• il y a 10 mois
Découvrez l'histoire inspirante de Raphaël, qui lutte contre les troubles obsessionnels compulsifs depuis l'adolescence (TOC). Marqué par le divorce de ses parents, il fait face à des rituels de nettoyage et à des obsessions de contamination, qui ont profondément impacté sa vie quotidienne et ses relations.
À travers son récit, Raphaël met en lumière le chemin vers la prise de conscience, le traitement médical et l'importance du soutien psychologique, démontrant une incroyable résilience face à ces défis et offrant espoir et encouragement à ceux qui font face à des luttes similaires.

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Amusant
Transcription
00:00 Mon ex-copine aimait bien acheter des beaux sacs à main,
00:02 son sac à main préféré,
00:03 elle le met, elle le pose dans une zone de l'appartement qui était contaminée.
00:07 Et je me souviens que j'étais tellement angoissé et tellement mal,
00:10 parce que c'est un sac qu'elle prenait partout.
00:11 Et donc je me revois en train de lui demander de jeter le sac,
00:14 qui valait probablement plusieurs centaines d'euros, peut-être plus.
00:17 Et en disant ça, j'ai conscience, je me dis "mais je suis un monstre".
00:20 Elle n'a rien fait, je lui impose finalement de se débarrasser d'un sac.
00:23 Pour elle, ça n'a aucun sens, et même pour moi, j'ai conscience que ça va trop loin.
00:26 Ma copine a cette réaction, elle me dit "mais en fait, t'es un peu fou".
00:29 Et donc là, sans être méchante et sans le faire exprès,
00:32 elle appuie sur un point qui fait très mal,
00:33 c'est que je ne sais pas, je ne me suis pas renseigné sur le toque,
00:35 je ne sais pas que c'est un trouble psychique qui touche beaucoup de monde,
00:38 que ce n'est pas de la folie.
00:38 Et donc, je me dis "hélas, oui, elle a raison".
00:41 Il aura fallu beaucoup de temps pour que cette idée fasse son chemin,
00:43 que j'étais malade.
00:44 Je m'appelle Raphaël, je suis là pour témoigner de mon parcours personnel,
00:48 d'ancien malade de trouble obsessionnel compulsif,
00:50 qui est une maladie que tout le monde connaît,
00:52 mais qui est mal connue et surtout très sous-estimée.
00:54 Le trouble obsessionnel compulsif, c'est une maladie,
00:57 une maladie mentale, que d'emblée on dise le mot, c'est une maladie.
01:00 C'est même la quatrième maladie mentale en France,
01:03 qui touche 2 à 3% des gens à des degrés variables,
01:05 donc ça touche beaucoup de monde,
01:06 plusieurs centaines de milliers, voire des millions de personnes.
01:09 C'est une maladie qui est invalidante,
01:11 qui peut prendre des formes très diverses,
01:12 qui progresse de façon lente et insidieuse.
01:15 Mais heureusement, c'est une maladie contre laquelle il existe des traitements,
01:18 et je suis là pour en témoigner.
01:19 Mon histoire de malade de toque, elle commence quand j'ai 14 ans.
01:22 Elle n'est pas arrivée par hasard,
01:23 ça a commencé avec le divorce de mes parents,
01:25 qui a été un élément déclencheur.
01:26 Quand j'étais enfant et jeune adolescent,
01:28 des manies, qui n'étaient pas problématiques en soi,
01:30 qui n'étaient pas pathologiques,
01:32 mais qui ont constitué, on va dire, le terreau du toque.
01:34 Et donc, il a fallu le divorce de mes parents,
01:36 qui était une période difficile à vivre,
01:38 pour que les premiers comportements pathologiques naissent.
01:41 J'avais d'abord des difficultés,
01:42 et ensuite une impossibilité de toucher certains objets,
01:45 comme les poignées de porte, par exemple, ça a été le premier toque.
01:47 Ça a été les premiers comportements d'une très longue série
01:50 qui allaient m'emmener malheureusement très loin.
01:52 Une manie, on peut s'empêcher de la faire,
01:54 mais on peut ne pas les faire.
01:56 Le toque, c'est une privation de liberté.
01:58 On perd la liberté de faire autrement
02:00 que par les compulsions, par les rituels.
02:02 Je donne un exemple, je souffrais de toque dit de contamination,
02:04 ça veut dire que j'avais des obsessions de contamination et de souillure,
02:08 et donc les rituels associés étaient des rituels de lavage.
02:11 Je ne pouvais pas faire autre chose tant que je ne m'étais pas lavé les mains,
02:13 parfois plusieurs fois, pendant plusieurs minutes.
02:15 On considère qu'on est malade de toque
02:17 quand on passe plus d'une heure par jour à faire ses compulsions, ses rituels.
02:20 Cela étant, c'est une définition qui n'est pas parfaite
02:22 puisque ça fait fi de tous les comportements d'évitement,
02:25 des choses qu'on ne fait pas parce qu'on a peur de s'exposer à des situations.
02:29 Et aussi, ça ne prend pas en compte toute la souffrance psychique quotidienne.
02:32 On peut ne pas être en train de se laver les mains,
02:34 mais être obsédé par des pensées anxiogènes et persistantes,
02:37 et ça, la définition officielle ne les prend pas en compte.
02:39 Quand on souffre d'un toque, quand je touche une poignée de porte,
02:43 j'ai une montée d'angoisse qui est très forte,
02:45 qui me submerge, au point que je ne peux pas la neutraliser autrement
02:49 que par un rituel de lavage qui est très long.
02:51 Le toque, c'est un mécanisme qui est double.
02:53 Il y a d'abord des obsessions.
02:54 Les obsessions, ce sont des idées qui ne dépendent pas de nous,
02:57 comme toutes les idées, elles viennent,
02:59 mais ces pensées, dans le toque, elles ont deux caractéristiques.
03:01 D'abord, elles sont très anxiogènes, comme je disais,
03:03 elles génèrent beaucoup d'angoisse.
03:04 Par ailleurs, ces pensées, elles ne partent pas, elles sont persistantes.
03:07 Et dans le toque, le moyen d'évacuer ces idées, ces pensées obsessionnelles,
03:11 c'est de faire ce qu'on appelle la compulsion, on parle aussi de rituel.
03:14 Et là, c'est un acte qui est délibéré.
03:16 Le toque, il peut prendre des formes extrêmement diverses.
03:19 Les plus connues, c'est les obsessions d'erreur
03:22 qui vont être associées à des rituels de vérification.
03:25 Des gens qui vont vérifier 50 fois avant de partir de chez eux
03:27 que la porte est bien fermée, que tout est bien débranché,
03:29 qu'il n'y a pas de risque d'un incendie.
03:30 Il y a évidemment les toques de contamination dont j'ai parlé.
03:34 Il y a les obsessions dites de malheur,
03:36 c'est-à-dire la peur qu'il arrive malheur à des proches, au monde,
03:38 que le monde s'effondre par sa faute.
03:40 Et dans ce cas-là, le rituel, ça va être pas mal des rituels mentaux,
03:43 des formules qu'on va se réciter dans sa tête
03:45 pour éviter que le malheur ne survienne.
03:47 Et il y a une autre forme de toque dont je voudrais parler,
03:49 qu'on appelle les phobies d'impulsion,
03:51 c'est-à-dire la peur d'avoir l'impulsion de meurtre,
03:55 ou encore une autre, c'est la peur de l'impulsion pédophile.
03:59 Ça touche pas mal de pères de famille qui ont peur, finalement,
04:03 de se retrouver tout seul avec un enfant
04:05 et d'avoir la pulsion de le violer.
04:06 Et c'est une forme de toque qui est épouvantable
04:09 parce qu'avec le caractère tabou de l'obsession et du thème,
04:11 c'est une forme de toque qui, dans les cas les plus graves,
04:13 conduit au suicide.
04:14 Il y a des pères qui se suicident
04:15 parce qu'ils n'osent même pas en parler à leur épouse
04:18 parce que c'est trop inavouable.
04:20 Donc c'est une forme de toque qui existe, la phobie d'impulsion.
04:23 Toutes les formes de toque sont épouvantables.
04:24 Il faut se faire traiter, il faut aller consulter.
04:26 Mais voilà, il faut savoir que le toque peut prendre
04:28 des formes extrêmement diverses,
04:30 mais la souffrance est la même
04:31 et le mécanisme d'obsession-compulsion
04:33 se retrouve dans toutes les formes de toque.
04:35 Quand je touche la poignée de la porte,
04:36 j'ai peur d'être contaminé par toutes les mains qui sont passées dessus.
04:40 Ça me submerge d'angoisse, l'angoisse elle persiste
04:42 et donc le seul moyen d'évacuer,
04:44 c'est d'aller faire mon rituel de lavage.
04:46 Le problème, c'est que plus je fais mon rituel de lavage,
04:49 plus je me lave les mains,
04:50 plus je donne de la crédibilité,
04:52 plus je donne du corps à la pensée obsessionnelle.
04:54 Et c'est en ça que le toque est un cercle vicieux
04:56 et que c'est un échafaudage,
04:58 une construction mentale qui est complexe,
04:59 qui est assez difficile à déraciner,
05:01 même si heureusement c'est possible.
05:03 Évidemment, les toques pour moi ont commencé
05:04 quand j'avais 14 ans avec le divorce,
05:06 mais le toque a continué à évoluer avec le temps.
05:09 C'est-à-dire qu'avec le temps,
05:10 je vois que les rituels deviennent de plus en plus longs,
05:13 de plus en plus complexes.
05:14 Je me vois passer des heures à me laver les mains
05:17 et ce qui est très important de dire,
05:18 c'est que j'ai parfaitement conscience que c'est absurde.
05:20 C'est-à-dire que j'ai beau ne pas pouvoir m'en empêcher,
05:22 je sais que c'est absurde.
05:23 Et du coup, la conséquence, c'est que je me crois fou.
05:25 Ça génère une culpabilité chez moi
05:27 qui fait que je n'arrive pas à en parler.
05:28 Donc j'ai une image de moi-même qui est extrêmement dégradée
05:31 et donc au fil du temps, au fil de l'évolution de la maladie
05:33 qui a duré 12 ans chez moi,
05:34 je m'organise, je vis autour du TOC.
05:37 J'obéis à toutes ces injonctions qui sont très nombreuses
05:39 et qui sont de plus en plus importantes
05:41 et je fais tout pour le cacher.
05:42 Quand les TOC démarrent,
05:43 c'est au moment du divorce de mes parents,
05:45 je suis en pleine crise d'adolescence
05:46 et je suis un peu en rébellion.
05:47 Donc ces TOC, pour moi, marquent une forme de rébellion
05:51 et donc je ne prends pas du tout conscience de la gravité
05:54 que ça allait prendre par la suite.
05:56 C'est véritablement quand j'ai quitté le domicile de mes parents
06:00 pour aller poursuivre mes études
06:01 que finalement le TOC s'est attaché à d'autres choses
06:03 qui n'avaient plus rien à voir avec mes parents.
06:05 Et c'est là que j'ai compris que le phénomène,
06:07 il était hors de contrôle,
06:08 que ça me faisait un peu peur
06:09 parce que je me demandais mais jusqu'où ça va aller ?
06:11 Au départ, je n'ai pas cherché à lutter contre le TOC
06:13 parce que je ne savais pas que j'en avais un,
06:15 je ne savais pas que c'était une maladie.
06:16 C'est véritablement quand j'ai changé de domicile,
06:19 que j'ai intégré une classe prépa,
06:20 qu'il y a une période où il y a beaucoup de stress
06:22 et beaucoup d'angoisse
06:22 et donc les TOC se sont considérablement aggravés
06:25 pendant cette période.
06:26 Et c'est là que j'ai compris qu'il y avait véritablement un problème
06:29 que je n'ai pas cherché à élucider.
06:30 Je vivais avec ce soupçon de folie
06:33 que je me cachais à moi-même.
06:34 C'est là que j'ai identifié le problème
06:36 sans pour autant chercher à le traiter.
06:37 Dans mon cas,
06:38 et c'est une interprétation qui a été discutée
06:40 avec le psy que j'ai vu plus tard,
06:43 il interprétait la naissance du TOC
06:44 comme finalement un moyen de me mettre à distance.
06:46 De me mettre à distance,
06:47 c'est le moyen de défense que j'avais à ce moment-là
06:50 quand j'avais 14 ans,
06:50 que je n'étais donc pas un adulte construit
06:52 et que finalement,
06:53 ces rituels de lavage contre ce que touchaient mes parents,
06:56 c'était ça concrètement,
06:57 c'était une manière de me protéger,
06:58 de les mettre à distance
06:59 et donc, c'était une mise à distance symbolique
07:01 de la violence que représentait à ce moment-là
07:03 le divorce de mes parents.
07:04 Le problème, c'est que ça, c'était l'origine
07:05 mais qu'après, les années ont passé,
07:08 la tension du divorce s'est apaisée
07:10 mais le TOC s'est attaché à beaucoup d'autres choses
07:11 qui n'avaient plus de rapport avec l'élément déclencheur
07:14 et c'est en ça que le TOC est insidieux,
07:15 c'est qu'il trouve toujours quelque chose à quoi se rattacher.
07:18 Quand j'ai 10 ans,
07:19 je quitte la région où j'ai grandi
07:22 et j'arrive dans une classe préparatoire
07:23 où là, pendant une période très brève,
07:25 les TOC me laissent un peu tranquille
07:27 parce que je m'éloigne du foyer, de l'épicentre des TOC
07:30 mais très vite,
07:31 c'est là que j'ai compris que le logiciel TOC,
07:33 il était bien présent.
07:35 Les TOC reviennent.
07:36 Dans un contexte de classe préparatoire
07:38 où avec l'arrivée des concours
07:40 et même des préparations intermédiaires,
07:42 il y a beaucoup de stress et beaucoup de fatigue
07:43 et finalement, les TOC repartent de plus belle
07:45 et même de façon encore plus violente
07:47 qu'ils n'étaient quand j'habitais avec mes parents.
07:49 Ça a eu beaucoup d'impact sur ma vie quotidienne.
07:51 Je passais énormément de temps à me laver les mains.
07:54 Je me souviens que pendant l'hiver,
07:55 je me lavais tellement les mains
07:56 que j'avais les mains en lambeaux,
07:57 des lambeaux de peau qui se détachaient,
07:59 tellement avec le froid,
08:01 j'avais des crevasses sur les mains
08:03 qui étaient très régulièrement en sang.
08:05 Ça se voyait, mes amis le voyaient.
08:07 J'essayais de justifier ça par une maladie,
08:09 enfin, ce qui renforce la honte d'ailleurs
08:11 et qui fait qu'on se sent encore plus minable
08:13 finalement de faire ces rituels.
08:15 Pour autant, on ne peut pas s'en empêcher.
08:16 Il est clair que quand on passe 12 heures par jour
08:18 à faire un rituel, on n'a plus de vie
08:20 et souvent, ça amène à un décrochage social.
08:23 On n'ose plus sortir de chez soi.
08:24 Ça amène à un décrochage professionnel
08:26 où parfois, les gens perdent leur emploi.
08:28 Le problème, c'est que quand on passe
08:30 toute sa journée tout seul chez soi
08:32 à faire ses rituels,
08:33 le toque se nourrit encore plus de ce vide
08:35 et la situation devient infernale
08:37 et mène d'ailleurs très directement
08:38 à une complication courante qui est la dépression
08:40 parce que mécaniquement,
08:42 on arrive dans la dépression
08:43 et le toque devient encore plus difficile à traiter
08:45 quand il se double d'un épisode dépressif
08:47 qui peut être très grave.
08:48 Malgré les difficultés que je connaissais
08:49 dans ma vie quotidienne,
08:50 mais qui s'exprimaient surtout le soir
08:52 quand j'étais tout seul dans ma chambre à réviser,
08:54 il y avait quand même des situations
08:55 où le toque me laissait tranquille,
08:57 notamment pendant les examens.
08:59 Pendant les examens, j'étais concentré sur l'examen,
09:01 il n'y avait pas de toque
09:02 et il y avait une autre circonstance,
09:04 c'est quand je faisais du sport
09:05 et en particulier du tennis.
09:06 C'est très important d'identifier des moments
09:07 où le toque nous laisse tranquille,
09:08 d'une part pour rendre le quotidien insupportable
09:10 parce que si on passe la journée
09:12 avec cette épée de Damoclès du toque
09:13 au-dessus de la tête, c'est invivable.
09:15 Et par ailleurs, quand on fait le traitement,
09:17 il y a la thérapie comportementale et cognitive
09:18 qui consiste à s'exposer volontairement
09:21 à des situations qui posent problème.
09:22 Il est clair que quand on fait monter l'angoisse,
09:24 il faut être capable de trouver des moyens
09:26 pour la faire baisser et donc avoir recours
09:29 à ces moments, à ces techniques,
09:31 à ces pratiques sportives ou autres.
09:33 C'est essentiel pour aider l'angoisse
09:35 à passer toute seule
09:36 parce que c'est par là que passe le chemin de la guérison.
09:38 Et ce qui a été le tournant, c'est en 2016,
09:40 à la fin de mes études, de mon école,
09:41 où je rencontre une fille qui était dans ma promotion
09:44 dont je tombe très amoureux
09:45 et on se met à sortir ensemble.
09:47 Et c'est le point d'inflexion
09:48 parce que tant que je vivais tout seul,
09:50 j'arrivais assez bien à organiser ma vie autour du toc.
09:53 Vrai point de bascule, c'est le jour
09:55 où on décide d'emménager ensemble
09:56 dans l'appartement de ses parents
09:58 puisque autant on arrive à peu près
10:01 à organiser sa vie autour du toc quand on est tout seul,
10:03 quand on est en couple, cet équilibre instable,
10:05 il vole en éclats extrêmement vite.
10:07 Et donc finalement,
10:08 quand on a commencé à vivre ensemble,
10:10 il y a eu une multiplication des comportements étranges.
10:12 Je prenais énormément sur moi pour le cacher,
10:14 mais je n'y arrivais pas, ce n'était pas possible.
10:15 Il y avait des objets que j'avais beaucoup de mal à toucher,
10:18 les chargeurs de téléphone notamment,
10:19 les bouteilles en verre,
10:21 c'était très difficile et mécaniquement,
10:24 ma copine touchait ces objets,
10:26 qui sont des objets anodins de la vie courante
10:28 et ça me mettait en grande difficulté.
10:29 De sorte que parfois, il m'arrivait d'essayer
10:31 de trouver des moyens de lui demander de se laver les mains
10:33 quand elle avait touché un chargeur
10:35 de façon inexpliquée, inexplicable,
10:37 et donc ça créait une forme de tension.
10:38 Dans la vie quotidienne, à partir du moment
10:40 où ma copine rentre dans mon toc,
10:42 ça devient une explosion,
10:45 l'aggravation du toc est exponentielle.
10:47 Quand on a un toc de contamination,
10:48 en tout cas c'était mon cas,
10:49 il y a une dimension très spatiale,
10:51 c'est-à-dire qu'il y a des zones
10:53 qui ne doivent jamais être contaminées,
10:54 jamais être contaminées, c'est-à-dire que
10:55 je ne dois jamais poser d'objet contaminé,
10:58 donc je parlais d'un chargeur dans certains endroits,
11:00 notamment dans la chambre et notamment dans le lit,
11:02 qui doit être le sanctuaire,
11:03 qui doit rester pur en permanence.
11:05 Et si j'ai un doute, si j'ai un chargeur
11:07 qui effleure le lit,
11:08 je change les draps immédiatement.
11:09 Mon ex-copine aimait bien acheter des beaux sacs à main
11:13 et un jour, elle a le malheur,
11:14 son sac à main préféré,
11:15 elle le met, elle le pose dans une zone
11:17 de l'appartement qui était contaminée.
11:18 Ça ne faisait pas très longtemps qu'elle avait ce sac.
11:20 Et je me souviens que j'étais tellement angoissé
11:22 et tellement mal, parce que c'est un sac
11:24 qu'elle prenait partout,
11:25 que donc quand on allait dans la voiture,
11:27 elle l'avait sur elle.
11:28 Donc le sac devenait contaminé,
11:29 puisqu'il venait d'être posé dans une zone contaminée.
11:31 Et donc je me revois entre à lui demander
11:33 de jeter le sac,
11:34 qui valait probablement plusieurs centaines d'euros,
11:36 peut-être plus,
11:37 je lui demande de jeter le sac.
11:38 Tellement pris par l'angoisse,
11:39 en me prochant, en me disant "mais ce n'est pas possible,
11:40 ce sac, elle va l'emmener en voyage,
11:42 elle va l'emmener dans la voiture,
11:44 il va contaminer ma voiture,
11:46 il va tout contaminer,
11:46 donc il faut s'en débarrasser".
11:48 Et donc je me vois lui demander,
11:50 mais jette le sac.
11:51 Et en disant ça, j'ai conscience,
11:53 je me dis "mais je suis un monstre".
11:54 Elle n'a rien fait,
11:55 elle a posé le sac dans une zone
11:57 très banale de l'appartement,
11:58 et parce que dans mon toc,
12:00 c'est une zone contaminée qui pose problème,
12:02 je lui impose finalement de se débarrasser d'un sac.
12:04 Pour elle, ça n'a aucun sens,
12:05 et même pour moi, j'ai conscience que ça va trop loin.
12:07 Ma copine a cette réaction,
12:09 elle me dit "mais en fait, t'es un peu fou".
12:11 Au fond, encore une fois,
12:13 j'ai un sentiment de honte qui est très fort,
12:15 et je me dis "mais en fait, elle n'a pas tort".
12:18 Oui, je suis un peu fou,
12:18 parce que c'était justement pour ça
12:20 que j'avais du mal à l'avouer.
12:21 C'est parce que je me croyais fou.
12:22 Et donc là, sans être méchante
12:24 et sans le faire exprès,
12:25 elle appuie sur un point qui fait très mal,
12:26 c'est que je ne sais pas,
12:27 je ne me suis pas renseigné sur le toc,
12:28 je ne sais pas que c'est un trouble psychique
12:30 qui touche beaucoup de monde,
12:31 que ce n'est pas de la folie.
12:31 Et donc, je me dis "hélas, oui, elle a raison".
12:34 Il aura fallu beaucoup de temps
12:35 pour que cette idée fasse son chemin,
12:36 que j'étais malade,
12:37 qu'il fallait que j'aille voir un psychiatre,
12:39 parce que quand on va voir un psychiatre,
12:41 derrière, il y a le tabou de la folie,
12:42 il y a le tabou de la maladie mentale.
12:44 Et donc, ça a été un très long chemin
12:45 de prise de conscience,
12:46 qu'il fallait avancer.
12:47 Et donc, je suis allé voir un psychiatre,
12:49 spécialiste du toc,
12:50 qui m'a confirmé le diagnostic.
12:51 Alors, ce qui est curieux,
12:53 c'est que quand je suis allé le voir,
12:53 je me retrouve devant lui,
12:54 ça je m'en souviens,
12:55 je lui dis "je viens vous voir parce que j'ai un toc".
12:57 Et il dit "attendez monsieur,
12:58 ça c'est à moi de le dire,
12:59 dites-moi ce que vous avez".
13:00 Et comme quoi, là, j'étais aussi très conscient
13:02 et je n'étais pas beaucoup plus renseigné,
13:04 mais je savais que j'avais un toc.
13:05 Et il a confirmé le diagnostic,
13:06 je me souviens, toc d'intensité moyenne.
13:08 Il m'a expliqué les traitements finalement.
13:11 Et les traitements pour sortir du toc,
13:12 il y en a deux,
13:13 qui parfois se complètent.
13:15 En première intention,
13:16 c'est ce qu'on appelle
13:16 la thérapie comportementale et cognitive.
13:18 Et j'illustrerai après
13:19 comment ça s'est passé pour moi.
13:21 C'est la voie royale de la guérison,
13:22 c'est un traitement de fond,
13:23 une psychothérapie de fond.
13:24 Et en deuxième intention,
13:26 éventuellement en complément
13:27 de la thérapie comportementale et cognitive,
13:29 c'est la prise de certains antidépresseurs
13:31 qui agissent sur la recapture de la sérotonine
13:33 parce qu'il n'y a pas énormément
13:35 de recherches sur le toc,
13:36 mais on sait que ce qui dysfonctionne
13:37 dans le cerveau se situe au niveau
13:39 de la sérotonine.
13:40 Et donc il m'explique ça.
13:41 Je crois que c'est entre la première
13:42 et la deuxième séance
13:43 que ma copine m'a quitté.
13:44 Quand je commence ma thérapie comportementale
13:46 et cognitive,
13:47 je souffre en plus d'une rupture
13:50 sentimentale très douloureuse.
13:52 Et donc mon médecin décide de m'arrêter.
13:53 De sorte que pendant deux mois,
13:55 j'ai eu tout mon temps
13:56 pour mettre en place les outils
13:58 de la thérapie comportementale et cognitive
13:59 qui repose sur deux points.
14:01 Et ça a été dans mon cas presque miraculeux
14:03 puisque un an après,
14:04 je n'avais plus de toc.
14:05 Donc grand message d'espoir
14:06 que je veux faire passer.
14:07 La thérapie comportementale et cognitive,
14:08 ça repose sur un premier aspect
14:10 qu'on appelle l'exposition
14:11 avec prévention de réponse.
14:12 C'est le volet comportemental.
14:14 Et ça consiste,
14:15 c'est très simple à dire,
14:16 beaucoup plus dur à faire,
14:16 à s'exposer volontairement,
14:18 à créer une situation
14:19 qui donne envie de faire une compulsion.
14:21 Je parlais des chemises.
14:22 Concrètement, ça veut dire
14:23 il faut que je touche la chemise,
14:24 que je m'oblige à porter la chemise,
14:26 à faire monter l'angoisse
14:27 et à m'empêcher de faire ma compulsion,
14:30 qui en l'occurrence,
14:30 était une douche très longue.
14:32 Et donc pour ça, évidemment,
14:33 on fait monter l'angoisse.
14:35 Et c'est là que c'est important
14:36 d'avoir un outil pour aider l'angoisse
14:38 à s'évacuer, à descendre plus vite.
14:40 Et moi, c'était voilà,
14:41 ça passait par faire,
14:42 aller marcher, faire un peu de sport
14:45 ou penser à des images,
14:46 des images mentales bienveillantes.
14:48 L'idée étant de comprendre
14:50 que l'angoisse finit toujours par baisser,
14:52 qu'on n'a pas besoin de faire un rituel
14:53 et que finalement,
14:55 l'objectif, c'est de montrer au cerveau
14:56 que quand je mets une chemise
14:59 et que je ne prends pas une douche
14:59 de trois quarts d'heure après,
15:00 eh bien, il ne se passe rien.
15:02 L'idée, c'est de déshabituer le cerveau
15:04 à cette mécanique d'obsession compulsion
15:06 et de prouver, de battre en brèche
15:07 cette idée selon laquelle
15:09 pour ne pas être contaminé,
15:10 il faut absolument prendre une douche.
15:11 C'est difficile.
15:13 Au début, ça prend du temps.
15:14 Ça ne se fait pas du jour au lendemain.
15:15 C'est à force de répéter
15:16 les mêmes exercices
15:18 et de constater que plus on répète
15:19 les exercices,
15:20 plus l'angoisse va baisser vite,
15:21 moins l'angoisse va être forte
15:22 et moins elle va durer longtemps.
15:24 Et c'est ça.
15:24 Évidemment, comme j'en avais pendant 12 ans,
15:26 ça a pris du temps, ça a pris un an.
15:28 Mais l'idée, c'est de s'exposer volontairement,
15:30 de faire monter l'angoisse
15:31 et de prouver à son cerveau
15:33 qu'il n'y a pas besoin
15:34 de faire un rituel pour s'en sortir.
15:35 Et l'autre aspect,
15:36 donc ça, c'est le comportemental,
15:37 il y a aussi l'aspect cognitif.
15:39 Là, c'était des choses qu'on faisait
15:40 en séance avec le psychiatre.
15:41 C'était vraiment de décortiquer
15:43 la pensée obsessionnelle,
15:45 de dire "voilà, Raphaël,
15:46 quand tu mets une chemise,
15:47 de quoi tu as peur ?"
15:47 Concrètement, c'est de décortiquer
15:49 ça renvoie à quoi ?
15:50 Pourquoi est-ce que tu as autant d'angoisse ?
15:52 Et c'est d'essayer de prendre conscience
15:53 du caractère excessif,
15:54 irrationnel de la pensée obsédante.
15:56 Les deux aspects, l'aspect cognitif
15:57 et l'aspect comportemental,
15:59 se nourrissent.
15:59 C'est-à-dire que plus je déconstruis
16:02 rationnellement la pensée,
16:03 plus je me sens fort
16:04 au moment où je m'expose.
16:06 Et à l'inverse, plus je m'expose
16:08 et plus l'angoisse baisse,
16:09 et plus ça montre au cerveau
16:10 que la pensée obsessionnelle,
16:12 elle n'a pas lieu d'être.
16:13 Donc c'est véritablement
16:14 un travail mécanique
16:15 où on recense tous ces tocs,
16:16 on les classe par ordre d'angoisse.
16:18 C'est quelque chose de progressif,
16:19 la TCC.
16:20 On s'attaque d'abord à des situations
16:21 qui ne génèrent pas beaucoup d'angoisse.
16:23 Et quand on est à l'aise
16:24 avec ces situations,
16:25 on s'attaque à des situations
16:26 plus difficiles.
16:27 Et c'est finalement à force de répéter
16:29 ces exercices avec beaucoup de volonté
16:31 qu'en un an, j'ai réussi
16:32 à me débarrasser de mes tocs.
16:34 Quand j'ai commencé à aller mieux,
16:36 que je me débarrassais de mes tocs,
16:39 j'ai eu ce besoin,
16:40 j'ai ressenti le besoin.
16:41 J'avais une grande culpabilité
16:42 contre moi-même.
16:43 Ça m'avait coûté la personne que j'aimais.
16:45 J'avais entravé considérablement
16:47 12 ans de ma vie
16:48 et j'ai eu le besoin,
16:49 finalement, d'essayer d'aider
16:50 les autres, ceux qui souffrent,
16:52 finalement, les aider
16:53 à partir de mon expérience.
16:54 Et donc, je me suis renseigné
16:55 et j'ai découvert qu'il y avait
16:56 une association qui s'appelle
16:57 l'AFTOC.
16:58 C'est l'Association française
16:59 des personnes souffrant de tocs
17:00 qui aide les personnes
17:02 qui ont ce problème
17:03 et leur entourage.
17:04 De sorte que je me suis impliqué
17:06 de plus en plus dans cette association.
17:08 Aujourd'hui, je suis le vice-président
17:09 de cette association.
17:10 C'est une association qui a pour but
17:11 pas d'aider les personnes concernées
17:13 par le toc,
17:13 mais à travers beaucoup d'actions.
17:15 C'est d'une part en les informant,
17:17 en donnant de l'information.
17:18 On a un site Internet,
17:20 on a une chaîne YouTube,
17:21 on essaie d'informer.
17:22 On offre un espace d'expression,
17:24 d'entraide, de soutien
17:25 à travers notamment
17:26 des groupes de parole
17:26 qu'on fait dans une quinzaine
17:27 de villes de France
17:29 où la parole est complètement libre,
17:31 où chacun a l'avantage
17:32 de se retrouver avec des personnes
17:33 qui comprennent ce qu'elles vivent
17:35 sans jugement.
17:36 On encourage à la démarche thérapeutique.
17:38 On n'est personne des thérapeutes,
17:40 mais on a une connaissance intime
17:42 parce qu'on a été concerné
17:42 par la maladie.
17:43 Et c'est très précieux pour les gens
17:44 de rencontrer des gens
17:46 qui les comprennent
17:47 et avec qui, finalement,
17:48 ils peuvent échanger.
17:49 C'est un grand message d'espoir
17:50 que je veux faire passer.
17:51 Oui, le toc, je l'ai montré,
17:53 ça peut prendre des conséquences
17:55 importantes dans une vie.
17:56 Ça peut détruire des vies.
17:58 Mais quand c'est pris en charge,
18:00 quand c'est bien pris en charge,
18:01 on peut en sortir.
18:02 J'en suis la preuve.
18:02 Aujourd'hui, je mets une chemise.
18:03 Je suis très content d'être là
18:04 pour témoigner.
18:05 Et je précise que c'est important
18:08 pour moi de témoigner face caméra
18:10 à visage découvert
18:11 parce que je suis persuadé
18:12 que c'est en voyant des malades
18:14 s'exprimer librement et sans honte
18:16 sur leur parcours
18:17 que les personnes qui souffrent
18:18 oseront s'ouvrir de leur mal
18:20 à leurs proches,
18:21 oseront aller consulter,
18:22 oseront ouvrir la porte
18:23 de nos groupes de parole.
18:24 Le toc, ça fait partie de ma vie.
18:25 Ça fait partie de mon histoire.
18:27 J'en ai eu honte pendant très longtemps.
18:28 Aujourd'hui, je n'ai plus honte
18:29 d'en parler.
18:30 Le toc ne me définit pas
18:32 en tant que personne.
18:33 Ça n'a jamais été un trait de caractère.
18:34 C'était une maladie, ça fait partie de ma vie, de mon histoire.
18:36 Aujourd'hui, je n'ai pas honte d'en parler.

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