Serena a vécu une enfance traumatisante marquée par plusieurs événements choquants. Ces expériences ont conduit à la formation de multiples personnalités ou 'alters' comme un mécanisme de défense. Avec nous, elle retrace son parcours, de la découverte de ses multiples identités à sa lutte pour gérer et accepter cette réalité complexe. Découvrez comment elle a réussi à transformer ses défis en force, en utilisant l'écriture et le partage de son histoire pour guérir et inspirer.
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AmusantTranscription
00:00J'ai vécu un truc bizarre, c'est qu'un matin je me suis réveillée à côté d'un homme que je ne connaissais pas.
00:05Et je l'ai regardé et je lui ai dit, mais qu'est-ce que vous faites dans mon lit, qui vous êtes, qui, quoi ?
00:09Et le type, il a ouvert des yeux, il ne comprenait pas.
00:11Le trouble dissociatif de l'identité, c'est un trouble de santé mentale qui concerne surtout des enfants,
00:17essentiellement, qui subissent des chocs traumatiques graves,
00:19qui sont tellement lourds que l'enfant va refuser l'intégration de ses personnalités.
00:25Ce qu'on appelait autrefois le trouble de la personnalité multiple.
00:28Quand j'étais petite, j'étais victime de maltraitance, je subissais de la vie de la part de mon père.
00:32Je voyais bien qu'il était malade quand j'étais enfant, même si je ne savais pas encore ce que c'était.
00:35Et suite à cette vieillesse, les médecins ont constaté que j'avais des blessures sur le corps.
00:39Ma maman a demandé le divorce et c'est quand elle a demandé le divorce
00:42que là, les choses se sont encore plus aggravées avec mon père.
00:45Le jour où il a frappé à la porte, j'ai vu par le judas que c'était lui.
00:48Il était en dehors de ses droits de visite, je lui ai ouvert, j'ai vu dans ses yeux que ce n'était pas lui.
00:53Il avait les yeux qui étaient extrêmement rouges, qui dégageaient beaucoup de colère.
00:57Et ça s'est passé très vite. Je suis allée dans le couloir et là, j'ai vu mon père qui était penché sur ma mère
01:01en train de la poignarder avec un couteau de boucher.
01:03Et j'ai entendu ma mère qui chuchotait, pas devant les enfants, pas devant les enfants.
01:07Mais c'était trop tard, la lame avait déjà pénétré la cuisse et touché l'artère fémorale.
01:11Et j'ai mordu le bras de mon père.
01:12Ce que je sais, c'est que mon père m'a poussée, bousculée.
01:15Je me suis réveillée quelques secondes après.
01:17Il y a eu un truc qui s'est passé ce soir-là.
01:18Parce qu'à partir de là, c'est là que je commence à me souvenir de ce que moi j'ai fait en tant qu'altère.
01:23Mais les autres altères ne sont pas capables de l'expliquer.
01:25Et moi, qu'est-ce que j'ai fait ? Je me suis levée.
01:27J'ai vu ma mère qui était étalée.
01:28Elle avait perdu beaucoup de sang.
01:29Elle aura plusieurs transfusions sanguines suite à ça.
01:33J'ai cherché des pansements.
01:34Je voulais jouer les docteurs alors que j'avais 8 ans.
01:36Et j'ai pris des feuilles de papier A4 et je les ai pressées sur la plaie.
01:40J'ai posé mon frère et ma soeur dessus et je suis descendue.
01:43Et j'ai couru en pyjama, pieds nus, pour essayer de trouver des gens.
01:46Et j'ai vu une dame qui était devant la vitrine d'un bureau de tabac.
01:49La vitrine était fermée.
01:50Ça, par contre, ce sont des images qui sont là comme un film que je me repasse dans la tête.
01:55Et je vois cette femme qui est habillée avec un grand manteau noir,
01:59avec des cheveux coupés au carré.
02:01C'est peut-être pour ça que j'ai des cheveux coupés au carré.
02:03Parce que quelque part, cette dame s'est devenue mon héroïne.
02:05Et je lui ai dit ce qui s'était passé.
02:06Je lui ai dit que mon père a tué ma maman.
02:08Il faut m'aider.
02:08Elle m'a emmenée dans un bureau de tabac.
02:10Et ils ont appelé la police.
02:11Et quand je suis sortie avec cette dame,
02:13j'ai vu mon père qui était contre le mur et qui attendait que la police vienne le chercher.
02:17Je ne sais plus si les pompiers étaient arrivés avant ou après.
02:19Mais lui, il attendait.
02:20Et je me suis jetée sur lui.
02:21Et moi, en fait, j'ai lâché ma colère sur lui.
02:23Et lui ne réagissait pas.
02:24Il n'était pas là.
02:26Il était complètement vide.
02:27Il a été diagnostiqué plus tard schizophrène paranoïde.
02:30Donc, c'est-à-dire qu'après ça, il a fait deux ans de prison.
02:32Et il est parti en hôpital psychiatrique.
02:33Où il est encore aujourd'hui.
02:35Je suis remontée dans l'appartement.
02:37Mon frère et ma soeur avaient été prises en charge par des voisins.
02:40Ma mère est restée trois jours dans le coma.
02:41Justement, juste un instant.
02:43Parce qu'il y a justement un switch.
02:46Donc là, un switch, c'est quand tu changes de personnalité.
02:50Quand toutes ces personnalités.
02:52La sportive, la personnalité qui était bonne à l'école.
02:55Moi, la justicière.
02:57Et ma personnalité coquette.
02:58Quand toutes mes personnalités ont commencé vraiment à se montrer.
03:01Je pense que je l'ai vécu de manière finalement très naturelle.
03:05Je sentais que je n'étais pas comme les autres.
03:06J'étais en train de me recréer un vrai univers.
03:09Et les altères, c'était une manière de s'armer pour affronter un monde
03:12qui avait montré qu'il était vraiment très difficile.
03:16Un altère, c'est comme une personne à part entière.
03:18Avec ses propres goûts, son propre style de vestimentaire, sa propre façon de penser.
03:25C'est comme si on était plusieurs personnes à partager un seul corps.
03:28Si les gens se posent la question, je ne peux pas devenir un chien ou devenir un chat.
03:32En split, c'est que dans les films.
03:34Quand j'ai compris que j'étais différente,
03:36j'ai essayé d'en parler à ma maman.
03:38Je lui ai dit, je vais parler.
03:39Et elle assimilait ça, mais comme beaucoup de monde.
03:41Au choc traumatique que j'avais pu connaître,
03:44Elle me disait, arrête de te rendre intéressante.
03:46Et surtout, ne parle pas de ça.
03:47Mais elle n'avait pas tort d'un côté.
03:49Elle disait, si ma fille commence à dire qu'elle voit des trucs,
03:52est-ce qu'on ne va pas dire qu'elle est folle ?
03:53Est-ce qu'on ne va pas dire qu'elle est comme son père
03:55qui a été diagnostiqué schizophrène paranoïde ?
03:58Elle y dit, et c'est tout.
03:59L'idée, c'est le prénom qu'on a à l'état civil.
04:01Et aucun de mes altères n'a jamais reconnu ce prénom.
04:05J'ai du mal à ce qu'on m'appelle comme ça.
04:07Entre altères, on n'a pas les mêmes vécus.
04:09On n'a pas les mêmes souvenirs.
04:11Il faut imaginer que la journée, elle est divisée comme un camembert,
04:14où chacune a son temps de vie, à chaque personnalité.
04:17Les frontes, souvent, ils arrivent par des éléments qui se déclenchent.
04:20Par exemple, quand on va rentrer dans un univers très intellectuel,
04:25où il faut parler en public,
04:26ça va être Alexia qui va fronter de façon très naturelle.
04:29Moi, dès qu'on va parler de l'univers littéraire,
04:32des rencontres avec les lecteurs, des dédicaces,
04:34ça va être moi, parce que je suis très sociable.
04:36Elsa va être très sensible aux environnements des musées,
04:39aux environnements de la musique, tout ce qui concerne l'art.
04:43Leïla, dès qu'elle va rentrer dans un centre commercial,
04:46elle va être passionnée par son shopping.
04:48Emma, si on est dans une boutique de bonbons ou dans une boutique de peluches,
04:53facilement, je peux retourner à l'âge de 8 ans, mentalement.
04:57Alicia, c'est dès qu'on est en soirée,
04:58qu'il y a un petit peu d'alcool,
05:02qu'il y a des copains, qu'il y a de la musique,
05:05elle aussi, elle va fronter à ce moment-là.
05:08Et Diedi, c'est souvent quand elle, c'est la battante.
05:12Donc, quand il y a une situation où ça pue un peu pour les autres,
05:15c'est elle qui va venir prendre le front
05:17et qui va venir un peu sauver tout le monde, sauver tout le navire.
05:20Et Cynthia, dès qu'elle chose des baskets de sport,
05:22dès qu'on rentre dans un univers qui touche au sport, elle va être là.
05:25On est quelque part un peu toutes des parties, finalement, d'une personne.
05:31Quand j'étais adolescente, je prenais de la drogue,
05:33je buvais beaucoup d'alcool, j'avais plusieurs copains.
05:36Je savais pas à l'époque, j'avais même des relations avec des filles.
05:38Et je savais pas à l'époque que c'était lié à mon TDI ou fait ce qu'on soit plusieurs.
05:42Comme j'arrivais pas à maîtriser tout ça,
05:44je me disais que la faute, finalement, c'était la mienne.
05:47J'ai commencé à écrire des lettres à une amie
05:49et j'ai retrouvé ce que j'avais écrit.
05:51Donc, on écrivait toutes les altères avec des écritures différentes
05:54puisqu'on n'a pas la même façon d'écrire.
05:56On avait vraiment beaucoup de souffrance au fond de nous.
05:59Et sur l'une des lettres, on me disait qu'on allait mettre fin à tout ça en suicidant.
06:04Cette lettre, elle avait été signée par Lydie, justement.
06:07C'est pour ça qu'on n'accepte pas que ce nom soit utilisé à l'état civil
06:10parce que Lydie, c'est une altère.
06:11Et c'est notre altère qui est la plus dangereuse pour nous
06:14dans le sens où elle souffre tellement qu'elle veut plus vivre.
06:18Quelques jours après, on était admise aux urgences pour une tentative de suicide
06:22parce que j'ai pris de l'alcool, beaucoup beaucoup d'alcool, avec du Prozac.
06:25Et j'ai été hospitalisée pendant quelques mois à l'hôpital psychiatrique de Dijon.
06:32On était malheureuses. On était malheureuses en pédopsychiatrie.
06:35Et à l'âge de 17 ans, je faisais 32 kg.
06:37Suite à cette hospitalisation en hôpital psychiatrique, j'ai arrêté de manger.
06:41Parce que j'ai vu que les adoréxiques, quand elles arrêtaient de manger,
06:44on s'intéressait à elles.
06:45Et je pense que l'adolescente que j'étais, qui était extrêmement seule,
06:48arrêtait de s'alimenter pour qu'on puisse enfin s'intéresser à elle.
06:51Notre altère Diédie avait été mise en sommeil à ce moment-là.
06:53Et c'est quand elle est réapparue, à l'âge de 19 ans,
06:56que de nouveau on a repris le dessus sur toutes les difficultés qu'on avait pour se battre.
07:02En fait, c'est ça qui était paradoxal.
07:03C'est que dans cet hôpital psychiatrique, à la base, je suis rentrée, j'étais pas folle.
07:07Et je me demandais si en sortant, j'allais pas devenir folle, finalement.
07:11Et puis il y avait, voilà, ces prises de sang le matin,
07:14ces repas, ces journées qui étaient rythmées simplement par les repas.
07:17J'ai eu l'impression qu'on m'avait mise dans un hôpital psychiatrique
07:20pour se débarrasser du problème.
07:22Pour les médecins, c'était une façon de dire
07:24« Ok, elle a tenté de se suicider, on traite le problème. On l'enferme. On l'interne. »
07:29Et j'avais de temps en temps des entretiens avec des psychiatres
07:32qui changeaient tout le temps, qui n'étaient jamais les mêmes.
07:34Comment on peut trouver les problèmes d'une personne
07:37quand on l'écoute pendant une heure ?
07:40C'est impossible !
07:41Euh... Hop, c'est Alexia, je reprends le lead sur l'échange.
07:47Et puis, suite à cela, je me suis mise en couple.
07:50Pendant 6 ans, j'ai été violée, j'ai été battue et j'ai été torturée.
07:55J'ai porté plainte des années plus tard pour tentative de meurtre,
07:58puisqu'il y a eu une scène où j'ai cru que j'allais revivre
08:01ce que mon père a fait à ma mère.
08:03Mon ex a essayé de me le faire aussi.
08:05Dans la tête, ça réfléchit en permanence.
08:08Il faut imaginer une machine qui tourne, avec des questions sans cesse.
08:12Quand t'avais une hauteur qui était en rencard avec un homme,
08:15il nous arrivait de faire des petits commentaires
08:17parce que des fois, on voit la scène, si tu veux.
08:19T'empêcher de faire des commentaires sur ce que t'es en train de voir.
08:21Donc t'es en train de te voir avec un homme
08:24et la personnalité qui est en train de vivre cette scène,
08:27qui est vraiment là en face de ce rencard, elle l'entend.
08:30En fonction des personnalités, déjà, tu te sens plus ou moins là.
08:32Par exemple, Elsa, quand elle fronte, elle se sent pas là du tout.
08:35Elle ne reconnaît pas son physique.
08:36Elle a ce qu'on appelle des troubles associés.
08:38Elle sent la déréalisation et la dépersonnalisation.
08:41Elsa se souvient de tout.
08:42Les personnes qui l'ont agressée sexuellement et physiquement,
08:45c'est celle qui nous a protégées.
08:47Quand on était à la rue, un jour, je me rendais à mon travail.
08:50J'ai travaillé à la Défense.
08:52Et comme tous les matins, je prends le métro.
08:54Je pars de chez moi, je descends les souterrains.
08:56Et d'un seul coup, je me retrouve devant le métro 7,
09:00sans savoir ce que je fais là.
09:01Je me mets à trembler.
09:03Ce vertige reste, reste.
09:04J'arrive plus à retrouver mes esprits.
09:06Mais ça a duré quelques secondes, comme ça,
09:08où j'étais choquée de cette perte de repère.
09:11Et je vois qu'il s'est passé plus d'une heure
09:14sans que je sache ce que j'ai fait ni comment je suis arrivée là.
09:17Et je suis en panique.
09:18J'aurais pu faire n'importe quoi.
09:20J'aurais pu me mettre en danger.
09:22Et je me dis, mais j'ai une tumeur au cerveau.
09:24Je pars avec cette certitude.
09:26Il y a un truc dans mon cerveau qui vient de dérailler.
09:28Et je pleure, comme ça, dans le métro.
09:30Pour autant, je repars sur mon chemin.
09:32Et j'arrive à la Défense.
09:34Et arrivée en haut, je m'effondre sur le bureau.
09:37Et là, mes collègues arrivent.
09:38Mais qu'est-ce qui se passe ?
09:39Je leur dis, j'ai perdu la mémoire pendant plus d'une heure.
09:42Mes collègues, qu'est-ce qu'ils font ?
09:43On me dit, t'es en burnout.
09:45Parce que je travaillais beaucoup.
09:46On m'appelle un taxi.
09:47Le taxi me ramène devant chez moi.
09:48Je suis toujours dans le même état d'hébétude.
09:50J'appelle le médecin qui me dit, venez en urgence.
09:53Et de nouveau, je me perds en allant chez le médecin.
09:55C'est-à-dire qu'il était à côté de chez moi,
09:56sur le même rond-point de la Nation.
09:58Et je me retrouve de l'autre côté du rond-point,
10:00sans savoir ce que je fais là.
10:01Je retraverse.
10:02J'arrive chez le médecin.
10:03Je refonds en larmes.
10:04Et là, le médecin, il me dit, on va vérifier.
10:06Toutes les causes devaient être écartées.
10:08Il ne pensait pas que c'était un Alzheimer précoce.
10:10Il n'a pas écarté le problème d'une tumeur.
10:13Donc, on a fait des examens
10:15qui ont révélé que mon cerveau n'avait pas de problème.
10:18Donc, c'est là qu'il a commencé à me diriger vers un psychiatre.
10:21Et je me souviens aussi d'une fois
10:23où je prenais la voiture pour aller à Beaune.
10:26J'habitais à Dijon.
10:28Je prenais la voiture pour aller à Beaune.
10:29Et j'ai dû avoir un switch au volant.
10:31Et je me suis retrouvée à m'arrêter en urgence sur une aire,
10:34à suffoquer.
10:35Je ne savais plus conduire.
10:36On ne sait pas comment se créent les haltères,
10:38mais on les découvre.
10:39À un moment donné,
10:40quand on a commencé à comprendre
10:43tout ce qui nous arrivait,
10:45notamment pendant la période de confinement.
10:47Donc, on a commencé à écrire.
10:48Et on s'est aperçus...
10:50Donc, le premier livre qu'on a écrit,
10:51c'est Les chats retombent toujours sur leurs pattes.
10:52Et dans ce livre, on a quatre haltères qui écrivent.
10:55Et un jour, il y a une libraire à Vannes
10:57qui s'est aperçue que la façon d'écrire
11:00n'était pas la même d'une page à l'autre.
11:01Donc, elle avait déjà aperçu.
11:03Et Serena, ce prénom qu'on a choisi,
11:06Serena Davis,
11:07c'est en fait la réunion de cinq haltères qui écrivent.
11:10Ça a mis tous les haltères d'accord.
11:12Elles ont été très heureuses
11:13parce qu'à travers l'écriture,
11:14on apprend à se connaître individuellement.
11:16Parce qu'il arrive sur certains livres
11:18qu'une haltère soit vraiment sur cette écriture,
11:22sur ce livre.
11:22Et parfois, il y a des livres qui s'écrivent à plusieurs.
11:25Là, je sais que j'ai une haltère
11:26qu'on n'a pas identifiée.
11:28Il m'est arrivé un truc il n'y a pas longtemps.
11:30Je devais prendre le train, puis un RER.
11:33On a eu une perte de mémoire
11:34entre la gare de Lyon et le RER.
11:37C'est-à-dire que je me réveille dans le RER
11:39et je savais que j'avais quatre bagages
11:40parce qu'on se répète quand on part.
11:42Et je savais.
11:42Et je me tourne et je vois que j'en ai que trois.
11:44Après, quand tu ne te souviens pas,
11:45des fois, tu as les infos par les autres haltères.
11:47Mais là, c'est resté blackout.
11:49J'avais peur de moi.
11:50Donc, je ne disais pas au psychiatre.
11:51Qu'est-ce qu'il va penser ?
11:53Il va penser que j'ai une schizophrénie paradoïde
11:55comme mon père.
11:55Et du coup, on va me l'interner
11:56et je vais perdre mon travail de cadre.
11:58Un jour, j'étais allongée sur mon canapé
12:00et là, j'entends deux voix masculines dans ma tête.
12:03C'était la première fois que j'entendais
12:05mes deux haltères masculins
12:06qui sont vraiment dans l'intérieur du système,
12:08qui ne sont quasiment pas en front à l'extérieur,
12:11Jérémie et Jérôme.
12:12Et j'entends, on va prendre soin d'elles.
12:14Et ça répond, on va s'en occuper.
12:15Et j'ai eu une peur.
12:17Et je commence à fermer les yeux,
12:18à essayer d'entendre.
12:20Et là, je conçois que j'ai plein de questions dans ma tête.
12:23Et je me dis, c'est pas possible, les gens.
12:25Ils ne pensent pas tout le temps comme ça.
12:26Pourquoi est-ce que j'entends des trucs ?
12:27Pourquoi est-ce que quand je suis devant une vitrine,
12:29chez le coiffeur, je ne peux pas rentrer
12:31parce que je me dis,
12:32ah bah non, il faudrait plutôt avoir les cheveux longs,
12:34il faudrait plutôt avoir les cheveux courts.
12:35Et si je me faisais rousse,
12:35et si je me faisais...
12:36En fait, on est plusieurs.
12:38Il y a vraiment eu plusieurs phases.
12:40C'est ça qui est compliqué,
12:41c'est parce que comme mes repères spatiaux...
12:43Enfin, mes repères temporels ne sont pas les mêmes.
12:45Il n'y a pas longtemps, je me suis trompée d'année.
12:472023, j'ai pensé qu'on était en 2022.
12:49Donc, ce n'est pas facile pour moi de donner des indications précises.
12:52Et c'est lié complètement au TDI.
12:53Le jour où j'ai compris mon TDI,
12:55tout a pris un sens.
12:57Ce n'était plus des bizarreries.
12:58C'était un système qui avait besoin d'apprendre,
13:01en fait, à fonctionner ensemble.
13:03On a longtemps pensé qu'on pouvait avoir des altères perturbateurs.
13:06On a pensé, on a une altère qui fait un peu le ménage
13:09dans les relations toxiques, justement, qui s'appelle Angélique,
13:11et qui est capable, en fait, de chasser quelqu'un
13:13sans aucun état d'âme, sans aucun sentiment.
13:16Elle peut mettre, enfin, rompre une relation avec un homme
13:19du jour au lendemain, même si ça fait 3 ans, 4 ans qu'on est avec.
13:21Moi, j'ai vécu un truc bizarre.
13:24C'est qu'un matin, je me suis réveillée
13:26à côté d'un homme que je ne connaissais pas.
13:27Et je l'ai regardé, et je lui ai dit,
13:29mais, enfin, qu'est-ce que vous faites là,
13:31dans mon lit, vous êtes qui, quoi ?
13:32Et le type, il a ouvert des yeux, il ne comprenait pas.
13:35À ce moment-là, il me regarde, il me dit,
13:37Enfin, je ne sais plus exactement comment c'est passé,
13:39mais je l'ai chassé, et j'étais traumatisée.
13:42J'étais super choquée.
13:43Et j'ai compris après, parce que j'ai regardé dans le téléphone
13:46les échanges qu'on avait eus.
13:47Ça faisait 3 mois qu'on le fréquentait.
13:49Sauf que, ben, je n'avais pas dû le fronter
13:51pendant qu'il était là,
13:53ou alors c'était une autre alter qui communiquait avec moi,
13:55qui ne communiquait pas avec moi, qui était avec lui.
13:57C'est la chose la plus ouf qui me soit arrivée.
14:00Si j'avais un conseil à donner à une personne
14:03qui découvrirait qu'elle a éventuellement
14:05un trouble dissociatif de l'identité,
14:07c'est déjà de ne pas rester seule,
14:09de ne pas chercher des réponses par elle-même,
14:10et d'aller consulter un professionnel.
14:13Aujourd'hui, on est heureuse,
14:14et c'est ça qu'il faut regarder.
14:16Donc, pour avoir la vie que j'ai aujourd'hui,
14:18cette vie littéraire, cette vie professionnelle qui décide,
14:20cette vie personnelle avec Maxime,
14:22je serais prête même à retraverser l'enfer,
14:24tellement c'est génial et tellement on s'éclate.
14:26Je lis avec Max depuis 2 ans,
14:27et on ne sait pas que c'est l'année dernière.
14:29Le quotidien avec les alters,
14:31c'est beaucoup d'adaptations.
14:32C'était un peu chaotique au début,
14:34mais après, c'est un quotidien qui est très enrichissant.
14:35On partage des moments différents avec chaque alter.
14:38Je ne veux pas dire qu'au 2 ou 3 premiers rendez-vous,
14:40je me sois vraiment rendu compte de tous les changements,
14:42je me rendais compte qu'elle était différente des autres.
14:45Et après, par contre,
14:46j'ai rencontré les alters les unes après les autres,
14:48il y en a certaines que j'ai rencontrées vraiment
14:49au bout de plusieurs mois.
14:51Alors, au quotidien, je suis quand même,
14:52oui, obligé d'être assez organisé.
14:54On a mis en place au bout de quelques mois
14:56un agenda partagé.
14:58C'était à la fois pour s'organiser entre nous,
15:01notre vie de couple,
15:02mais aussi pour elle,
15:03pour qu'elle puisse voir en cohérence
15:06avec mes horaires de travail, par exemple,
15:08chacune quel temps elle pourrait avoir comme créneau
15:10pour leurs activités,
15:11puis du temps avec moi.
15:12Donc, passez-moi d'une relation avec une personne
15:14qui n'a pas de TDI,
15:15qu'ensuite à une relation avec quelqu'un qui a un TDI.
15:17Ça a été peut-être un challenge au début,
15:18et j'ai vraiment vécu ça un peu au jour le jour au début,
15:20et de me dire, bon, voilà,
15:21je vais essayer de voir quel équilibre on peut trouver
15:23entre le système et moi.
15:24C'est bon pour toi ?
15:25Oui, c'est bon pour moi.
15:27J'ai énormément de projets.
15:28J'ai pour projet de faire un film.
15:30Ça, c'est mon rêve ultime,
15:32et je sais qu'il est réalisable.
15:33Et j'en ai d'autres, évidemment.
15:35Je voudrais que toutes mes alternatives s'épanouissent,
15:37chacune, en fait.
15:38Que chacune trouve sa place
15:40dans un projet construit pour le système
15:41et par le système.