Dans cette vidéo poignante, Julie partage avec cœur le récit de la naissance et de la perte tragique de son fils Noé, né après une grossesse à haut risque. Face à des complications critiques dès les premiers instants de sa vie, Julie et son mari sont confrontés à des décisions déchirantes, oscillant entre l'espoir et une réalité crue.
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00:00L'équipe soignante a coupé les moniteurs pour pas qu'on entende le bruit du coeur qui s'arrête en fait.
00:04Cette espèce de ligne continue, ils l'ont coupé.
00:06Et puis ils m'ont juste très très doucement posé la main sur l'épaule en me disant qu'il est parti.
00:12J'attendais mon troisième fils, donc j'avais deux grands garçons.
00:15Et je venais de finir une année d'études d'auxiliaire de périculture à Lyon.
00:19On a décidé d'agrandir la famille et je suis tombée enceinte de Noé en 2018.
00:24Une grossesse qui s'est très bien passée, à part au début où il y a eu quelques soucis de santé.
00:29Mais après ça s'est déroulé comme une grossesse normale jusqu'au jour de l'accouchement.
00:34Où je ne l'ai pas senti bouger ce matin-là.
00:37Je me rappelle j'étais au téléphone avec ma belle-sœur à lui dire
00:40c'est quand qu'il sort, ça y est j'en ai marre, je suis à 40 semaines, j'en peux plus.
00:44Et puis ce matin-là il ne bougeait pas et je me suis dit que c'était normal, qu'il n'y avait plus de place.
00:48Souvent en fin de grossesse.
00:49Sauf que ça a duré dans le temps, jusqu'en début d'après-midi.
00:52Où là j'ai commencé à paniquer, à me dire que ce n'était pas normal.
00:55Et donc du coup j'ai appelé mon mari et j'ai été directement à l'hôpital Femme Mère Enfant de Lyon.
01:01Où là vraiment j'étais en panique, j'étais même plus raisonnable.
01:05Tout le monde avait l'air heureux autour de moi, mon mari, les gens qui m'accueillaient, les soignants.
01:09Et moi j'étais paniquée, je savais qu'il y avait un truc qui n'allait pas bien se passer.
01:14Et ça a été le cas.
01:14Puisqu'ils m'ont installée en salle d'examen, on fait un Doppler et elle ne trouvait pas le cas.
01:19Un Doppler du coup c'est des capteurs qu'on met sur le ventre de la maman
01:22pour écouter les sons du battement du cœur du bébé.
01:25Et là elle ne trouvait pas, vraiment il n'y avait pas de son.
01:27Donc du coup elle a appelé l'obstétricienne de garde qui est venue me faire là du coup une échographie.
01:32Donc l'échographie voilà, on a l'image etc.
01:34Et à l'image malheureusement elle ne trouvait pas le cœur de mon fils.
01:38Et à ce moment là on s'est effondré avec mon mari.
01:42Et tous les deux on a regardé l'écran et on a vu un échange sanguin.
01:47Donc au niveau du cordon médical, on a demandé qu'il soit fait le maximum pour sauver mon fils
01:51et le sortir de mon ventre pour pouvoir le prendre en charge en fait simplement.
01:55Très rapidement j'ai senti qu'il y avait une urgence parce que l'instinct maternel me disait
02:00que ça n'allait pas en fait, qu'il y avait un problème.
02:01Et puis quand elle m'annonce qu'il n'y a plus de cœur, je me souviens j'ai hurlé.
02:04En fait mon premier réflexe a été de hurler.
02:07Mais ce n'était même pas un hurlement comme si c'était à l'intérieur de moi.
02:09Je n'arrivais même pas à crier en fait, ça m'a tellement coupé le souffle.
02:13Et puis il y a eu ce petit espoir là de cet échange sanguin à l'intérieur de moi
02:17qui m'a fait espérer en me disant on va tout essayer.
02:19Je dois aller jusqu'au bout, je dois tout faire pour sauver mon enfant.
02:22Et ça a été hyper rapide.
02:24Quand c'est comme ça c'est un code d'urgence, on part directement.
02:27Ils ont moins de 10 minutes pour que je sois sur la table d'opération anesthésiée.
02:31Donc c'est extrêmement rapide.
02:34Je n'ai même pas le temps de dire au revoir à mon mari.
02:35Je me souviens, je suis sur ce lit, sur ce bancard et on m'emmène.
02:40Et il demande de rester avec moi et on lui dit que ce n'est pas possible.
02:43Et nos mains se lâchent et c'est terminé quoi.
02:45Et là je suis toute seule, il n'est plus là.
02:47Et pourtant, très égoïstement, je ne pense pas à lui ni à mes autres enfants.
02:52Je ne suis concentrée que sur Noé.
02:54À essayer de lui envoyer toute ma force et lui dire de s'accrocher.
02:57La dernière chose à laquelle je pense c'est est-ce que je vais avoir mes enfants
03:00et est-ce que j'aurai la chance de voir mon fils.
03:02J'avais un sentiment de danger.
03:03Vraiment mais de danger imminent autant pour moi que pour lui.
03:06Et ça a été le cas parce que j'ai perdu énormément de sang pendant l'opération.
03:11J'ai mis plus de 6 heures à me réveiller, ça a été très très long.
03:15Donc oui, j'ai mis ma vie en danger à ce moment-là.
03:18Donc quand j'arrive dans le couloir des salles d'opération, tout va très vite.
03:23C'est à 100 à l'heure.
03:24Je les entends dire mais on n'a pas son groupe sanguin, on n'a pas son dossier, etc.
03:29Et je me rappelle leur balancer toutes les infos.
03:31Je suis telle sang, je suis allergique à ça.
03:34En fait voilà, toutes les infos sortent parce que j'ai l'impression que c'est vraiment
03:37il faut tout dire le plus rapidement possible.
03:40Elles n'ont pas le temps de me porter pour me mettre sur la table d'opération.
03:43Je saute littéralement du brancard à la table d'opération.
03:47Je me rappelle que l'anesthésie n'avait pas encore fait effet quand j'ai été sondée.
03:50Enfin voilà, tout ça je m'en souviens très bien.
03:52C'était vraiment l'urgence absolue où là ton cerveau il est en mode automatique,
03:55tu déconnectes et tu fais juste ce qu'il y a à faire.
03:58Et après je ne me rappelle plus de rien et je me réveille 6 heures après en salle
04:02de post-opératoire, en salle de réveil.
04:04Et je suis toute seule et je n'ai plus mon bébé dans mon ventre.
04:06Mon premier réflexe quand je me réveille en salle d'opération c'est de poser mes
04:09mains sur mon ventre et je sens bien que je ne suis plus enceinte.
04:12Et je cherche désespérément du regard mon mari et il n'est pas là parce qu'il est
04:17auprès de Noé.
04:18Et donc du coup très vite je veux me lever et le soignant me dit « Non, vous venez d'avoir
04:22une césarienne, vous avez perdu beaucoup de sang, vous êtes encore perfusé etc.
04:26Donc vous ne pouvez pas bouger. »
04:28Et donc je demande qu'on appelle mon mari et je demande où est mon fils en fait.
04:31Donc là on me dit qu'on va appeler mon mari pour qu'il vienne me voir et on va appeler
04:35aussi le pédiatre de Noé.
04:36Donc quand mon mari arrive je suis à la fois soulagée qu'il soit là et en même temps
04:40je lui en veux d'avoir presque quitté le service où est mon fils parce que du coup
04:44je me dis que là il se retrouve tout seul.
04:45Il me dit très brièvement, il m'explique ce qui s'est passé, il me dit que Noé était
04:50réanimé pendant très longtemps mais que son cœur est reparti.
04:53Et après le reste je n'entends pas.
04:54J'entends juste son cœur est reparti et il me montre des photos et je me dis voilà
04:59il a envie, il est là.
05:00À ce moment-là j'ai pas encore...
05:01J'ai cette petite voix qui a toujours un truc qui ne va pas mais mon cœur de maman
05:05il dit tant que son cœur bat ça va, tant qu'il est encore avec nous c'est bon.
05:08Jusqu'à ce que le pédiatre arrive et là je le perds une deuxième fois.
05:12La sensation que j'ai c'est on va encore me l'enlever.
05:14Parce que là clairement il me dit voilà il a été réanimé pendant 30 minutes et
05:1830 minutes pour un adulte déjà c'est énorme mais pour un bébé en termes de lésions
05:23cérébrales c'est irréversible.
05:25Son cœur bat mais c'est anarchique, c'est pas un battement de cœur normal pour avoir
05:29un enfant.
05:30Il est dyspnéique, c'est-à-dire qu'il va manquer d'oxygène, il n'arrive pas à
05:34respirer correctement tout seul.
05:36On me dit qu'il a une acidose donc c'est le pH du sang qui est trop élevé.
05:39On me dit qu'on va lui faire passer une EG.
05:41Donc une EG c'est au niveau du cerveau pour voir s'il y a encore une vitesse cérébrale.
05:46Quand les résultats reviennent ils ne sont pas franchement terribles.
05:50Il y a une activité cérébrale mais elle est extrêmement faible.
05:53Et puis après on me dit qu'on va tenter de le mettre en hypothermie pour lui laisser
05:56le temps de se remettre.
05:57Et à ce moment-là j'ai l'occasion de le voir parce que je demande évidemment à être
06:01auprès de lui et je ne peux pas rester très longtemps mais on me laisse aller le voir.
06:05Et là c'est terrible parce que c'est mon enfant.
06:07Je suis auxiliaire pluricultrice de métier et je n'arrive pas en fait à...
06:11Je ne sais pas où le toucher, je ne sais plus comment on fait, j'oublie tout.
06:15Et j'ai peur de lui faire du mal, j'ai peur aussi qu'il ne me sente pas du tout,
06:19j'ai peur de le toucher et qu'il ne soit déjà plus là et qu'il n'arrive pas à
06:22me sentir, à m'entendre.
06:23Donc tout ça c'est très déstabilisant pour moi.
06:26Et c'est très court parce que assez vite il faut que je sois pris en charge.
06:29Donc ils me ramènent dans ma chambre, j'ai mes soins, etc.
06:32Et il va se passer plusieurs heures où mon mari ne va pas quitter du tout Noé.
06:36Il va rester avec lui tout le long.
06:38Et puis dans la nuit, vers 3h du matin, on vient me chercher et les soignants me disent
06:42« votre fils ne va pas bien, il faut aller le voir ».
06:45La même phrase que « votre fils est en train de mourir en fait ».
06:48C'est ça qu'on veut me dire en me disant « il ne va pas bien ».
06:49C'est maintenant quoi qu'il faut aller le voir.
06:52Donc je retourne voir Noé, je rejoins mon mari.
06:54Et là on me dit que l'hypothermie ne fonctionne pas.
06:56Ils n'arrivent pas à le stabiliser.
06:58Le jet est toujours pas bon.
07:00Et en fait on me pose la question, on me dit « est-ce que vous voulez prendre Noé sur vous ? »
07:03Donc en fait ils ne me demandent pas si je veux qu'on arrête.
07:05C'est si je le prends sur moi, on débranche et on arrête les soins.
07:09Et avec mon mari on se regarde et on dit oui en fait.
07:12Sans même se concerter, on dit oui parce qu'on sait qu'il ne va pas s'en sortir.
07:17Parce qu'on sait que même si tel cas, ce serait avec un très lourd handicap.
07:20Il n'y aurait pas une vie qu'on peut espérer pour nos enfants.
07:24Et on se dit qu'on va arrêter les soins.
07:28Simplement on va le laisser partir.
07:30Donc entre le moment où il est né et le moment où on a décidé d'arrêter les soins,
07:33il s'est passé 13 heures à peu près, pas beaucoup plus.
07:36Et en plus le temps dans ces moments-là ce n'est pas vraiment quelque chose qui nous marque
07:39parce que tout va très vite et on a à peine de savoir ce qu'il se passe,
07:43qu'il y a déjà autre chose qui arrive derrière.
07:45Donc on agit minute par minute avec l'instinct.
07:48Quand on me dit que c'est fini, que ça ne va plus marcher,
07:51bizarrement c'est horrible de se l'entendre redire.
07:55Et en même temps, je me dis que c'est ma dernière chance de jouer mon rôle de mère.
07:59C'est-à-dire qu'en prenant cette décision conjointe avec mon mari d'arrêter,
08:03c'est la seule chance que j'ai de le protéger.
08:06C'est la seule chance que j'ai de jouer mon rôle de mère
08:08en l'accompagnant et en lui rendant la liberté.
08:12Quand on accepte de prendre Noé contre moi,
08:16tout le service s'organise en quelques minutes pour nous créer une chambre juste nous.
08:22Donc ils vont chercher des paravents dans les autres services,
08:24ils vont faire de la place pour mon lit, ils installent tout.
08:28Ils mettent Noé en peau à peau contre moi.
08:30C'est la première fois que je le tiens dans mes bras.
08:32Donc il me paraissait hyper grand quand je le voyais dans son petit lit
08:36et finalement là, contre moi, il paraissait tout petit.
08:38Il était chaud et il sentait bon.
08:42Enfin voilà, c'est l'odeur des bébés.
08:44À ce moment-là, j'étais très bien.
08:45Quand on me l'a plus posé contre moi,
08:47ça a duré quelques secondes avant que je me rende compte
08:50que c'était la seule fois où je pourrais le faire.
08:52Mais à ce moment-là, c'était enfin quoi.
08:55Enfin je le sens, je sens sa peau.
08:57Une fois qu'on lui a dit tout ce qu'on avait à lui dire,
08:59même si c'était encore trop peu,
09:01on a commencé à chanter avec mon mari,
09:04on a chanté une berceuse,
09:05celle que moi je fredonnais souvent quand j'étais enceinte.
09:07Et voilà, on l'a accompagnée comme ça
09:09et puis l'équipe soignante a coupé les moniteurs
09:11pour pas qu'on entende le bruit du coeur qui s'arrête.
09:14En fait, cette espèce de ligne continue et ils l'ont coupée.
09:18Et puis ils m'ont juste très très doucement
09:21posé la main sur l'épaule en me disant « il est parti ».
09:23Et à ce moment-là, c'était évidemment hyper dur.
09:26Enfin je pense que j'ai crié,
09:28je crois que j'ai crié encore une fois.
09:30Et puis quand ils l'ont enlevé,
09:32parce qu'ils l'ont laissé un petit moment,
09:33puis après ils l'ont enlevé pour le préparer.
09:35Et quand ils l'ont enlevé, le froid que j'ai ressenti,
09:38enfin ça m'a glacé le sang.
09:40C'était la place où il était, où c'était tout chaud.
09:43Le fait de l'enlever vraiment littéralement,
09:44je me suis sentie prise de frissons.
09:47Je crois que j'avais entendu mon cœur se briser à ce moment-là,
09:50vraiment littéralement.
09:51Et j'ai pleuré.
09:52Et j'ai pleuré dans les bras de mon mari.
09:53Je ne me rappelle même pas qu'on m'ait ramenée dans ma chambre.
09:57Honnêtement, j'ai un blackout à ce moment-là,
09:59parce que je pense que mon esprit reste avec Noé à ce moment-là.
10:03Il y a un espèce de trou noir.
10:05Et je sais qu'on me le ramène quelques minutes après,
10:07et je suis déjà en chambre.
10:08Et on me le ramène en me disant que je peux rester avec lui
10:11aussi longtemps que je veux.
10:12Et je le regarde et je mémorise le moindre centimètre de sa peau.
10:16Et je lui parle encore, et je l'embrasse, et je le serre contre moi.
10:19Mais ça ne dure pas très longtemps,
10:21parce que ça y est, mon cerveau a accepté.
10:25Je sais qu'il n'est déjà plus là.
10:26Ce qui reste, c'est son corps.
10:28Et aussi beau soit-il, aussi mignon,
10:30et aussi fort que j'aimerais le garder avec moi,
10:32mon fils n'est plus dedans, en fait.
10:33Il est déjà parti.
10:34Donc assez rapidement, on le rend au soignant,
10:37et on reste juste tous les deux, mon mari.
10:39En sachant que demain, ou dans quelques heures,
10:41il faudra le dire à mes enfants et à ma famille.
10:43Quand j'ai perdu Noé, j'en ai voulu à la terre entière.
10:48Je n'avais pas spécialement une personne à qui j'en voulais.
10:50L'équipe soignant ont fait de leur mieux.
10:52Les semaines qui ont précédé mon accouchement,
10:54où j'y suis allée régulièrement.
10:56J'ai bossé en maternité, et sur le plan clinique,
10:58je sais qu'ils ont fait ce qu'il y avait à faire.
10:59Quand on est maman, en tout cas pour moi,
11:01mais je sais que je ne suis pas la seule,
11:03nos enfants, ils grandissent en nous.
11:05On a ce lien avec l'enfant in utéro
11:07que les papas ne peuvent pas avoir tout le temps,
11:10qu'ils sont dans notre ventre.
11:11C'est à nous de les protéger.
11:12C'est notre travail.
11:13Alors évidemment que je n'ai rien fait pour lui faire du mal.
11:16Évidemment que c'était indépendant de ma volonté.
11:18Mais il y a une partie de moi qui se disait
11:19c'était à toi de le protéger.
11:21Tu aurais dû savoir qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
11:23Tu aurais dû faire plus, tu aurais dû faire mieux.
11:24C'était horrible cette culpabilité
11:26qui m'a accompagnée longtemps après son départ.
11:29Et je savais que mon mari avait fait le lien
11:31avec notre famille par téléphone toute la nuit durant.
11:35Et donc ma belle-mère et ma mère, ainsi que ma belle-sœur
11:38ont nous demandé est-ce que vous voulez qu'on le dise
11:41à Mathéo et Sacha qui sont mes deux aînés.
11:43Avec Bertrand on a dit non, non c'est à nous de leur dire
11:45à personne d'autre.
11:46On savait qu'ils allaient arriver.
11:47On savait qu'au petit matin ils allaient venir
11:50nous rendre visite dans cette chambre d'hôpital.
11:52Et c'est ce qui est arrivé.
11:53Et quand j'ai entendu frapper à la porte honnêtement
11:56j'ai mon cœur qui a fait un bond.
11:58Et je voulais être forte pour eux
12:00mais je n'y arrivais pas en fait.
12:01Quand je les ai vus, ils sont rentrés
12:03et ils ont cherché le berceau des yeux.
12:04Et cette image elle est figée dans ma tête
12:07parce que je savais que j'allais leur briser le cœur.
12:09Et qu'ils avaient 5 ans et 6 ans.
12:11Et que je ne pouvais pas les protéger de ça.
12:12Et je les ai regardés.
12:14On les a fait asseoir sur mon lit.
12:16Et on leur a dit cette phrase vraiment toute bête.
12:19On leur a dit votre frère est né
12:21mais il était trop malade
12:22et on a dû le laisser partir au paradis.
12:24Et c'était terrible parce que
12:25on s'est dit on va bouleverser leur vie.
12:27On va les confronter à la mort.
12:29Et on ne peut rien faire contre ça.
12:31Quand on leur dit que Noé est parti
12:33j'ai deux réactions très différentes.
12:36J'ai mon grand, mon aîné qui se met à pleurer.
12:38Tout de suite.
12:39Les émotions submergent.
12:41Il m'emmène à le voir.
12:42Il nous demande pourquoi.
12:43Qu'est-ce qu'on n'a pas bien fait.
12:45Qu'est-ce que lui il a fait une bêtise.
12:46Il est vraiment tout de suite dans l'hyper-empathie.
12:49Et à côté de ça j'ai mon deuxième
12:51qui lui garde tout à l'intérieur.
12:53Il pleure mais il ne dit rien.
12:55Il n'y a pas de son qui sorte de sa bouche.
12:58Il n'est pas en capacité à 5 ans de traiter l'information.
13:01Il y a un truc qui ne se fait pas.
13:03Par contre quand il va rentrer à la maison
13:05quelques heures après
13:06il va avoir des grosses colères.
13:08Il va avoir des réactions violentes.
13:11Ça va être plus tard qu'il va réagir Sacha.
13:14Et puis après il nous demande à aller le voir.
13:16Alors nous on a accusé qu'il voit le corps de leur frère
13:20parce qu'à 5 et 6 ans
13:22on ne voulait pas les confronter
13:24plus qu'ils n'étaient déjà au corps d'un être qu'on a aimé
13:27même s'il ne l'avait pas connu en tant que tel.
13:29Par contre toute ma famille a été le voir sur notre demande.
13:33Nos amis aussi.
13:34Ses parents marraines.
13:35Ils ont tous été le voir en chambre funéraire.
13:38Et ils ont tous dit qu'il était très beau et très grand.
13:41Qu'il ressemblait à ses frères.
13:42Et ça, ça me faisait un bien fou
13:43parce que j'avais besoin qu'on reconnaisse qu'il a existé.
13:47Qu'il comptait, qu'il était comme ci, comme ça.
13:49Qu'il avait ça de moi ou ça de son père.
13:51C'était vraiment hyper important pour moi
13:53qu'il soit connu des autres.
13:54Je me rappelle avoir dit à mon mari
13:57que je ne voulais pas d'enterrement
13:58parce que je ne voulais pas me rattacher à un lieu.
14:00Donc on a très vite choisi l'incinération.
14:04Et après on a eu beaucoup de chance
14:05parce que mon beau-frère et mon beau-père
14:07ont géré de A à Z tout.
14:10C'est-à-dire qu'ils ont pris ça en charge.
14:12Ils ont mis leur peine de côté
14:13et ils ont juste posé des questions.
14:15Qu'est-ce que tu voudrais comme chanson ?
14:16Quelle couleur ?
14:17J'avais pas besoin de répondre, de faire des explications, etc.
14:20Je me contentais de leur dire ce que je voulais.
14:21Et eux, ils ont tout organisé
14:23pour que ça puisse être fait aussi proche de ce que je voulais possible.
14:26Et donc ils ont tout fait.
14:27Et ils ont organisé la cérémonie.
14:28Tout préparé.
14:29Et ça m'a enlevé un gros poids des épaules
14:30parce qu'entre préparer une chambre d'enfant
14:32et préparer des funérailles,
14:34c'est quand même deux mondes opposés.
14:35À partir du moment où on perd son enfant,
14:36on enclenche un deuil.
14:38Il y a des phases dans les deuils.
14:39Le déni, chez moi, il a été assez court
14:41parce que j'ai pas eu le choix.
14:42J'ai dû me confronter à la réalité très très vite.
14:44Mais par contre, il y a vraiment un espèce de sentiment de solitude.
14:48C'est-à-dire qu'à part avec mon mari
14:50parce qu'on partageait vraiment la même peine
14:53et même encore, je me sentais encore seule
14:55même quand il était à côté de moi.
14:57Mais j'entendais...
14:57En fait, mon monde s'était arrêté de tourner.
15:00Je voyais que les gens bougeaient.
15:01Je voyais que les gens parlaient
15:02et qu'ils continuaient.
15:03Mais moi, j'étais figée, en fait.
15:04J'étais toute seule dans ma bulle
15:06et j'arrivais pas du tout à m'en sortir.
15:08D'ailleurs, j'étais même pas une mère pour mes enfants.
15:10J'étais plus moi.
15:12J'étais une version de moi complètement éteinte.
15:14Juste après les funérailles,
15:16on a décidé de partir dans ma région,
15:17de revenir chez mes parents
15:19parce que mon père avait pas pu être là.
15:21Il était malade à ce moment-là
15:22et j'avais besoin de voir mon papa.
15:23J'avais un besoin viscéral de le voir.
15:25Et donc, on part pour Angers
15:26et je me retrouve dans ma chambre d'enfant
15:29et quelque part, je me sens un peu protégée
15:32et en même temps, ma peine me suit partout où je vais.
15:35C'est-à-dire que c'est pas quelque chose
15:36que je peux laisser à lui.
15:37Et récupérer quand je reviendrai,
15:38c'est qu'elle me suit partout.
15:39Et en plus, je vais faire des complications physiques sur Angers.
15:43Je vais faire une infection de ma cicatrice césarienne
15:46et je vais devoir être pré-hospitalisée.
15:48C'est beaucoup de choses à gérer
15:50pour mon cerveau qui est déjà...
15:52Et en fait, il y a un moment où je me dis
15:53je vais juste mourir, voilà.
15:55C'est parce que je suis pas morte avec mon fils
15:57et je vais finir par mourir.
15:59Soit d'une infection, soit d'un chagrin.
16:00Mais en tout cas, il y a une espèce de ras-le-bol
16:02et de plus envie d'y croire
16:04et de plus envie de se battre.
16:05Mais je vais finir quand même par faire semblant,
16:08à me forcer à faire semblant pour mes deux grands.
16:11Avec mon mari, on se dit que c'est hors de question
16:13de repousser comme avant.
16:14On fera pas comme si c'était pas arrivé.
16:15On va partir au travail,
16:16on va pas être dans l'appartement
16:18dans lequel on aurait dû vivre avec lui.
16:20C'était impossible pour nous.
16:21Et donc, assez rapidement est née l'idée
16:23de partir en famille en road trip pendant quelques mois.
16:27Du coup, on est partis tous les quatre
16:29avec nos chiens sur les routes
16:31et on s'est arrêtés dans différentes régions.
16:34À chaque fois, on se posait plusieurs semaines
16:36pour pouvoir découvrir un maximum
16:38la région dans laquelle on s'était installés.
16:40Et voilà, on vivait au rythme du soleil.
16:43On se levait avec lui, on se couchait avec lui
16:46et on découvrait des paysages
16:48qu'on n'avait pas spécialement rencontrés avant.
16:51Enfin, c'était pas touristique.
16:52Il y avait du tourisme,
16:53mais il y avait vraiment un désir
16:54d'aller chercher les petits coins inconnus,
16:57d'aller à la rencontre des gens qui vivaient là,
16:59de partager vraiment des moments avec nos enfants,
17:01de faire des activités ensemble,
17:03de se créer tout plein de nouveaux souvenirs
17:05sans jamais oublier pourquoi on le faisait.
17:08Je racontais tout dans mon journal à Noé.
17:10Donc, dès qu'on faisait quelque chose,
17:12je le racontais à mon fils à travers mon journal
17:14et ça me faisait du bien
17:14parce que c'était comme un lien invisible
17:17qui était tissé entre lui et moi.
17:18C'était une phase du deuil
17:20que j'ai traversée en même temps que ce voyage.
17:22Et puis, quelques mois sont passés
17:23et le médecin que j'avais revu entre temps m'avait dit
17:26il faut arrêter d'essayer de réfléchir,
17:28il faut laisser votre corps faire,
17:29ne pas calculer,
17:30et puis il arrivera ce qu'il arrivera.
17:32Et donc, j'avais décidé de l'écouter,
17:33enfin en tout cas d'essayer.
17:35Et quelques mois après son premier anniversaire,
17:38il tombait enceinte en été,
17:39l'été d'après il fut enceinte.
17:40Et je me rappelle avoir été hyper stressé
17:43à l'idée de refaire une fausse couche.
17:45La grossesse qui est arrivée après Noé,
17:46en fait, je ne me suis pas attachée à ce bébé.
17:48C'est terrible à dire.
17:49J'ai mon cerveau qui s'est protégé.
17:51Ça a verrouillé tellement, tellement peur
17:53que ça se reproduise encore.
17:55Et surtout, je savais que je ne pourrais pas.
17:56Je me suis dit si je repère un enfant,
17:58c'est terminé.
17:59En fait, je ne pourrais pas y arriver.
18:00Je ne pourrais pas remonter la pente encore une fois.
18:02Le jour où j'ai su que c'était une fille,
18:04on avait eu trois garçons avant.
18:05Et le jour où l'échographiste nous a dit
18:07vous attendez une petite fille,
18:09j'ai pleuré.
18:09Je me suis dit voilà,
18:10il n'y aura pas d'amalgame avec Noé.
18:12Ça va être une petite fille,
18:13elle va peut-être lui ressembler un peu,
18:15mais ça ne va pas être la même chose.
18:16J'avais très peur de ça aussi,
18:17de ne pas arriver à faire la part des choses.
18:19J'ai fait un geste hyper symbolique,
18:22qui a été de ranger le doudou de Noé dans son coffre.
18:25Et ce doudou-là,
18:26j'avais dormi avec toutes les nuits
18:27depuis le décès de Noé.
18:29Donc autant dire que ça faisait un moment
18:30qu'il m'accompagnait.
18:31Sauf que quelqu'un m'a dit
18:32que si je voulais accueillir cet enfant,
18:35il fallait que je lui laisse de la place.
18:36Et donc, il fallait que Noé récupère sa place.
18:38Et sa place, elle n'était pas avec moi.
18:40C'était une autre étape hyper importante
18:42juste de ranger ce doudou,
18:44de changer mes réflexes.
18:46C'est-à-dire qu'au lieu de prendre le doudou
18:47pour aller me coucher,
18:48c'était de me concentrer sur ma fille
18:50qui était en train de grandir en moi
18:51et de créer du lien avec elle,
18:52de caresser mon ventre.
18:54Et que quelque part,
18:55je m'empêchais peut-être de m'attacher
18:57de peur de me détacher de Noé.
18:58J'ai commencé à vraiment m'investir
18:59dans cette grossesse.
19:01Mais du coup, en m'attachant à ce bébé,
19:03ce qui est revenu très fort,
19:05c'est la peur de la perdre.
19:07Et là, c'était terrible.
19:09Sur le plan clinique,
19:10on allait très bien toutes les deux.
19:11Mais sur le plan psychologique,
19:13pour moi, du sixième mois
19:15jusqu'à la fin de la grossesse,
19:16ça a été un cauchemar.
19:18Donc la césarine se passe très bien.
19:19Elle a la bonne idée de respirer tout de suite.
19:21Et de ne pas avoir besoin de soins.
19:23Je peux tout de suite la voir.
19:24Il me la rapproche de mon visage.
19:26Et je pleure.
19:28Je pleure parce que
19:29c'est un tel soulagement
19:31de voir que c'est ça, en fait, la normalité.
19:33Moi, je ne suis pas la règle.
19:34Je suis l'exception, en fait.
19:35Perdre un enfant, ce n'est pas la normalité.
19:37Et là, de voir ma fille rose qui pleure,
19:39en bonne santé,
19:41j'ai les larmes qui coulent
19:42parce que je suis à la fois hyper heureuse
19:44et à la fois, je pense très fort à Noé.
19:46Quasiment tout de suite,
19:47je parle à Évie de son frère.
19:49Je lui dis qu'elle a trois grands frères.
19:51Qu'elle grandira avec deux.
19:53Mais que le troisième veillera toujours sur elle.