• l’année dernière
Pour certaines personnes, avoir un enfant est un parcours éprouvant : entre les soucis d’infertilité, l’enchaînement de rendez-vous médicaux, la perte d’espoir couplée à la charge mentale, fonder une famille semble devenir irréalisable.

Au milieu de cette bataille pour donner la vie, Célia apprend qu’elle est enfin enceinte et appréhende avec joie cet heureux événement. Malheureusement, elle devra faire face au pire : accoucher d’un enfant mort-né. Comment se remettre d’un tel événement ?
Aujourd’hui, elle est à nouveau enceinte et elle a finalement décidé de parler publiquement de son expérience pour briser le tabou entourant la mort d'un enfant et pour aider les autres couples en situation similaire.

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Amusant
Transcription
00:00 j'ai eu mes règles très très tard et tout le monde me disait que c'était normal, que pour les jeunes
00:03 filles ça avait du mal à se mettre en place dans la régularité etc qui fait pas que je m'inquiète.
00:08 Sauf qu'arrivée au lycée, toutes mes copines avaient des règles hyper régulières sauf moi
00:13 qui les avais une fois dans l'année si j'avais de la chance mais pas bien plus. Et je suis allée
00:17 voir un obstétricien, un gynécologue qui m'a été conseillée et c'est là que j'ai découvert,
00:22 je pense en 2016, que j'avais le syndrome des ovaires polycystiques donc le SOPK. Naturellement
00:29 en fait j'avais 1 ou 2 % de chance de tomber enceinte naturellement. C'est très très faible
00:34 mais j'ai eu la chance d'avoir de tomber sur un obstétricien qui était hyper bienveillant dans
00:38 ses propos. Il m'a tout expliqué en m'expliquant que effectivement ça allait avoir un impact du
00:42 coup sur ma fertilité, qu'il y avait des femmes chez qui ça ne posait aucun souci et d'autres chez
00:46 qui c'était un peu plus compliqué et que ça nécessitait du coup peut-être l'intervention
00:50 de la PMA dans notre souhait de vouloir un enfant en 2019. Donc on allait le voir pour voir si tout
00:56 était ok au niveau de mon utérus, au niveau hormonal, etc. pour faire un petit check-up. Du
01:01 coup on est parti ensuite sur 6 mois d'ECBB naturellement, sans pression, sans calcul,
01:06 sans... naturel. Donc les 6 mois sont passés et toujours rien. Après j'avais peu eu mes règles
01:12 de ces 6 mois donc il y avait peu de chance. Donc il m'a prescrit un premier traitement pour
01:18 déclencher mes règles. Ça n'a pas marché. Du coup il a rajouté une molécule et une autre partie de
01:23 mon cycle. J'avais un autre traitement pour essayer de faire maturer mes faudicules. Mais ça je l'ai
01:29 fait sur trois cycles et ça n'a pas marché. Entre temps j'ai déménagé. Je suis partie en Suisse. Du
01:35 coup j'ai demandé mon dossier médical à la France, à mon obstétricien. Il m'a proposé de faire un
01:41 essai de 6 mois avec de la Metformin. Donc c'est un antidiabétique oral. C'est ce qu'on donne à
01:47 des patients qui ont la maladie... enfin le diabète. Ça a un peu régulé mes règles sauf que ça ne
01:52 marche pas tout le temps. Et là, à part réguler mes règles à 40 jours, ce qui était déjà pas mal,
01:57 ça n'a pas marché. Je ne suis pas tombée enceinte. C'était dur psychologiquement parce que je me suis
02:02 dit "je n'aurai jamais d'enfant". Et après en fait j'ai déclenché une très très grosse dépression.
02:07 Tous les mois tu mets ta vie quand même entre parenthèses par rapport au protocole PMA et tout
02:12 ça. Et tous les mois tu as un échec. Et en fait tout le monde te dit autour de toi "mais c'est
02:17 pas grave Célia, c'est une année, deux années dans ta vie, c'est rien comparé à la durée de ta vie".
02:24 Mais quand tu es à l'intérieur du processus et que tous les mois tu fais tout pour que ça marche,
02:30 tu prends tes médicaments, tu fais tes injections et que ça marche pas et que tu as tes règles...
02:34 On est humain et en fait on a beau se remotiver tous les mois, au bout d'un moment ça devient
02:39 difficile. Et j'étais pas consciente en fait que j'allais devoir faire le deuil d'une grossesse
02:45 naturelle fait d'amour. Je n'étais pas consciente qu'il y allait y avoir des médicaments, un médecin,
02:52 des médecins. Et ça impacte aussi un peu le couple parce que selon les protocoles qu'on a,
02:57 avant de passer par les inséminations ou les fécondations in vitro, on a des rapports sexuels
03:02 qui sont programmés. Donc en fait ça impacte vraiment le couple dans la sexualité, dans la
03:07 façon de voir ce rapport intime entre deux personnes et la façon de concevoir un enfant.
03:13 On n'en parle pas et c'est un sujet qui est super tabou la sexualité en PMA. Et les gens ils se
03:18 rendent même pas compte quand on leur explique, ils sont hyper surpris. Mais le fait que la
03:22 sexualité elle soit programmée, qu'elle soit prescrite à tel moment ou tel moment, c'est un
03:28 "tue l'amour" et en fait ça clairement assassine notre libido. Moi personnellement, ma libido,
03:34 je sais que c'est un point sur lequel je vais devoir énormément travailler parce qu'il n'y a
03:39 plus du tout ce désir, il n'y a plus ce côté naturel, ce côté plaisir. Et le fait d'avoir un
03:46 rapport quand on n'a pas envie ni l'un ni l'autre, ça impacte le couple quand même. Il faut parler
03:50 dans le couple et pas avoir peur de dire "j'en ai pas envie, c'est difficile pour moi" ou "ça
03:55 commence vraiment à avoir un impact sur mon moral". Du coup c'est vraiment faire le deuil
03:58 d'un désir de maternité naturelle. Et en fait on a découvert que faire une five c'était 10 000
04:05 francs en Suisse. Un franc c'est 97 centimes d'euro et donc ça faisait très cher. Donc on s'est dit
04:10 on va pas le faire et on va attendre d'arriver en France pour continuer le protocole PMA. Du coup
04:17 on a fait quelques examens. L'orientation suite à cet examen c'était de passer directement en
04:21 insémination avec le sperme du conjoint. Et donc pour ça je vais attendre mes prochaines règles.
04:28 Et en fait quelques jours après je l'ai pas appelé pour lui dire que j'avais mes règles
04:33 mais parce que j'avais un test de grossesse positif. En fait j'avais mal au sein. Au boulot
04:39 je sentais l'odeur du carton, ça me dégoûtait. En plus je suis infirmière, les odeurs dans mon
04:45 travail ça me dégoûtait. J'étais là "oh pfff" et je me dis "c'est bizarre, je suis pas très
04:50 acquisie à mon mari, je suis enceinte". Il me dit "non Célia arrête parce qu'à chaque fois il faut
04:54 que je te ramasse la petite cuillère donc te fais pas des fausses idées". Et donc j'ai fait un test
04:58 et vraiment je l'ai tourné dans tous les sens comme on peut voir sur certaines vidéos. J'avais
05:03 jamais vu de deuxième barre de ma vie. Donc c'était assez fou, c'était tellement improbable et c'était
05:08 trop beau. En fait il n'y a pas de mot. Tellement on l'a attendu on n'y croyait pas. Jusqu'à ce
05:13 qu'on fasse les échographies, qu'on entend la première fois le coeur du bébé, qu'on voit que ce
05:19 morceau de cellule qui n'a pas trop de forme devienne un bébé. Et quand on arrive vers les trois mois
05:25 et qu'on voit que c'est un bébé, là on se dit "on va être parents". C'est vrai en fait ce qui se
05:30 passe. C'est pas une blague. Je gonflais comme un bibindum, une grossesse où j'ai pris 20 kg.
05:34 Mais ça s'est bien passé, j'étais contente. Le bébé allait bien, moi j'allais bien. Elle grossissait bien,
05:39 c'était un beau bébé. Et j'ai profité de chaque instant à jouer avec ma fille, me masser le ventre,
05:47 l'avoir bougé et je profitais de la vie en fait. Et à la fin de ma grossesse, donc mon obstétricien
05:53 m'avait dit que c'était un très très gros bébé, qu'il fallait vraiment que je fasse attention à mon
05:57 alimentation parce qu'elle était estimée à plus de 4 kg. Et donc dimanche soir, comme tous les
06:02 soirs, je masse mon ventre, je joue avec elle et le lendemain matin je la sens pas trop bouger,
06:09 mais j'ai des contractions non-stop. Pas douloureuse, absolument pas douloureuse. Je me suis
06:15 dit "bon c'est quand même un peu bizarre". Arrivé à la fin de journée, je dis à mon mari
06:20 "je pense qu'on va aller aux urgences parce que je sens pas énormément bébé bouger, mais c'est
06:26 surtout que je perds beaucoup de liquide". Donc moi j'allais à l'hôpital pour une fissure,
06:29 une suspicion de fissure de ma poche des os. Ils m'ont assez vite pris en charge, mais ils ont
06:35 commencé à vouloir me poser un monitoring dans la salle d'attente. Et le monitoring, c'est vrai
06:41 qu'il était assez vieux, mais ça reste un monitoring, ça marche. Et ils n'ont pas trouvé
06:44 le coeur de mon bébé. Il m'a dit "tiens c'est bizarre, peut-être que c'est mon matériel qui est
06:50 trop vieux et qui commence à ne plus marcher". Donc elle me change et là elle me met dans une
06:54 salle fermée où elle continue de chercher le monitoring, enfin le coeur du bébé. Elle ne
06:58 trouve pas. Je lui dis "là vous commencez vraiment à me faire stresser et j'ai vraiment peur, donc
07:02 faites quelque chose pour me rassurer parce que vraiment ça va pas du tout". Et pendant qu'elle
07:05 va chercher sa collègue, je pose ma main sur mon ventre et donc je baisse le pied de ma fille
07:09 parce que j'avais tout le temps l'habitude de jouer avec elle. Et là je sens son pied qui remonte.
07:13 Donc je rappuie et il remonte. Et là je me suis dit "s'il te plaît Rose, bouge, fais-moi un signe,
07:19 rassure-moi s'il te plaît". Pas de mouvement. Et là je pense que j'ai compris, mais j'ai refusé
07:25 de comprendre. Je savais qu'il y avait un problème, mais non. Après trois ans de PMA et quelques
07:31 semaines d'accouchée, c'est pas possible. Ça n'existe pas, ça va pas nous arriver, on a assez
07:38 souffert. On l'a assez attendu. Donc cette deuxième sage-femme arrive avec la première,
07:42 elle trouve toujours pas le coeur de mon bébé. Et à un moment avec l'échographie, elle appuie
07:46 super fort mais deux fois en donnant des coups dans le ventre comme pour réveiller quelqu'un
07:51 dans un malaise ou autre. Et là je lui ai dit "mais mon bébé bouge". Elle me dit "non". J'ai
07:55 mis son coeur bas. Et là elle a arrêté de regarder l'échographie, elle a posé ses mains sur elle et
08:01 elle m'a regardée avec un regard. "Mon bébé est mort". Et en fait à ce moment-là, j'étais toute
08:08 seule. Et je me suis vue vivre la situation, comme si j'étais en dehors de mon corps au-dessus et que
08:14 je voyais quelqu'un vivre cette situation. Mais c'était pas moi. C'était impensable,
08:18 inimaginable. C'était un cauchemar. J'ai même pas de mots pour dire l'émotion dans laquelle j'étais.
08:24 C'était vide. Il y avait plus rien. Il a fallu que j'appelle mon mari. Il était dans la voiture
08:29 à m'attendre en pensant que j'allais l'appeler pour lui dire "allez viens, ça va commencer le
08:32 travail". Et donc j'ai appelé mon mari et je lui ai dit "Bergemin, il faut que tu viennes,
08:36 son coeur ne bat plus". Et donc il a traversé l'hôpital, il est rentré dans l'UGO et en fait
08:40 quand il est rentré et qu'il m'a vue, il s'est effondré en larmes parce qu'il a compris que
08:43 je rigolais. Enfin que c'était vrai, que je rigolais pas, que c'était... C'est vraiment ce que j'avais
08:47 dit au téléphone en fait. En fait je me sens vide et en fait je comprends pas, je veux pas accepter,
08:53 j'ai le dégoût de moi-même parce que mon corps n'est pas capable de porter la vie et que là au
08:57 jour d'aujourd'hui il porte la mort. Et cet enfant l'a désirée, elle est morte dans mon ventre et
09:02 lui pleurait et pleurait et moi j'arrivais même pas à pleurer parce que c'était... J'avais envie
09:06 d'hurler, de crier, de "ramenez-moi ma fille, mon bébé" et j'avais des remontées mais j'avais rien
09:12 mangé depuis le matin donc je pouvais pas vomir. Je me suis dit "mais qu'est-ce qu'on va faire,
09:16 qu'est-ce qui va se passer, moi je veux pas accoucher, je veux...". Je voulais rentrer chez
09:19 moi et ressentir mon bébé bouger. Et du coup ils nous ont laissé un peu de temps tous les deux
09:23 pour réaliser ce qui se passait. Donc j'ai été hospitalisée en grossesse pathologique et on m'a
09:29 expliqué que le lendemain du coup j'allais rencontrer le médecin parce que jusqu'à présent
09:33 j'avais pas rencontré le médecin et que j'allais accoucher peut-être par déclenchement, peut-être
09:39 par césarienne, peut-être par voix basse, ça allait dépendre. Ça allait être décidé avec le médecin
09:43 et avec une équipe. Moi j'ai appelé ma grande sœur, elle savait que j'étais partie à l'hôpital
09:47 et quand je l'ai appelée, elle pensait que j'allais accoucher. Et dehors par terre, on a parlé,
09:53 on a pleuré. C'est là qu'on a fait la promesse à notre fille de continuer, de pas se laisser
09:58 abattre et qu'elle aurait des frères et sœurs et qu'on allait en faire notre force, même si on ne
10:03 sait pas de quoi elle est morte, même si c'est injuste, que c'est dégueulasse qu'on l'aille se
10:06 battre. Ça s'est fait en fait assez naturellement où on s'est dit, c'est soit on se laisse aller,
10:11 on se laisse mourir physiquement ou psychiquement, soit on continue et on va se battre et on va rendre
10:17 hommage à notre fille. Et pour nous, rendre hommage à notre fille c'est de continuer de la faire vivre,
10:20 continuer notre vie, continuer notre projet, notre souhait d'avoir des enfants, qu'elle soit
10:26 grande sœur et on voyait pas comment on pouvait rendre hommage à notre fille de l'autre côté.
10:32 Après, chaque personne est différente par rapport à ce processus de deuil. Je pense que chaque
10:39 personne fait comme on peut parce que c'est juste violent. Au petit matin, on se dit,
10:46 bon quand même, on est quand même hospitalisés, on va rentrer dans le service et on va quand même
10:50 essayer de se reposer parce qu'on a quand même des moments difficiles à passer. J'ai dit à mon
10:54 mari que pour moi c'était important qu'on passe la toilette mortuaire de notre fille le premier
10:59 bain. Que moi mon rêve c'était d'accompagner mon mari pour ce premier bain. Et c'est vraiment
11:03 un truc que j'avais rêvé, réfléchi et que chaque moment il fallait qu'on les déguste parce que ça
11:09 allait être rapide. Donc on a décidé ça. Moi j'étais venue avec ma valise de maternité, donc
11:13 j'ai demandé à mon mari s'il était d'accord de faire le tri dans la valise et d'enlever les affaires
11:18 de notre fille parce que c'était trop dur. Du coup on avait un petit sac à côté et on a mis toutes
11:23 les affaires de notre fille sauf une robe qu'on voulait qu'elle porte. On a pleuré, pleuré, pleuré,
11:28 on s'est pris dans les bras, on s'est réconforté et puis on s'est dit bon maintenant que c'est fait
11:33 on donnera le sac à ma grande soeur plus tard mais ses affaires sont prêtes, maintenant il faut qu'on
11:37 se repose. Une fois qu'on a choisi ses vêtements, qu'on a pleuré, qu'on a parlé, qu'on s'est
11:41 rassuré. Donc on a dit qu'on allait essayer de se reposer parce qu'on n'avait pas dormi depuis
11:45 lundi matin. Et à partir du... c'était vers 10h30 et à partir du moment où j'ai rompu la poche des
11:51 os, en fait là j'ai compris ce que c'était une contraction. Et donc j'ai contracté, contracté,
11:56 contracté et puis j'ai dit là j'ai mal. Au même titre que toute femme qui commence à avoir son
12:01 travail et qui commence à avoir mal au moment des contractions. En fait je suis pas capable de gérer
12:05 ma douleur physique et ma douleur psychique. C'était trop, c'était déjà trop violent dans ma tête pour
12:11 pouvoir gérer ce qui se passe dans mes entrailles. J'étais complètement envahie et bouffée par la
12:16 douleur. Et du coup elle a quand même appelé l'anesthésiste qui lui a dit "faites la patient
12:22 en salle d'accouchement et on va poser la péridurale". Elles m'ont transférée en salle
12:25 d'accouchement parce qu'il n'y a pas d'autre endroit pour nous faire accoucher comme ça. Et
12:31 de toute façon on réfléchit pas trop à ce qui se passe. En tout cas moi j'ai pas réfléchi à ça.
12:35 Donc c'est un interne qui m'a posé la péridurale et il a été super parce que vraiment il m'a posé
12:40 une péridurale mais tip top dosée. Et au début je voulais pas la prendre dans mes bras, je voulais
12:44 que ce soit mon mari qui la prenne en premier. Et en fait instinctivement je sais pas ce qui s'est
12:48 passé, je suis allée la chercher et je l'ai mise sur moi parce que c'est la instru maternelle. Et
12:54 du coup mon mari a pu couper le cordon et une fois que j'ai pu la regarder, la voir, me dire "c'est
12:59 mon bébé, c'est ma fille", mon mari était effondré en larmes parce qu'en fait il n'y a pas de cri,
13:04 c'est hyper silencieux, on n'entend rien et on sait que c'est pas normal. Et quand la tête est
13:08 sortie il y avait le cordon autour du cou et en fait elle avait deux tours du cordon autour du
13:13 cou et qui étaient assez... Elle a eu beaucoup de mal à l'enlever. En fait elle s'est vraiment
13:17 pendue dans mon ventre et elle avait un hématome sur la gorge. Il y a beaucoup beaucoup d'enfants
13:22 qui naissent avec le cordon autour du cou, il y a beaucoup d'enfants qui naissent par césarienne
13:26 parce qu'ils ont le cordon. Après la particularité c'est que j'avais énormément de liquide amniotique,
13:31 j'étais presque à la limite du pathologique. Du coup ma fille elle pouvait bouger, elle bougeait
13:36 énormément en fait encore dans mon ventre. C'est un accident en fait. C'est arrivé et on n'y pouvait
13:41 rien, ni nous ni le corps médical. Donc quand on a compris que c'était ça, on n'avait pas besoin
13:50 de réponse supplémentaire parce que ça n'allait pas nous ramener notre enfant. Ils nous ont posé
13:53 la petite sur la table pour la mesurer, pour la peser. Donc c'était un beau bébé de 50-55 cm.
14:00 C'était un très gros bébé, elle était toute belle, joufflue, des cheveux à ne plus en pouvoir. Et nous
14:07 on leur avait dit qu'on voulait faire le bain. Elles sont venues avec la baignoire pleine d'eau parce
14:10 qu'il n'y avait pas le matériel adapté dans la salle de naissance. Donc on a fait ses soins,
14:14 on l'a habillé, on l'a câliné. Alors du coup une fois que l'accouchement est passé, etc. les sages-femmes
14:19 nous expliquaient que Rose partirait avec nous du coup en salle de grossesse pathologique et que
14:23 là-bas ils avaient ce qu'il fallait pour conserver le corps de la petite. Nous quand on est soignants,
14:27 on est tous les deux infirmiers, on sait comment ça marche. Comme on voulait permettre à notre
14:30 entourage de pouvoir voir notre fille, parce que c'était la seule fois qu'ils allaient la voir,
14:34 on voulait quand même que le corps soit assez conservé. Et j'avais peu de temps avec elle,
14:38 donc je voulais en profiter. Mais je savais que ça allait être horrible de poser ma fille en terre.
14:44 Quand on a été prêts, on leur a demandé s'ils pouvaient venir récupérer notre petite pour
14:48 la mettre au frais en fait. Que nous on puisse aller prendre nos douches, nous poser un petit
14:52 peu, essayer de manger et qu'on la récupérait plus tard. Et donc c'est ce qu'on a fait. Sauf
14:58 que quand ils nous ont ramené notre fille, ils ne se sont pas rendu compte mais son visage était
15:01 congelé. Moi quand je leur ai laissé ma fille, elle venait de naître, donc elle était encore
15:06 chaude. Et je l'ai récupéré avec le visage congelé. Et je me suis effondrée en larmes,
15:10 je me suis dit "c'est pas possible, c'était dur, c'était congelé, c'était de la viande congelée".
15:16 Je me suis dit "mais c'est horrible". Donc on leur a expliqué qu'on voulait nous accompagner
15:21 notre fille au frigo et qu'on s'occuperait de l'emmailloter comme il faut. Et du coup avec
15:25 mon mari, on la mettait en position fœtale et on l'a emmaillotée, on couvrait son visage. Moi je
15:31 l'ai fait deux fois et après j'ai dit que c'était trop difficile pour moi de mettre ma fille dans un
15:35 frigo, que j'y arrivais plus. Mais mon mari a continué pour éviter qu'on soit choqué par ça.
15:43 On voulait plus revivre ça, c'était trop... c'était pas possible. Pourquoi je pleure pas et je sais pas
15:50 pourquoi j'arrive à en parler. Je suis pleine d'émotions et parler de ma fille, ça m'émeut.
15:57 Ma fille c'est ma vie, c'est ma chaire, c'est mon premier miracle et ce sera jamais mon premier
16:05 bébé. J'ai pas envie que ça soit un tabou dans ma vie, j'ai pas envie que ça soit un tabou dans mon
16:10 entourage. Ça arrive à plein de gens et on n'en parle pas et en fait ça m'a révoltée après les
16:15 obsèques de ma fille parce que les gens ils osaient pas en parler ou alors ils osaient pas parler de la
16:19 vie, de la réalité, de leurs projets etc. à côté de nous alors que la vie elle continue. Même si c'est
16:24 dur, même s'il y a des moments où je vais complètement craquer, pleurer parce que je veux ma
16:28 fille, je veux qu'on me rende ma fille, ça me la ramènera pas. Les seules choses qui me restent
16:33 c'est j'ai une boîte à souvenirs, on a eu la chance de pouvoir faire des moulages de ses mains, de
16:37 ses pieds, on a des albums photos. En parler aujourd'hui pour moi c'est plutôt dire bah ma
16:42 fille c'est une force et moi j'ai envie de vivre. Après avoir traversé ma dépression et la perte
16:46 de mon bébé, je me dis la plus belle chose que je puisse faire pour ma fille c'est parler d'elle
16:51 comme je parlerais de mes autres enfants, c'est la faire exister et pour moi c'est comme ça que
16:57 je peux rendre hommage à ma fille. Ensuite avec mon mari c'était essentiel pour nous de nous
17:01 retrouver tous les deux, de partir, de discuter de ce qu'on voulait pour la suite, de ce dont on
17:06 avait besoin, de tout ça. Donc on est parti, on a parti voyager cinq semaines en voiture, on a fait
17:12 7000 km et c'était vraiment un voyage pour nous retrouver et rendre hommage à notre fille. On n'a
17:17 jamais baissé les bras sur notre projet d'avoir un enfant et donc d'un commun accord, moi j'étais
17:21 prête, je voulais être sûre et j'avais besoin de savoir que mon mari était prêt sans qu'il le
17:25 fasse pour me faire plaisir et donc on en a beaucoup beaucoup discuté et on a décidé de
17:30 recommencer l'APMA. Et bien je suis tombée enceinte à ce moment là, aussi incroyable. Moi je m'attendais
17:35 à attendre un an avant de tomber enceinte et j'y croyais pas du tout. Et j'ai pas osé en parler à
17:41 mon mari parce que je me suis dit il est tellement encore affecté par la perte de notre petite rose
17:46 que... et puis c'était récent, ça faisait trois mois qu'elle était décédée. Je vais attendre et je veux être
17:51 sûre. J'ai attendu huit jours pour être sûre et en fait on n'a rien fait de particulier parce qu'on
17:56 avait pas envie de se projeter, on avait peur et en même temps vu ce qu'on venait de traverser, on
18:00 n'avait pas envie de se faire des faux joies ou de retomber. On voulait se protéger et en fait au
18:06 début tu essayes de prendre la nouvelle, de vivre au jour le jour, de profiter de chaque moment. Je
18:10 sens très peu mon bébé bouger mais je me dis en fait il est mort. En plus je ne grossis pas, j'ai
18:14 perdu 6 kg depuis le début de ma grossesse, j'ai presque pas de ventre, enfin ça se voit pas.
18:19 Alors que pour Rose j'avais un énorme ventre parce qu'en fait je pense que je suis tellement
18:22 terrorisée, j'ai tellement peur, inconsciemment peut-être que mon corps se protège. On essaye à
18:28 chaque fois de, comme je dis souvent, de canaliser nos chakras en se disant "mais en fait quoi qu'il
18:33 arrive on peut rien faire". À quoi ça sert de nous angoisser et nous stresser ? Ça sert à rien de nous
18:37 faire des films en fait. Ce qui doit se passer se passera et ça arrivera et des fois je suis
18:41 angoissée et j'arrive pas à me raisonner. Mais en même temps je me dis "Célia si tu ressens ça,
18:46 c'est qu'il se passe quelque chose et écoute toi aussi. C'est normal, t'as perdu un bébé à quelques
18:51 heures d'un accouchement, t'as le droit de vivre ça". Alors peut-être que c'est déraisonné, peut-être
18:56 pas, mais c'est comme ça et si je dois appeler mon obstétricien pour lui dire "écoute là j'ai
19:01 besoin d'être rassurée, fais-moi juste un monitoring", bah je le ferai. Il est quand même plus
19:05 distant, on n'a pas plus préparé que ça la grossesse. Par contre les moments qu'on garde un
19:11 peu en bonheur c'est vraiment quand on entend le coeur du bébé et quand on le voit bouger. Là on
19:16 se regarde et on se dit "waouh, c'est toujours aussi beau et c'est toujours aussi magnifique".
19:20 Et toute cette histoire elle nous a appris. Moi j'étais quelqu'un d'hyper angoissée,
19:25 qui voulait tout maîtriser, j'étais très dans le détail et en fait on voit plus du tout la vie et
19:31 les choses de la même manière, ni les relations humaines, ni le... Enfin il y a plein de choses
19:35 pour nous qui sont des détails, qui sont pas graves, qui sont pas utiles. Ça a vraiment tout
19:40 replacé à sa juste valeur et en fait on apprécie la vie. Vraiment on se dit "tout tient à rien et
19:46 on n'est pas maître de ce qui va se passer". Donc on essaie d'approfiter de chaque instant et vraiment
19:50 de vivre le moment, jamais regretter et si jamais il arrive quelque chose demain ou si
19:54 demain on part ou si un de nos proches part, on aura profité de ce moment là.
19:57 [Générique]

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