Retour de la guerre des gangs à Grenoble… jusqu’à quand ?

  • le mois dernier
Les débats de l'été avec Jérôme Durain, sénateur PS de la Saône-et-Loire, Président de la Commission d'enquête sur le narcotrafic

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Transcript
00:00SUDRADIO, les débats de l'été, 10h-13h, Benjamin Gleize.
00:06Sudradio, les débats de l'été, il est 10h17, vous le savez à tout moment, vous intervenez à l'antenne de Sudradio, 0826-300-300, Manu vous attend au standard pour agir à l'actualité.
00:16Vous réagissez aussi sur nos réseaux sociaux, notamment sur le Facebook de Sudradio, si vous êtes nombreux justement à suivre cette émission sur Facebook, n'hésitez pas.
00:25Vous réagissez notamment à ce sujet dont on parle tout de suite, le retour de la guerre des gangs, la spirale de la violence à Grenoble.
00:31En deux semaines, sur fond de trafic de drogue, 5 fusillades ont fait une dizaine de blessés.
00:36Jérôme Durin, bonjour.
00:38Bonjour.
00:39Et merci d'être avec nous ce matin, vous êtes sénateur PS, président de la commission d'enquête sur le narcotrafic qui a rendu ses conclusions, c'était il y a à peu près 3 mois.
00:48On va y revenir, mais d'abord concentrons-nous Jérôme Durin sur la situation très préoccupante actuellement à Grenoble, en banlieue grenobloise, à Echirol notamment.
00:56Le procureur de la République parle d'une guerre des gangs intense avec des fusillades quasi quotidiennes, ce sont des mots très forts.
01:03La situation est-elle en train de nous échapper aujourd'hui à Grenoble ? Est-ce qu'on a perdu ? Est-ce qu'on est en train de perdre le contrôle Jérôme Durin ?
01:09Écoutez, c'est un phénomène qui a déjà été observé ailleurs.
01:13Quand on a lancé notre commission d'enquête, le sujet c'était Marseille, avec les narcomicides, 2023, 50 morts, 80 morts, un petit peu plus sur deux années.
01:24Aujourd'hui la situation est stabilisée à Marseille, le feu se propage à Echirol et à Grenoble, c'est les mêmes phénomènes qui sont à l'origine de ces crimes.
01:34C'est un trafic qui est débridé, qui prend de l'ampleur, c'est une économie extrêmement agressive, extrêmement lucrative, avec des groupes qui cherchent à se prendre les parts de marché.
01:46Alors il y a des phénomènes conjoncturels, on voit qu'il y a des gens qui sont partis en prison, des caïds qui disparaissent, d'autres qui reviennent de prison.
01:52Il aborde un caïd important à Grenoble au printemps aussi, ça peut jouer.
01:57Évidemment, c'est une restructuration d'une offre commerciale, c'est une économie la drogue, il ne faut jamais oublier que ça génère entre 3,5 et 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an.
02:08Donc on se bat pour obtenir sa part du marché, sa part du gâteau.
02:13À Grenoble, ça fait deux semaines qu'on a des fusillades, je le disais, un quasi-quotidien. Comment se fait-il qu'on ne parvienne pas aujourd'hui à endiguer un tel niveau de violence, au moins à court terme là ?
02:23Ça renvoie aux mutations structurelles du marché des stupéfiants et de la criminalité qui est associée aux stupéfiants.
02:32À une époque, on avait des réseaux organisés, un code d'honneur que je mets entre guillemets, des gens qui étaient assez madrés, qui avaient fait leur classe.
02:44Aujourd'hui, on a affaire à des trafiquants qui sont de plus en plus jeunes, des tueurs qui sont de plus en plus jeunes, des codes criminels qui s'effacent,
02:53l'utilisation d'armes de guerre, du recrutement sur internet de petites mains, des chefs de réseaux qui sont à l'étranger.
03:01Donc ça donne lieu à ces scènes de violence qui sont finalement difficilement réprimables.
03:08Et puis on a aussi, sans doute, chez une partie des jeunes impliqués, une forme de distance par rapport aux codes sociaux,
03:17c'est-à-dire des gens qui n'ont pas peur pour eux-mêmes, n'ont pas conscience de la gravité des actes qui le perpètrent.
03:23Voilà, donc ça donne cette flambée de violence. Effectivement, tant qu'on n'a pas réussi à mettre les gens sous les verrous, il continue.
03:30Et puis dans une lutte acharnée parce que c'est, là encore, je le répète, très très rémunérateur.
03:35Jérôme Durain, dans le cadre de votre commission d'enquête, vous l'avez dit, vous avez étudié le phénomène du narcotrafic et les fusillades,
03:42principalement du côté de Marseille. Grenoble, c'est quand même une ville qui est aussi très connue depuis des décennies
03:48pour être une plaque tournante du trafic de drogue. Est-ce que vous avez eu l'occasion aussi d'étudier un petit peu ce phénomène-là,
03:55qui est très spécifique aussi à Grenoble, même si vous dites qu'il y a des comparaisons possibles à faire avec Marseille ?
04:01Oui, nous avions d'ailleurs rencontré le procureur de la République et j'avais été assez surpris, et je m'en suis beaucoup servi par la suite,
04:09du niveau de professionnalisme de ces réseaux criminels. Vous avez des techniques de marketing, et à l'époque c'était le point de deal Mistral,
04:20qui sont extrêmement impressionnantes, avec des goodies, des pochons, qui sont floqués aux couleurs du point de deal.
04:31Donc on a des réseaux qui sont très très structurés, avec une organisation très compartimentée des métiers.
04:38Le trafic de stupéfiants, ce sont des métiers, et donc ça tient en équilibre quand ça produit de l'argent, quand il y a une stabilité entre des gangs,
04:46et dès que ça commence à être déséquilibré, c'est la flambée de violence.
04:50Avec une situation particulière pour la ville de Grenoble, on est au carrefour de grandes migrations,
04:56on a eu notamment, quand on parle de trafic de drogue, on a eu le réseau des Italiens, le clan des Gitans, des Maghrébins,
05:02qui se sont succédés, qui se sont fait la guerre dans les années 70, 80, 90.
05:07Et puis on a la situation géographique qui est centrale aussi, au cœur d'un carrefour finalement en France.
05:13Ça aussi, ça joue dans cette particularité grenobloise d'une certaine manière, j'imagine Jérôme Durand.
05:19Oui, vous avez raison, mais c'est une économie qui a beaucoup évolué, c'est une économie qui est désormais planétaire.
05:27Avec des réseaux qui envoient des émissaires à l'autre bout de la planète, je pense à la cocaïne pour l'approvisionnement,
05:34avec des tueurs qui viennent parfois de l'étranger, avec du recrutement qui se fait hors des cités.
05:40Il y a une époque, on avait un trafic qui était organisé avec des gens locaux.
05:45Et puis on a eu ensuite les jobbeurs, des espèces d'intérimaires qu'on recrute sur Internet,
05:50des gens qui viennent de Seine-Saint-Denis, de l'Est de la France, qui vont travailler à Marseille et l'inverse.
05:55Et puis maintenant, il y a parfois des vignes non accompagnées, qui sont les petits pains du trafic.
06:00Et tout cela, c'est la chair à canon du trafic, c'est l'armée de réserve du trafic, avec des réseaux étrangers aussi.
06:06On sait qu'il y a dans l'Est de la France, et notamment dans la région alpine, il y a des réseaux albanais.
06:10Donc c'est une économie mondialisée, qui n'a pour seul code que l'argent.
06:16Donc il y a effectivement une réalité locale.
06:18Mais ce que notre commission d'enquête a démontré, c'est que ces bastions historiques de la criminalité et du trafic de drogue,
06:27ils sont maintenant rejoints par des territoires ruraux, la France des sous-préfectures, des petits villages.
06:34D'ailleurs, vous appelez à associer davantage les élus locaux, notamment les maires, dans cette lutte contre le narcotrafic.
06:41C'est important pour vous cela ?
06:44Oui, parce que ce qui est très important, c'est le renseignement.
06:49Les narcotrafiquants ont de plus en plus de moyens.
06:53Ils ont de l'argent, ils ont accès à des messages récryptés.
06:57C'est dur pour les forces de l'ordre de voir ce qui se passe sur les réseaux.
07:00Donc, quand on a du renseignement humain, que ce soit des reports qui sont issus des réseaux,
07:04ou que ce soit des signalements faits par les maires qui voient quand un commerce n'a pas d'actualité...
07:08Et ce n'est pas les mettre en danger davantage ? Encore plus en première ligne, ces maires ?
07:12De toute façon, la réalité de la criminalité et du trafic existe, donc ça ne change rien.
07:18Mais ce qui est important, c'est qu'ils puissent faire remonter les informations qui sont eues par les enquêteurs.
07:22Et parce que le vrai sujet, on peut chercher à endiguer ce phénomène du narcotrafic par le bas.
07:29En s'en prenant aux petites mains.
07:31Mais ce qu'il faut, c'est taper en haut de la pyramide.
07:34C'est aller taper les généraux, ceux qui passent les commandes, ceux qui sont à l'étranger.
07:38Et ça, ça suppose qu'on tape au portefeuille et qu'on saisisse les avoirs criminels.
07:43Donc, le renseignement que peuvent nous donner les maires est utile à ce titre-là.
07:46Jérôme Durand, vous avez présidé cette commission d'enquête au Sénat sur le narcotrafic.
07:51Concrètement, depuis les conclusions que vous avez rendues, c'était à la mi-mai.
07:55Qu'est-ce qui a été fait ?
07:57Quelle recommandation a été suivie, s'il y en a déjà eu ?
08:02Peu, pour l'instant, peu.
08:04Il ne nous a pas échappé qu'il y avait une situation politique un petit peu incertaine.
08:08Et que certains engagements qui avaient été pris, je pense notamment à ce que nous avait dit
08:12Dupond-de-Moretti sur le statut des reprises sur un parquet national, n'ont pas été suivis.
08:16Les faits ne le sauront peut-être pas.
08:17C'est pour ça que nous avons décidé avec Étienne Blanc, lui est LR, moi je suis socialiste,
08:21de déposer une proposition de loi transpartisane en disant
08:24qu'il faut arrêter de tergiverser et il faut mettre en œuvre les propositions que nous avons formulées
08:29dans cette commission d'enquête transpartisane.
08:32Je le redis, au Sénat, nous étions 23 membres, issus de tous les groupes parlementaires du Sénat.
08:38Ça a été adopté à l'unanimité.
08:40Donc il faut avancer. Il faut avancer sur l'organisation.
08:43On n'est pas assez organisés, on n'est pas assez bons sur le terrorisme,
08:45on n'est pas assez bons sur le narcotrafic.
08:46Il faut avancer sur des outils juridiques nouveaux pour protéger les enquêteurs.
08:51Il faut arrêter avec les nullités de procédures.
08:54Il faut un nouveau statut des repentis.
08:56Il faut une vraie DEA à la française.
08:58On a beaucoup de propositions et je pense que si on ne s'y met pas,
09:02si on n'a pas une approche globale du narcotrafic,
09:05alors on va continuer d'enregistrer les morts et les flambées de violences locales.
09:09Cette proposition de loi que vous avez déposée, proposition de loi transpartisane,
09:13vous savez quand elle sera étudiée, discutée,
09:16vous l'avez dit, la situation politique est complexe en ce moment.
09:19Est-ce que vous avez quand même une idée de quand on pourra parler,
09:23au Sénat notamment, de cette proposition de loi ?
09:26Le but d'ailleurs c'est que la navette parlementaire
09:29permette que ce travail aille du Sénat à l'Assemblée.
09:32On n'a pas de calendrier parlementaire pour l'instant.
09:34Mais nous ne lâcherons pas.
09:37J'observe d'ailleurs que dans plusieurs projets législatifs
09:42qui ont été proposés au vote des Français,
09:44je pense à ce qu'ont fait les Républicains
09:46ou ce qu'ont fait le Nouveau Front Populaire,
09:48dont on ne peut pas considérer quand même qu'ils soient sur la même ligne,
09:51la question du narcotrafic s'est invitée dans les programmes.
09:54Et c'est une bonne chose.
09:56Maintenant, puisque tout le monde pense que c'est important,
09:59il faut passer de la parole aux actes
10:01et donc mettre cette proposition de loi à l'ordre du jour,
10:05la voter, et puis avoir une réponse à la hauteur des enjeux,
10:09des enjeux criminels qui sont envisagés pour ce pays.
10:12Parce que le risque, c'était le but de vos recommandations,
10:14c'est d'éviter que la France ne devienne un narco-État.
10:16Ce n'est pas déjà le cas.
10:17En tout cas, il y a urgence à agir,
10:19parce que ça peut nous tomber dessus très rapidement.
10:21Oui, il y a urgence à agir,
10:23parce que plusieurs phénomènes sont à l'œuvre.
10:27Il y a ceux qui sont très spectaculaires,
10:29c'est la violence, c'est ces scènes de guerre,
10:33ou ces agressions criminelles à l'arme de guerre dans les rues de nos villes.
10:37Et puis il y a des phénomènes plus discrets, moins visibles,
10:43c'est la corruption, dites de basse intensité,
10:45ces sommes d'argent qui permettent de corroder notre système institutionnel,
10:51c'est l'épuisement d'un certain nombre de professionnels.
10:55Je pense aux policiers, aux douaniers, aux gendarmes,
10:57aux personnels des tribunaux, aux magistrats,
10:59qui voient qu'ils n'ont pas assez de moyens juridiques et humains
11:03pour lutter contre le narcotrafic.
11:05Donc il est vraiment temps de s'y mettre.
11:06Alors on n'est pas encore un narco-État, évidemment,
11:08mais il faut faire attention parce que le pouvoir des criminels est immense
11:11et on a parfois l'impression que dans cette guérilla,
11:13le faible c'est l'État et le fort ce sont les criminels.
11:17Merci beaucoup Jérôme Durand d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.
11:21Merci pour votre éclairage.

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