Léa Salamé reçoit le psychiatre Robert Neuburger, auteur de "Ecrire sa mère" aux éditions Payot, un court essai original où il se demande pourquoi presque tous les écrivains ont un problème avec leur mère.
Plus d'infos : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mardi-18-juin-2024-2101532
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00:00Ce matin, vous recevez un psychiatre et psychanalyste.
00:03Et comme vous avez dit tout à l'heure, ça ne peut pas faire de mal.
00:06Bonjour Robert Neburger.
00:08Bonjour.
00:09Merci d'être avec nous ce matin.
00:10Si vous étiez un personnage de roman, une période de l'histoire et une émotion,
00:16vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:19Alors, un personnage, Robinson Crusoe.
00:24Pourquoi ?
00:25Parce que j'aime bien être seul.
00:28Si vous étiez une période de l'histoire ?
00:30Les années 1900.
00:31C'était les années les plus créatives qu'on a pu vivre pendant toute cette période.
00:391900 à Vienne ou 1900 à Paris ?
00:41Alors surtout Vienne.
00:43Et si vous étiez une émotion ?
00:45La rage.
00:47Pourquoi ?
00:48La rage contre l'injustice, la rage contre tout ce qui peut se passer désastreux autour de moi.
00:55Et puis aussi parce que la rage, c'est le contraire de la dépression.
00:58Vous savez, quand on est déprimé, on imagine qu'il faut rendre les gens normaux.
01:02Ça ne marche pas du tout.
01:04La dépression, c'est de la rage en boîte.
01:07Donc mon boulot, c'est de sortir la rage qu'il y a dans ces personnes déprimées qui viennent me voir.
01:14Et puis je peux vous dire que ça marche très, très bien.
01:16Et quand ils sortent la rage, ils vont mieux ?
01:18Ben nettement mieux.
01:19Et en ce moment, on doit sortir de la rage, vous pensez ?
01:20Oh là là, oui.
01:22Vous avez le sentiment qu'il y a trop de rage rentrée et qu'il faudrait peut-être la sortir ?
01:30Ou qu'au contraire, on entend beaucoup trop de propos rageux ?
01:35Écoutez, je parle en tant que thérapeute individuel, thérapeute de couple, de famille.
01:42Pas au niveau social, ça je n'ai pas d'opinion.
01:45Mais au niveau personnel, au niveau individuel en particulier,
01:47c'est très, très important de se relier à ces sentiments de rage qu'on peut avoir.
01:52Pour faire un bon écrivain, il faut avoir eu une enfance malheureuse.
01:56C'est Hemingway qui disait ça.
01:57Êtes-vous d'accord avec lui, Robert Neburger ?
02:00Ça me paraît un peu généralisé.
02:04Mais c'est vrai que mon constat, quand je me suis intéressé à ce que les écrivains ont écrit sur l'écriture,
02:11c'est qu'effectivement, la plupart avaient eu des destins assez catastrophiques dans les relations avec leur mère.
02:18Alors justement, vous êtes l'un des grands noms de la médecine psychiatrique.
02:21Plus de 50 ans de carrière, spécialiste des thérapies de couple et des thérapies de famille.
02:25Vous êtes l'auteur d'une quinzaine d'essais à succès.
02:27Vous avez aussi décidé à l'âge de 14 ans que vous serez psychiatre en sortant de la guerre
02:32où vous avez été un enfant caché, seul survivant de votre famille avec votre père et votre mère.
02:37On va en parler.
02:38Mais effectivement, on parlait de ce livre passionnant sur les écrivains et leur mère.
02:43Livre original.
02:45Au fond, vous posez cette question-là.
02:48Pourquoi presque tous les écrivains ont un problème avec leur mère ?
02:52« Écrire sa mère », c'est le titre.
02:54Très beau titre chez Payot.
02:56Et je le disais, c'est un livre qui m'a beaucoup touchée.
02:59Sincèrement.
03:00Peut-être le moment s'y prête.
03:03C'est un livre très original sur l'amour maternel.
03:06Vous racontez à travers les figures des écrivains comment le manque de mère,
03:09ou au contraire le trop plein de mère, a marqué intensément leurs œuvres.
03:14Comment Romain Garry, Annie Ernaud, Nancy Houston, Delphine de Vigan, Marguerite Duras,
03:18Simon, Albert Cohen, Amélie Neuton, Éric-Emmanuel Schmitt, Michel Delcastillo et j'en passe,
03:24tous ces écrivains ont ce point commun d'avoir été mal aimés par leur mère.
03:29Soit qu'ils ont été trop aimés, et donc écrasés,
03:32soit qu'ils ont été non aimés ou pas aimés par leur mère.
03:37D'où vient cette idée un peu folle de vous, le thérapeute, le psychanalyste,
03:42d'aller chercher chez les écrivains ce rapport à la mère ?
03:46C'est une trouvaille en cours de travail.
03:50La question que je m'étais posée, c'était pour un colloque,
03:53qu'est-ce que les écrivains ont écrit sur l'écriture ?
03:57Et là, je suis tombé sur quelque chose qui m'a absolument sidéré,
04:01c'est que presque tous les écrivains et écrivaines connus aujourd'hui
04:06avaient eu des gros problèmes avec leur mère,
04:08et en particulier avaient été mal aimés, et surtout les femmes.
04:13Et d'autres avaient été mal aimées d'une autre façon,
04:17c'est-à-dire qu'ils avaient été trop aimés, et c'était plus souvent des hommes.
04:23Vous donnez des exemples, on va commencer par les mal aimées,
04:27c'est souvent des femmes, les rejetées par leur mère.
04:30Vous racontez comment Marguerite Duras était qualifiée de petite misère et frappée par sa mère,
04:35comment la mère de Delphine de Vigan la considérait plus comme une rivale que comme sa fille,
04:39comment Nancy Houston a été abandonnée par sa mère à l'âge de 6 ans,
04:42comment la mère de Gisèle Halimi, très fort passage,
04:45a salué son entrée dans le monde par « c'est une catastrophe »,
04:49« ma mère ne m'aimait pas », disait Gisèle Halimi,
04:52« ne m'avait jamais aimée, elle refusait toute étreinte, tout baiser, tout contact ».
04:57L'absence de baiser, l'absence de contact, au fond l'absence de tendresse,
05:01marque toutes ces femmes.
05:04Oui, ce qui manque le plus, j'ai eu un peu de mal à distinguer dans tout ce qui est,
05:13toutes les conduites maternelles qui font qu'un bébé, un enfant puisse se sentir exister,
05:20reconnu, exister au monde.
05:23Et la qualité la plus importante que j'ai pu trouver, c'est la consolation.
05:31C'est le fait d'entourer l'enfant quand il est en difficulté,
05:34c'est de l'écouter au moment où il souffre.
05:37Et ça je l'ai trouvé dans nombre d'auteurs,
05:41le mot « consolation » est sorti d'un ensemble de plaintes.
05:46Bien sûr, il y a eu d'autres plaintes, on parle de Gisèle Halimi quand même,
05:50quand elle est née, ses parents lui ont dit « on avait tellement honte d'avoir une fille,
05:54qu'on l'a annoncée qu'au bout de trois semaines sa naissance ».
05:59Et effectivement, le manque de consolation, ou le manque de prendre dans ses bras,
06:03marque ces femmes.
06:05Il y a l'abandon aussi, parfois pur et simple,
06:08comme Nancy Houston ou Michel Del Castillo dont vous parlez dans le livre.
06:12Et puis il y a Annie Ernaux qui était persuadée d'être enfant unique et d'être aimée par sa mère.
06:17Et puis à l'âge de neuf ans, elle apprend qu'en fait elle avait une soeur qui est morte.
06:21Et elle entend sa mère dire à une cliente du magasin « ma fille était une sainte »,
06:25en parlant de l'autre, de la soeur, « ma fille était une sainte, pas comme celle-ci ».
06:29Et cette phrase-là va la marquer durablement.
06:32Oui, oui, c'est ce que j'appelle une chute mythique,
06:37c'est-à-dire une chute de croyance en la mère.
06:40Vous savez, quand un enfant est vraiment petit, il ne peut pas imaginer que sa mère ne l'aime pas.
06:45Et donc pour rendre conscient ce fait, cette réalité qu'il n'est pas aimée, il faut un événement.
06:54Et effectivement, chez chacun de ces auteurs, j'ai pu repérer un moment,
06:59c'est-à-dire ce qui leur est arrivé et qui fait qu'ils ont réalisé qu'ils n'étaient pas aimés par leur mère.
07:06Et effectivement, Annie Ernaux, cette phrase terrible, elle était si gentille, pas comme celle-là.
07:14Marguerite Duras, je vous propose qu'on l'écoute, je crois que c'était dans l'émission de Bernard Pivot, on l'écoute.
07:20Son fils aîné, c'était sa passion, votre mère ?
07:25C'était son enfant.
07:28Je ne sais pas comment ça... Je n'ai eu qu'un enfant.
07:33Je ne sais pas comment des injustices de cet ordre peuvent s'installer.
07:38Parce qu'en principe, une mère, c'est un miracle.
07:42Elle aime également, de façon préférentielle, tous ses enfants.
07:49Et ils sont enterrés ensemble ?
07:51Les enfants du camp, ils sont enterrés tous les deux, oui, ensemble.
07:55Le cas de Duras.
07:57Alors ce qui est intéressant, c'est que dans cette interview de Pivot, il lui pose la question
08:01« Mais si vous aviez été aimé par votre mère, par une mère bourgeoise et riche,
08:06que vous n'aviez pas connu les problèmes d'argent que vous avez connus en enfant,
08:09est-ce que vous auriez écrit quand même ? »
08:11Et elle dit « Oui, quand même, j'aurais écrit. »
08:13Donc ça contrevient un petit peu.
08:15Mais Duras a été aussi un de ces exemples, de ces autrices qui ont été rejetées par leur mère.
08:23La préférence pour son grand-frère était quelque chose d'insupportable pour l'enfant.
08:28Oui, c'était parfois incroyablement violent.
08:31Si on parle de Georges Simenon, il a écrit plus de 500 bouquins dans sa vie.
08:36On voit à quel point l'écriture, pour lui, a été une bouée de sauvetage.
08:44Un jour, son frère était mort.
08:48C'est toute une histoire, je ne peux pas la raconter maintenant.
08:52Sa mère s'adresse à lui et dit « Quel dommage que ton frère soit mort. »
09:00Et il comprend tout de suite ce qu'elle est en train de dire.
09:04Et vous racontez comment ces auteurs, ces autrices, trouvent d'abord refuge dans la lecture.
09:09Vous dites que c'est très important.
09:11Enfants, tous lisent énormément pour essayer de se sauver par la lecture.
09:15Et ensuite, comment l'écriture va être, pour eux, pour elles, une manière de se consoler,
09:21de se venger et de se libérer de ce manque de mère.
09:24Je vous cite « Écrire, pour eux, pour elles, c'est s'embrasser.
09:28C'est se raconter des histoires comme si c'était la mère qui les racontait.
09:32L'écriture est le substitut d'un manque de mère.
09:34Elle est leur confidente.
09:35Elle est l'interlocutrice qui s'est écoutée, consolée.
09:38Elle prend la place d'une mère qui n'a pas entendu, qui n'a pas voulu ou pu entendre.
09:42Elle est la mère qu'ils n'ont pas eue.
09:44Une mère rêvée. »
09:47Oui.
09:48L'autre petite découverte que j'ai faite, c'est que pratiquement tous ces auteurs ont un trajet commun.
09:55C'est-à-dire qu'ils découvrent leur situation d'enfant mal aimé.
10:00Et là, ils se réfugient dans leur tête.
10:02Ce sont des enfants qui vont fantasmer énormément, se raconter des histoires.
10:06Mais se raconter, c'est très important parce que ça va les suivre toute leur vie.
10:10C'est se faire exister.
10:12C'est une tentative extraordinaire de leur part.
10:15Moi, je suis vraiment impressionné parce que vous savez,
10:19quand on lit les articles ou les ouvrages de psychiatres sur les enfants mal aimés,
10:26alors que c'est un destin, ils vont être comme ça, ça va être catastrophique.
10:29Eh bien, non.
10:30Vous avez Catherine Pancol qui dit cette phrase extraordinaire.
10:35« Dites bien que si j'ai écrit ce livre, c'est pour dire qu'on peut s'en sortir. »
10:39Et ça, ça me fascine beaucoup parce que ça veut dire quoi ?
10:42Ça veut dire que l'être humain est capable de création.
10:45Il est capable d'inventer des solutions.
10:47Mais ceux qui n'écrivent pas, parce que c'est vrai que le cœur du livre,
10:50et vous dites « j'ai fait ce livre-là » en prenant d'une certaine manière,
10:53et je mets entre guillemets, le prétexte des écrivains pour dire à tous,
10:58même ceux qui n'écrivent pas, que ce n'est pas parce que vous avez été mal aimé ou pas aimé par votre mère,
11:04que vous ne vous en sortirez pas, que c'est un destin qui est irrémédiable.
11:08C'est ça que vous voulez dire.
11:10Mais si on n'écrit pas et qu'on n'est pas aimé par sa mère,
11:13ceux qui nous écoutent par exemple,
11:16si on n'a pas l'échappatoire de l'écriture, alors il y a quoi ?
11:21Alors bon, d'abord, il y a tous les arts.
11:25Je veux dire, si j'ai choisi les écrivains, c'est parce qu'ils écrivent,
11:29donc on a des documents.
11:31Mais effectivement, il y a des femmes peintres ou des hommes peintres
11:34qui ont été dans la même situation, sculpteurs, etc., dans tous les arts.
11:38Et ce qui est très important, c'est ce qu'ils disent tous.
11:42Nos écrits, ce n'est pas un outil thérapeutique.
11:45C'est pour émerger, c'est-à-dire pour sublimer quelque chose.
11:49On change de niveau.
11:50D'ailleurs, vous utilisez, c'est le seul concept psychanalytique que vous écrivez dans ce livre,
11:54parce que vous écrivez au début, je ne vais pas utiliser le terme psychanalytique,
11:57c'est presque un livre littéraire, votre ouvrage.
12:00Le seul concept que vous utilisez, ce n'est pas le terme de résilience
12:03de votre ami Boris Cyrulnik, c'est le terme d'émergence.
12:06C'est quoi la différence ?
12:07Écoutez, moi, je n'ai jamais été fan de résilience,
12:11parce que ça veut dire revenir dans un état antérieur.
12:14Est-ce que vous avez vu quelqu'un qui traverse un traumatisme,
12:18qui revient dans son état antérieur ?
12:20Non, il peut s'en sortir s'il émerge, s'il invente quelque chose, une nouvelle solution.
12:25Il y a les mal-aimés, enfin les pas-aimés, ceux dont je viens de parler.
12:29Et puis, il y a aussi dans le livre, le mal-amour,
12:32il est aussi quand on est écrasé par l'amour et par l'amour d'une mère.
12:36C'est le cas, évidemment, de Romain Garry.
12:39Romain Garry a cette phrase folle, tout le monde la connaît,
12:42mais ce n'est pas grave, j'ai envie de la redire ce matin.
12:44« Avec l'amour maternel, la vie vous fait une promesse qu'elle ne tient jamais.
12:47On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours.
12:50On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné.
12:54Jamais plus, jamais plus, jamais plus. »
12:57Il y a aussi Amélie Nothomb qui raconte qu'elle était complètement obsédée.
13:02« Ma mère, quand j'étais petite, c'était mon trip, c'était mon obsession, c'était mon dieu. »
13:07Et puis, il y a Albert Cohen, je voudrais qu'on l'écoute, lui aussi chez Bernard Pivot.
13:11Il parle du livre de ma mère et il parle de sa mère.
13:14« Tout de suite une phrase que j'extraite de cet ouvrage parce que je la crois assez représentative, c'est celle-ci.
13:20« Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles. »
13:24Oui. Et moi, le premier, je ne l'ai pas su.
13:29Ce qu'elle avait de particulier, ma mère, c'est qu'elle n'avait pas de moi.
13:38Son moi, c'était son fils.
13:41Il y avait son mari aussi.
13:43Certainement. Elle était trop fille de la Bible pour ne pas respecter son Seigneur.
13:53Ce livre, je l'ai écrit pour venger ma mère.
13:59Venger de quoi ?
14:01De son fils.
14:03Vous étiez pourtant un bon fils.
14:05Par saccade.
14:09Robert Neburger, Albert Cohen, trop aimé comme Gary.
14:14Trop aimé par sa mère, donc mal aimé.
14:16Vous m'avez dit tout à l'heure, je vais vous raconter une anecdote au micro, mais je ne sais pas c'est quoi.
14:20C'est très touchant.
14:22Albert Cohen, c'était une grande figure.
14:25Il raconte à un moment qu'effectivement, une mère, c'est au-dessus de tout.
14:29D'ailleurs, quand il avait une amie, si jamais il perdait toutes ses dents,
14:34elle le mettrait à la porte, tandis que sa maman l'accueillerait.
14:38Mais ce qu'il ne voit pas, c'est que non seulement elle l'accueillerait,
14:41mais serait ravie parce qu'il ne pourrait pas avoir d'autres relations.
14:44Donc, il y a une certaine naïveté chez eux.
14:47Ce qui est très intéressant, c'est qu'il réalise la perte, c'est-à-dire la mort de la mère.
14:54C'est un drame.
14:56On entend soit Eric Emmanuel Schmitt et Albert Cohen.
15:01La même phrase chez les deux, c'est la première fois que maman me fait de la peine.
15:07C'est la première méchanceté que tu m'aies faite en mourant.
15:09C'est ce que dit Eric Emmanuel Schmitt quand sa mère meurt.
15:12C'est extrêmement touchant.
15:15Je crois qu'il n'y a que Romain Garry qui a repéré que c'était un problème.
15:20Robert Neumberger, vos parents étaient réfugiés d'Allemagne.
15:23Vous êtes né en décembre 1939.
15:25Vous avez cette manière de dire, assez drôle,
15:27ce n'était pas une très bonne idée de naître en 1939.
15:30Oui, ça tout à fait.
15:32Mais c'est ainsi.
15:33Vous avez été un enfant caché pendant la guerre.
15:35D'abord recueilli à la Croix-Rouge, puis dans une famille.
15:37A l'âge de 14 ans, je le disais, vous prenez cette décision radicale de faire médecine.
15:41Et vous dites, je serai psychiatre et psychanalyste,
15:43après avoir lu l'interprétation des rêves de Freud.
15:46C'est-à-dire que vous avez eu conscience très tôt, à l'âge de 14 ans,
15:49après ce que vous aviez traversé pendant la guerre,
15:51qu'il fallait être un aidant, d'une certaine manière, un accompagnateur des autres.
15:57Je ne dirais pas comme ça.
16:00Ce qui m'a vraiment mené dans cette décision précoce, c'est Pasteur.
16:07Parce que, vous savez, Pasteur, quand il a découvert la théorie microbienne,
16:14en fait, l'Académie de médecine, à l'époque, croyait à la génération spontanée.
16:20Donc, ce n'était pas la peine de se laver les mains quand on opérait,
16:22puisque les microbes arrivaient comme ça.
16:24Et lui a montré que rien ne vient de rien.
16:27Et ça, ça m'a fasciné.
16:29Puis après Freud, j'ai trouvé la même chose.
16:31Les rêves, ce n'est pas rien.
16:33Ils ont un sens, ils ont une fonction.
16:36Et donc, c'est cette idée que rien ne vient de rien qui m'a habité.
16:42Qui vous a habité.
16:43Et qui m'a fait, effectivement, qui m'a soutenu dans toute ma carrière.
16:47Y compris aujourd'hui, où on a une psychiatrie qui, franchement,
16:50très souvent fonctionne dans la négation totale des capacités créatives des gens.
16:57Puisqu'on a un psy à ce micro, beaucoup de gens sont inquiets, vous le savez.
17:00Ils sont angoissés depuis dix jours, depuis l'annonce de la dissolution.
17:03Il y a de l'incertitude sur l'avenir du pays.
17:05Est-ce que vous comprenez ces angoisses, cette incertitude ?
17:08Est-ce que vous avez des mots, ce matin, pour ceux qui nous écoutent ?
17:11Moi, j'espère qu'il y aura beaucoup de gens qui sont dans l'incertitude.
17:14Parce qu'eux vont aller voter dans le bon sens.
17:16Enfin, dans le bon sens par rapport à ce que je pense.
17:18Et malheureusement, il y a beaucoup de gens certains.
17:21Et j'espère que les incertains vont être plus nombreux que les certains.
17:26Pour finir, très rapidement, les impromptus.
17:29Vous répondez sans réfléchir.
17:30Annie Ernaux ou Michel Houellebecq ?
17:34Michel Houellebecq.
17:35Freud ou Lacan ?
17:36Freud.
17:37Les Alpes ou les Pyrénées ?
17:38Les Alpes.
17:39Écrire ou parler ?
17:42Parler.
17:43Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, c'est un couple que vous trouvez exemplaire ou surtout pas ?
17:49Exemplaire, je ne dirais pas. Mais surtout pas, je ne dirais pas non plus.
17:53Peut-on rester en couple sans faire l'amour, sans le sexe ?
17:58Si on aime la frustration, oui.
18:01La dernière fois que vous avez pleuré ?
18:03Oh, c'était il n'y a pas longtemps.
18:05Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
18:09Liberté.
18:10Et Dieu dans tout ça ? La question de Jacques Chancel.
18:13Vous savez, après la guerre, c'était difficile de croire en Dieu.
18:16Écrire sa mère à la recherche de l'amour perdu.
18:20Court essai qui m'a bouleversée vraiment.
18:23Chez Payot, de Robert Neburger.
18:25Merci beaucoup, achetez-le.
18:27Ça libère, comme vous dites.
18:29Il n'y a pas que l'écriture, il y a la lecture aussi qui libère.
18:31Merci infiniment.
18:32Merci à vous.