Présidence de l'Assemblée nationale : l'heure de vérité au Palais-Bourbon !

  • il y a 2 mois
Avec Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris 2 Panthéon Assas, auteur de "Le Parlement, temple de la République : de 1789 à nos jours" publié aux éditions Passés Composés.

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00:00Sud Radio, les débats de l'été, 10h-13h, Thierry Guerrier.
00:05Alors c'est l'heure de vérité à l'Assemblée Nationale, je vous le disais, bonjour Benjamin Morel.
00:09Bonjour.
00:10Alors, vous êtes dans une zone olympique là, j'entends.
00:16Un peu en effet.
00:18Alors vous êtes un grand spécialiste du droit public et de notre Constitution,
00:22vous êtes maître de conférence en droit public à Paris 2, Panthéon-Sorbonne,
00:26vous êtes docteur en sciences politiques normalien,
00:29et vous avez publié le Parlement-Temple de la République.
00:32Autant vous dire que, évidemment, si on vous a demandé ce matin de venir répondre à nos questions,
00:36c'est parce qu'on s'intéresse déjà à la façon dont les choses vont se dérouler.
00:41Aujourd'hui, à l'Assemblée, d'abord, on ne cesse de dire que c'est là que les choses vont se décider,
00:45mais pourquoi ? Pourquoi c'est à cet endroit, dans le Parlement, l'Assemblée Nationale,
00:50une des deux chambres du Parlement français, du Congrès, que les choses vont se faire ?
00:56Pourquoi est-ce que les rapports de force vont se mettre au clair aujourd'hui ?
01:00Alors, il faut bien comprendre que, et même si on l'a un petit peu oublié,
01:04la France est un vrai, vrai régime parlementaire.
01:06En d'autres termes, celui qui contrôle une majorité au Parlement,
01:10contrôle le pouvoir. Et si votre gouvernement n'a pas de majorité au Parlement,
01:13eh bien, au bout de 48 heures, tant pour voter une motion de censure, il tombe.
01:17Dans ce cadre-là, vous pouvez avoir un président qui peut dire ce qu'il veut,
01:21qui peut vouloir ce qu'il souhaite, mais fondamentalement,
01:24s'il n'a pas de majorité absolue, eh bien, il n'a qu'un pouvoir qui est relativement résiduel.
01:28Donc, aujourd'hui, on va avoir une forme d'objectivation de ces rapports de force.
01:33Il ne faut pas non plus trop en attendre, pour revenir sur ce que vous avez dit,
01:37c'est-à-dire qu'admettons qu'on ait un président qui soit élu,
01:40et aujourd'hui, en effet, c'est l'élection du président de l'Assemblée,
01:43qui soit élu au troisième tour, d'autrement dit avec une majorité relative.
01:47Admettons qu'André Chassaigne reçoive 190 voix.
01:51André Chassaigne, c'est le candidat communiste du Fonds Populaire, oui.
01:55C'est ça. Et que, je ne sais pas, Yelbron-Pivé soit soutenu par LR
02:01avec le soutien de la majorité, l'ancienne majorité présidentielle,
02:04et obtienne 210 voix, ça ne fait quand même pas la majorité absolue.
02:07Pour l'un comme pour l'autre, ça ne fait quand même pas 289.
02:10Et donc, ça lui permettrait d'être élu, mais ça ne permettrait pas demain un gouvernement de tenir.
02:14Oui, mais donc, ce qui va se constituer formellement aujourd'hui,
02:18ce sont les groupes politiques, les groupes parlementaires ?
02:22Ce sont les groupes parlementaires, en effet.
02:24Et on va avoir un nombre de groupes parlementaires extrêmement important,
02:27on parle de 14, ce qui...
02:30Mais du coup, on ne verra plus clair, on verra enfin qui peut prétendre
02:34à se constituer d'abord comme groupe parlementaire,
02:37mais ensuite, qui est avec qui, et qui peut discuter avec qui, du coup,
02:40formellement, officiellement ?
02:42On verra en tout cas quelle est la carte de l'Assemblée,
02:45et cette carte de l'Assemblée, elle ne changera pas une configuration,
02:48qui est une configuration en trois grands blocs,
02:50Nouveau Front Populaire, Ancienne Majorité Présidentielle,
02:53potentiellement soutenue par LR,
02:55et Rassemblement National, plus celle avec Chetty.
02:58Le problème, c'est qu'aucun de ces blocs n'a de majorité absolue.
03:00Et que donc, à partir de là, si ces blocs restent étanches les uns aux autres,
03:04eh bien, actuellement, la possibilité de faire tenir un gouvernement demain
03:08est très compromise.
03:09Bon, mais alors, ce que vous nous dites, c'est qu'il ne faut pas prendre
03:12dans l'élection de la future ou du futur Président de l'Assemblée
03:16l'émergence d'une majorité absolue.
03:19Ce ne sera pas le signe de ça.
03:20Ce sera le signe qu'au troisième tour, par une majorité très relative,
03:23eh bien, au moins, il y aura quelqu'un pour organiser le travail à l'Assemblée Nationale.
03:27C'est ça ?
03:29C'est ça, c'est-à-dire que, qu'est-ce qu'on attend d'un Président de l'Assemblée Nationale ?
03:32On attend qu'il serve d'abord de thermostat,
03:35de celui qui ressent le caractère bouillonnant ou pas de votre Assemblée,
03:39et ensuite de soupape en potentiellement prenant le parti de l'opposition
03:43quand celle-ci a besoin d'être défendue contre une majorité qui a une grande partie du pouvoir.
03:47Là, vous comprenez bien qu'on va avoir une Assemblée en pleine ébullition,
03:50d'abord parce que 14 groupes, on n'a jamais vu ça sous la Ve République,
03:53c'est beaucoup, c'est très nombreux.
03:55Ensuite, parce qu'on a des groupes qui sont des groupes très polarisés,
03:58je pense aux RN et la FI qui ne rentrent que difficilement dans les combinaisons d'alliances
04:03et que, qui de plus est, on ne voit pas de majorité parlementaire se dessiner.
04:07Donc le rôle du Président, ce n'est pas tant d'être le révélateur d'une potentielle majorité pour demain,
04:12ça va d'abord être celui d'un conciliateur,
04:15quelqu'un qui est en capacité de discuter au moins de la gestion des travaux de l'Assemblée Nationale
04:21pour mettre les choses à plat,
04:23et que malgré les visions profondes aujourd'hui qui agitent cette Chambre,
04:26on puisse avancer sur un certain nombre de choses,
04:28ou au moins que ce ne soit pas trop, entre guillemets, bordélisé.
04:31— Alors, avant de revenir, Benjamin Morel,
04:33je rappelle que vous êtes maître de conférences à Paris 2
04:36et un grand spécialiste du droit public et de la Constitution,
04:39avant de revenir sur les éventuelles capacités de coalitions,
04:43à trouver une coalition ou non,
04:45revenons sur les candidats au perchoir aujourd'hui.
04:49Vous l'avez cité André Chassaigne, communiste,
04:53pourquoi est-ce qu'on dit de lui qu'il a une très bonne réputation,
04:57parce que, d'abord, ça fait plus de 20 ans qu'il est député, d'accord,
05:00mais il a une forte connaissance de l'Assemblée,
05:02mais surtout, il a un comportement assez exemplaire.
05:05— Je suis un peu départi, parce que j'ai grandi dans la circonscription d'André Chassaigne,
05:08donc il faut le savoir.
05:10— Dans le massif central.
05:12— C'est ça, et c'est un vieux parlementaire,
05:16c'est-à-dire qu'il connaît les arcades du Parlement,
05:18je crois qu'il en a son cinquième ou sixième mandat,
05:20il a été président de groupe pendant très longtemps.
05:22Quand vous êtes président de groupe,
05:23vous siégez à ce qu'on appelle la conférence des présidents,
05:25donc vous dialoguez avec les autres présidents de groupe.
05:29— C'est ça, et il a souvent été une voix à la fois de sagesse et de conciliation,
05:34à la fois au sein de la gauche, mais même au-delà de la gauche,
05:36c'est quelqu'un qui est respecté un peu sur tous les bancs,
05:38et qui a pu prendre des positions parfois relativement modérées,
05:42y compris dans la gestion de la séance,
05:43sous dégoût de la réforme des retraites.
05:45Le groupe communiste était sur une ligne assez différente,
05:48en termes de sur le fond ou non,
05:49mais en revanche dans la façon d'agir que le groupe l'a effie
05:52quant à l'animation des débats.
05:54— Oui, pas d'éructation dans l'hémicycle,
05:57et il est respecté parce que réputé respecteux lui-même de ses adversaires.
06:02— C'est ça, c'est ça.
06:03On a un comportement qui est très républicain,
06:05et on a un élu qui, qui le faisait, est un élu de la ruralité,
06:08qui connaît le terrain, etc.
06:11Et donc, ce faisant, on a en effet un choix qui est relativement consensuel.
06:14Ça reste une élection qui va être extrêmement politique,
06:17avec une assemblée qui, même si la gauche est arrivée en tête en termes de voix,
06:21penche quand même clairement beaucoup plus à droite,
06:23si on considère que Renaissance a plus aujourd'hui tendance à se rapprocher de la droite que de la gauche.
06:29Pour cette raison-là, pour nos fonds populaires, ça sera très compliqué.
06:31La question qui va se poser, c'est est-ce qu'on va avoir un troisième tour ?
06:34Est-ce qu'au deuxième tour, où on élit le président à la majorité absolue,
06:38le RN, Sébastien Chenu, peut se retirer pour soutenir Yael Brown-Pivey ?
06:42— Oui, par défaut, en quelque sorte.
06:44— Voilà, ce qui s'est fait en 2022.
06:46Ou est-ce qu'on a un troisième tour, où tout le monde se compte,
06:49et où ça va être bloc RN contre bloc majorité,
06:51contre bloc que nos fonds populaires ?
06:53Auquel cas, les chances d'André Chassaigne ne sont pas nulles.
06:56— Oui, alors il y a Naïm Amoudjou, qui est soutenu par Horizon,
06:59et qui était tout à l'heure sur l'antenne de Sud Radio.
07:02Il y a Philippe Juvin, qui est l'ancien maire de Lagarde-Colombes,
07:07député, médecin, patron des urgences de l'hôpital Pompidou,
07:11qui est candidat pour LR. C'est un peu symbolique.
07:13Et Sébastien Chenu, pour le RN, il avait déjà été dans la législature précédente
07:19vice-président au titre du RN de l'Assemblée.
07:23Et puis, il y a Helga Brønne-Pivet, qui aujourd'hui est favorite.
07:26Pourquoi favorite, Helga Brønne-Pivet, de la majorité macroniste sortante ?
07:31— Alors, elle est favorite parce que, pour ce qui est de l'espace centre-droit,
07:37elle a le plus grand groupe derrière elle,
07:40étant donné que le deuxième groupe, en termes de voix,
07:42après le RN, c'est le groupe Renaissance.
07:44Et donc, ce faisant, elle peut compter au premier tour
07:47être devant tous les candidats du centre-droit.
07:51Philippe Juvin, qui est envoyé par LR, est plutôt Macron-compatible.
07:56C'est un signe de l'avoir envoyé, lui, plutôt qu'Annie Gennevard,
07:59qui avait toute la légitimité. Elle avait été vice-présidente, etc.
08:01Mais sur une île plus indépendante.
08:03— Les LR ont tranché plutôt pour lui, Philippe Juvin, que pour Mme Gennevard.
08:06— C'est ça. Et donc, dans ce cadre-là, on peut penser qu'au second tour,
08:11il y aura des désistements en faveur de Helga Brønne-Pivet,
08:15peut-être de Philippe Juvin et de Neyma Mouchoud.
08:18C'est impossible.
08:19— Mais ce serait un comble que, finalement, alors qu'il y a eu dissolution
08:23et puis il y a eu échec en partie du président de la République,
08:26ce soit une de ses candidats, sa candidate, en quelque sorte, malgré tout,
08:31même si elle est très indépendante et elle dit son fête au président,
08:34elle était contre la dissolution, Helga Brønne-Pivet.
08:37Ce serait quand même un comble si c'était elle qui, à nouveau, figuerait au perchoir.
08:42— Alors oui, c'est vrai. En même temps, elle s'est positionnée contre l'exclusion
08:45des organes de l'Assemblée, notamment le Bureau, des RN et des LFI.
08:51Ce que, pourtant, elle voulait...
08:54— Preuve d'indépendance.
08:56Donc ça veut dire qu'on pourrait voir à nouveau un vice-président RN, par exemple,
09:00ou un vice-président LFI, car elle considère qu'on doit respecter les usages
09:04de responsabilités octroyées à la proportionnelle du nombre de députés
09:09dans l'Assemblée, à chacun des groupes.
09:11— Alors c'est plus que des usages. Il est écrit noir sur blanc dans le règlement
09:16que les postes au Bureau sont répartis à la proportionnelle.
09:19Donc ça veut dire que si jamais on ne le faisait pas,
09:21ce qui est aujourd'hui la position campée, et par le No Front Populaire contre le RN,
09:26et par Ensemble par Renaissance...
09:28— Le président de la République.
09:30— ...contre l'AFI et le Rassemblement National,
09:32on contreviendra à la lettre même du règlement.
09:34Souvenez-vous de ce que je disais tout à l'heure.
09:35Le rôle d'un président, c'est d'abord de calmer les tensions.
09:38— Ah oui.
09:39— Et de faire que l'Assemblée soit gérable, que ce soit pas de 7 à 1 an.
09:43Et donc, ce faisant, il faut que vos oppositions ne se sentent pas trop lésées.
09:47Si l'AFI et le RN se sentent lésées, et ils auront raison de se sentir lésés,
09:51parce qu'encore une fois, on contreviendrait au règlement,
09:53ça risque d'être totalement ingérable.
09:55C'est pourquoi, malgré ce que vous avez pu évoquer,
09:57c'est-à-dire qu'en effet, il y a une continuité qui s'explique mal politiquement,
10:01le choix de Yael Brown-Pivet peut apparaître pour beaucoup
10:04comme une forme de choix d'apaisement.
10:06— Dernière question, Benjamin Morel.
10:08Je rappelle qu'encore une fois que vous êtes un grand constitutionnaliste,
10:11enfin, en tout cas, un spécialiste du droit public et politologue.
10:14Benjamin Morel, vous nous avez fait comprendre clairement
10:18que le président ou la présidente qui va sortir des hurles internes
10:22de l'Assemblée nationale ne signifiera pas majorité absolue,
10:27en tout cas, une majorité forte.
10:28Pour autant, est-ce qu'on ne peut pas imaginer que,
10:32si le Nouveau Front Populaire, qui n'a toujours pas de candidat commun à Matignon,
10:37pour ne pas être Premier ministre,
10:39faisant la démonstration, du coup, qu'il n'est pas uni
10:43et qu'il ne peut pas y avoir de majorité avec lui,
10:45qu'il ne peut pas gouverner,
10:46est-ce qu'il ne peut pas émaner dans les jours qui viennent,
10:49finalement, déjà, les pistes d'une entente, d'une coalition
10:54entre le Bloc central et puis une partie de la gauche et les LR ?
11:00Alors, le problème, entre guillemets, de cette hypothèse,
11:03c'est qu'il faudrait que le Nouveau Front Populaire expose en vol.
11:06Or, malgré tout, aujourd'hui, chacun se tient par la barbichette au sein du NFP
11:10et donc, ce faisant, celui qui trahira le Premier
11:14apparaîtra aux yeux de l'électorat de gauche
11:16comme étant celui qui a trahi la victoire.
11:18Donc, aucun des membres du Nouveau Front Populaire, aujourd'hui,
11:20ne peut rompre cette solidarité.
11:22La désignation d'André Chassaigne montre bien que, là-dessus,
11:26il y a encore une volonté de s'entendre, de rester alliés
11:31et que cette situation-là conduira probablement à une décomptation,
11:36mais probablement pas avant la fin de l'été.
11:38Oui, le Nouveau Front Populaire ne s'entend pas,
11:40il n'arrive pas à trouver un candidat commun, mais il tient.
11:42Il tient par défaut, c'est ce que vous nous dites, en tout cas, il tient
11:46et tant qu'il n'a pas explosé, en effet, il ne peut pas y avoir de coalition
11:49avec une partie de la gauche dite de gouvernement.
11:52Merci infiniment pour tous ces éclairages.
11:54Benjamin Morel, je rappelle que vous avez publié
11:57le Parlement Temple de la République,
11:59un magnifique ouvrage sur la réalité de l'histoire du Parlement depuis 1789.
12:04À nos jours, c'est au passé composé.
12:06Merci à vous, à bientôt sur Sud Radio.
12:08Et on va parler maintenant de l'éventualité d'une situation
12:13de financement du terrorisme, et notamment du Hamas,
12:16par une association française.
12:18On en parle dans un instant. Merci.
12:20Restez avec nous sur Sud Radio.
12:22Parlons vrai.

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