cours à la fenêtre, et là je le vois en bas,
05:05 et là, ça va très vite.
05:06 Mon cerveau vit en même temps, je ne suis pas là choquée à me dire "qu'est-ce que je fais",
05:09 mon cerveau ça vit, donc je chope mon téléphone portable,
05:11 je descends les trois étages en courant, mais je n'ai jamais eu couru aussi vite de ma vie.
05:15 J'appelle les pompiers, et là je me trouve, mais en moitié inconsciente,
05:19 en tout cas, il ne pouvait plus parler, il y avait énormément de sang qui sortait de sa tête.
05:23 Et donc j'appelle les pompiers, j'essaie de parler tant bien que mal.
05:26 Lui, je lui parle en anglais, je lui dis "réponds-moi, réponds-moi, réponds-moi,
05:29 tu m'entends, tu m'entends", et là, j'entends sa respiration très très faible.
05:34 Les sirènes et tout, "bah bah bah bah bah", ça va vite, les flics qui me disent
05:37 "on monte chez vous, il faut qu'on monte chez vous, qu'on voit l'appartement",
05:40 je me dis "t'es hors de question que je le laisse au sol, je voulais rester avec lui".
05:43 Je devenais dingue, à ce moment-là, je devenais hystérique.
05:45 Je crie, je crie, je leur dis "non, non, machin", je...
05:47 Enfin, tu te dis "mais qu'est-ce qui se passe ?"
05:49 Et puis il était inconscient, enfin, il parle pas français, enfin bon, bref.
05:52 Et donc je suis obligée de monter avec les flics dans mon appartement,
05:55 parce qu'ils voulaient constater, voir si on s'était battus ou autre,
05:58 parce que c'est quand même très curieux ce qui s'était passé.
06:00 Là, ils me disent "bon, on l'emmène à l'hôpital, on m'emmène dans le camion de pompiers",
06:03 et là, à partir du moment où je suis montée dans le camion de pompiers,
06:06 je me suis complètement éteinte, c'est-à-dire que d'un coup,
06:08 je me suis retrouvée dans l'anéthos, ça fait "pfff", comme ça.
06:12 Donc ils m'emmènent à l'hôpital, et là, je sors du camion de pompiers,
06:15 j'arrive plus à marcher, j'arrive plus à parler, j'arrive plus à rien.
06:18 C'est comme si je venais de me prendre une massue sur la tronche,
06:21 mais un truc, mais d'une vieille...
06:24 Donc je me mets à regarder le sol, donc à avoir le regard vers le bas,
06:27 et ne plus parler. Donc ils me demandent "j'arrive à l'hôpital, comment vous vous appelez ?"
06:30 "Pfff, rien."
06:32 Je vois juste mon amie, qui est là, qui attend, qui me cherche, et tout,
06:36 et on se tombe dans les bras l'une de l'autre, on pleure.
06:38 Et là, il y a un médecin qui arrive, qui rentre dans cette espèce de boxe lugubre,
06:43 où on attend depuis des heures que personne ne nous donne des nouvelles,
06:46 et il vient, il s'assoit face à moi,
06:49 et là, je sentais qu'il y avait un truc de formel,
06:51 et moi qui étais toujours comme ça depuis très longtemps,
06:54 même mon amie, je ne pouvais pas la regarder,
06:56 là, je trouve le courage, je sais qu'il est en face de moi,
06:59 qu'il a quelque chose à me dire, et là, je lève les yeux,
07:01 tout doucement, pour la regarder, et là, il me dit "Mesdemoiselles, votre mari est décédé."
07:06 C'était absolument pas mon mari, je ne sais pas pourquoi il a dit ça,
07:09 il a prononcé ces mots-là.
07:10 Et là, je suis de l'hystérie, je me suis mise à hurler,
07:13 à taper sur les murs, à me rouler au sol,
07:16 à me recroqueviller, et le mec se barre.
07:19 Il sort du boxe, il me laisse avec mon amie,
07:21 qui est complètement décompensée, qui est elle aussi en souffrance,
07:24 parce que c'est quelqu'un de très proche,
07:25 et qui se retrouve à me calmer, à me canaliser,
07:28 qui me serre dans ses bras, qui me dit "Arrête, tu vas te faire mal, tu vas te faire mal,
07:31 calme-toi, calme-toi."
07:32 Bref, donc Casper est décédé, de cette façon.
07:35 Donc ça a été un choc incroyable.
07:38 Et là, les premiers mots que j'ai réussi à dire, c'est "Je veux le voir."
07:41 Je le vois allongé sur cette table, mort,
07:44 et là, il y a tout qui s'effondre.
07:47 Là, il y a tout qui s'effondre,
07:49 là, tu te prends la réalité dans la gueule.
07:51 Donc je le vois, je lui parle, je l'embrasse,
07:54 je lui dis que je l'aime,
07:56 enfin voilà, je passe mon temps à pleurer, évidemment,
07:59 et là, je lui dis,
08:01 parce que je sais que c'est l'alcool qui l'a tué à ce moment-là,
08:03 et je lui dis "Je ne boirai plus jamais une goutte d'alcool de ma vie, plus jamais."
08:07 Parce que je sais que c'est ça qui l'a fait briller.
08:09 À aucun moment, il a cherché à se jeter,
08:11 c'était un mec qui aimait trop la vie, qui aimait trop...
08:13 C'était un chien fou, Casper, c'était un chien fou quand il sortait,
08:16 mais il aimait la vie plus que tout,
08:18 il était passionné par son métier,
08:20 c'est juste qu'il a eu un court-circuit,
08:23 il a eu un truc, j'en sais rien, donc je lui ai dit ça.
08:25 Et on nous dit à l'hôpital, "Bon bah merci, merci, au revoir,
08:28 vous pouvez rentrer chez vous."
08:30 Comme ça, hein.
08:31 Et mon ami il dit "Mais attendez, je comprends pas, vous la gardez pas ?"
08:34 "Non, non, on fera rien de plus, vous pouvez la ramener."
08:37 "La ramener, ok. Vous voulez lui donner par médicament, quelque chose ?"
08:40 "Ben si vous voulez, on lui fait une ordonnance."
08:42 Enfin, c'est...
08:44 Bon voilà, donc ils me font une ordonnance avec des calements,
08:48 parce que mon ami l'a demandé, en fait.
08:50 Et donc on va à la pharmacie,
08:52 moi je suis dans le taxi, on prend un taxi,
08:54 mais alors moi à ce moment-là, je marche,
08:56 mais je ne parle plus, je ne lui parle pas,
08:58 j'ai le regard baissé,
08:59 et elle me gère comme si j'étais une enfant de deux ans.
09:02 Je refuse cette réalité, ça ne peut pas exister,
09:04 je ne veux pas que ça existe.
09:06 Donc je ne parle plus, et je ne regarde plus personne.
09:08 Et donc elle dort à côté de moi en me tenant le bras,
09:11 parce que j'étais tellement dans un état second qu'elle se dit
09:15 "Qu'est-ce qu'elle va faire pendant que je dors ?
09:17 Si je m'endors trop profondément, qu'est-ce qu'elle va faire ?"
09:20 Et au bout d'un moment, moi je vois qu'elle dort vraiment,
09:24 je dors un petit peu forcément avec le médicament,
09:26 et je me réveille, donc je me lève,
09:28 je vais dans son salon,
09:30 et là je me mets à chercher la boîte de médicaments.
09:32 Je prends tout, je prends toute la boîte,
09:34 je vide tous ces tiroirs, la cuisine,
09:37 je vais dans la salle de bain,
09:38 je regarde dans son sac à main, dans son manteau,
09:41 et évidemment je ne le trouve pas,
09:42 et j'en trouve juste un, posé en évidence,
09:45 sur un post-it dans la salle de bain,
09:47 avec un petit mot écrit "Au cas où si tu as besoin, je t'aime"
09:50 Elle en avait laissé un,
09:52 parce qu'elle savait,
09:54 elle savait forcément ce qui se passerait si je trouvais la boîte.
09:57 J'avais juste envie de mourir à ce moment-là,
09:59 je ne voulais pas de cette vie,
10:01 non non, mon objectif c'était comment je vais le rejoindre.
10:03 Je savais qu'il était là, qu'il m'attendait,
10:05 enfin tu parles dans un délire.
10:06 Du coup, je la vois qui passe des coups de téléphone devant moi,
10:10 mais j'entends à peine, en fait,
10:12 parce que je suis tellement fermée dans ma bulle,
10:13 mais je sais qu'elle parle de moi,
10:15 qu'elle cherche une solution, quoi faire,
10:17 et elle vient vers moi,
10:18 elle se met accroupie devant moi comme une enfant,
10:21 "Je vais t'amener à l'hôpital,
10:22 il faut que tu sois pris en charge par des professionnels,
10:24 je ne peux pas m'occuper de toi,
10:25 je comprenne soin de toi, tu ne vas pas bien,
10:27 il faut que tu te fasses aider."
10:28 J'entends qu'elle va m'emmener aux urgences,
10:30 mais ça n'a aucun symbole pour moi.
10:32 Je me laisse faire, parce qu'en fait,
10:34 moi j'ai qu'une envie,
10:35 c'est de me jeter sous la première bagnole.
10:37 Mes pensées sont invivables,
10:38 tout est pesant et lourd.
10:40 On part en taxi aux urgences psychiatriques à Saint-Anne,
10:43 et là on me demande comment je m'appelle.
10:45 Impossible, je ne réponds pas.
10:47 Donc là, on me donne beaucoup de médicaments,
10:49 on me fait faire une petite cure de sommeil quand même,
10:51 on me donne du Valium, des machins,
10:52 enfin vraiment, beaucoup de choses.
10:54 Et là, on m'accompagne dans une chambre,
10:56 je ne parle toujours pas,
10:57 on me déshabille en plus,
10:59 on m'enlève tous mes bijoux,
11:00 tous mes vêtements,
11:01 toutes mes affaires personnelles,
11:03 on met ça dans une espèce de sac poubelle.
11:05 Je ne sais même pas où je suis moi,
11:06 je me laisse complètement portée,
11:08 je ne sais pas où je suis.
11:09 Et là, on m'emmène dans une chambre,
11:11 les fenêtres sont fermées à clé,
11:13 la porte de chambre,
11:14 il y a un hublot pour regarder à l'intérieur,
11:17 il n'y a pas de poignée aux portes,
11:18 il y a un détecteur de mouvement
11:19 pour allumer la lumière dans la chambre,
11:20 en fait c'était une chambre d'isolement.
11:22 Et je vois des sangles sous le lit,
11:24 je me dis "Oh la la, mais qu'est-ce que c'est que ça ?"
11:26 Je me dis "En fait, on va m'attacher,
11:28 mais je suis une meurtrière,
11:29 c'est moi qui l'ai tuée,
11:30 pourquoi on m'enferme ?"
11:31 Parce que j'étais trop dangereuse pour moi-même.
11:33 Je suis allongée sur mon lit,
11:35 et je passe mon temps à pleurer,
11:36 à regarder la fenêtre,
11:37 à regarder l'extérieur,
11:38 et c'est trop douloureux,
11:39 je n'y arrive pas.
11:40 Et les seuls mots que j'arrive à prononcer
11:42 au bout de quelques jours,
11:43 c'est "Je veux une feuille et un stylo."
11:45 Et donc je me mets à écrire,
11:46 à écrire des lettres à Casper.
11:47 C'était une façon pour moi
11:49 qu'il soit encore avec moi, en tout cas.
11:51 Donc je demande une feuille,
11:52 je demande deux feuilles, trois feuilles.
11:53 Je passe par "Je t'aime mon amour,
11:55 tu me manques, je vais te rejoindre,
11:56 espèce de connard, tu me fais vivre l'enfer,
11:59 pourquoi t'as fait ça ?
12:00 Je t'en veux, je t'en veux."
12:01 Voilà, je suis passée par des émotions
12:03 très, très diverses.
12:05 Dans l'hôpital, je ne suis pas restée très longtemps.
12:07 Cinq, six jours, le temps de me réalimenter.
12:10 Quand je suis sortie,
12:11 on a fait une mise en bière à Paris.
12:12 Ensuite, il y a eu un rapatriement du corps en Allemagne.
12:15 Entre-temps, il y a eu un interrogatoire
12:17 au commissariat de police, évidemment.
12:19 Étape obligatoire, je me disais,
12:20 "Mais qu'est-ce qu'ils veulent ?
12:22 Qu'est-ce qu'ils me veulent ?
12:23 Qu'est-ce qu'ils pensent ?
12:24 Qu'est-ce qu'ils croient ?"
12:25 Et en fait, ça a été une déposition
12:27 qui a duré des heures et des heures.
12:29 Et à un moment, ils me disent,
12:30 "Mais alors, quand il s'est suicidé,
12:32 là, ça m'a fait péter un plan
12:33 parce que je ne voulais absolument pas,
12:35 à ce moment-là."
12:36 Pour moi, je ne voulais que personne
12:37 prononce ce mot "suicide".
12:38 Parce que pour moi, c'était pas un suicide.
12:40 Pour moi, il a...
12:41 Je ne vois pas comment il a pu tomber.
12:42 Pour moi, c'est impossible
12:43 parce qu'il y a un garde-corps
12:44 de toute façon qui est haut.
12:46 Et puis j'ai vu prendre une implusion.
12:48 Je me souviens avoir vu prendre une implusion.
12:50 Mais je sais que ça paraît toujours
12:51 très bizarre dans la tête des gens
12:52 quand on dit "Il a sauté, mais c'est pas suicidé."
12:54 Non, parce que les policiers m'ont dit
12:56 qu'il avait plus de 2,8 grammes d'alcool
12:58 dans le sang, ce qui est énorme.
12:59 Et on peut faire des coma éthyliques
13:01 à bien moins que ça.
13:02 Donc en fait, il n'avait plus du tout conscience
13:04 de là où il était, de ce qu'il faisait.
13:06 Et donc, du coup, voilà.
13:07 Donc du coup, je suis partie en Allemagne.
13:09 On l'a enterré là-bas.
13:10 Ça a été compliqué parce que...
13:12 Parce qu'il fallait expliquer.
13:13 Je suis arrivée chez sa mère, je me souviens.
13:15 Elle était tout le monde sur le balcon.
13:16 Et ils étaient tous autour de moi
13:18 à attendre des réponses.
13:19 Mais moi-même, des réponses, je...
13:21 Oh, encore aujourd'hui, j'en ai pas en fait.
13:23 Mais je veux l'accompagner
13:25 correctement jusqu'au bout.
13:27 Je ne suis pas dans un truc de me foutre en l'air.
13:28 Je suis plutôt dans un truc de me détruire.
13:30 Parce que je suis dans une culpabilité.
13:32 Et surtout, je veux montrer à tout le monde
13:34 que je vais bien.
13:35 Pour que tout le monde me laisse
13:36 et c'était "Et tu veux manger ?"
13:38 Et tiens, il faut que tu sortes.
13:40 Il faut que tu vois le jour.
13:41 Il faut que tu vois des amis.
13:42 T'as qu'une envie, c'est dire à tout le monde
13:44 "Laissez-moi toute seule.
13:45 Je veux vivre ma souffrance toute seule."
13:47 Une fois que ma mère est partie,
13:48 j'ai vécu dans le noir.
13:49 Je restais dans le noir.
13:50 D'un coup, je pouvais vivre ma souffrance
13:52 comme je l'entendais.
13:53 Et surtout, ce que j'ai commencé à faire
13:56 en rentrant chez moi, c'est me mettre à boire.
13:58 Voilà, c'est-à-dire que je lui avais promis
13:59 que je lui aurais pris une goutte d'alcool.
14:00 J'ai pas tenu ma promesse.
14:01 Je me suis mise à boire.
14:02 Mais boire beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
14:04 Je me suis mise à boire du vin du matin au soir.
14:06 Le seul moment où je descendais,
14:07 où je sortais de chez moi,
14:08 c'était pour aller à la supérieure du bain
14:11 et acheter des cuits de vin.
14:12 Je me suis mise à boire
14:13 parce qu'en fait, ça m'anesthésiait le cerveau.
14:15 Ça, j'avais l'impression de moins souffrir.
14:16 La seule chose, le seul réconfort,
14:18 vraiment, que je trouvais,
14:20 c'était dans l'écriture.
14:21 Des pages et des pages et des pages et des pages.
14:23 Je lui parlais, je lui racontais tout ce que je faisais.
14:25 Enfin, tout ce que je faisais.
14:26 En même temps, je faisais pas grand-chose.
14:27 Tout ce que je vivais plutôt.
14:28 Tout ce que je ressentais.
14:29 Toute la peine, toutes les joies qu'on avait eues ensemble,
14:32 toute la nostalgie, tout ça, j'avais besoin de le réécrire.
14:35 Et c'était, ça m'a fait vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de bien.
14:37 Et d'un coup, j'avais des envies d'hommage de notre amour.
14:40 Et j'ai appelé un ami qui s'appelle Philippe
14:42 et je lui ai dit, j'ai envie de raconter
14:44 ce qui s'est passé, c'est tellement dingue.
14:46 J'ai envie que les gens sachent à quel point on s'aimait.
14:49 J'ai envie, voilà, j'avais envie de partager ça.
14:51 Et donc, il est venu à la maison
14:52 et je lui ai montré ce que j'avais écrit.
14:54 Et il m'a dit, mais c'est magnifique ce que t'as écrit,
14:56 c'est très beau.
14:57 Il m'a dit, mais pourquoi t'écris pas un livre ?
14:59 Et ce qui a été absolument incroyable de sa part,
15:03 parce que quand même, il m'a donné des conseils incroyables
15:06 alors que j'étais juste un cubit de vin, quoi.
15:08 Enfin, je veux dire, il y a personne qui...
15:10 Il y a peu de gens qui m'auraient encouragé.
15:12 Ce qui m'a clairement aidé à me débarrasser de l'alcool,
15:15 c'est ce projet d'écriture.
15:17 En fait, c'était encore lié à lui
15:18 parce que moi, j'avais pas envie de le quitter.
15:19 J'avais envie de continuer à rester en lien
15:21 avec lui et ce roman, c'était une prolongation de notre amour.
15:24 Je pense que ce qui m'a fait revenir à la vie,
15:27 principalement quand même, aussi, c'est mon entourage.
15:29 Ils venaient me voir, ils m'ont fait sortir,
15:32 ils m'amenaient des petits plats.
15:34 Et la vie a été plus forte que tout pour moi, je pense.
15:37 Et je crois qu'à un moment, j'ai accepté
15:39 que finalement, c'était son choix, à lui, à Casper, d'être parti.
15:43 Je me suis déculpabilisée.
15:44 Je passais plus de temps à pleurer que de temps à l'aimer,
15:47 que d'être avec lui.
15:48 La souffrance a été bien plus longue.
15:49 Et aujourd'hui, j'ai rencontré un homme dont je suis folle amoureuse.
15:52 Ça m'émeut parce que vraiment, je pensais pas que ce serait possible du tout.
15:57 Du tout, du tout, du tout.
15:58 Et non, finalement, j'ai rencontré un homme tellement merveilleux
16:01 et je souhaite à tout le monde de rencontrer quelqu'un comme lui.
16:04 Et quelque part, des fois, je remercie Casper aussi
16:06 parce que je me dis que si j'ai rencontré mon homme aujourd'hui,
16:09 c'est aussi grâce à Casper.
16:10 Parce qu'il a changé qui j'étais, il m'a rendu plus mature,
16:13 il m'a rendu plus forte, il m'a ancrée.
16:16 Aujourd'hui, j'ai la chance et le bonheur d'avoir deux petites filles.
16:20 J'ai deux petites filles.
16:21 Et si je me dis que ça, ça peut s'arrêter du jour au lendemain
16:24 comme ça a pu s'arrêter mon histoire avec Casper,
16:26 je deviens dingue et je vis plus.
16:28 Donc il faut pas penser à ça.
16:29 Il faut profiter pleinement des moments qu'on vit
16:32 au moment où on les vit.
16:33 Si je devais dire quelque chose à la Élodie d'avant,
16:38 je vais dire "T'inquiète pas, la vie va te sourire à nouveau".
16:43 Il y a du bonheur qui t'attend et tous les jours ne seront pas
16:47 si sombres et si douloureux que ce que t'es en train de vivre.
16:49 À tous les gens qui ont perdu quelqu'un, quelque chose,
16:52 on croit vraiment souvent qu'on ne se relivrera jamais de cette histoire
16:56 parce que la douleur est telle qu'on se dit que c'est pas possible.
16:59 Et pour moi, en tout cas, la vie a été plus forte que tout.
17:02 La vie m'a rattrapée.
17:03 La vie m'a rattrapée.
17:05 L'ÉLODIE DE LA VIE
17:09 [Musique]

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