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« La RSE impactée par la souveraineté économique : enjeux et perspectives » : c’est le titre du livre de Philippe Jourdan, publié aux éditions Vérone en décembre 2023. L’auteur est invité de SMART IMPACT pour décrypter les liens entre, d’une part, la souveraineté économique, et d’autre part la RSE, la protection de l’environnement et les droits sociaux. L’occasion d’aborder certains des enjeux de la relocalisation industrielle sur fond d’automatisation des tâches.

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00:00L'invité de Smart Impact, c'est Philippe Jourdan. Bonjour. Bonjour. Bienvenue à vous,
00:10vous êtes associé fondateur de Promise Consulting et vous avez écrit avec Jean-Claude Pacito ce
00:15livre sur la RSE, la RSE impactée par la souveraineté économique aux éditions. Vérone,
00:21je veux bien qu'on revienne à l'origine. Pourquoi vous l'avez écrit ? Est-ce qu'il y a eu un élément
00:24déclencheur ? Oui, alors trois éléments déclencheurs. Le premier, c'est un sondage
00:29que la société Promise Consulting a fait auprès des Français et qui a montré qu'au-delà des
00:33engagements environnementaux, sociaux et sociétaux qui forment traditionnellement le triptyque des
00:38engagements en matière de RSE, la préoccupation pour la souveraineté économique émergeait comme
00:44une responsabilité de gouvernance pour les entreprises. Ça, c'est le premier point. Le
00:49deuxième point, un fait d'actualité, la réflexion s'est effectivement, j'allais dire, concrétisée
00:54à l'issue du confinement avec la crise énergétique. On l'a touché du doigt, la question de la
00:58souveraineté. Et là, c'est poser la question de la souveraineté. En matière de santé aussi. En
01:02matière de santé, etc. Et puis, le troisième point, nous sommes des universitaires, donc nous
01:07aimons réfléchir à des concepts. Et j'allais dire, le rapprochement de la souveraineté de la RSE paraît
01:13contre-intuitif. La souveraineté étant souvent associée à des égoïsmes nationaux, voire à des
01:19politiques de rigueur, alors qu'on imagine la RSE effectivement comme généreuse et parfois
01:25dispendieuse. Or, en fait, on a voulu montrer qu'il n'y a pas d'engagement RSE, il n'y a pas de
01:31développement durable sans souveraineté qu'on appelle autonomie stratégique ou souveraineté
01:36économique. Les deux termes sont assez proches. A qui s'adresse ce livre ? A vos clients ? A des
01:42étudiants ? A qui il s'adresse ? Ou en public ? Soyons fous ! Alors, je pense que ce livre s'adresse
01:49à plusieurs publics. Alors, il a été rédigé par des universitaires, donc l'approche est quand même
01:52scientifique et académique. Donc, effectivement, le milieu universitaire est concerné, mais pas
01:57uniquement. Nous pensons que beaucoup d'entreprises, aujourd'hui, veulent effectivement élargir leur
02:02gouvernance à des problématiques de souveraineté, ne serait-ce que pour faire ce lien entre
02:08l'engagement sur des valeurs de développement durable et une performance économique à court,
02:13moyen et long terme, qui suppose d'avoir les moyens de sa souveraineté. Donc, là aussi,
02:18à des clients d'entreprise. Et puis, enfin, nous le déclinons largement dans des cours en matière
02:26de RSE pour sensibiliser nos étudiants en particulier sur le fait que la RSE est plurielle
02:31aujourd'hui. Alors, je vais prendre quelques citations du livre. Il y en a une qui est assez
02:36évidente. La souveraineté économique est un préalable à la capacité d'agir. Ça sonne
02:41comme une évidence, mais pourquoi c'est important de le rappeler et particulièrement aujourd'hui ?
02:46Ça sonne évidemment comme une évidence, à tel point qu'on a fini par l'oublier. On le voit
02:53aujourd'hui, l'un des risques pour la RSE, compte tenu des enjeux, je parle en termes d'urgence,
02:58mais aussi d'importance des enjeux. On parle de réchauffement climatique, on parle d'énergie
03:03non renouvelable, on parle de changer nos modes de consommation. Ce qu'on appelle aussi des buts
03:07fondamentaux. Ce sont des buts fondamentaux. Or, ces buts fondamentaux, ils ne datent pas
03:13d'aujourd'hui. On a une accélération évidemment dans la prise en compte de ces buts fondamentaux,
03:18mais on se plaît à rappeler d'ailleurs que l'origine de la RSE date de 1953. Le rapport
03:24Bowen, commandé par les églises américaines, donc vous voyez qu'il y avait déjà un fond idéologique
03:29dans la réflexion. Ce que je veux dire par là, c'est que c'est devant l'urgence et l'importance
03:36de ces enjeux que l'on s'est dit soudainement, mais a-t-on les moyens de réellement agir ou est-ce
03:42qu'on ne fait que de la communication ? Ou que subir d'ailleurs. Et c'est justement en se posant
03:50cette question-là qu'on s'est dit mais il faut lier la RSE à l'action, il faut la lier aux marges
03:58de manœuvre, aux ressources nécessaires et il faut la lier à des choix qui nous engagent, c'est-à-dire
04:03à des choix pour lesquels on dispose à la fois des marges de manœuvre et des ressources nécessaires
04:10pour conduire l'action derrière. Alors RSE, on va se concentrer sur le S d'abord, sur le E ensuite.
04:16L'autre citation, elle est évidente, la souveraineté économique protège les droits sociaux.
04:20Moi je veux bien que vous nous expliquiez à travers un exemple ou des exemples concrets, pourquoi,
04:25comment ça marche ? Alors d'abord effectivement la souveraineté protège les droits sociaux, ce n'est
04:32un acquis que si l'on veut bien agir dans ce sens-là. Elle peut protéger ou ne pas protéger, c'est une
04:38décision qu'on doit prendre au départ. Nous on le voit à deux niveaux. Le premier, la délocalisation et la
04:45sous-traitance qui ont dominé dans les économies mondiales depuis ces trente dernières années, ont
04:51conduit à ce qu'on appelle nous, exporter ces externalités négatives. Ce que je ne peux plus
04:56faire ici parce que c'est illégal, moralement répréhensible ou éthiquement condamnable, je
05:05continue à le faire ailleurs. Notamment tout ce qui pollue. Et notamment tout ce qui pollue, notamment
05:10en matière de droits sociaux, de droits du travail, etc. Donc nous pensons que la souveraineté peut
05:18aider également dans ce domaine en émettant un avertissement très clair que ces externalités
05:26négatives ne sont plus supportables. Après la relocalisation, la réindustrialisation qui est le
05:32projet derrière la souveraineté économique n'est pas nécessairement associée à une protection des
05:38droits sociaux. Il ne s'agit pas de relocaliser pour produire à bas coût ou avec des conditions
05:45de travail et des temps de travail qui reproduiraient des schémas étrangers.
05:51Oui mais alors quand on relocalise, en ce moment il y a cet effort qui est fait, peut-être qu'il va pas
05:56assez vite et on se rend compte que c'est plus compliqué que prévu, souvent c'est avec une
05:59automatisation qui elle-même est très importante. Donc elle n'est pas créatrice de tant d'emplois
06:05que ça la relocalisation. On y revient à cette question des droits sociaux.
06:09Alors il peut y avoir une automatisation, ça veut dire un changement des métiers, ça peut
06:12aussi avoir un impact sur l'emploi bien évidemment. Donc ça remet en cause sur le moyen long terme des
06:19filières de formation, la nécessaire adaptation de certains métiers. Il peut y avoir de l'innovation
06:24et ça je crois qu'il ne faut pas l'écarter. En matière de transformation énergétique par exemple,
06:32beaucoup de métiers sont impactés. Donc là on parle de filières de recherche et d'innovation.
06:37Et puis je crois qu'il peut y avoir dans certains secteurs cette French touch qui fait que nous
06:46sommes légitimes en matière de création, en matière de mode, en matière de textile, etc.
06:54Certes nous avons des difficultés à produire mais dans certaines niches nous sommes extrêmement performants.
06:59Mais alors ça rejoint d'ailleurs l'autre enjeu souveraineté économique qui contribue à la
07:03protection de l'environnement parce que moi ça me fait immédiatement penser à tout ce qui touche à
07:07l'économie circulaire. Et là effectivement qui dit économie circulaire dit très souvent
07:12relocalisation des emplois. Donc les deux objectifs se rejoignent.
07:16Évidemment la protection de l'environnement, la souveraineté impacte la protection de l'environnement.
07:22Ne serait-ce que par le raccourcissement des circuits de sous-traitance, de distribution, de logistique.
07:29Là on est sur des économies certaines, ne serait-ce que sur les émissions de gaz à effet de serre.
07:34Mais on est aussi sur une consommation de proximité, sur une redécouverte des vertus de l'industrie et du commerce de proximité.
07:43Et c'est pour ça qu'on y consacre une partie importante dans l'ouvrage.
07:47Nous pensons que la souveraineté doit avoir comme enracinement les territoires.
07:53Le développement des territoires doit être, j'allais dire, une des priorités de la souveraineté économique aujourd'hui.
08:00Et on sait qu'en France c'est très compliqué.
08:03Les territoires mais je pense l'enjeu européen, l'échelon européen aussi.
08:10Et alors là ça pose la question de la taxation.
08:13Taxe carbone aux frontières de l'Europe.
08:15Alors on peut dire que c'est un outil de protectionnisme, c'est un outil de souveraineté.
08:20C'est deux terminologies différentes pour dire un peu la même chose.
08:24Est-ce que pour vous c'est une des solutions ?
08:26Ça peut l'être.
08:28Les économistes ont montré que...
08:30Alors c'est vrai que le mot taxe est frais.
08:33Mais les économistes ont montré que, j'allais dire, l'engagement, l'éthique, la morale ne suffisent pas pour produire du changement.
08:41On est face à des changements qui appellent des investissements extrêmement importants de la part des acteurs économiques.
08:47Je crois beaucoup à ces taxations qui consistent, je dirais, à taxer le mauvais élève pour lui faire comprendre qu'il peut rejoindre le bon élève.
08:58Oui, c'est peut-être aussi un moyen, parlons des interromptes, de faire accepter,
09:01parce qu'on a bien vu avec les résultats des élections européennes,
09:03que le virage environnemental, il n'était pas forcément accepté par tous, peut-être mal compris,
09:10mal expliqué par les institutions européennes.
09:12On ne va pas rentrer dans le débat.
09:14L'idée de taxer les mauvais élèves, je reprends notre expression, pour des produits qui viennent de loin,
09:20c'est peut-être aussi un moyen de faire accepter le virage environnemental à l'intérieur de l'Europe.
09:24Exactement, exactement.
09:26Alors, la vraie problématique, c'est qui est le mauvais élève, qui est le bon élève,
09:31et comment mesurer et définir finalement cette caractéristique de bon et de mauvais élève.
09:36Et d'ailleurs, un jugement de valeur qui, à mon avis, le terme bon et mauvais ne devrait pas s'appliquer.
09:40Je crois que la démarche qui commence à naître et qui me paraît moi extrêmement intéressante,
09:46c'est de tenir compte du fait que tous les pays ne doivent pas être évalués avec les mêmes critères.
09:53Certains sont à des stades de développement industriel où on doit leur laisser une certaine latitude,
09:58plus de temps, parce qu'ils ont aussi moins de moyens et ont démarré beaucoup plus tard la transition énergétique.
10:04En revanche, en revanche, ceux qui effectivement ont plus de moyens,
10:08ceux qui peut-être par le passé ont beaucoup pollué, doivent contribuer plus fortement à cette transition énergétique.
10:15Vous voyez, c'est une façon de construire une taxe intelligente.
10:17Merci beaucoup, très intéressant. Merci Philippe Jourdan, je rappelle le titre de votre livre,
10:21l'ARSE impactée par la souveraineté économique publiée aux éditions.
10:25Véron, on passe à notre débat tout de suite consacré à la géothermie en France.

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