• il y a 5 mois
Cette semaine Alexandre Delpérier reçoit de nouvelles invitées exceptionnelles. Aby Gaye, pivot du club Basket-Landes et fondatrice de l'association Terang'Aby. Maud Baudier, jeune passionnée de cyclisme et à la tête du club "Les Bornées". Enfin, Elise Delannoy, championne d'ultra-trail et recordwoman du monde de dénivelé positif en 24h.

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Sport
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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21soyez les bienvenus dans votre rendez-vous dédié
00:24aux femmes dans le sport.
00:26Je suis ravi de vous retrouver dans la victoire éternelle
00:29d'un moment inspirant comme toutes les semaines.
00:31Voici le sommaire.
00:33La basketteuse française Abbey Gay, 26 ans,
00:35championne de France 2021 avec le Basketland.
00:38Elle est aussi engagée pour la cause féminine
00:40de son pays d'origine, le Sénégal.
00:42La dirigeante de la semaine est Maude Baudier,
00:45fondatrice du club Les Bornées,
00:47un club qui permet l'accès à la pratique du cyclisme
00:50et du triathlon pour toutes et tous.
00:52Enfin, l'aventurière de la semaine est Élise Delannoy.
00:55La nordiste a battu l'an dernier le record du monde féminin
00:58et est nivellée positif en 24 heures.
01:00Une performance juste exceptionnelle.
01:02Restez bien avec nous tout au long de cette émission.
01:05Vous allez en prendre plein les yeux et plein les oreilles.
01:08Notre premier invité, comme prévu, est Abbey Gay.
01:11Bonjour, Abbey.
01:13Bonjour. Merci de me recevoir.
01:15Abbey, je suis ravi de t'accueillir.
01:18Tu es joueuse dans le club de basket de Basketland.
01:21T'as 26 ans, tu mesures 1,95 m.
01:24Tu es une immense joueuse de basket
01:26avec un cœur énorme, des idées et des convictions.
01:28C'est un bon résumé ?
01:30C'est ça, c'est tout bon.
01:32Basketland, c'est Monde-Marsan ?
01:35C'est ça, c'est Monde-Marsan.
01:37J'ai fait les classes de mon service militaire il y a quelques mois.
01:41Je vous l'accorde.
01:42Ton palmarès...
01:44Ton palmarès, aujourd'hui,
01:46t'as été championne de France 2017 et 2021,
01:48championne d'Europe des moins de 20 ans en 2014.
01:51Aujourd'hui, on en parlera dans un deuxième temps,
01:54une association que je trouve très touchante.
01:57On va tout vous dire dans quelques minutes.
01:59Avant, je voudrais comprendre ton parcours.
02:01Toi, tu es née à Vitry-sur-Seine en 1995,
02:04t'as grandi en région parisienne.
02:05À quel âge t'as découvert le basket ?
02:09Petite rectification, je suis née en 94,
02:11parce que Vitry, c'est en 94.
02:14Oui.
02:15Du coup, j'ai commencé le basket à l'âge de 12 ans,
02:18en 2007.
02:19Avant, tu faisais déjà un peu de sport ?
02:22Oui, beaucoup. J'ai toujours fait du sport.
02:24Depuis mes 4 ans, j'ai fait l'école des multisports à Créteil
02:27durant de nombreuses années.
02:29Ensuite, j'ai essayé l'athlétisme, j'ai aussi fait de la danse hip-hop,
02:32j'ai fait pas mal de sport.
02:34J'en faisais aussi à l'école.
02:35Donc, voilà, beaucoup de sport depuis toujours.
02:38Tu performais ?
02:40Oui, surtout handball. J'étais vraiment plutôt pas mal.
02:43Et j'ai été prise en collège de sport à l'âge de 12 ans,
02:46et c'est là que j'ai dû arrêter le handball.
02:47Mais j'en faisais en parallèle.
02:49Donc, t'as été obligée d'arrêter le handball
02:51parce que tu t'es consacrée au basket ?
02:53Voilà. Je suis entrée en poliesport, basket,
02:55et du coup, il n'y avait plus l'UNSS au collège,
02:58donc 100 % basket.
02:59Et toute ta vie, quand tu étais enfant,
03:01pendant toute cette période de ta jeunesse,
03:04tu étais parmi les plus grandes ?
03:06Toujours. J'ai toujours été la plus grande.
03:07Très rapidement, j'ai même dépassé mes professeurs.
03:10Donc, toujours la plus grande.
03:13Mais pourquoi attendre 12 ans pour jouer au basket quand on est très grand ?
03:17Parce que j'avais pas forcément...
03:20J'aimais pas forcément le basket.
03:21Honnêtement, plus jeune, je voyais à côté de chez moi,
03:23il y avait un terrain extérieur.
03:25Je voyais les garçons et les filles jouer,
03:27mais c'était vraiment pas un sport qui m'attirait.
03:28Et je pense que surtout, on m'en a tellement parlé
03:31que j'étais têtue, je voulais pas.
03:33Je voulais pas le faire, je voulais tout faire sauf du basket.
03:35Et puis, à l'âge de 12 ans, en retour de vacances,
03:37de colonie de vacances, j'ai eu un déclic.
03:39Et je me suis dit, cette année, je sais pas trop quoi faire,
03:41je vais essayer le basketball.
03:43Tu faisais 1,82 m à 12 ans.
03:441,82 m à 12 ans.
03:46Et donc, ce sport qui te tendait les bras...
03:48Ce sport qui te tendait les bras, tu disais non,
03:50c'est arrêter de me dire ce que je dois faire,
03:52et puis t'y vas.
03:54Et qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
03:55Qu'est-ce que tu te dis ?
03:57Franchement, rien de particulier.
03:59Je savais même pas à ce moment-là
04:00que je pouvais devenir professionnelle,
04:02qu'il existait des structures de sport d'études.
04:04Mais je sais qu'au bout du 3e...
04:06Au bout du 1er jour, en fait, on m'a mutée,
04:07on m'a changée de club.
04:09Et au bout du 3e jour, j'ai un entraîneur à moi qui a...
04:11Tu as dit quoi ? Au bout du 1er jour, on t'a mutée ?
04:15Oui, c'est ça. Au bout du 1er jour, en fait.
04:17Parce qu'à Créteil, on jouait en départemental.
04:20Et Orly, donc à 10-15 minutes de chez moi,
04:22jouait déjà en régional.
04:24Et donc, c'était un niveau plus élevé.
04:25Et du coup, j'ai été transférée dès samedi, en fait.
04:29Donc, ça veut dire que le 1er jour,
04:30hormis ta taille et donc cet avantage physique,
04:33j'ai envie de dire, ils ont décelé chez toi un potentiel.
04:37Oui, j'imagine la taille.
04:39De toute façon, forcément, à ce moment-là,
04:40on pouvait pas voir grand-chose, si ce n'est ma taille.
04:43Et puis, j'ai aussi rapidement démontré
04:45pas mal de compétences physiques au basket.
04:48Mais t'as montré des compétences
04:50parce que tout de suite, t'as accroché ?
04:53Oui, j'ai accroché.
04:54Et puis, les matchs se sont enchaînés très rapidement.
04:57J'ai intégré la sélection du Val-de-Marne au bout d'une semaine.
04:59C'est la sélection qui regroupe les meilleurs potentiels
05:01du Val-de-Marne.
05:02Et puis, tout est allé très, très vite.
05:04Un an après, je rentrais en Colesquoir.
05:06Trois ans après, à l'INSEP.
05:07Donc, tout s'est très vite enchaîné.
05:09Attends, Abby, explique-moi une chose.
05:11Pardon, OK, t'es plus grande que les autres.
05:13Tu mesures 1,95 m aujourd'hui, tu faisais 1,92 m à 12 ans,
05:15mais ça ne suffit pas.
05:17Il y a un moment, il faut...
05:18Non, ça ne suffit pas.
05:19Oui, il y a un moment, c'est le travail.
05:21Comment, en une journée, en trois semaines,
05:23en six mois, en un an, t'as pu démontrer tout ça ?
05:26T'es une machine.
05:27T'avais plus faim que les autres ?
05:31J'ai toujours eu cet esprit compétiteur
05:33parce que j'ai toujours fait du sport.
05:35Après, je pense que les premiers jours, les premières semaines,
05:37c'est surtout ma taille qui a parlé pour moi.
05:38Et ensuite, au fur et à mesure des entraînements,
05:40je pense qu'ils ont vite vu aussi que je progressais très rapidement,
05:43que j'apprends très vite.
05:44Et ils ont su voir le potentiel.
05:46Et puis ensuite, c'est un pari aussi qu'on fait
05:48parce qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont très grands
05:49d'un certain âge qu'on lance dans le circuit de haut niveau
05:52et qui ne réussissent pas parce que, tout simplement,
05:54elles ne sont pas faites pour ce milieu-là
05:56ou qu'elles n'ont pas les capacités mentales, physiques,
06:00parce que ce n'est pas tout d'être grande.
06:02Il faut aussi pouvoir encaisser la charge,
06:06encaisser toutes ces nouvelles choses au quotidien
06:08parce qu'à 13 ans, ce n'est pas facile de quitter chez soi.
06:11Donc, c'est une adaptation à faire.
06:12Et je l'ai plutôt bien réussie.
06:15Tu rentres à l'INSEP, t'as quoi ? T'as moins de 14 ans ?
06:18Non, j'ai 15 ans.
06:19T'as 15 ans.
06:20J'ai entrecôté sport à 13 ans et j'en sors à 15 ans et je rentre à l'INSEP.
06:23Voilà, et deux ans après, t'arrives à l'INSEP.
06:25C'est quoi ce choc à l'INSEP ?
06:27C'est ça.
06:28Cette usine à champions où tout est fait pour faire de vous des...
06:30Oui.
06:32Je dirais que le choc, c'est, premièrement,
06:35de voir tous les grands sportifs que je voyais à la télé.
06:37Laji Dukore, qui d'autres ? Teddy Riner.
06:41Vraiment des grands athlètes que je regardais à la télé
06:45très peu de temps avant, en fait.
06:46Et surtout, après, la structure en elle-même.
06:49Les installations, pardon, j'ai pas mal de mouches autour de moi.
06:52Les installations sont vraiment incroyables à l'INSEP.
06:56Et donc, très vite aussi, le rythme quand on s'entraîne deux fois par jour.
07:00C'est intense, c'est intense.
07:01On doit se lever très tôt, aller en course, entraîner, repartir.
07:04Le soir, on a l'étude.
07:06Donc, c'est vraiment un rythme effréné, quoi.
07:08Tout est fait pour faire du mouvement champion.
07:11Et est-ce que tu te dis à un moment,
07:13il faut que je mesure la chance et le privilège que j'ai ?
07:16Il y a ça aussi, peut-être ?
07:18Ah, bien sûr.
07:19Oui, bien sûr, dès la première année, en fait,
07:21quand on rentre à l'INSEP au pôle basket,
07:23il y a une première sélection qui est faite pour continuer l'aventure,
07:26donc des trois ans, ou bien d'être coupée.
07:28Donc, on ressent un peu cette pression-là parce que,
07:31dès les premiers matchs, on sent déjà qui va rester, qui ne va pas rester.
07:34Il y a des filles qui jouent, d'autres, non.
07:35Et on sent celles qui sont sur la sellette.
07:37Donc, déjà, dès le début, on nous met une pression
07:40et on comprend, en fait, l'enjeu que représente notre place à INSEP.
07:44Et puis après, les équipes de France jeunes qui s'enchaînent,
07:46qui arrivent, les gros objectifs l'été qu'on prépare aussi toute l'année.
07:49Donc, très, très vite, on sait où on met les pieds
07:52et puis on comprend la dynamique à suivre.
07:55Je comprends tes valeurs et on va encore mieux les comprendre
07:57quand on va parler de ton assaut dans quelques minutes.
08:00Comment t'ont élevé tes parents ?
08:01Quand je veux dire, c'est...
08:04Tiens, notre petite fille habillée, enfin, petite, grande par la taille,
08:07elle a 18 ans, elle est à l'INSEP.
08:08Comment ils t'ont élevé, tes parents ?
08:10Tu comprends ce que je veux dire ?
08:12Quelles sont les valeurs qui font de toi ce que t'es aujourd'hui ?
08:16Alors, moi, je suis l'aînée.
08:17Donc, très, très rapidement, j'ai été responsabilisée par mes parents.
08:20Ils m'ont donné beaucoup d'autonomie,
08:22aussi beaucoup de responsabilité.
08:23Donc, c'est quelque chose qui me plaisait aussi
08:25parce que j'aime bien l'indépendance.
08:27Donc, ça, c'est des valeurs qui m'ont vraiment donné
08:29le fait d'être autonome et de compter avant tout sur soi-même.
08:33Et surtout, je dirais la discipline.
08:35C'est-à-dire que mes parents étaient très à cheval sur mon éducation scolaire.
08:39Donc, ils rigolaient pas avec les mauvaises notes.
08:42C'était pas quelque chose qui prenait à la légère.
08:44Aussi, le fait d'être correcte, en fait,
08:46de respecter la façon qu'on est en face de soi,
08:49d'être respectueux aussi, de montrer du respect envers soi-même.
08:53Donc, ça, je pense que voilà, le respect, la discipline,
08:55c'est des valeurs qui m'ont été transmises assez rapidement
08:58et que j'ai pu aussi observer chez mes parents.
09:01La valeur du travail aussi, j'imagine.
09:04La valeur du travail, oui, bien sûr.
09:06Ça a commencé par l'école, en fait.
09:07J'ai toujours été très studieuse, j'aimais beaucoup l'école.
09:10Je savais que pour avoir des bonnes notes, il fallait travailler.
09:12Et je l'ai compris aussi très rapidement au sport, en fait.
09:14Pour performer, il faut travailler, il faut apprendre, il faut progresser.
09:18Et donc, voilà, je pense qu'une certaine discipline quand même,
09:21depuis assez jeune.
09:23Tu arrives à l'INSEP et puis tout s'enchaîne rapidement.
09:25À 18 ans, tu signes à Toulouse où tu vas rester deux ans.
09:28En même temps, tu fais des études de droit.
09:31Comment tu fais ? Tu n'y arrives pas, d'ailleurs, à un moment.
09:34Non, la première année, je suis têtue.
09:37Je suis convaincue de pouvoir faire les deux à la fois.
09:39Et donc, au bout de trois mois, j'abandonne la fac de droit
09:41parce que première année à l'université,
09:44première année en pro, c'est un monde, en fait, de découverte.
09:48Je ne peux pas continuer, donc j'ai dû sacrifier les études
09:51parce que ma priorité reste quand même le basket.
09:53Et puis la seconde année à Toulouse, je décide de reprendre les études,
09:57mais de valider seulement la moitié du programme scolaire.
10:00Et là, je valide un semestre.
10:02Mais finalement, à la fin des deux ans à Toulouse,
10:04je décide de partir de Toulouse et aussi d'arrêter la fac de droit.
10:07Et c'est là que je commence le programme à Sciences Po Paris.
10:10Elle est incroyable, la vie.
10:12Oui, on va aller faire Sciences Po maintenant.
10:15Oui, ce n'est pas assez difficile, le droit.
10:18Et la carrière à mener en même temps.
10:21Oui, effectivement.
10:22Mais après, c'est un plaisir aussi pour moi, le sujet.
10:24Ce n'est pas du tout une contrainte.
10:26C'est plutôt même un mode, comment dire, échappatoire
10:29pour ne pas rester aussi enfermée dans le monde du sport.
10:32Et puis voilà, apprendre de nouvelles choses, c'est toujours intéressant.
10:34Mais oui, c'est ça.
10:35On sent ta soif d'apprendre, ta soif d'opportunités,
10:40les chances de la vie.
10:41C'est ça, c'est ça. Ton moteur, il est là aujourd'hui.
10:44Et c'est pour ça que tu veux te transmettre déjà aussitôt et aussi jeune.
10:47C'est ça. Je pense que la vie a beaucoup à nous offrir
10:50et qu'il faut aller chercher ce qu'il y a à chercher.
10:52Ensuite, tu vas signer à Villeneuve-d'Ascq.
10:55Et là, bim, bam, boum, championne de France, madame.
10:58C'est ça, championne de France deux ans après, ma dernière année.
11:02Je joue avec, franchement, à ce moment-là,
11:03les meilleures joueuses françaises en France.
11:06De très bonnes joueuses étrangères aussi, vraiment.
11:08Ça a été un cap pour moi, mentalement, dans le monde de jeux au niveau,
11:11qui a été passé là-bas parce que j'ai vraiment rencontré
11:13de très grandes joueuses qui étaient bien plus âgées que moi,
11:16en plus, pour la plupart.
11:17J'étais vraiment la plus jeune, le bébé de l'équipe.
11:20Donc, j'ai beaucoup appris lors de ces deux années.
11:22C'est ton meilleur souvenir sportif, ce premier titre avec Villeneuve-d'Ascq ?
11:26Non. Honnêtement, non.
11:29Ça a été une année très difficile, en plus.
11:30On gagne, mais ça a été une année très, très difficile pour moi
11:33et aussi pour l'équipe.
11:34Mais mon meilleur souvenir sportif, ça a été vraiment en jeune,
11:37en U19, quand on fait médaille d'argent.
11:40Médaille d'argent au championnat d'Europe ?
11:42Oui, au championnat du monde.
11:44Pourquoi ? Pourquoi ce souvenir-là ?
11:48Parce que c'est championnat du monde, déjà, donc on passe un cap.
11:52L'année d'avant, on a été championne d'Europe en U18,
11:54donc on est les premières Françaises à être championne d'Europe en U18.
11:58Et ensuite, l'année d'après, on va au championnat du monde
12:01avec beaucoup d'ambition, avec la volonté de démontrer aussi
12:04qu'on méritait ce titre-là et qu'on est les meilleures d'Europe,
12:06tout simplement.
12:07Et on le confirme parce qu'on élimine l'Espagne en demi-finale.
12:11Et ensuite, on perd contre plus fort que nous, les États-Unis.
12:14Mais en tout cas, voilà, on laisse l'Australie derrière nous,
12:16on laisse l'Espagne, on laisse vraiment des grosses nations.
12:18Et ça, ça a été un sentiment vraiment...
12:21C'est comme si on était sur le toit du monde, en fait.
12:23J'ai l'impression, mais tu m'arrêtes si je dis une bêtise,
12:25que tu n'aurais pas pu être aussi performante
12:27dans un sport individuel, que tu as besoin du collectif.
12:31Oui, je pense. J'ai fait du tennis, j'ai fait de l'athlétisme,
12:33mais je n'ai pas forcément approché.
12:35J'aime bien le fait d'être en collectivité,
12:38de vivre avec des gens, de partager aussi avec des gens.
12:41Et lorsqu'on gagne, en fait,
12:42soutenant une équipe où on se sent bien,
12:44la sensation est vraiment incroyable.
12:47Oui. Entre 2017 et 2019, tu joues à Tarbes,
12:50dans mon cher Sud-Ouest.
12:51En 2019, tu vas au Basketland à Mont-de-Marsan.
12:53Et cette année, vous êtes championne de France.
12:56Championne de France, c'est ça.
12:58Une année que t'as vécu comment ?
13:00Une année qui a été très mouvementée,
13:02parce qu'avec la Covid, on n'a pas eu public.
13:05Et Basketland est vraiment réputé pour être un club
13:07avec un très gros public,
13:09qui fait vraiment office de sixième homme.
13:11Les gens n'aiment pas venir jouer dans ces salles-là.
13:13Malheureusement, on n'a pas pu profiter de ce public cette année.
13:16Donc, on a été championne de France,
13:18on a pu le fêter quand même, mine de rien, avec nos supporters,
13:20mais le public nous a manqué.
13:22Oui, j'imagine, bien sûr.
13:24Il y a les Jeux dans quelques semaines.
13:26Tu n'as pas été retenue. Tu l'as vécue comment, ça ?
13:30J'ai été déçue, naturellement,
13:32comme tout athlète qui a de l'ambition.
13:34Mais après, pour moi, ce n'est pas une fin en soi.
13:37L'année prochaine, la vie continue.
13:39Je serai dans un autre club,
13:40je continue ma carrière de basketeuse.
13:43Je pense que l'équipe de France, on est toujours honorée d'y être.
13:46Mais je pense que dans la carrière, c'est plus un bonus
13:49qu'une chose qui est acquise ou qui est à normaliser, en fait.
13:52Donc, je l'ai acceptée,
13:54et puis je vis ma carrière en toute sérénité.
13:57En 2017, et c'est quelque chose d'essentiel pour toi,
14:00tu retournes au Sénégal.
14:01Le Sénégal, c'est le pays d'origine de tes parents ?
14:05Oui, c'est le pays de mes parents.
14:07Tu n'y étais pas allée depuis de nombreuses années.
14:09Ca faisait 15 ans que tu n'y étais pas allée.
14:11Et lors de ton séjour, tu constates beaucoup de choses,
14:13et notamment que de nombreuses femmes
14:15pratiquent la dépigmentation volontaire à outrance.
14:18Il faut savoir qu'au Sénégal, aujourd'hui,
14:20ce sont près de 30 % des femmes
14:22qui sont concernées à des degrés très divers par ce phénomène.
14:25Et c'est là, c'est ce qui a provoqué le déclic
14:27et la création de ton association Terangabi.
14:31Explique-nous.
14:32C'est ça.
14:33En fait, ce phénomène est très répandu
14:35dans les communautés africaines,
14:36dans les différentes communautés africaines,
14:39mais pas qu'en Inde aussi, dans les Caraïbes.
14:41Et c'est une pratique, bon, malheureusement,
14:43qui est devenue normale au sein de nombreuses sociétés,
14:47notamment au Sénégal.
14:48Donc, l'EMS parle de 30 %, mais moi, j'y suis actuellement,
14:51et je pense que le chiffre est vraiment à réviser,
14:55parce que je pense que c'est bien plus que 30 %, honnêtement.
14:58Mais bref, en tout cas, c'est vraiment une pratique
15:02qui est normalisée, qui est banalisée.
15:04Pourquoi ? C'est quoi, l'objectif ?
15:06C'est quoi, l'objectif ?
15:08L'objectif, c'est de tendre vers les...
15:10de répondre, en fait, aux dictates de beauté
15:12imposées dans la société.
15:13J'ai imposé parce que les modèles que l'on vécue
15:16dans les médias, la télé, la radio, Internet,
15:20donc les réseaux sociaux, les films, les séries,
15:22c'est un modèle de beauté qui est vraiment, je dirais,
15:25à l'opposé de la femme noire, en fait.
15:27Tout simplement, c'est une femme qui est très claire de peau,
15:29donc la majeure partie du temps dépigmentée,
15:32avec des cheveux lisses, etc.
15:35Donc, ce sont des critères qui tendent plus
15:37vers les critères de beauté occidentaux.
15:40Et malheureusement, beaucoup de femmes en Afrique
15:42pensent que pour être belle, il faut répondre à ces critères-là,
15:45pour être présentable aussi,
15:48parce qu'il y a cette question-là.
15:50Beaucoup de femmes pensent que lorsqu'on est plus claire,
15:52on a plus d'opportunités aussi dans le travail,
15:53de trouver un mari.
15:55Donc, c'est vraiment des préjugés
15:57et une réalité qui est très répandue au Sénégal.
16:00T'as été comment ? T'as été choquée
16:03quand t'as découvert ça ?
16:05Non, j'ai pas été choquée, parce que c'était pas une découverte.
16:08En France aussi, ça se pratique énormément
16:09au sein des différentes diasporas africaines.
16:12Donc, je savais que ça existait, je l'ai vue,
16:14j'ai des gens proches de mon entourage
16:16qui utilisaient ces produits-là.
16:17Mais ce qui m'a fait mal au cœur, en fait,
16:18c'est que c'est seulement en Afrique, sur la terre-mer,
16:21que ces pratiques-là avaient pris le plus d'ampleur
16:24et que les gens, beaucoup étaient à des années-lumières
16:27de vraiment savoir la provenance de ces pratiques-là.
16:32Et c'est ça, en fait, qui m'a vraiment alertée,
16:36et alarmée aussi.
16:37J'ai vraiment voulu travailler en ce sens-là,
16:40de sensibiliser les jeunes filles,
16:41de leur faire comprendre pourquoi, aujourd'hui,
16:43cette pratique est tant répandue en Afrique.
16:46Et puis, ce que je comprends,
16:48c'est qu'à travers ton association,
16:49tu souhaites véhiculer une image forte et positive de la femme.
16:53T'organises aussi des camps de basket
16:56au cours desquels il y a des professionnels,
16:58des psychologues, des dermatologues,
17:00des sages-femmes, des femmes d'entreprise,
17:02des femmes leaders.
17:03Bref, leur montrer que la femme, c'est ça ?
17:05C'est ça. Oui, vraiment leur montrer
17:07que la femme noire n'est pas ce qu'elle pense qu'elle est.
17:10Parce que je pense que si on arrive à un stade
17:11où on se dénature tant,
17:14pour rejeter son identité,
17:15la première des choses que l'on voit chez un être humain,
17:17c'est sa couleur de peau.
17:18Donc, c'est triste, en fait, que les femmes en arrivent là,
17:22à éliminer cet aspect-là, cette identité qu'elles ont,
17:25pour ressembler à autre chose,
17:26et surtout que cette pratique n'est pas sans danger sur la santé.
17:29Ça amène beaucoup de maladies, notamment des cancers de la peau,
17:33mais aussi des mycoses, du diabète,
17:34l'hypertension artérielle, la gale.
17:36C'est vraiment des maladies très mortelles,
17:40on va dire.
17:41C'est très grave, voilà.
17:43Donc, grave et mortelle pour la plupart.
17:45Donc, c'est bien que les femmes soient conscientisées
17:47par rapport à ça et qu'elles comprennent aussi
17:49l'aspect psychologique derrière cette pratique.
17:51Alors, il y a eu les éditions en 2018-2019.
17:53C'était Athiès, au Sénégal.
17:55C'est là où tu es, d'ailleurs, aujourd'hui ?
17:57C'est ça. Je suis à Athiès, actuellement.
18:00Avec des formidables réussites pédagogiques, sportives.
18:03Il y a la 3e édition qui se déroule cette année
18:05dans la ville de Louga.
18:07Il y aura deux parties.
18:08Est-ce que tu peux nous en parler, nous expliquer ?
18:12Oui. Alors, en fait, ce projet-là, il a évolué.
18:15Le projet Père Angabier a évolué parce qu'auparavant,
18:18on accompagnait les jeunes filles sur trois jours seulement.
18:21Donc, j'avais pas le temps de mesurer l'impact
18:26qu'avaient nos formations sur ces jeunes filles-là.
18:28Trois jours, c'est relativement court sur une année.
18:31Et là, la volonté qu'on a, c'est vraiment de les impacter
18:33à long terme, de les former et d'en faire des ambassadrices,
18:35en fait, auprès de leur père,
18:36afin qu'elles puissent aussi véhiculer les messages
18:39que nous, on leur enseigne durant cette année.
18:41Donc là, on a le premier camp qui aura lieu à Louga,
18:44donc du 9 au 11 juillet, donc c'est dans quelques jours.
18:47Et ensuite, durant toute l'année,
18:49donc de septembre à juin 2022,
18:51elles auront à raison d'une fois par mois
18:54une journée de formation avec une professionnelle sur un thème
18:57et aussi du basket.
18:58Donc voilà, on va essayer de les suivre...
19:00C'est pas on va essayer, mais on va vraiment les suivre
19:02durant un an et ensuite, à la fin,
19:03pouvoir mesurer l'impact sur ces jeunes filles-là.
19:06C'est formidable, ce que tu fais, Abby,
19:07et du fond du coeur, bravo et merci.
19:09Merci beaucoup.
19:11Je trouve ça incroyable et puis tu as tout résumé.
19:14C'est qu'en même temps, tu essaies d'embarquer
19:16ces jeunes femmes pour leur montrer
19:18qu'être noire, c'est pas un handicap, c'est comme ça
19:21et qu'on peut réussir en étant avec la couleur qu'on a,
19:23avec laquelle on est nés, on est ainsi, point.
19:28Et après, il y a l'étape de...
19:31J'embarque ces jeunes filles, je leur explique,
19:33mais après, elles rentrent chez elles et elles sont face à leur père
19:35et là, elles sont face à un deuxième mur.
19:38C'est ça. Exactement.
19:39C'est pour ça que nous, on veut vraiment les impacter
19:41durant un an et les former pendant un an
19:44afin que tous les mois, elles rencontrent des personnes
19:46qui vont les influencer, des personnes qui vont les...
19:49qui vont vraiment leur transmettre leur savoir et leur expertise
19:51afin qu'elles soient en mesure de répondre
19:54à ces murs dans la société,
19:56à ces problèmes qui vont se poser
19:57et qu'après, elles soient en mesure aussi
19:59de transmettre le message
20:00parce que c'est vraiment ce qui est important,
20:01c'est qu'aujourd'hui, moi, j'ai pas la prétention
20:04de changer la mentalité des personnes
20:06qui pratiquent la dépigmentation déjà depuis 20, 30, 40 ans,
20:09qui ont atteint un certain âge.
20:11Moi, ma volonté, c'est vraiment de m'adresser aux jeunes filles,
20:14celles qui seront les mères de demain,
20:16les femmes de la société de demain
20:18et qui pourront après, à leur tour, changer les mentalités
20:20parce que c'est vraiment, je pense,
20:21le problème, il est à prendre dès la base,
20:23pour moi, qui ai l'enfance, les jeunes, quoi,
20:26et ensuite, leur transmettre, leur transmettre des valeurs
20:29et ensuite, elles, avec leur filtre,
20:30avec leur perception des choses,
20:33l'analyser et puis l'utiliser dans leur quotidien.
20:36J'aimerais comprendre, et ça sera ma dernière question,
20:38Abiy, une chose, donc, il y a ce formidable travail
20:40que tu fais au Sénégal.
20:43Toi, tu te caches pas et tu peux pas te cacher.
20:46Tu es belle, lumineuse, une immense sportive,
20:48une femme avec un coeur incroyable
20:49et t'as cette couleur magnifique.
20:51Je voudrais te poser une question.
20:52Être toi, une femme, noire, en 2021, en France,
20:57et cette fois-ci, je parle bien en France, c'est quoi ?
21:00Oui.
21:02Alors, c'est quoi ?
21:05C'est une question que je me pose souvent
21:07parce que c'est une question sur laquelle
21:09j'ai été amenée à revenir plusieurs fois.
21:11Depuis que je suis dans le monde du sport,
21:13le monde du haut niveau.
21:14Moi, jusqu'à mes 15 ans, honnêtement,
21:16j'avais pas conscience de ma couleur de peau.
21:17Je savais que j'étais une femme noire,
21:18mais c'était pas quelque chose
21:20qui me définissait vraiment en soi, on va dire.
21:23Mais je pense que voilà, lorsque l'on sort de chez soi,
21:25de son milieu aussi, parce que moi,
21:26je viens d'un milieu populaire, un milieu de France,
21:28on a l'habitude de voir beaucoup de personnes
21:30de différentes nationalités,
21:31on se pose plus trop la question
21:32de si on est noire, arabe, asiatique ou autre.
21:36Et donc, du coup, lorsque j'arrive à l'INSEP,
21:38là, je me rends compte que le monde ne se résume pas,
21:41en fait, à ma banlieue parisienne.
21:43Et là, voilà, c'est différent.
21:45Je rencontre d'autres personnes,
21:46d'autres milieux sociaux, etc., d'autres origines.
21:49Et c'est là que je commence à me poser la question,
21:51justement, que vous venez de me poser,
21:53c'est quoi être une femme noire en France ?
21:55Donc moi, honnêtement, je le vis très bien.
21:56C'est d'ailleurs pour ça que je fais cette association-là.
21:59J'ai envie de transmettre ce bien-être
22:01à d'autres jeunes filles.
22:02Je le vis très bien, je suis fière de ce que je suis.
22:03On ne décide pas, on ne met pas dans la couleur que l'on souhaite.
22:07Donc je pense qu'aujourd'hui,
22:08c'est quoi être en France noire et être une femme ?
22:11Malheureusement, c'est encore un handicap pour beaucoup de femmes.
22:14Moi, en tant que sportive, je le vis pas autant
22:16que les personnes qui sont confrontées
22:19à la société de leur âge, j'irais.
22:21Mais c'est encore un défi, malheureusement,
22:23parce que j'irais dire qu'il y a un truc qui me fait double peine,
22:25le fait d'être une femme.
22:26Donc avec le sexisme, par pire cas,
22:28et aussi le fait d'être noire, avec le racisme, malheureusement,
22:31qui perpétue encore en 2021 en France, il faut le dire.
22:35Et il faut être en mesure de pointer du doigt
22:37pour ensuite pouvoir trouver des solutions
22:39et combattre ces problèmes
22:41qui font vraiment encore beaucoup de ravages en France.
22:43Évidemment, il y a encore beaucoup de travail.
22:45Merci infiniment, Abbie, d'avoir été en direct avec nous.
22:47Bonne chance pour ces journées du côté du Sénégal.
22:50Et puis bon retour après pour faire gagner le club encore.
22:53Merci beaucoup.
22:54On t'embrasse. Merci infiniment.
22:56On t'embrasse également.
22:57Une dirigeante avec nous dans quelques secondes.
23:06Et la dirigeante de la semaine, comme toutes les semaines,
23:08est une femme particulièrement inspirante.
23:11Vous allez la découvrir, c'est Maud Baudier qui est avec nous,
23:13fondatrice de l'entreprise Les Bornées.
23:15Bonjour, Maud.
23:17Est-ce que tu es une bornée et qu'est-ce qu'une bornée ?
23:19Bien sûr que je suis une bornée.
23:21Et une bornée, c'est quelqu'un qui va être entêtée, sportif,
23:24et qui va vouloir promouvoir les valeurs du cyclisme au féminin, à date.
23:28Cyclisme ou ça a commencé par le cyclisme ?
23:30Ça a commencé par le cyclisme.
23:32Alors je voudrais qu'on comprenne un peu ton parcours
23:34et on verra jusqu'où tu en es aujourd'hui
23:37et jusqu'où tu aimerais emmener Les Bornées,
23:40puisque c'est une entreprise, je parlais d'innovante ou d'inspirante,
23:44mais c'est vrai, c'est le cas.
23:45Qu'est-ce qui t'a amenée au sport et à quel âge ?
23:48Alors le sport, j'en fais depuis toute petite.
23:50Initialement, j'étais cavalière.
23:51Donc c'est un sport qui n'a rien à voir avec le vélo.
23:54Initialement.
23:55Et ensuite, je me suis mise à faire de la course à pied
23:57quand je suis arrivée sur Paris pour mes études.
23:59Donc on est, grosso modo, en 2012-2013.
24:03Tu as quel âge ?
24:04J'ai 30 ans.
24:05Non, non, à l'époque de 2012-2013, donc 7-8 de moins.
24:08Je devais avoir 22-23, à peu près.
24:11Et je commence à courir, courir, courir.
24:14Courir, courir, courir, c'est quoi ?
24:16Au début, une fois par semaine, deux fois par semaine.
24:18Puis tu rallonges un peu les distances.
24:20Puis j'y prends goût.
24:21Oui, c'est ça. Tu te mets 2-3 petits défis.
24:23Premier 10 km.
24:24Premier semi-marathon.
24:26Et puis, forcément, après, premier marathon.
24:28Là, c'est combien de temps après ?
24:30On est en 2017 pour le premier marathon
24:33et 2016 pour le premier semi.
24:35À cette époque-là, les bornets n'existent pas encore.
24:38Pas du tout. Même pas en idée.
24:40Là, tu termines une école de commerce.
24:42Exactement.
24:43Et tu prends goût à ce sport
24:46où on va chercher, où on va s'investir,
24:50où on va produire de l'effort,
24:51mais où on prend un pied formidable.
24:53Où il y a des expériences.
24:55Le passage de ligne est exceptionnel.
24:57Tu veux te dépasser et faire l'expérience avec les copains.
25:00Il y avait un groupe de coureurs avec qui j'étais.
25:02Ça, je comprends.
25:03Premier marathon, donc, en 2017.
25:06Oui, marathon de Paris.
25:08Combien ?
25:09Le temps, en 3h56.
25:11Et là, tu te dis ?
25:12Là, je me dis que c'est trop cool et que j'ai envie d'en refaire un.
25:16Mon coach me calme tout de suite en me disant
25:18qu'un marathon, c'est traumatisant.
25:20Donc, t'y vas mollo, t'en referas un l'an prochain.
25:23Et en plus de ça, entre-temps,
25:24essaye de croiser avec un autre sport.
25:26Il me dit natation ou vélo.
25:28Il y a deux choix devant toi et c'est ces deux choix.
25:31Et je suis une enclume.
25:32Donc, je choisis le vélo très facilement.
25:34Vous allez voir que l'enclume s'est jetée à l'eau
25:37très rapidement quand même.
25:38Donc, tu décides de coupler ça avec du vélo.
25:41Exactement.
25:42Pour préparer le prochain marathon.
25:44Et pour ne pas soumettre le corps aux difficultés
25:46qu'engendrent des dizaines de kilomètres en cours.
25:49Je prends du plaisir à vélo.
25:50Je rallonge les distances, je fais des nouveaux parcours.
25:53C'est toujours les premières fois que tu peux faire sportivement.
25:56On y arrive vite à vélo ?
25:58Ouais.
25:59Quelques mois.
26:00Deux mois, je crois.
26:01Et en fait, mon ex de l'époque part faire l'étape du Tour 2017.
26:07Alors, ce qu'il faut préciser, c'est qu'ASO,
26:09l'organisme qui organise le Tour de France,
26:11organise pour les passionnés de vélo
26:13une journée qui se passe 24 heures
26:15avant l'étape officielle en montagne.
26:18Et toi, tu as préparé quelle étape ?
26:20Je m'inscris pour l'étape 2018,
26:22suite à cette participation de ce fameux ex qui me dit
26:25que j'allais adorer l'épreuve.
26:27C'est une épreuve faite pour moi, les routes sont fermées.
26:30Je m'inscrivais pour Annecy-le-Grand-Bornan.
26:33OK. Ça monte, hein ?
26:35Ça monte. C'est un sacré morceau, 4 très gros cols.
26:38Et en même temps, tu te disais que c'était pour préparer un marathon.
26:42Peut-être qu'en vélo, on peut s'amuser.
26:44C'était même le défi en soi que pouvait représenter le vélo.
26:47Là, c'était un défi en propre.
26:48Cette année-là, je vais faire le marathon de Paris
26:51pour ma 2e année, plus cette étape du Tour de France.
26:54Je fais même marathon de Milan, je choisis de partir à l'étranger.
26:57C'est marrant d'aller visiter un pays en même temps que tu cours.
27:01Donc, 2017, 1er marathon de Paris, 2018, Milan et EDT.
27:06Et en fait, quand j'annonce ça...
27:08Et le VTT ? Non, pas le VTT.
27:09Non, EDT. Ah, pardon.
27:11Étape du Tour, pardon.
27:12Et en fait, quand j'annonce ça sur les réseaux sociaux,
27:15on m'écrit des félicitations, trop cool, tu vas adorer.
27:18En nom perso, on n'est pas les bornés.
27:20Toujours en nom perso, en tant que Maude.
27:23Et on m'écrit en me disant que j'étais une grande malade,
27:26que c'était une épreuve super difficile,
27:28qu'il y avait plein d'hommes qui abandonnent.
27:30Tu ne vas jamais y arriver.
27:32Et ça, c'est le déclic.
27:33C'est que toi, femme, on te dise non parce que tu es une femme,
27:37tu ne parviendras pas à réaliser cette étape du Tour de France.
27:40C'est ça. On vient confronter, non pas mon niveau, mais mon genre.
27:43Comme si c'était quelque chose d'excluant
27:46à la participation à une épreuve.
27:48Tu le prends comme une énorme claque.
27:50Et je ne comprends pas.
27:51Dans le running, tu as 48 % de femmes.
27:53En marathon, c'est les mêmes distances,
27:55et en vélo, c'est les mêmes distances.
27:58Et l'équitation, il y a beaucoup de femmes.
28:00C'est la première fois que je suis confrontée
28:02à une forme de misogynie sportive.
28:04Et je me renseigne, je contacte ASO,
28:06je me rends compte qu'ils ont 6 % de femmes sur l'étape du Tour.
28:10Je me dis, pas beaucoup, quand même.
28:12C'est l'étape qui précède l'étape des professionnels.
28:15Les professionnels, il n'y a pas de femmes.
28:17Et je contacte la Fédération française du cyclisme,
28:20et ils m'annoncent qu'il y a 10 % de femmes
28:22dans le cyclisme de route en France.
28:25Les chiffres sont catastrophiques. Il n'y a pas de femmes.
28:29Il y a quelque chose à faire. Il faut lancer un projet.
28:31Pourquoi tu dis ça ?
28:33On les écoeure ? On ne les motive pas ?
28:35On leur a demandé,
28:36parce qu'on a demandé à des personnes autour de nous
28:39pourquoi elles ne se lançaient pas.
28:41C'est un sport mécanique, le vélo.
28:43Quand tu es toute petite, quand tu as un problème mécanique,
28:46papa répare, mais papa ne te montre pas, souvent.
28:49Les petits garçons, il leur montre.
28:51Moi, je ne répare pas.
28:52Toi, tu ne répares pas, peut-être.
28:54Il y a cette différence de traitement
28:56entre un petit garçon et une petite fille.
28:58Les garçons à 30 ans savent changer une roue.
29:01À 30 ans, une femme, elles ne savent pas changer de roue.
29:04C'est un vrai problème. La mécanique, c'est le point noir du cyclisme.
29:08Et donc là ?
29:09On se dit qu'il faut faire des ateliers,
29:11apprendre aux gens à changer des roues.
29:13Après, on nous dit qu'il n'y a pas de groupe.
29:15C'est à titre individuel ?
29:17Ou à ce moment-là, tu te dis, je vais créer mon entreprise,
29:20ça va te les borner ?
29:21C'était individuel,
29:22ce qu'on peut faire pour essayer de bouger les choses,
29:25mais plutôt du style soir et week-end,
29:27en étant un peu passionné.
29:29On nous dit qu'il n'y a pas de groupe.
29:31Dans le cyclisme, c'est que des groupes d'hommes
29:33de plus de X années qui roulent hyper fort,
29:36qui n'attendent pas.
29:37En plus, t'es une femme, t'es pas super intégrée.
29:40Il y a un grand mythe dans le cyclisme,
29:42c'est que si tu rejoins un de ces groupes,
29:44ils vont essayer de te larguer dès le début,
29:46et tu te retrouves seule en plein milieu de la pompa,
29:49sans GPS, et rendre comme tu peux.
29:51Très sympa et ça motive pour se lancer dans le sport.
29:54Tu l'as vécu, cette expérience ?
29:56On me l'a racontée.
29:57J'ai jamais intégré un club de cyclisme,
29:59mais j'ai toujours pratiqué avec des copains.
30:02Normalement.
30:03C'était un ex. Fais gaffe.
30:04C'était un ex, en effet.
30:06Et le 3e point qu'on remarque,
30:08c'est qu'il y a aussi un problème d'accompagnement.
30:10Les femmes se sentent moins fortes que les hommes.
30:13Il y a une vraie ambiance et une vraie misogynie
30:16qui est créée pour dire qu'on est moins capables
30:19que les hommes dans le sport.
30:20Quand elles grandissent, elles ne se sentent pas capables.
30:23Dans le cyclisme, c'est de la longue distance,
30:26elles ne se sentent pas super capables.
30:28Et donc ?
30:29Elles ne se lancent pas.
30:31Et toi, perso ?
30:32Tu montes ces petites initiatives perso,
30:35et à quel moment tu crées ta boîte ?
30:37Qu'est-ce que tu te dis ?
30:39Quelques mois après.
30:40On lance l'initiative Les Bornées en novembre 2017,
30:43en se disant qu'on va lancer un nickname,
30:45qu'on va faire un truc qui va plaire.
30:47Et juste derrière ça, on crée l'entreprise en mai 2018.
30:51Et là, l'objectif, c'est quoi ?
30:53De faire en sorte qu'il y ait plus de femmes
30:55qui s'inscrivent sur des épreuves,
30:57qui roulent et qui se lancent dans ce sport-là.
31:00Et votre claim, votre slogan, c'est quoi ?
31:03A l'époque, on n'en avait pas.
31:05Et aujourd'hui ?
31:06Aujourd'hui, c'est tu ne feras plus jamais du sport seule.
31:09C'est bien, ça.
31:10OK, donc l'initiative prend, marche.
31:13Toi, tu termines tes études de commerce.
31:16Elles étaient déjà finies. J'étais déjà salariée.
31:18Tu travaillais où ?
31:20J'étais chasseuse de têtes, à l'époque.
31:22Et là, tu te dis, je quitte tout, je monte ma boîte ?
31:25Ou ça s'est fait en parallèle ?
31:27Ça s'est fait en parallèle.
31:28J'ai arrêté mon job, j'ai cherché ce que je voulais faire.
31:31C'est devenu évident, je voulais lancer ma boîte.
31:34J'ai capitalisé sur le fait d'avoir droit à mes droits de chômage
31:37pour lancer une entreprise et être un peu sécuritaire.
31:41Ton objectif, c'est quoi ?
31:42C'est de réunir des fonds pour pouvoir financer des compétitions ?
31:47Initialement, l'objectif, c'est de créer des groupes un peu partout,
31:51en France, de telle sorte qu'on puisse se réunir
31:54le week-end et même en semaine.
31:56Qu'avec des femmes ?
31:57Non, mixtes.
31:58Et pouvoir rouler ensemble pour préparer quelque chose,
32:01que ce soit se préparer physiquement,
32:03préparer son premier 100 km,
32:05quelque chose qui va nous tenir à coeur, comme une compétition.
32:08On est déjà à un bon petit niveau ?
32:10On part de débutant jusqu'à confirmé.
32:12Dans tes 26 groupes... 26, c'est ce que tu dis ?
32:1526 villes, oui.
32:16Dans tes 26 villes en France,
32:18t'as des gens qui faisaient un peu de vélo de temps en temps,
32:21qui font des courses de 100 bornes,
32:23parce qu'ils sont venus, grâce au Bornet,
32:25à des groupes où il y a une émulation
32:27et où on t'aide à te préparer, femmes et hommes ensemble.
32:30On a des personnes qui n'avaient pas de vélo,
32:33on leur a conseillé quel vélo acheter,
32:35on leur a mis leur première pédale automatique.
32:38Ils sont finisheurs de triathlons ou d'étapes du Tour.
32:41Tu as prononcé un mot intéressant, triathlon.
32:43Oui.
32:44Parce que mademoiselle, qui était là pour préparer des marathons,
32:48après des étapes de montagne, de vélo,
32:51a décidé de se lancer dans le triathlon
32:53et pas n'importe lequel assez rapidement.
32:55Oui, Ironman.
32:57Oui, j'étais pas trop jeune.
32:58Déjà, ça te pose pas de problème qu'on appelle pas ça un Ironwoman ?
33:02Si. Et d'ailleurs, il faut savoir qu'il y a une course
33:05dites femmes avant ton Ironman.
33:08C'est un 5 km de course à pied.
33:11La petite anecdote, c'est que le jour où je suis venue
33:13récupérer mon dossard pour l'Ironman,
33:15tu arrives au niveau des stands pour récupérer les papiers.
33:18À Nice.
33:19On me demande si je suis là pour la course
33:23justement pour les femmes, qui est un 5 km.
33:25Je suis là pour l'Ironman.
33:27J'étais hyper choquée de se dire que, naturellement,
33:30parce qu'une femme vient, elle vient faire le 5 km
33:32pour être la cheerleader.
33:34Tout le concept de cette course, c'est que c'est les cheerleaders,
33:37donc les femmes épouses ou conjointes d'Ironman,
33:41qui viennent participer.
33:43Elles font ce petit 5 km pendant que leur époux
33:45fait la grande distance.
33:47Les hommes ne sont pas autorisés sur cette course-là.
33:49Mon conjoint voulait faire un pied-de-nez en disant
33:52que c'est le supporter, donc je vais faire le 5 km.
33:55Là, on est en quelle année ?
33:57Qu'est-ce qui s'est passé entre 2017 et 2019
33:59pour que tu te lances ce genre de défi ?
34:01Ironman, c'est quoi ? 4 de natation ?
34:03180 de vélo et un marathon.
34:05Vous avez bien entendu.
34:064 de natation, 180 km de vélo,
34:09et puis l'arrière-pays niçois, c'est ça,
34:12et un marathon.
34:13Et le marathon, c'est 42 km.
34:16Exact.
34:17Pourquoi on se lance dans ça ?
34:18Je pense le défi.
34:20T'as déjà fait un marathon, t'as fait une étape du tour,
34:23t'as fait une bonne partie de l'épreuve,
34:25t'as préparé, pourquoi pas la faire en combiné
34:27et tu rajoutes la natation autour de ça.
34:29Tu peux me rappeler en combien de temps on fait un Ironman ?
34:32Sachant que c'est tombé un jour particulier.
34:35C'était une situation particulière,
34:37il y avait une canicule, ils ont hésité à l'annuler.
34:40Pour ne pas l'annuler, Ironman a pris la décision
34:42avec la ville de Nice de raccourcir la partie course à pied
34:45d'une boucle, donc 10 km de moins.
34:48Il reste quand même les 4 km de natation,
34:50180 de vélo et ça devient 31 km et quelques minutes.
34:53Ils avaient un peu changé le parcours,
34:55mais ils avaient retiré du plat,
34:56donc la différence n'était pas non plus folle.
34:59Et donc, oui, la boucle en moins en course à pied.
35:01Et moi, j'ai fait en 11 heures et 13 minutes,
35:04si je me souviens bien.
35:05On rappelle que la jeune femme qui, quoi, 5 ans avant,
35:08sort d'une école de commerce...
35:10Ne courait pas, ne nageait pas, ne roulait pas.
35:12OK. Donc, on peut tout faire.
35:14Exactement. C'est ça, le mot d'ordre, je suis lambda.
35:17Je ne suis pas une ancienne athlète,
35:19je n'ai pas concouru toute petite dans des disciplines à haut niveau,
35:22j'ai jamais fait du sport à haut niveau.
35:24On me dit que tout ce que je fais à mon prof d'EPS du collège,
35:27il a le fourrir de sa vie.
35:29Il ne croit pas sur toi.
35:30Il ne croit pas une seule seconde.
35:32J'étais capable de faire...
35:33Comme quoi, c'est là que ça se passe.
35:35Bien sûr. C'est la preuve, en fait,
35:37que si j'en suis capable, n'importe quelle femme
35:39qui a décidé de se le faire, qui fait la bonne prépare,
35:42parce qu'il ne faut pas se lancer dans tout et n'importe quoi
35:45sans se préparer physiquement, mais avec la bonne prépare,
35:48tu peux le faire.
35:49Donc, toi, t'es la bosse de l'assaut,
35:51qui doit inspirer aussi ?
35:53Il y a une forme d'iconographie.
35:54Je représente un petit peu le projet,
35:56mais je ne suis pas la seule.
35:58On a plein d'ambassadeurs partout en France
36:00qui représentent à leur façon le projet,
36:03qu'ils soient hommes ou femmes.
36:04Il y a plein de façons de percevoir le cyclisme ou le triathlon,
36:08de le pratiquer et de vouloir le développer.
36:10Explique-moi la répartition de ta motivation
36:12entre ton parcours personnel et le développement des bornets.
36:16C'était de se dire, comment est-ce qu'on peut,
36:18moi, à titre perso, dans mon métier,
36:20ce que j'adore, le sport,
36:21donc je fais au quotidien un travail
36:23où je n'ai pas la sensation de travailler,
36:25c'est vraiment super cool,
36:27mais l'initiative du projet les bornets,
36:29c'est de se dire qu'une femme ou un homme
36:31ne fera plus jamais seule du sport
36:33et aura toujours un groupe autour de chez lui
36:36qui partage les mêmes valeurs, le même niveau
36:38et qui va vouloir faire les mêmes défis.
36:41Tout ça, c'est parti, parce que t'as entendu une remarque,
36:44pour une femme, faire une étape du tour,
36:46même les hommes n'y arrivent pas.
36:48Après, c'est quoi ?
36:49Pour les bornets ou pour moi ?
36:50J'aimerais que ça soit l'une des plus grosses
36:53communautés sportives d'Europe, en mixité, bien évidemment.
36:56Vous êtes combien ?
36:57On a passé la barre des 400 membres adhérents,
37:00ceux qui payent, mais on a passé la barre
37:02des 1 700 personnes qui sont venues rider avec nous, rouler.
37:05Aujourd'hui, tu recherches quoi ? Des moyens ?
37:08Plein de choses. On est en levée de fonds
37:10sur la partie, purement, si on parle equity et entreprise.
37:13On cherche 1 million d'euros pour pouvoir le développer,
37:16sur la partie Europe, sur la partie recrutement
37:19et sur la partie mobile et applicatif.
37:21On va faire en sorte d'avoir...
37:23Il faut des outils.
37:24Bien sûr. Là, tout est un peu fait à la main.
37:27On va essayer de faire en sorte que le digital nous aide.
37:30Il y a une partie sponsoring,
37:31puisqu'il y a aussi des projets d'équipe qui sont lancés.
37:34On a des personnes qui traversent les Pyrénées.
37:37C'est un super défi,
37:39et c'est des choses qui peuvent être sponsorisées par des marques.
37:42On cherche des marques qui peuvent soutenir le projet.
37:45Tu as un sponsor qui finance ce trajet dans les Pyrénées ?
37:48C'est 4 garçons, 4 femmes ?
37:494 garçons, 4 femmes.
37:51Nous, on sponsorise la partie sportive
37:53et on a un sponsor pour toute la partie nutrition.
37:57Mais on peut avoir des sponsors pour plein de choses,
38:00pour le textile, l'hébergement, le transport.
38:02Ca va dépendre des projets.
38:04Ca, c'est toute l'année,
38:05car on organise des compétitions
38:07qui peuvent être des challenges pour les personnes.
38:10La France regorge de lieux d'exception
38:12pour aller faire du vélo.
38:14Sur la route ou en VTT.
38:15Exactement.
38:17La 3e chose qu'on cherche,
38:18c'est des personnes qui veulent se lancer un défi
38:21et faire en sorte que l'engouement ait lieu.
38:24Ca veut dire que tu peux regarder ta caméra
38:26et dire que si tu veux faire le défi que tu choisiras,
38:29n'hésite pas à aller sur notre site
38:31et on va vous aider à le financer, à vous sponsoriser
38:34pour que vous puissiez le faire avec vos amis, vos enfants.
38:37C'est ça. L'idée, à terme,
38:39c'est que même une femme qui n'a pas les moyens de se mettre au vélo,
38:42contrairement à la course à pied, ça a un coût,
38:45il y a des marques qui sponsorisent ces femmes-là à l'année
38:48et qui donnent la possibilité de se lancer
38:51et d'avoir un matériel prêté qu'elles peuvent acheter
38:53au fur et à mesure.
38:55Ca leur donne la possibilité de faire le 1er pas.
38:57Pas encore. C'est un projet.
38:59C'est l'un de mes gros projets sur l'année 2022.
39:02On est des sponsors qui nous permettent ça.
39:04Parle-moi de la course de la Tour d'Estation.
39:06Le Tour d'Estation.
39:08C'est une course en montagne
39:09qui a lieu dans le Valais, du côté suisse des Alpes.
39:12C'est un peu l'équivalent...
39:14Pourquoi pas en France ?
39:15On a aussi la Suisse d'ouverte.
39:17On est présents en France et en Suisse.
39:19On a 24 villes en France et 2 en Suisse.
39:22La France t'aidait pas alors que la Suisse le faisait.
39:25Non, du tout.
39:26Pourquoi pas ? C'est aussi beau d'un côté que de l'autre.
39:29C'est magnifique. On va faire des choses au Portugal l'an prochain.
39:33On va faire un stage à Lanzarote.
39:34Il y a plein d'endroits pour s'entraîner.
39:37On essaie de faire découvrir, voyager un peu avec le vélo.
39:40Le Tour d'Estation, c'est l'équivalent d'une étape du Tour.
39:43Ils ont même plusieurs formats.
39:45Vous avez organisé votre propre étape ?
39:48On participe. On prend un dossard chez eux.
39:50On est vraiment participants.
39:52C'est une vraie course qui existe et vous vous inscrivez dessus.
39:55On organise un séjour autour de ça.
39:57On les prépare physiquement et on les fait participer.
40:00Il y a réservation du chalet, on fait à manger, etc.
40:03Génial.
40:04Pour terminer, toi, à titre perso,
40:06c'est quoi ta limite ?
40:09Parce que faire un Iron Man, Woman,
40:12je trouve exceptionnel.
40:14Tu as 30 ans.
40:15Tu m'as dit tout à l'heure en préparant cette émission
40:18que, vu mon vieillage, j'étais pile à la bonne moyenne.
40:21C'est vrai. L'environ, c'est meilleur plus on vieillit.
40:24Ouais.
40:25Donc, t'as encore le temps d'exploser toutes tes performances.
40:29T'as encore le temps de tenter plein de choses.
40:31Il y a plein d'objectifs.
40:33Après, c'est une question de capacité de performance.
40:35La jouer hyper provocante et me qualifier
40:38pour les mondiaux de triathlon un jour dans ma vie,
40:40je ne sais pas si j'y arriverai.
40:42Mais ça peut être un énorme rêve.
40:44Ca te rôde dans ta tête ?
40:45À toute triathlète qui a fait un Iron Man,
40:48tu te dis que t'as peut-être envie de faire Hawaï.
40:50Tout le monde.
40:51Ca peut être ça.
40:53Mais je ne sais pas si j'en ai le niveau.
40:55Tu sais qu'à 30 ans, t'as pas de limite.
40:57T'as 20 ans pour tout imaginer.
40:59Il y a quelques semaines, on recevait une jeune femme,
41:02québécoise, me semble-t-il, qui a fait 888 km,
41:04qui a fait la course des boucles pendant 7 jours sans s'arrêter.
41:07Tu sais que ça te pend au nez.
41:09Oui, on peut traverser des Alpes, des Pyrénées,
41:12comme ils le font, traverser de la Corse.
41:14Il y a plein de choses qui sont proposées.
41:16C'est fantastique d'embarquer du monde
41:18et de montrer que les femmes peuvent le faire.
41:21Le faire en équipe, en groupe.
41:23On a fait le tour ?
41:24On a fait le tour.
41:25Il y a un bon site, des réseaux sociaux,
41:27il y a tout ce qu'il faut.
41:29Bornet et E.S. à la fin.
41:30Merci, Maud. À bientôt.
41:31Merci à toutes et à tous.
41:33Une aventurière avec nous. Une autre qui arrive.
41:42L'aventurière de la semaine est Élise Delannoy,
41:45une personne, une jeune femme qu'on a déjà reçue.
41:47Salim, bonsoir.
41:49Bonsoir, Alexandre. Bonsoir, Élise.
41:51Salim, tu vas, je pense, en prendre plein la figure encore aujourd'hui
41:55avec cette aventurière pas comme les autres.
41:57En même temps, on a l'habitude de recevoir
42:00des gens inspirants dans cette émission.
42:02Bonjour, Élise.
42:03Bonsoir, Alexandre. Bonsoir, Salim.
42:05On est ravis de t'accueillir.
42:07Je me souviens, lorsque tu étais venue,
42:09tu sortais de l'Ultra Trail du Mont-Blanc 2019
42:12que tu avais remporté.
42:13Je ne l'avais pas remporté,
42:15mais j'avais fait première française,
42:17ce qui est déjà très bien,
42:18vu le niveau international qu'il peut y avoir sur cette course.
42:22Tu peux nous rappeler ce que c'est, l'Ultra Trail du Mont-Blanc, l'UTMB ?
42:26Alors, l'UTMB, c'est un ultra trail
42:28qui fait le tour du Mont-Blanc.
42:30On passe par trois pays,
42:31donc la France, l'Italie et la Suisse.
42:34On fait 171 km et 11 000 m de dénivelé.
42:37Moi, j'ai mis 27 heures et 48 minutes pour le boucler.
42:41OK, on va juste rappeler, Salim, que c'est 27 heures.
42:44Evidemment, tu t'arrêtes pas pour dormir,
42:46tant qu'il y a...
42:48C'est ça, exactement. Ça calme.
42:49Oui, ça calme.
42:51Et puis, le parcours d'Élise est génial
42:54parce qu'elle a découvert le trail et l'Ultra Trail
42:58un peu sur le tard, j'ai envie de dire.
42:59Au début, tu courais, mais t'étais pas du tout destinée
43:02à ces distances exceptionnelles,
43:04à ces dénivelés stratosphériques et ainsi de suite.
43:08Non, non, non. Surtout que j'habitais dans le Nord,
43:11donc c'était pas...
43:12J'ai déménagé depuis cinq mois à la montagne,
43:14mais avant, étant dans le plat pays,
43:16c'était difficile de s'entraîner pour du dénivelé.
43:19Mais c'est aussi la recherche du long de distance.
43:23L'endurance, c'est quelque chose qui me va bien.
43:25Plus j'ai vieilli, plus j'ai appris
43:26que mon corps endurait très bien le très long.
43:29Ça suffit, ça fait deux fois dans cette émission
43:31qu'on me dit qu'en vieillissant, je devrais me mettre à l'endurance.
43:34Et puis, non, je note quand même une chose,
43:36c'est plus facile de déménager que de déplacer les montagnes.
43:39C'est très joliment dit.
43:40En tout cas, ça a pas eu l'air de lui faire peur,
43:43ne serait-ce qu'au début.
43:44En tout cas, comment est-ce que tu es passée de ce déclic,
43:47de te dire, je fais un peu de trail, tout ça,
43:49comment on passe du trail à l'Ultra Trail ?
43:51Qu'est-ce qui s'est passé ?
43:53En fait, j'ai vite démarré sur l'Ultra Trail.
43:55C'est un copain qui nous avait proposé un week-end
43:58où on devait courir la maxi-race.
44:00Ici, justement, on fait le tour du lac en 85 km.
44:03Donc, j'ai démarré très fort sur cette distance-là.
44:07Et c'était en 2014.
44:09Et j'ai eu comme une révélation,
44:10parce que j'avais fait quasi un top 10 au niveau féminin ce jour-là.
44:15J'avais battu des copains qui courent le marathon en trois heures.
44:18Et là, j'ai eu une espèce de révélation en me disant,
44:20je crois que c'est le sport que tu dois faire.
44:22A priori, oui.
44:23C'est ça qui est ouf. Elle arrive, elle déboule dans le truc,
44:26préparée, mais avec aucune comparaison possible,
44:30aucune ambition.
44:31Et puis là, bam, tu claques, détente, folie tout de suite.
44:34Juste quand même, Salim, pour bien dresser le portrait,
44:37d'Élise, quelques années avant l'UTMB,
44:40t'avais fait le marathon des sables.
44:41Combien de temps ?
44:42Tu peux nous rappeler quel est le principe du marathon des sables ?
44:44Alors qu'il dit sable, il dit là-bas où il fait chaud.
44:47C'est sable.
44:48Le marathon des sables, c'est dans le désert marocain.
44:51On part, on ne sait pas où.
44:53On nous donne juste les cartes le matin
44:56et on est en autosuffisance.
44:57On doit courir 260 kilomètres en cinq jours
45:01avec le sac à dos sur le dos.
45:03Pour moi, peser 11 kilos.
45:04Donc, il faut gérer l'alimentation sur cinq jours.
45:07Il faut gérer porter l'eau
45:09parce que forcément, il faut boire énormément
45:11quand on est dans le désert.
45:12Donc, c'est vraiment une aventure à part.
45:15Il y a le côté sportif,
45:16mais il y a aussi le côté humain
45:18qui est vraiment énorme sur cette pêche.
45:20Alors, tu es là aujourd'hui
45:21parce que tu as décidé de battre un record du monde.
45:24Parce que oui, bon, il y a un moment,
45:25il faut être ambitieux dans la vie, on l'a bien compris.
45:27Des courses de 180 bornes avec 10 000 mètres de dénivelé,
45:30c'est sympa, mais bon.
45:31Il y a un moment, il faut claquer, tu vois.
45:33Et alors, par contre, une petite précision,
45:35c'est qu'en ce moment, t'es immobilisée
45:36parce que t'as fait une mauvaise chute.
45:39Exactement, j'ai chuté en vélo à l'entraînement
45:42il y a trois semaines.
45:43Donc, c'est très frustrant
45:44de ne pas pouvoir avoir de perspective cette année
45:48sur des objectifs que j'avais prévus.
45:51J'avais trois ultra-trails à carrière arrivée,
45:53mais cette année, je pense que ça va être très compliqué.
45:56C'est pour ça que je suis d'autant plus contente
45:58d'avoir tenté quelque chose l'an dernier
46:00parce qu'avec le contexte Covid,
46:01on n'avait déjà pas de compétition en 2020.
46:04Moi, je revis ça en 2021.
46:06Mais voilà, il faut rester positive
46:08et je vais être sûre de l'avant.
46:10Donc, je garde le sourire.
46:11Tu es en horizon à combien de temps là-dessus,
46:13sur ton rétablissement ?
46:15Oui, normalement, c'est six semaines.
46:18Donc, j'espère que je croise les doigts.
46:19Après, on dit que les sportifs récupèrent plus vite.
46:21Déjà, normalement, oui.
46:24Bon, après, je reste positive.
46:27Et puis déjà, si je peux aller faire un petit peu de randonnée,
46:30ça me fera du bien de crapailluter un peu
46:32parce que c'est vrai que l'immobilisation,
46:34ce n'est pas facile quand on a l'habitude
46:37de faire 20 heures de sport par semaine.
46:39C'est presque plus dur qu'un marathon des sables,
46:41d'être immobilisé, finalement.
46:44Oui, je confirme.
46:46Donc là, c'est quoi, aujourd'hui, le diagnostic ?
46:48C'est fracture du bassin et ?
46:51Oui, fracture du bassin et du sacrum.
46:53Et donc là, évidemment, on ne fait rien
46:55ou malgré tout, tu te permets deux, trois petites broutilles
46:57parce qu'il ne faut quand même pas perdre son temps ?
47:00J'ai eu l'accord de faire de la natation
47:02en bloquant les jambes dans un pool boy.
47:05Donc, je nage une heure par jour, là.
47:08Oui.
47:09Donc, le haut du corps va s'en rappeler, quoi.
47:12C'est ça.
47:14On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, en fait.
47:15Élise, ce record du monde, tu l'as battu
47:17parce qu'on a bien compris qu'il fallait soit t'attacher,
47:20soit t'étais inarrêtable.
47:22Et bravo pour ces performances.
47:24Explique-nous ce qu'est ce record du monde
47:26et ouvre grand les yeux et les oreilles.
47:29Alors, déjà, ce record du monde, je ne l'aurais jamais fait
47:31s'il n'y avait pas eu cette histoire de Covid
47:33parce que j'aurais trouvé ça complètement débile.
47:35Je le dis tout de suite.
47:37C'est un défi que je me suis lancé.
47:39J'étais frustrée de ne pas avoir de compétition,
47:41justement, fin de l'été 2020.
47:42Donc, le 30 août, j'ai décidé de tenter le record du monde
47:46de déniveler positif en 24 heures.
47:50Il y avait énormément d'hommes qui tentaient la chose
47:53depuis le confinement.
47:55En général, c'était préparé, annoncé.
47:58Et moi, sur un claquement de doigts, on va dire,
47:59j'ai décidé de le tenter trois semaines après, le 20 septembre,
48:02parce qu'après, on allait rentrer sur une saison plutôt automnale,
48:04donc ça aurait été compliqué au niveau météo.
48:07Et donc, j'ai fait exactement 16 572 mètres de dénivelé positif.
48:13Donc, je montais, mais je redescendais.
48:15Donc, il faut aussi se rendre compte
48:17que les jambes sont traumatisées plutôt à la descente
48:20qu'à la montée en général.
48:22Et j'ai parcouru 145 kilomètres au total sur ces 24 heures
48:29avec exactement 290 boucles.
48:33Mon tour faisait 520 mètres.
48:35Donc, ça fait vraiment esprit hamster, on peut le dire.
48:39Et il fallait savoir décrocher le cerveau pendant 24 heures
48:43pour enquiller ça.
48:45Mais c'était une aventure différente d'un ultra-trail
48:50où là, j'avais vraiment le côté partage avec le public
48:53qui était venu me voir et des paysseurs qui m'entouraient.
48:56Attends, juste avant de laisser la parole à Salim,
48:58pour bien comprendre sur ces images que l'on peut voir,
49:02nous, contrairement à Salim,
49:04pour que tu comprennes bien que t'es la big picture,
49:07on voit d'autres personnes.
49:09En fait, c'était seul, t'avais organisé, t'as fait ce truc toi toute seule.
49:13Il n'y a pas d'autres concurrents ?
49:15Non, en fait, quand j'ai annoncé que j'allais tenter un record du monde,
49:18j'ai tout de suite vu des copains et des connaissances qui m'ont dit
49:21on va venir te soutenir.
49:22Et c'est pour ça que j'avais... On appelle ça des paysseurs.
49:24Donc, c'est des personnes qui sont autour de moi
49:26et qui me soutiennent, eux, ils pourraient une ou deux heures
49:30et ils se reliaient.
49:32Et ça, ça m'a beaucoup aidée pour aller au bout
49:34parce qu'ils me motivaient, on va dire, verbalement
49:39et moi, en les voyant, ça me motivait aussi.
49:41Salim, c'est top.
49:43Tu as parlé de mental de deux façons différentes.
49:47Là, tu dis, pour ce record du monde,
49:49tu dis, c'est style hamster, il faut débrancher le cerveau.
49:52Et plutôt, pour le marathon des sables,
49:53qui est totalement différent, effectivement,
49:55tu disais, c'est pas pareil, c'est vraiment...
49:58Ça ressemble à rien d'autre.
49:59À quel moment est-ce que le mental va te servir
50:02ou au contraire va te casser, sur une comparaison
50:05sur ces deux épreuves différentes ?
50:09C'est... En fait, on va dire, d'habitude,
50:12je fonctionne... Enfin, le mental, je vais de ravitaillement
50:16en ravitaillement.
50:17Par exemple, un UTMB, on a des ravitaillements
50:22au 25e, 50e, 120e kilomètre.
50:25Et moi, je regarde la montre en me disant,
50:27à chaque départ du ravitaillement, j'attends le prochain.
50:30Et donc, je me fais le calcul et c'est comme ça
50:32que mon mental tient en me disant, je sais que je retourne.
50:36Enfin, je vais revoir, en l'occurrence, mon mari et du monde.
50:39Et c'est comme ça que j'avance.
50:41Là, sur le record de dénivelé sur 24 heures,
50:45je n'avais pas de montre.
50:46J'ai refusé que le chronomètreur me montre le tableau.
50:50Je me suis mis dans une bulle
50:51où je ne voulais pas avoir la notion du temps.
50:54Parce que j'avais fait un entraînement la semaine d'avant
50:56de 5 heures et c'était horrible, je comptais les tours.
50:58Donc, j'étais arrivée à 70 tours et je me suis dit,
51:00si je fais ça pendant 24 heures, je ne vais pas finir.
51:03Donc, je me suis mis dans une autre ferrale.
51:06C'était vraiment différent.
51:07Incroyable et c'est juste génial parce que moi qui fais du sport,
51:124, 5, 6 heures, ça ne me fait pas trop peur,
51:14mais 24 heures, on passe dans une autre galaxie,
51:16même, j'ai envie de dire.
51:17Mais à quoi tu t'accroches ?
51:20Parce que 24 heures, c'est le tour...
51:23Tu as commencé à quelle heure le matin ? C'est un matin ?
51:26J'ai commencé à 13 heures le samedi et j'ai fini à 13 heures le dimanche.
51:29OK. À quel moment ou est-ce que la lumière te suffisait
51:34pour avoir des repères ? Tu comprends ce que je veux dire ?
51:36Il y a un moment où on s'accroche à des trucs
51:38quand on veut battre un record.
51:39Là, toi, tu n'as zéro repère.
51:42Alors, l'idée, en fait, la communication qu'on a faite,
51:46c'était, moi, je voulais montrer aussi qu'une femme,
51:49quand elle est sur des longues distances,
51:52elle peut avoir un niveau supérieur aux hommes.
51:54Et l'idée, c'était de me rapprocher au maximum,
51:56voire essayer de battre le record masculin.
51:59Et à partir de là, le record du monde qui était à 17 200.
52:0517 218 m, c'est par un Français, Aurélien Dunant-Palaz.
52:09Et toi, tu as fait 16 572.
52:12Vas-y, termine, puis après, je te demande
52:13quand est-ce que tu vas le claquer, ce record,
52:15parce que, à mon avis, tu ne vas pas en rester là.
52:17J'étais qu'à 650 m, oui.
52:20Et en fait, l'idée, c'était, mon mari me donnait des pourcentages.
52:23En fait, quand je lui ai demandé,
52:25uniquement, je lui ai dit, tu m'en parles,
52:26mais quand je te demande, je suis à combien de pourcentages
52:28de cette cible de 17 200 ?
52:31Donc, on a été sur 10 %.
52:33Oui, mais attends, il me manque un paramètre.
52:35OK, il te reste 10 %,
52:36mais tu sais combien de temps il te reste aussi à ce moment-là ?
52:39Non, en fait, il me disait, tu as effectué 10 %,
52:42tu as effectué 20 %.
52:43Non, je n'avais pas de notion du temps.
52:44Donc, à quoi ça sert de te dire, tu as effectué 95 %
52:47s'il te reste 5 heures ou s'il te reste 10 minutes ?
52:50Après, je demandais, sur la fin, je demandais.
52:52Après, quand il faisait nuit,
52:53j'avais bien la notion que c'était la nuit
52:55et le dimanche matin, c'était tellement horrible.
52:59Les souffrances étaient tellement énormes.
53:01Là, chaque fois, chaque heure, je demandais,
53:03il me reste combien de temps ?
53:05Les trois dernières heures, c'était un calvaire.
53:07C'était des douleurs atroces, mais j'étais...
53:11Je me disais, il ne reste que 3 heures,
53:12c'est rien sur 24 heures, donc il faut que j'aille au bout.
53:14Et il y avait tellement, j'avais eu 350 personnes qui étaient venues
53:17alors que je n'avais pas du tout communiqué sur l'événement.
53:19Ça a été du bouche à oreille, ça a fait un peu de bruit.
53:22Depuis la veille, et je me disais,
53:24toutes ces personnes sont venues ce matin te voir,
53:27ils ont pris la voiture, ils sont venus te voir,
53:29tu ne peux pas les décevoir, tu vas au bout.
53:31Le finish, c'était incroyable.
53:34J'ai des émotions qui sont ancrées en moi pour toute la vie.
53:39Salim, tu arrives à le mentaliser, ça,
53:40quand tu es à bout de souffle, dans tous les sens du terme,
53:45quand ton corps est au bout de tout ce qu'il peut donner,
53:47tu arrives à te dire un truc aussi rationnel
53:49que 3 heures, c'est rien sur 24 heures.
53:52C'est ce que je me disais, c'est rien sur 24 heures.
53:54Et j'ai un credo, j'ai une phrase que je me répète
53:56quand je suis en galère sur mes ultras,
53:58c'est la souffrance est éphémère, la satisfaction est éternelle.
54:03C'est magnifique.
54:04Quand je suis vraiment mal, je me répète ça,
54:07et au moins, j'oublie et je reste là-dessus.
54:09En parlant de satisfaction,
54:10quand est-ce que tu vas nous le chercher,
54:11alors, ce record de plus de 17 000 ?
54:14Attends, rappelle-nous, il manque quoi, 600 mètres ?
54:17Oui, 600 et quelque.
54:18650, exactement.
54:20650 mètres après 24 heures, franchement,
54:22c'est couillon.
54:23Arrête.
54:24Oui.
54:25Pendant 16 heures, je tenais le record.
54:27Pendant 16 heures, j'étais au-delà du record,
54:29mais j'ai eu des petites défaillances gastriques
54:31en pleine nuit,
54:32parce que la difficulté de cet effort,
54:35c'est de pouvoir s'alimenter,
54:37parce que l'estomac et les intestins
54:38sont balottés en permanence,
54:40on monte, on descend, et c'est hyper traumatisant.
54:43Donc ça, c'est des choses à travailler.
54:45Mais j'ai envie de te dire,
54:47est-ce que tout ça est réglementé,
54:49pas réglementaire, mais réglementé,
54:50est-ce que ça serait moins traumatisant
54:52si les ascensions étaient, je sais n'importe quoi,
54:54rallongées de 100 mètres ?
54:55Et donc, même chose pour les descentes,
54:56mais donc, du coup, on serait plus longtemps
54:58en train de monter, plus longtemps en train de descendre,
55:00ou inversement, d'ailleurs.
55:02Alors, c'est moi qui ai choisi ce parcours.
55:06Moi, c'est le plus important,
55:07c'est mon idée, sur un record comme ça,
55:09c'est la ponte.
55:10Moi, j'étais à 23 %.
55:12Je pense que si on passe les 30 %,
55:14le corps, enfin, surtout les cuisses,
55:16les muscles, les ischios,
55:18ne peuvent pas tenir l'effort.
55:19Donc, il faut vraiment penser plus à la pente
55:21plutôt qu'à la distance.
55:23Après, on fait avec la distance.
55:24Il ne faut pas que ce soit trop long non plus.
55:26Moi, j'étais sur 520 mètres au total en allers-retours,
55:30mais tout ce calcul, il faut vraiment une optimisation.
55:33Mais la pente reste le premier vecteur d'importance.
55:36Et puis, 23 %, c'est beaucoup.
55:38Moi, qui fais beaucoup de VTT,
55:39passer les 20 %, t'es dans la grosse, grosse difficulté.
55:41Alors là, c'est à pied, mais ce n'est pas plus simple.
55:43Salim ?
55:44Non, mais du coup, je veux toujours savoir,
55:46alors, est-ce que c'est un objectif
55:47ou est-ce que c'est quelque chose
55:49qui viendra quand ça viendra sur ta route ?
55:51Ou est-ce que tu as encore ce chiffre de te dire,
55:53à 16 heures, quand même, je le tenais, ce record ?
55:56Je me dis que ça aurait pu être possible.
56:00Donc, oui, j'ai toujours, en fonction de ce qui va se passer
56:03dans les mois et dans les années qui viennent,
56:07c'est un effort que, même si j'ai souffert,
56:09que j'ai beaucoup aimé.
56:10Et c'était surtout aussi le partage avec les paisseurs,
56:13le partage avec les autres.
56:15Un ultra, on part dans la montagne, on est seul.
56:17On est seul avec soi-même.
56:18C'est vraiment une introspection seule,
56:22que là, c'était du partage.
56:24Et c'est surtout ça que j'ai adoré,
56:26c'est voir les gens avoir des encouragements en permanence.
56:30C'était vraiment hyper émouvant.
56:34Et ça, j'ai vraiment envie de le revivre, si je peux,
56:37pourquoi pas le retenter.
56:38Mais là, il y a quelques compétitions qui étaient prévues
56:43et je pense qu'il y a une petite normalité qui va reprendre.
56:46Mais pourquoi pas, oui.
56:47À NUTMB, il y a du monde ?
56:50Alors, pas partout.
56:51À NUTMB, oui.
56:52Non, parce que quand on part des rapideaux,
56:56il n'y a personne quand on fait les ascensions de col.
56:59La nuit, c'est terrible, on est vraiment seul.
57:01Et ça fait même très bizarre, l'arrivée,
57:03d'avoir autant de monde autour de soi.
57:05Et on est vraiment seul pendant très longtemps.
57:10Tu l'as abordé comment, ce record, en le construisant ?
57:13Est-ce que tu le voyais comme quelque chose
57:15que tu allais atteindre de toute manière
57:16et peu importe, tu savais que ça marcherait ?
57:19Ou comme quelque chose qui était impossible pour l'instant
57:21et auquel il fallait te préparer de façon drastique ?
57:27Je l'ai abordé comme un espèce de défouloir,
57:29parce que j'avais besoin,
57:32j'avais vraiment un besoin de me dépasser.
57:35C'était vraiment me défier, me dépasser, me challenger.
57:382020, c'était vraiment une année sportivement difficile.
57:42Et ça m'a fait énormément de bien
57:44de pouvoir aller puiser dans les réserves.
57:48Et mon idée, c'était je fais mon max.
57:50Quand après les 16 heures, j'ai commencé à descendre,
57:52je n'ai rien lâché, j'ai dit je gère, je finis,
57:55je fais mon maximum jusqu'à la dernière minute.
57:58Chose où les hommes qui ont tenté,
58:01ils ont tous arrêté à 23h30, 35.
58:03Moi, je suis allée jusqu'aux 24 heures pile poil.
58:06C'était vraiment, je vais au bout et je donne le maximum.
58:09Tu parlais de douleur tout à l'heure.
58:11Qu'est-ce qui fait très mal ?
58:12De quoi tu as souffert vraiment physiquement ?
58:13C'est où ? C'est les cuisses, c'est les fessiers, c'est quoi ?
58:17Les pieds. Les pieds, c'était terrible.
58:20Chaque pas était douloureux.
58:22De toute façon, le record a été terminé.
58:25Je ne pouvais plus marcher.
58:27C'est vraiment les pieds qui étaient le plus douloureux.
58:29Mais c'est osseux, c'est les ligaments, c'est les tendons ?
58:32C'est quoi ?
58:33Le pied en entier, le pied gonfle.
58:36J'avais prévu de changer de paire de chaussures.
58:38J'avais pris une pointure au-dessus.
58:40J'étais très contente d'y avoir pensé parce que c'était indispensable.
58:43Les pieds gonflent, tout gonfle.
58:44Les chevilles qui enflent.
58:46C'est assez traumatisant à tout niveau.
58:50Au niveau du pied, c'est les douleurs dont je me souviens le plus.
58:54Et après, le corps a mal à un endroit en particulier.
58:58On ne peut pas avoir mal très fort partout.
59:00Souvent, les douleurs sont localisées sur la douleur la plus forte.
59:03C'est vraiment les pieds qui ressortent.
59:05Bravo, Élise. Merci infiniment d'avoir été avec nous.
59:07Élise Delannoy, une femme pas comme les autres,
59:09avec un mental exceptionnel.
59:12Merci infiniment.
59:13À bientôt parce que tous les six mois, on va se faire un petit point.
59:17Tiens, j'ai fait ça.
59:18Et ta fracture, combien de temps ils t'ont dit de rester,
59:21de ne pas bouger ? Six semaines ?
59:23Oui.
59:25Donc d'ici 15 jours, c'est reparti, quoi.
59:27On verra.
59:29On t'embrasse. Merci beaucoup, Élise. Et encore bravo.
59:32Ciao, ciao. Merci, Salim. Merci beaucoup.
59:35Merci à vous tous d'avoir été avec nous.
59:37On vous donne rendez-vous très prochainement
59:39pour un nouveau numéro de La Victoire est en elle. Salut.

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