Michel Onfray passe en revue l’actualité de la semaine dans #FaceAMichelOnfray. Présenté par Laurence Ferrari.
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00:00 Et on se retrouve d'en face à Michel Onfray. Bonjour Michel.
00:02 Bonjour Laurence.
00:03 Ravi de vous retrouver pour cette heure d'échange autour de l'actualité de cette semaine.
00:07 Nous allons bien sûr évoquer les commémorations du 80e anniversaire du débarquement
00:11 avec la présence de nombreux chefs d'État sur les plages de Normandie,
00:15 dont le président ukrainien Zelensky.
00:17 Ce qui nous intéresse, c'est de comprendre comment la mémoire et l'histoire
00:21 sont des constructions politiques au fond.
00:23 Comment transmettons l'histoire aujourd'hui dans notre pays ?
00:26 La question que je vous poserai, mon cher Michel.
00:28 On parlera aussi du projet de loi sur la fin de vie
00:30 qui continue à être examiné par l'Assemblée nationale
00:33 avec des débats très intenses.
00:35 On va y revenir dans cette émission.
00:37 Enfin, les grandes préoccupations des Français à travers notre sondage CSA,
00:40 c'est nous Europe 1 avec le JDD.
00:42 Première préoccupation, Michel, le pouvoir d'achat.
00:45 Vient ensuite l'immigration devant l'environnement et la sécurité.
00:49 Comment analysez-vous cela ?
00:51 Qu'est-ce que cela dit de notre société ?
00:54 Mon cher Michel, la seule chose dont nous ne parlerons pas aujourd'hui,
00:57 ce sont des élections européennes.
00:59 Pourquoi ?
01:00 Car nous sommes dans la période de réserve, juste avant le scrutin.
01:03 La loi nous interdit de parler des partis politiques,
01:06 de parler d'Emmanuel Macron.
01:07 Je sais que ça va vous coûter,
01:08 mais aujourd'hui, nous allons faire une émission absolument sans politique.
01:12 Vous êtes prêt pour le défi du jour ?
01:14 - J'ai essayé.
01:14 - Allez, on essaie.
01:15 On commence par les commémorations,
01:17 des célébrations de ce 80e anniversaire du débarquement.
01:21 Elles se sont étalées sur trois jours.
01:23 Le 5 juin dans le Morbihan,
01:24 le 6 juin, évidemment, autour de Maha Beach
01:27 et le vendredi 7 juin, lors des cérémonies à Bayeux.
01:29 On a eu des séquences extrêmement émouvantes, mon cher Michel.
01:32 Vous avez dû les regarder.
01:33 Il y avait beaucoup de monde qui regardait la télévision
01:35 et qui écoutait la radio sur Europe 1,
01:37 avec notamment un parachutiste que je vais vous faire écouter.
01:41 Il s'appelle Achille Muller.
01:43 Il a 99 ans.
01:44 C'était l'un des neuf parachutistes lâchés au-dessus de Plumélec.
01:48 Il est le dernier survivant des Forces françaises libres.
01:51 Et il est sûr, c'est assez touchant de l'entendre,
01:54 que les jeunes français aujourd'hui n'hésiteraient pas à s'engager
01:58 pour libérer leur pays.
01:59 On écoute son témoignage, je vous fais réagir ensuite.
02:02 Libérer la France, c'était notre but.
02:05 C'est du bonheur.
02:07 Si demain la France était attaquée,
02:09 ils devraient faire la même chose que nous.
02:12 Et ils le feraient sans hésiter, à votre avis ?
02:14 Sûrement.
02:16 Ils n'ont pas la même éducation.
02:18 Mais je pense que le réflexe du français,
02:22 c'est qu'on attaque.
02:23 Et quand on a peur pour sa famille,
02:25 on va au combat.
02:30 Vous n'avez jamais hésité, vous ?
02:31 Non, jamais.
02:33 Il faut dire que moi, les Allemands voulaient m'incorporer.
02:36 Et j'ai décidé de rester soldat français.
02:40 J'ai quitté ma Lorraine natale.
02:42 Je suis allé jusqu'en Grande-Bretagne sans me faire prendre.
02:46 Ce qui a beaucoup étonné les Anglais.
02:48 Voilà pour ce témoignage sur ces nouveaux Européens d'Achille Muller.
02:51 Formidable, évidemment.
02:52 Achille Muller, président.
02:53 Oui, c'est ça. 99 ans.
02:55 Et il dit, moi, je crois que les jeunes s'engageraient.
02:57 Est-ce que vous en êtes sûr ?
03:00 Moi, d'abord, je suis sidéré par cet optimisme.
03:02 C'est incroyable, cet homme.
03:04 Formidable. Cette vitalité.
03:05 D'abord, il y a des vitalités chez ces anciens.
03:07 Il y en a un qui est malheureusement décédé dans l'avion.
03:09 Mais je crois qu'il y en a un autre qui, à 100 ans,
03:11 a dû épouser une nonna génère.
03:12 Exactement.
03:13 C'est formidable.
03:13 Un Américain.
03:14 Oui, et ça, c'est formidable.
03:15 Et donc, puis leur modestie, c'est-à-dire cette façon de dire
03:18 "Ah non, je ne suis pas un héros, les héros, ils sont morts".
03:21 Je ne crois pas.
03:21 Je crois que tout ça s'est fait un peu par hasard.
03:24 Si vous avez une balle qui pince, elle vous prend le cœur
03:27 et puis, elle passe à côté, puis elle prend la tête du voisin.
03:29 Et donc, c'est le hasard qui fait ça,
03:31 mais qui fait que vous êtes mort ou que vous êtes vivant.
03:33 Mais c'était des héros et ce sont des héros.
03:35 Ils ont la modestie des vrais héros.
03:37 Pas les gens qui réécrivent leur histoire en disant
03:39 "Mais moi, j'ai été résistant, je fais ceci, je fais cela".
03:41 Moi, j'en ai connu beaucoup dans mon métier normand.
03:43 Oui, vous êtes normand, on le rappelle.
03:45 Et donc, mon père était là au moment de la bataille, comme il disait.
03:49 Et puis après, j'ai vu tous les gens qui ont réécrit l'histoire.
03:51 L'histoire, c'est ça souvent.
03:52 Ce n'est pas tant l'objectivité de ce qui a eu lieu
03:54 que la narration qui est faite de ce qui a été vécu.
03:57 Vous avez des gens, après, il y avait ceux-ci, il y avait ceux-là.
03:59 Puis, il y en a d'autres qui disaient "Mais pas du tout".
04:00 Il y avait France 3 à l'époque, Radio France,
04:03 je crois qu'ils faisaient des collectes de paroles.
04:08 Et alors là, les gens commençaient à raconter des choses.
04:10 Ils leur mettaient le micro sous le nez et ils racontaient des choses
04:12 jusqu'à ce qu'un jour, par exemple, on fasse remarquer à l'un d'entre eux
04:14 qu'il y avait le souvenir que les bombes tombaient,
04:16 qu'à l'âge qu'il avait, il ne pouvait pas avoir le souvenir
04:17 de bombes qui tombaient, qui sont tombées beaucoup plus tard
04:20 ou ailleurs ou je ne sais quoi.
04:21 Donc, c'est difficile l'histoire,
04:22 parce que c'est difficile l'écriture de l'histoire.
04:24 Quand l'histoire est écrite, c'est difficile de la lire correctement.
04:27 On va y revenir dans un instant,
04:28 parce que c'est vrai que l'histoire est écrite par les vainqueurs.
04:30 On le sait tous, évidemment.
04:31 Elle est écrite par les vainqueurs.
04:33 Il y a ces séquences avec Achille Muller.
04:35 Il y a eu beaucoup de remises de Légion d'honneur à des vétérans américains.
04:39 On va peut-être regarder un tout petit extrait et écouter un petit extrait,
04:41 parce que je trouve que c'était le moment,
04:43 finalement, un des moments les plus émouvants de ces célébrations,
04:45 de voir ces héros vacillants, 99, 100 ans pour certains d'entre eux,
04:50 décorer de la Légion d'honneur ô combien méritait écouter.
04:53 Monsieur Richard Hrung,
04:56 au nom de la République française,
05:02 nous vous faisons chevalier de la Légion d'honneur.
05:05 Voilà pour l'une de ces séquences extrêmement émouvantes.
05:17 Là, elle est méritée, cette Légion d'honneur.
05:18 C'est ce que j'allais vous dire.
05:19 C'est vraiment ce que j'allais vous dire.
05:20 Quand deux fois par an, le 1er janvier, le 14 juillet, je crois,
05:23 je lis dans la presse et parfois quatre pages dans le journal
05:25 tous les noms de ces gens qui reçoivent la Légion d'honneur.
05:29 Et parfois, on se dit cuisinier à Matignon ou ce genre de choses.
05:33 C'est bon, ça a mérité, ça a mérité une Légion d'honneur.
05:35 Alors là, pour le coup, oui, bravo.
05:37 Et puis, on voit ces gens qui, évidemment, ont des difficultés à marcher,
05:41 sont presque tous en chaises roulantes, qui se lèvent
05:43 et qui ont le sens vraiment de la dignité,
05:46 quoi, qui savent que quelque chose leur est offert qui compte.
05:49 Mais à cet âge là, si tard,
05:51 je n'ai pas répondu complètement à votre question tout à l'heure
05:53 quand vous me disiez "et les jeunes, partirait-il ?"
05:55 Et quand ce monsieur, j'admire son optimisme.
05:58 Je pense que les conditions historiques changent vraiment les choses.
06:01 C'est à dire que là, dans son fauteuil,
06:03 est-ce qu'on aurait été résistants, collabos ?
06:04 Évidemment, tout le monde est résistant.
06:05 Et puis, quand l'histoire arrive de face, alors là, elle révèle l'histoire.
06:09 Elle révèle des gens.
06:10 Elle révèle des gens qui ont du courage ou pas.
06:12 D'autres l'ont acheté.
06:13 Elle révèle des collabos.
06:15 Elle révèle des résistants.
06:16 Elle révèle des attentistes.
06:17 Enfin, elle révèle vraiment la nature humaine.
06:19 Et je crois que ce monsieur a finalement raison parce qu'il m'arrive, moi,
06:21 de voir après des conférences ou de recevoir du courrier
06:25 ou de voir des gens dans la rue qui m'arrêtent et qui sont jeunes
06:27 et qui me disent des choses gentilles sur notre émission,
06:30 sur les livres que j'écris, sur l'Université populaire, etc.
06:32 Et on se dit, je ne crois pas, je ne veux pas projeter
06:34 ces individus dans la fiction,
06:38 mais je crois que ces gens-là pourraient s'engager.
06:40 Ils ont le sens d'un certain nombre de valeurs perdues ou moquées.
06:43 Le sens de l'honneur, le sens de la parole donnée, le sens de la patrie,
06:47 le sens du peuple français, le sens de la nation.
06:49 Ils ne font pas de la politique politicienne.
06:51 Ils aiment vraiment la France.
06:53 Et je pense qu'il y aurait là un contingent, effectivement, de vrais résistants.
06:55 Mais c'est ainsi. Les résistants, les collaborateurs, c'est vieux comme le monde.
06:59 Il y en a à l'époque de la guerre du Péloponnèse et il y en a aujourd'hui,
07:02 alors qu'on n'est pas forcément en situation de guerre,
07:04 sur un certain nombre d'autres sujets dont nous ne parlerons pas.
07:06 Mais je pense que de fait, les situations historiques font sortir
07:10 le pire et le meilleur des hommes.
07:12 Emmanuel Macron, dans une de ses nombreuses prises de parole,
07:14 c'est normal, il y avait trois jours de commémoration,
07:16 s'est adressé aux jeunes, justement.
07:17 Il a insisté sur le lègue des héros de la résistance.
07:20 On va l'écouter.
07:23 Le courage, les sacrifices et les succès des maquisards et des SAS français
07:29 nourrissent notre force morale.
07:31 Et leurs prouesses doivent rester vivantes dans nos cœurs,
07:36 comme dans nos esprits.
07:39 Je sais notre pays, fort d'une jeunesse audacieuse,
07:45 vaillante, prête au même esprit de sacrifice que ses aînés.
07:52 Là encore, Michel Onfray, il a raison de faire appel à cet esprit-là
07:56 de la jeunesse française.
07:57 Très beau discours.
07:58 Très beau discours.
07:58 Oui, on peut effectivement faire appel à la jeunesse française.
08:03 Moi, je ne parle pas de la résistance avec un R majuscule.
08:06 Ça ne veut rien dire, la résistance.
08:08 Il y a des résistances.
08:08 Il y a des résistances dans la chronologie.
08:10 C'est ça qui est très important, c'est de dire résistant quand ?
08:12 Parce qu'il y a quelqu'un qui démarre très tôt, 18 juin 40,
08:17 et qui donne le mode d'emploi et qui nous dit, avec son fameux appel,
08:21 qu'il attend qu'on vienne vers lui.
08:24 Et puis après, vous avez des gens qui rentrent dans la résistance tardivement.
08:27 Vous avez des gens qui rentrent dans la résistance quand finalement,
08:30 il y a Stalingrad, les résultats de Stalingrad, fin 42, début 43.
08:34 Ils comprennent que finalement, c'est un peu terminé.
08:36 Donc pour l'Allemagne nazique, c'est une question de temps.
08:38 Il y a ceux qui comprennent que les Etats-Unis rentrent en guerre
08:41 puisque finalement, Hitler et Mussolini,
08:44 les Etats-Unis ont déclaré la guerre et qu'ils en sont depuis Pearl Harbor.
08:48 Donc il va falloir qu'ils arrivent.
08:51 Et puis, il y a aussi ce qu'on appelle le STO, le service travail obligatoire,
08:53 c'est à dire les gens qui naît en 21, classe 41.
08:55 C'était l'âge de mon père qui n'y est pas allé parce que lui,
08:59 il s'occupait de la ferme parce que le patron était prisonnier
09:02 et que donc, c'était un cas qu'il faisait, qu'il n'était pas mobilisé.
09:04 Mais sinon, on venait chercher les jeunes et on leur disait,
09:06 mais maintenant, vous allez partir travailler
09:08 pour les Allemands, involontairement en Allemagne,
09:09 sauf ceux qui l'étaient volontaire.
09:11 Je crois qu'un certain George Marshall l'était.
09:13 Et donc, dans les usines Messerschmitt.
09:15 Et donc, il y a des jeunes qui ont dit, mais moi, je m'en vais,
09:17 moi, je veux rester dans mon coin, dans mon canton, dans mon village
09:20 ou non loin de mes parents ou de mes proches.
09:22 Je ne veux pas partir en Allemagne,
09:23 j'ai pas envie d'aller chez les Boches pour bosser, etc.
09:25 Et qui sont et qui ont pris le maquille pour le coup.
09:28 Alors là, il y a beaucoup de gens qui sont entrés en résistance.
09:30 40, 41, 42.
09:32 Les communistes, ils attendent la fin du pacte germano-soviétique
09:35 parce qu'ils collaborent en 39, en 40, en 41.
09:37 Et puis, Hitler entre en Union soviétique,
09:40 donc il casse le pacte germano-soviétique.
09:44 C'est l'opération Barbarossa.
09:45 Et d'un seul coup, les communistes qui obéissaient à Moussou,
09:47 Moussou disait avant, il faut collaborer.
09:48 Maintenant, il dit, il faut résister.
09:50 Donc, ces gens-là, ils sont résistants en 42.
09:52 Donc 40, 41, 42.
09:54 Et puis, il y a des gens qui sont résistants tardivement.
09:56 Je rappelle qu'un certain André Malraux, lui,
09:58 entre en résistance, je crois, en mars 1944.
10:02 Je ne parle pas de Sartre qui est en résistance en 1946,
10:05 en écrivant les réflexions sur la question juive.
10:08 Et même chose avec Simone de Beauvoir,
10:09 où les gens qui disent, c'est notre succès,
10:11 Simone de Beauvoir, dans ses mémoires, dit la libération,
10:13 c'est notre libération, etc.
10:15 Après avoir travaillé à Radio Paris, Radio Vichy, etc.
10:18 Et Sartre, travailler dans des journaux comme "Labo",
10:20 comme comédien, par exemple,
10:22 ou d'avoir fait jouer ses pièces avec un public de nazis
10:24 qui applaudissait au premier rang
10:26 et qui buvait une coupe de champagne après.
10:27 Donc, les gens qui ont été résistants, les vrais, pour moi,
10:31 c'est l'âge d'or de la résistance, ce sont les gaullistes.
10:36 Alors, oui, d'accord, il y en a eu après, plein.
10:37 Et bravo André Malraux d'être arrivé en 44,
10:40 alors que quand on vient le chercher,
10:41 il dit combien de divisions, il a une histoire d'amour,
10:43 il est sur la côte d'Azur, la résistance,
10:45 ça ne l'intéresse pas beaucoup.
10:46 Donc, cette façon d'écrire résistance avec une majuscule,
10:48 voire collaboration de la même manière,
10:50 et puis de dire finalement,
10:51 tout le monde a été plus ou moins résistant,
10:53 je dis attention, faisons vraiment de l'histoire,
10:55 il y a des gens qui ont réécrit l'histoire.
10:58 René Clément, par exemple, quand il fait la bataille du rail,
11:01 les communistes, ils ont résisté, je le rappelle, après 42.
11:05 Et là, on a la résistance cheminote,
11:07 et ils ont tous été des résistants, les cheminots.
11:10 Il y a aussi des cheminots qui n'ont pas dit grand chose
11:11 quand il fallait conduire les trains vers les camps de la mort.
11:13 - On va parler de l'histoire réécrite,
11:16 évidemment, par les vainqueurs et par les Américains.
11:17 Avant, j'aimerais juste qu'on écoute le roi Charles III,
11:19 qui était là, il était en pleine forme,
11:22 heureusement, après ce traitement contre son cancer.
11:25 Il a eu une grande élégance, à mes yeux,
11:27 c'est de rendre hommage aux civils français morts
11:30 pendant les bombardements.
11:31 Et vous savez évidemment de quoi je parle,
11:33 puisque vous êtes normand.
11:34 On va juste écouter Charles III,
11:36 et je vous passe la parole, Michel Ouvray.
11:39 Ce mémorial rend également un hommage particulier
11:44 à la plus grande chaginée du débarquement.
11:48 Le nombre inimaginable de civils français
11:52 qui sont morts dans cette bataille commune pour la liberté.
11:57 Alors que les alliés se battaient dans le nord-ouest de la France
12:03 pour s'assurer d'une victoire finale.
12:08 Nous ne manquerons jamais de rendre hommage au courage
12:13 et au sacrifice incroyable des hommes et des femmes
12:17 de la Résistance française.
12:19 La chaleur et la générosité de l'accueil réservé
12:24 aux vétérans du débarquement par les Normands
12:28 constitue l'aspect le plus émouvant
12:32 et le plus mémorable de ces commémorations.
12:36 - Voilà, on est sur CNews et Europe 1 en face à Michel Ouvray.
12:40 Michel Ouvray, on vient d'écouter le roi Charles III.
12:43 Grande élégance. - J'adore.
12:44 - Parce que franchement, il n'était pas obligé.
12:46 - Non. D'abord, il a une belle voix.
12:49 Je parle du timbre de la voix.
12:50 Ensuite, il a un accent formidable.
12:52 Et il est francophone, francophile.
12:54 Ça fait partie du métier. On apprend.
12:55 Et puis, on disait tout à l'heure, il y a dix minutes,
12:57 que les conditions historiques pouvaient révéler,
13:00 les jeunes pouvaient révéler la méchanceté et la bonté des hommes.
13:03 Et là, on voit que le fait qu'il soit devenu roi l'a révélé,
13:06 même physiquement. Ce n'est plus le même homme.
13:08 Il y a une façon d'incarner la royauté qui fait que tout est formidable.
13:14 Dans cette façon de se présenter, par exemple,
13:17 moi, j'ai écouté la totalité du discours devant ma télévision.
13:19 J'habite Caen, mais je ne suis pas invité aux cérémonies officielles.
13:23 Et il parlait en anglais quand il s'agissait de parler de l'Angleterre.
13:27 Et quand il parle de la France, il parle en français.
13:29 - Et il rembobine le civil des bombardements.
13:32 - Mais bien sûr, 20 000 morts.
13:34 20 000 morts. Et je ne parle pas des villes détruites.
13:38 Je ne parle pas des archives détruites, par exemple.
13:40 On oublie que des musées ont été ravagés,
13:42 que des archives ont été ravagées,
13:43 que des bâtiments historiques ont été ravagés.
13:45 Et que ça, c'est quelque chose qu'on ne pose pas comme question.
13:49 Est-ce vraiment bien nécessaire ?
13:51 Alors, pour ceux qui imaginent qu'effectivement,
13:52 quand on détruit, un jour, il va falloir reconstruire
13:54 et que finalement, le plan Marshall permettra aux États-Unis
13:58 de faire un bénéfice formidable sur la reconstruction,
14:00 on se dit peut-être, il y aurait eu lieu moyen
14:02 d'éviter la destruction d'un certain nombre de villes.
14:04 Je songe à Caen, je songe à Falaise, je songe à mon Argentan,
14:07 je songe à Saint-Lô et à tant d'autres petits villages,
14:09 et mon Chambois, une partie.
14:11 Et on se dit, il y avait toute une stratégie
14:13 qu'on peut peut-être enfin examiner.
14:15 Parce que ce n'était pas forcément nécessaire.
14:17 Moi, j'ai vu des photos aériennes.
14:18 J'ai un ami, Giseline Gondouin, qui est mon vieux copain d'enfance
14:21 et qui vend des vieux livres à Chambois,
14:23 qui m'a fait voir des photos inédites
14:24 et où on voit les impacts de bombes.
14:27 Et on se dit, est-ce que c'était vraiment nécessaire
14:29 de détruire une ville entière alors qu'on en a plein
14:32 en la résistance, on pouvait faire sauter trois ponts.
14:34 Si vous faites sauter un pont en amont, un pont en aval,
14:36 éventuellement un deuxième, un troisième en sécurité,
14:39 vous épargnez des populations civiles.
14:40 Donc, on peut aujourd'hui interroger la stratégie militaire des Etats-Unis.
14:43 Quant à l'Angleterre, je trouve qu'on a beaucoup vu
14:45 des drapeaux américains dans cette célébration.
14:47 Drapeau américain, drapeau canadien.
14:49 Un peu, heureusement, de ces drapeaux anglais.
14:51 Mais moi, j'ai été élevé dans le culte des Polonais,
14:54 dont on a peu parlé.
14:55 Je n'ai pas vu, moi, de...
14:56 J'en ai passé du temps, cette journée, dans ma télévision.
14:59 Je n'ai pas vu non plus de drapeaux canadiens.
15:02 Assez peu, très peu.
15:02 Quelques-uns. Il y avait le Premier ministre Justin Trudeau.
15:05 Oui, mais lui, il aurait pu être un peu plus présent, par exemple.
15:08 On aurait pu le solliciter un peu plus.
15:10 Et c'est un ensemble d'alliés dont on oublie qu'il y a une trentaine de pays.
15:14 Et ils ont réussi, les Américains, à laisser croire que c'était leur affaire.
15:18 Évidemment. Et c'est pour ça qu'on va parler de la présence de Tom Hanks,
15:22 de Steven Spielberg, qui a mis en scène le film "Il faut sauver le soldat Ryan"
15:28 en 1998.
15:30 Il y a eu aussi le film "Le jour le plus long".
15:32 C'est à partir de là, vous dites, qu'on a commencé à réécrire l'histoire ?
15:37 Michel Onfray ?
15:38 Oui. Alors, il y a deux très beaux livres de Deleuze,
15:40 qui était un grand philosophe français des années 70-80, du siècle dernier.
15:45 "L'image-temps", "L'image-mouvement", d'abord, et "L'image-temps", ensuite.
15:48 Ce sont deux livres vraiment très complexes.
15:51 À partir de Bergson, il analyse l'écriture cinématographique,
15:54 c'est-à-dire la construction d'un temps nouveau.
15:56 Et on le fait assez peu, ça.
15:58 On voit des images et on est embarqué par l'image.
16:01 Et puis, on a l'impression que c'est la vérité qui nous est donnée.
16:03 C'est un temps qui est reconstruit, à l'évidence.
16:06 Et c'est parfois une narration qui est reconstruite aussi.
16:08 C'est-à-dire que moi, j'ai beaucoup dit, mais "Le jour le plus long"
16:10 donne une image terrible de la France.
16:12 Alors, formidable aux États-Unis.
16:14 Vous avez John Wayne, la Jeep, la cigarette.
16:17 - Henri Fonda.
16:17 - Et puis, vous dites, bon, la virilité, le costaud, le solide,
16:21 le type qui n'a pas de casque, alors que ça explose de partout.
16:23 D'ailleurs, on a oublié aussi, quand on a célébré le 6 juin,
16:25 qu'on a célébré le débarquement et que débarquer le 6 juin,
16:28 avec les barges qui s'ouvrent, ce n'est pas exactement la même chose
16:30 que débarquer le 9 juin, tranquillement, en pépère,
16:33 alors qu'il n'y a plus d'Allemands, etc.
16:34 Et là, on mélange le tout.
16:37 C'est comme les résistants, entre ceux du 18 juin 1940
16:40 et ceux de mars 1944, comme Malraux.
16:42 Vous avez aussi des gens qui ont débarqué, certains le 6 juin.
16:45 Il n'en est pas resté beaucoup.
16:47 Et puis d'autres qui ont débarqué également le 8, le 9, le 10, le 12, etc.
16:51 Donc, ce n'est pas vraiment exactement la même chose.
16:52 Et le cinéma fabrique des fictions.
16:54 Et là, la fiction, souvenez-vous de la dernière image du Jour le plus long,
16:58 où on voit ce casque américain renversé avec l'étoile américaine.
17:02 On nous dit, en gros, le Jour le plus long, c'est le Jour le plus long
17:04 pour les Américains qui sont venus défendre les Français.
17:06 On oublie qu'il y a eu Père Larbourg, que je l'ai déjà dit,
17:08 mais enfin, qu'il y a eu... - Bien sûr, oui.
17:10 - Que les Américains, ils viennent juste faire une guerre
17:12 qui est déclarée entre Hitler et eux.
17:14 C'est Hitler qui déclare la guerre.
17:16 Et là, pour le coup, ils viennent la faire sur le territoire européen.
17:19 Pas du tout parce qu'ils aiment la liberté, ils aiment tellement les Français.
17:22 Ils se disent, cette guerre, il vaut mieux la faire ailleurs que chez nous.
17:25 Et ça, ça n'a pas beaucoup été dit non plus.
17:26 - Et de Gaulle dans tout ça, Michel Onfray.
17:28 On a assez peu entendu parler du général de Gaulle pendant ses commémorations.
17:32 Pas du tout le 5 et 6 juin, et pour cause.
17:36 On en a entendu parler le 7 juin à travers le discours
17:40 qu'a prononcé Emmanuel Macron à Bayeux.
17:42 Puisque, évidemment, c'était dans cette ville rapidement libérée
17:45 que le général s'est adressé pour la première fois aux Français
17:48 après le débarquement, le 14 juillet 1944.
17:50 On va juste écouter un extrait d'un comédien qui s'appelle Michel Faux,
17:53 qui a lu un extrait de ce discours du général de Gaulle.
17:56 - Vous qui avez été sous la botte de l'ennemi
18:00 et avez fait partie des groupes de résistance,
18:03 vous savez ce qu'est la guerre.
18:06 C'est une guerre particulièrement dure,
18:09 cette guerre clandestine,
18:11 cette guerre sans armes.
18:14 Je vous promets que nous continuerons la guerre
18:17 jusqu'à ce que la souveraineté de chaque pouce du territoire français
18:21 soit rétablie.
18:23 Personne ne nous empêchera de la faire.
18:27 Nous combattrons aux côtés des alliés,
18:29 avec les alliés, comme un allié.
18:32 Et la victoire que nous remporterons
18:34 sera la victoire de la liberté
18:37 et la victoire de la France.
18:39 - Voilà pour cet extrait du discours de Gaulle,
18:41 lu par Michel Faux, comédien maïeusien.
18:44 C'était important quand même que l'on évoque de Gaulle.
18:46 - Il y a un gros mot dans ce texte.
18:48 - Lequel ? - Souveraineté.
18:49 - Ah bah non, il ne faut pas en parler.
18:50 - Non d'accord, on n'en parle pas.
18:51 Mais on peut quand même se demander
18:53 pourquoi on ne parle pas du général de Gaulle.
18:54 Parce qu'effectivement, c'est le premier à dynamiter
18:56 la mythologie américaine,
18:57 la mythologie de récupération des Américains qui disent
19:00 "c'est mon affaire", alors que c'est l'affaire des alliés.
19:02 Et un peu du général de Gaulle aussi.
19:04 Général de Gaulle, ce n'est pas tout, ce n'est pas rien non plus.
19:06 Il a joué un rôle important, ne serait-ce que parce qu'il invite à résister.
19:10 Les Américains, ils ne sont pas forcément concernés par cette affaire-là
19:14 tant que leur business n'est pas en jeu.
19:16 Ils savent à un moment donné qu'il y a des camps de la mort.
19:18 Ils savent qu'on détruit des Juifs.
19:20 Ils ne bougent pas.
19:21 Ça ne les intéresse pas.
19:23 Donc, à un moment donné, ça les intéresse parce qu'ils sont
19:25 personnellement intéressés et d'un seul coup, ça les intéresse.
19:28 Et après, ils vont en profiter pour se dire "très bien,
19:29 si on peut s'installer en Europe, ce sera formidable.
19:31 Si on peut s'installer jusqu'à Moscou, ce sera formidable aussi."
19:34 Le général de Gaulle parle de souveraineté.
19:35 Et parler du général de Gaulle, ça voudrait dire
19:37 "mais pourquoi n'a-t-il jamais célébré, lui, le 6 juin ?"
19:40 Parce qu'il sait bien que l'opération qui s'appelle Overlord
19:43 renvoie en français à "vassalisation" et à "souveraineté".
19:46 Donc, évidemment, s'il s'agit de faire parler le général de Gaulle,
19:48 on dira "mais son absence signifie quoi ?"
19:49 Son absence signifie le contraire de ce qu'on a vu.
19:52 C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de célébrer les États-Unis,
19:55 mais juste dire qu'ils ont fait un certain nombre de choses.
19:57 Faisons de l'histoire, mais que ce n'était pas
19:59 pour que la France recouvre sa souveraineté.
20:01 Recouvrer la souveraineté, c'est l'affaire du général de Gaulle,
20:03 qui dit à un moment donné "rentrez chez vous,
20:05 les Américains à Charlottesville formaient des cadres
20:08 et ils ont estimé que les préfets vichistes feraient l'affaire
20:11 parce que finalement les préfets vichistes étaient anticommunistes."
20:15 Et c'est le général de Gaulle qui a dit "on ne veut pas de votre monnaie,
20:17 on ne veut pas de votre fameuse amgoth,
20:18 c'est un projet d'occupation, on ne veut pas de vos préfectures,
20:22 c'est moi qui ai mon monde, et mon monde,
20:24 ça va être les résistants, communistes compris."
20:26 Car le général de Gaulle fait l'union autour de lui.
20:28 Donc évidemment, le général de Gaulle dit le 6 juin
20:30 "ce n'est pas notre affaire et on ne va pas célébrer ça".
20:33 Le 8 mai, oui, la libération, mais pas le 6 juin.
20:35 Et ce n'est pas étonnant qu'un certain François Mitterrand lui dise
20:38 "mais on y va, vive l'Amérique, vive les Américains".
20:40 - C'est lui qui remet en place ces commémorations à François Mitterrand.
20:42 - Mais complètement, parce qu'il s'agit effectivement,
20:44 on n'a pas le droit de parler de l'Europe,
20:45 mais je veux dire de fabriquer une Europe qui, elle, surgit de ça.
20:48 Et c'est le meilleur de l'Europe, c'est cette façon de dire
20:50 "il faut que plus jamais ça, plus jamais cette guerre".
20:53 Donc effectivement, il faut qu'il y en ait assez des oppositions
20:55 entre les Français et les Allemands, 70, 14-18, 39-45.
20:59 Et faisons la paix avec l'Allemagne.
21:00 C'est pourquoi le général de France, François Mitterrand et Helmut Kohl
21:03 se tiennent la main dans une photo célèbre et magnifique
21:05 où il s'agit de dire "bon, on va faire une Europe
21:07 autour d'une couple franco-allemand".
21:09 C'est devenu autre chose.
21:10 Mais cette Europe-là, elle surgit effectivement
21:12 dès les combres de la Deuxième Guerre mondiale.
21:14 Mais le général de Gaulle ne voulait pas de cette Europe-là.
21:16 C'était l'Europe de Jean Monnet.
21:17 Un certain Jean Monnet qui, à un moment donné, dit
21:19 "ce serait bien que la France cesse d'être la France
21:21 et qu'elle s'associe à l'Angleterre".
21:22 On oublie ça quand même pendant la guerre.
21:24 Jean Monnet, il nous dit que la France cesse d'être française
21:26 et qu'elle s'allie aux Anglais, donc aux Anglo-Saxons, donc aux Américains.
21:30 Certains disent que Jean Monnet a été payé par la CIA.
21:32 On croit savoir que c'est vrai.
21:33 Et donc, c'est un projet de disparition de la souveraineté nationale.
21:37 Voilà pourquoi il vaut mieux ne pas trop parler du général de Gaulle.
21:40 Quand on fait le six-vingt.
21:41 - Allez, merci.
21:42 On va faire une petite pause, mon cher Michel,
21:44 sur cette première partie de Face à Michel Onfray.
21:46 On se retrouve dans un instant sur CNews et sur Europe 1.
21:48 On va parler des grandes préoccupations des Français.
21:51 Avec en premier, le pouvoir d'achat, en deux, l'immigration.
21:54 Qu'est-ce que ça dit de notre société ?
21:56 Je vous pose la question dans un instant.
21:58 Et on se retrouve pour la seconde partie de Face à Michel Onfray
22:01 sur CNews et sur Europe 1.
22:02 Michel, on va évoquer ce sondage,
22:04 CSA, CNews, Europe 1 avec le JDD,
22:07 qui place en numéro un le pouvoir d'achat.
22:09 Ça, on le sait, c'est vraiment la préoccupation première des Français
22:13 depuis des mois et des mois.
22:14 Ce qui est plus surprenant, c'est que l'immigration arrive en deuxième position.
22:19 Et ça, honnêtement, ça n'était pas arrivé depuis très longtemps.
22:23 En trois, l'environnement, thème très important pour les Français.
22:27 Et en quatre, la sécurité.
22:28 Qu'est-ce que ça dit de notre société, Michel Onfray ?
22:30 Quelle inquiétude porte-t-elle aujourd'hui ?
22:33 - D'abord, je crois qu'on découvre que notre société,
22:35 enfin, que la France n'est pas raciste.
22:38 Et que même si ce souci d'immigration,
22:40 ce n'est pas être raciste, entendons-nous bien.
22:42 Mais que la France est pauvre.
22:44 Et malheureuse.
22:45 Du moins qu'elle est paupérisée.
22:47 Et que paupérisée, ça veut dire qu'il y a de plus en plus de pauvres
22:50 qui sont de plus en plus pauvres.
22:51 Et de moins en moins de riches qui sont de plus en plus riches.
22:55 Et ça, c'est ce que Marx analysait en disant que la production du capitalisme,
22:58 c'était ça, paupérisation.
23:00 Et nous en sommes là.
23:01 C'est des fortunes considérables entre les mains de peu de personnes.
23:05 Et puis de l'autre côté, une misère incroyable.
23:07 - Et une classe moyenne qui s'appauvrit.
23:09 - Et une classe moyenne, bien sûr.
23:10 - D'année en année.
23:10 - Et qui est dans la précarité.
23:11 Vous savez, aujourd'hui, il y a un certain nombre de signes.
23:13 Vous savez, jadis, quand je dis jadis, c'était il y a une trentaine d'années,
23:15 Pierre Bourdieu avait fait un très beau livre, le sociologue,
23:17 un peu philosophe aussi d'ailleurs, qui s'appelait "La misère du monde".
23:21 Et c'était un livre d'analyse où il allait voir d'entretiens, d'interviews.
23:25 Il allait voir des infirmières, il allait voir des chauffeurs de train,
23:27 il allait voir des petits commerçants, des policiers.
23:30 Et les gens racontaient leur misère au quotidien.
23:33 Il faudrait refaire une misère du monde aujourd'hui
23:36 et montrer quelles souffrances il y a.
23:38 Des souffrances nouvelles.
23:40 Un jeune prolétariat, des pauvres parmi les jeunes, les garçons, les filles.
23:43 Moi, je vois sous ma fenêtre passer des gamins en mobilette
23:46 qui livrent des pizzas à 23h, ou des jeunes filles qui sont caissières
23:50 et qui me disent...
23:51 Moi, je fais mes courses et elles me disent "c'est quoi ça ?"
23:53 Elles ne connaissent pas le nom des légumes.
23:54 Elles me disent "mais fais pas la différence entre des haricots, des fèves
23:57 et des petits pois, par exemple, vraiment".
23:59 Et je suis obligé de lui expliquer.
24:00 Et cette jeune fille, probablement, elle fait des études de je ne sais pas quoi,
24:03 de commerce, peut-être de cinéma, enfin j'en sais rien.
24:06 - Et ça, c'est le symptôme d'une société qui s'approverie.
24:08 - Oui, c'est-à-dire qu'un étudiant se fait pour étudier,
24:10 c'est pas fait pour livrer des pizzas ou pour...
24:12 Pendant ce temps-là, ils ne peuvent pas travailler.
24:14 Ce sont les architectes de demain, les avocats de demain.
24:18 Donc il y a cette prolétarisation des jeunes,
24:20 même éventuellement des prolétarisations sexuelles.
24:23 Des jeunes filles qui, de temps en temps, passent une soirée avec la personne
24:26 qui dit "bon, j'oublierai les trois mois que vous ne m'avez pas versé, etc."
24:29 Hélas, des prostitutions d'occasion, ça aussi, ça ne se dit pas, mais c'est terrible.
24:33 Il y a des couples qui divorcent et qui n'ont pas les moyens,
24:37 tout seuls, de se payer un appartement et qui vont revivre chez leurs parents.
24:42 Il y a des gens qui travaillent et qui vivent dans leur voiture.
24:44 Voilà ce qu'est la France aujourd'hui.
24:45 Bien sûr, on voit des migrants dans des toiles de tentes,
24:50 sous les périphériques, c'est terrible comme image.
24:53 Mais il y a aussi une espèce de misère un peu discrète, silencieuse,
24:55 un peu honteuse pour les gens.
24:57 - La France des oubliés.
24:58 - C'est ça. Je ne dis pas qu'elle est arrogante pour celle des migrants.
25:01 Mais je veux dire que moi, je vois bien dans mon petit village,
25:04 on sait qui est malheureux, qui est dans la souffrance,
25:07 qui compte en disant "ça, je ne peux pas".
25:09 Moi, quand je suis dans mon village et que je fais des courses dans l'épicerie,
25:11 je vois bien que des gens regardent les prix
25:13 et qu'à un moment donné, vous ne choisissez pas la qualité,
25:16 mais vous avez des gens qui regardent et disent "non, non, ça, je ne peux pas,
25:18 si j'achète une bouteille d'huile, on va prendre la moins chère".
25:21 Ce ne sont pas seulement des gens qui ne travaillent pas,
25:24 ce sont des gens qui, parfois, ont des petits salaires.
25:27 - Des travailleurs pauvres.
25:28 - Des travailleurs pauvres.
25:28 Et ces gens-là, je comprends qu'ils disent, pour une consultation électorale
25:32 ou pour un interrogatoire, j'allais dire,
25:37 pour des questions posées par des sociologues,
25:38 que leur premier souci, c'est ça.
25:40 C'est juste de dire "souvenez-vous, les Gilets jaunes, ça démarre comme ça,
25:42 c'est en novembre et on a des familles qui disent "on travaille,
25:46 on n'a pas de quoi acheter les jouets aux enfants
25:47 et ce sont les grands-parents qui achètent les jouets des enfants
25:50 et on n'a pas les moyens de mettre du gasoil dans notre voiture
25:52 qui est pourtant nécessaire pour travailler, etc."
25:54 Le début de la crise des Gilets jaunes, souvenez-vous Jacqueline Moureau,
25:58 ça démarre un peu comme ça et elle pousse un coup de gueule
26:03 en s'enregistrant comme ça et elle dit la vérité de cette souffrance-là.
26:06 Et cette souffrance-là, elle n'est pas écoutée, elle n'est pas entendue.
26:09 Et il y a un moment donné où il y a certains partis politiques
26:11 qui normalement devraient préempter la souffrance prolétarienne,
26:14 la souffrance des plus simples, la souffrance des plus pauvres,
26:17 mais ils ont choisi un autre prolétariat.
26:19 Vous savez, il y avait cette fondation qui, à l'époque,
26:23 Terra Nova avait estimé que les...
26:26 soyez attention à ce que je dis...
26:27 - Oui, parce que comme on est en période de réserve,
26:29 on n'a pas le droit de parler des partis politiques et des élections.
26:31 - Qui avait fait savoir que le peuple était parti du côté d'un parti
26:34 et qu'il fallait le laisser aller là-bas et qu'il fallait récupérer,
26:36 refabriquer un peuple nouveau.
26:38 Et moi, je pense que ce peuple nouveau existe aussi.
26:41 Le néo-féminisme, les questions ethniques, tribales, religieuses, etc.
26:45 C'est important. Il faut effectivement prendre en considération ces choses-là.
26:47 Mais ne pas oublier qu'il y a aussi un peuple blanc,
26:50 pour le dire dans le vocabulaire d'aujourd'hui,
26:52 et pas forcément blanc, il peut être métissé aussi,
26:54 mais de gens malheureux qui souffrent, qui travaillent
26:56 et qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts,
26:58 qui ne peuvent pas payer les études de leurs enfants.
26:59 Les bonnes écoles, elles coûtent cher.
27:01 J'entendais l'autre jour des gens me dire,
27:03 ils m'arrêtent dans la rue et m'expliquent des choses en me disant
27:05 "on est en train de payer une école à nos enfants, 10 000 euros par an".
27:09 Mais comment vous faites pour payer 10 000 euros par an une école à vos enfants
27:11 quand vous n'êtes pas, je ne sais pas quoi, profession libérale,
27:14 enfin vous n'avez pas le pouvoir d'achat qui vous permet.
27:16 Donc je comprends que les gens n'aient pas forcément le souci
27:19 de la civilisation, de l'immigration, de l'euro, de l'Europe,
27:22 de toutes ces choses-là, c'est trop loin, c'est compliqué, l'Ukraine.
27:25 En fait, c'est leur vie à eux, c'est ça.
27:27 Et je comprends qu'ils puissent dire "on souffre".
27:29 Bien sûr. Il y a aussi la sécurité qui a repassé haut
27:31 dans les préoccupations des Français.
27:33 Je ne résiste pas au plaisir de vous faire écouter Eric Dupond-Moretti,
27:35 le garde des Sceaux, qui cette semaine a voulu s'exprimer
27:40 à propos de la situation dans les prisons.
27:43 À la lumière terrible de l'évasion de Mohamed Amra,
27:46 ce délinquant chevronné qui avait neuf téléphones portables
27:49 dans sa cellule, qui gérait son business depuis sa cellule,
27:53 on s'est aperçu que les prisons étaient un endroit
27:56 où les voyous pouvaient télétravailler en quelque sorte.
27:58 On va écouter ce qu'a dit le garde des Sceaux
28:00 à propos des brouilleurs qui sont censés empêcher
28:03 les communications téléphoniques. C'est assez drôle.
28:06 Il se prend un peu les pieds dans le tapis, on l'écoute.
28:08 Nous avons fait l'économie d'un certain nombre de transferments,
28:12 bien sûr, et puis, politiques de transferments
28:17 permettant de prendre le haut du spectre,
28:19 les détenus du haut du spectre, pour aller là où il y a des brouilleurs.
28:24 À ce titre, je voudrais vous rappeler qu'en 2017,
28:27 il n'y avait aucun brouilleur, strictement aucun.
28:30 Aucun. Nous en avons doublé le nombre.
28:33 Il n'y avait aucun système...
28:36 Il... Il... Il...
28:39 - Je vous remercie, monsieur le Premier ministre.
28:41 Monsieur le garde des Sceaux,
28:44 vous n'avez plus de temps de parole, monsieur le garde des Sceaux.
28:47 - Voilà, on est sur CNews Europe 1.
28:49 Zéro fois deux égale toujours zéro.
28:51 - Oui, c'est un mauvais procès, je crois.
28:53 - Non, mais c'était pour le bienveuil.
28:56 - Oui, mais bon, je ne suis pas suspect de défendre...
28:58 - Non, vous n'êtes pas tendre avec lui.
28:59 - Dupeau-Moretti.
29:00 Mais je veux dire qu'il a le mérite d'être, d'une certaine manière,
29:02 un assez bon orateur. Il n'y en a pas 36.
29:04 Vous avez des gens qui ont un honneur fiche.
29:05 Je ne vais pas donner de nom non plus.
29:06 - Non, pas de nom.
29:07 - Mais vous avez des gens devant leur micro qui...
29:08 - Bah, bah, bah, parce qu'on sait qu'il y a je ne sais pas combien de minutes,
29:10 mais tout est calibré pour que ça tienne une minute près.
29:12 Et puis, qui sont incapables de se détacher de leur propre texte.
29:15 Lui, il improvise.
29:16 Il improvise avec des gens qui hurlent, qui vocifèrent,
29:18 qui le traitent de tous les noms.
29:19 On n'entend pas tout, hein.
29:20 Mais quand vous êtes là sur place, vraiment,
29:21 si vous avez une classe...
29:22 - Donc vous lui pardonnez cette erreur.
29:23 - Je pense que quand vous parlez beaucoup,
29:25 que vous prenez le risque de parler sans fiche et sans notes,
29:28 l'idée de dire "on a brouillé, on a multiplié par deux les brouilleurs
29:31 qui n'existaient pas précédemment",
29:32 oui, deux fois zéro égale la tête à Toto.
29:34 Mais je pense qu'il est plus attaquable sur d'autres choses,
29:39 sur d'autres sujets.
29:40 Il est depuis combien de temps ministre de la...
29:45 - De la justice, je perds le déceau.
29:47 - Moi, je lui reprocherais plus, par exemple,
29:49 d'avoir fait un fait extrêmement symbolique,
29:51 c'est-à-dire dès qu'il est élu, il s'en va dans une prison
29:53 en disant "je suis votre ministre".
29:55 - Pour voir aussi le personnel pénitentiaire.
29:57 Il voit à la fois les détenus,
29:59 mais elle est aussi le personnel pénitentiaire.
30:00 - C'est-à-dire que ceux qui l'applaudissent,
30:02 ce sont les prisonniers.
30:03 Symboliquement, dès qu'on est ministre,
30:05 dès qu'on est chef de l'État,
30:07 on devrait avoir un conseiller en symbolique.
30:09 Juste dire "ça, ça se fait, ça se fait pas, ça se dit, ça se dit pas,
30:12 évitez ceci, évitez cela, pour une première sortie,
30:14 ne faites pas ceci, pour une deuxième sortie..."
30:16 - Ils appellent des conseillers en communication, normalement.
30:18 - Oui, par exemple, vous avez raison, bien sûr.
30:20 - Les cabines ministres.
30:21 - Ils sont nombreux, ils sont bien payés.
30:23 - La sécurité, je voudrais qu'on la poursuive sur ce thème-là,
30:26 il y a eu à nouveau un exemple terrible à Clamart,
30:30 dans les Hauts-de-Seine, avec un automobiliste de 34 ans
30:33 qui a été tué parce qu'un jeune délinquant de 14 ans,
30:36 Michel Onfray, était au volant d'une voiture volée
30:39 et a refusé de s'obtempérer face à la police.
30:41 Il avait un lourd passé judiciaire, déjà,
30:44 et cette spirale de l'année d'incroise qu'on a souvent évoquée dans cette émission
30:47 n'a pas su être stoppée par la justice.
30:49 On va écouter la colère et en même temps la lucidité
30:51 des habitants de Clamart, qui disent
30:53 qu'il y a un véritable problème d'autorité avec ces jeunes-là.
30:57 Écoutez-le.
30:58 - Ça me semble absolument stupéfiant que, dès 14 ans,
31:02 il y ait un refus total de l'autorité.
31:04 Donc, effectivement, il faut, dès le plus jeune âge,
31:07 montrer les limites pour que les gens comprennent.
31:11 - Il faudrait que les parents se posent des questions.
31:13 Il faut élever mieux ses enfants.
31:16 Il y a un problème de société.
31:18 C'est un problème de société.
31:20 Donner des limites à des enfants,
31:23 c'est leur donner la liberté, finalement, Michel Onfray ?
31:27 - Ce qu'il faut rappeler, c'est qu'il est à 3h du matin,
31:29 dans une voiture.
31:31 Il a 14 ans, donc il n'a pas de permis de conduire,
31:33 donc il n'a pas d'assurance.
31:35 Donc, ça fait beaucoup pour un seul garçon.
31:38 Et que font les parents, là ?
31:39 Moi, j'aimerais qu'on fasse une petite sociologie des parents.
31:41 Et quand on fait une sociologie des parents,
31:43 on dit "Ah, mais je sais pas, j'arrive plus", etc.
31:45 Oui, d'accord, très bien.
31:46 Enfin, pourquoi on n'y arrive plus, non plus ?
31:48 - Il y a certains endroits de la société
31:50 dans lesquels le petit garçon, c'est le petit mâle.
31:53 C'est le petit costaud.
31:55 C'est l'enfant roi.
31:56 C'est celui à qui on ne dit jamais non.
31:58 Et on fabrique ces individus-là.
32:00 - En ne leur posant aucune limite, encore une fois.
32:02 - Les parents estiment qu'il est mignon, il est fantastique,
32:04 il est formidable, il insulte, il ne dit pas bonjour,
32:06 il ne dit pas au revoir, il ne dit pas merci.
32:08 Vous avez même l'éducation positive, aujourd'hui,
32:09 prétendument positive.
32:10 On dit "Mais il n'a pas envie de dire bonjour, arrêtez,
32:12 parce que bonjour, ça veut dire qu'on souhaite une bonne journée,
32:14 il n'a pas envie de vous souhaiter une bonne journée,
32:16 vous êtes en train de lui apprendre l'hypocrisie, etc."
32:18 Voilà, bravo !
32:19 On continue comme ça, et puis c'est bien.
32:21 Et puis, à un moment donné, vous commencez à rencontrer,
32:23 alors pas d'autorité chez les parents,
32:24 puisqu'on célèbre le petit mâle.
32:25 Vous regardez, il n'y a jamais de fille.
32:27 - Plus rare.
32:28 - Non, mais la sociologie.
32:29 - Beaucoup plus rare.
32:30 - Vous avez un fait divers qui nous permettrait de savoir
32:32 qu'une jeune fille était à 3h du matin dans une voiture sans permis,
32:36 sans assurance, et qui a fait un délit de fuite, etc.
32:38 C'est beaucoup plus rare.
32:39 D'ailleurs, je n'ai pas le chiffre en tête,
32:41 notre ami Dupont-Moretti nous le donnerait,
32:43 mais combien de prison pour les hommes,
32:44 combien de prison pour les femmes ?
32:45 - Oui, le rapport est...
32:47 - On peut faire un féminisme à l'envers.
32:49 - Exactement.
32:50 - Il y a cette façon de se comporter.
32:53 Probablement parce qu'effectivement,
32:54 les filles, c'est fait pour la cuisine, la vaisselle, le ménage, etc.
32:57 - Dans ces stéréotypes.
32:59 - Oui, mais dans certains milieux.
33:01 Et dans ce même milieu, le garçon, c'est le mâle.
33:04 C'est le fils, c'est le reproducteur, etc.
33:06 J'ai déjà entendu ça, moi-même,
33:08 pas dans des sociétés musulmanes,
33:09 mais dans la campagne où effectivement, ça se dit.
33:12 Donc, vous fabriquez des enfants tout-puissants,
33:14 et quand ils commencent à rencontrer un peu la loi,
33:17 sous forme de quoi ?
33:18 D'un enseignant, c'est comme ça que ça démarre.
33:20 Mais l'enseignant qui dit "Oh là là, on va se tutoyer,
33:23 il y a un problème, on va en parler, etc."
33:25 Et puis quand il commence à avoir une vraie loi,
33:28 du genre un policier ou un gendarme,
33:31 alors là, ça ne va plus.
33:32 Et donc, on fonce sur le gendarme,
33:34 et puis on passe dessus,
33:35 puis on les tue, puis on les écrase, etc.
33:37 Donc évidemment, moi, je pense que,
33:39 puisque les parents n'ont plus ce pouvoir-là,
33:41 puisqu'on ne le donne plus aux enseignants,
33:43 qui d'ailleurs ont à enseigner,
33:44 et pas à faire de la police.
33:45 À l'école, on transmet des savoirs,
33:46 on n'est pas censé être une infirmière, un infirmier,
33:48 on n'est pas censé être un psychiatre, un psychologue,
33:51 un compagnon, un copain, une infirmière, un infirmier,
33:53 un médecin, etc., que les profs puissent professer.
33:56 Et ce serait très bien.
33:57 Redonnons du pouvoir à la police et à la gendarmerie.
34:01 J'ai vu l'autre jour un policier,
34:04 quand je prenais mon train à la gare de Caen,
34:06 qui me dit "On peut se voir ? On peut faire un selfie ?"
34:10 Puis après, on a parlé un peu,
34:11 et puis il me dit "Vous avez vos papiers ?" en rigolant.
34:15 Alors moi, je lui dis "Je sais bien que la police tue."
34:17 Et on démarre un dialogue là-dessus,
34:19 et puis il me dit "Vous savez, j'ai un fils d'une quinzaine d'années
34:21 qui me dit 'il ne faut pas que les policiers soient armés'."
34:23 Je lui dis "Mais c'est votre fils."
34:24 Je ne suis pas freudien, je n'ai pas dit que c'était pour tuer le père.
34:26 Mais il y a juste un moment donné où on doit pouvoir dire
34:29 "Puisque l'autorité ne se rencontre nulle part,
34:31 rendons-là à ceux dont c'est le métier,
34:33 ils risquent, ils s'exposent, ils meurent souvent,
34:35 enfin ils meurent beaucoup, donnons-leur la possibilité
34:37 et revoyons ça."
34:39 C'est une espèce de...
34:42 On les préserve, quoi.
34:44 On commence à dire "C'est d'abord du côté du policier,
34:46 puis quand quelqu'un a foncé sur un policier,
34:48 on dira que c'est plutôt le policier qui est victime
34:50 et qui n'est pas coupable."
34:52 - On est en face à Michel Onfray sur CNews et sur Europe 1.
34:54 Il y a aussi cette violence qui se dissémine dans toute la société.
34:58 Moi, je pense qu'il y a une espèce de contagion de la violence
35:02 qui touche toutes les catégories socioprofessionnelles.
35:05 À Orange, il y a eu une Vaucluse, une mère de famille,
35:08 qui a été agressée à l'arme blanche par une automobiliste
35:11 qui venait de lui faire un refus de priorité.
35:14 Cette maman était dans la voiture avec ses deux petites-filles.
35:16 Elle a donné juste un coup de klaxon.
35:18 L'autre automobiliste lui a donné un coup de couteau.
35:21 Il y a une contagion de la violence, selon vous, dans les sociétés,
35:23 dans les autres sociétés, Michel Onfray ?
35:25 - Je crois que récemment,
35:27 on a rendu la possession d'un couteau
35:30 assez dérisoire.
35:33 Je crois que c'est une petite amende de rien du tout.
35:35 Mais il faut mettre en taule les gens qui ont estimé
35:38 qu'on devait pouvoir porter un couteau sur soi-même.
35:40 Quand on a un couteau, qu'est-ce qu'on fait ?
35:42 Mon père, il était ouvrier agricole, il avait un couteau sur lui
35:44 parce que ça permettait de couper les ficelles, de nettoyer des trucs, etc.
35:47 C'était un instrument de travail.
35:49 Mais vous n'avez aucune raison, quand vous êtes un collégien,
35:51 d'avoir un couteau avec une lame de 20 cm
35:53 dans votre carte-table ou dans votre poche.
35:55 Il y a un moment donné où il faut imaginer une autre réponse
35:58 et je crois que c'est une petite amende de rien du tout.
36:00 Si vous êtes un peu dans le trafic et que vous sortez les billets de 50 euros
36:03 et que vous allez payer l'amende,
36:05 et puis après vous continuez à porter votre arme sur vous.
36:07 Donc évidemment, si vous avez un couteau sur vous,
36:09 il y a un moment donné, vous allez vous en servir.
36:11 Alors que ce soit à Crépole ou dans cette hypothèse-là.
36:14 Là, les embarras de Paris sont considérables,
36:16 je prends le taxi et c'est incroyable, tout le monde klaxonne.
36:18 Et je peux comprendre que de temps en temps, des gens descendent
36:21 et puis commencent à se taper dessus.
36:23 J'en ai vu un autre jour qui a donné un coup de pied dans la porte d'une voiture.
36:26 C'est resté à ça.
36:28 Tant mieux.
36:29 Mais il y a des cas pour lesquels on peut sortir.
36:31 Dans le temps, c'était la manivelle.
36:33 Maintenant, c'est avec le couteau.
36:34 La manivelle, ça pouvait être menaçant.
36:36 Le couteau, c'est fait pour tuer.
36:37 Donc il y a cette espèce de gradation dans la violence qui touche tout le monde.
36:40 Oui, et comme il y a cette espèce de tolérance pour le port d'une arme blanche,
36:43 je pense qu'il y a une culpabilité de ceux qui rendent possible le port d'arme.
36:47 Dans les grands fléaux aussi qui touchent notre société,
36:50 il y a l'antisémitisme qui a augmenté 300%, on le sait, en France depuis le 7 octobre.
36:55 Le chanteur Patrick Bruel a fait un témoignage très important cette semaine
36:59 en exprimant ce que cela veut dire d'être juif et donc d'être confronté à la haine.
37:05 On va écouter un extrait de son discours.
37:06 Patrick Bruel.
37:07 Quand on est juif, peu importe si nous croyons en Dieu,
37:12 si nous lisons la Torah ou si nous vivons selon ses préceptes,
37:15 nous sommes un jour confrontés à une haine que nous ne savons pas expliquer.
37:19 En naissant, nous devenons l'incarnation d'une question restée sans réponse.
37:24 D'un pourquoi qui a retentit pendant trois millénaires,
37:28 de l'Egypte à l'Allemagne, de ghetto en pogrom, de l'Inquisition au génocide.
37:34 Ce soir, je hurle en tant que juif, certes,
37:39 parce que je ne suis jamais aussi juif que quand on me le rappelle.
37:42 Mais je hurle aussi et surtout en tant que citoyen,
37:45 citoyen français inquiet pour les valeurs républicaines
37:50 et pour cet humanisme qui a fait, dès qu'il le pouvait, le progrès des civilisations.
37:54 Voilà pour ce discours de Patrick Bruel.
37:56 Michel Onfray, l'antisémitisme est un fléau.
37:59 C'est le mal des mots pour vous ou pas ?
38:02 Oui, bien sûr.
38:03 Simplement, il faut faire l'histoire de l'antisémitisme.
38:05 Il y a eu des façons diverses et multiples d'être antisémite.
38:08 Il y a une thèse de Sartre qui est ridicule, 46-47, juste après la guerre,
38:11 dans un livre qui s'appelle "Réflexions sur la question juive"
38:13 où il nous dit que c'est l'antisémite qui crée le juif.
38:16 Alors ça, c'est un truc de normalien.
38:18 C'est une belle école où on apprend à briller, y compris en disant des choses fausses.
38:21 Mais je ne vois pas comment l'antisémite peut créer le juif
38:24 s'il n'y a pas un juif qui précède l'antisémitisme.
38:26 Ça me paraît quand même normalement du bon sens.
38:28 Mais le bon sens, ce n'est pas la chose du monde la mieux partagée, le normal sub.
38:31 Et donc, pendant très longtemps, la thèse de Sartre a triomphé.
38:34 Mais très en amont, il y a quand même une thèse...
38:36 Alors je n'entrerai pas dans le détail de la naissance au moment de Rome avec l'Égypte.
38:40 Il y a des tolérances du pouvoir romain à l'endroit des juifs
38:45 qui font qu'il y a à un moment donné une naissance de l'antisémitisme à ce moment-là.
38:49 Mais prenons le christianisme.
38:51 C'est là que ça devient un peu plus visible.
38:53 Jésus est un juif, pour ceux qui croient à son existence,
38:55 mais même pour ceux qui ne croient pas à son existence réelle,
38:57 comme moi, mais à son existence conceptuelle.
38:59 C'est un juif qui réalise ce que l'Ancien Testament annonçait.
39:03 Les juifs disaient "un prophète viendra, il sera ceci, il fera cela", etc.
39:07 Puis il y a certains juifs qui disent "ce n'est pas la peine de l'attendre, il est déjà venu".
39:10 "D'ailleurs, il a fait ceci, il a fait cela", etc.
39:12 Ça s'appelle les chrétiens pour le coup.
39:14 Et effectivement, il y a un antisémitisme à ce moment-là.
39:16 C'est cet antisémitisme qui nous dit que les juifs ont tué Jésus.
39:20 Et donc les chrétiens disent "c'est le peuple déicide, ils ont tué Dieu".
39:23 Ça, ça dure pendant 15-16 siècles à peu près.
39:26 Vous avez la philosophie dite des Lumières,
39:28 où pour le coup l'antisémitisme, c'est de l'anti-judaïsme.
39:30 Alors là, pour le coup, les juifs ont rendu possible Jésus, Saint Paul, etc.
39:34 Saint Paul qui d'ailleurs était un juif converti,
39:36 c'était Saül, le juif qui devient chrétien
39:38 et qui persécute les premiers chrétiens avant de devenir lui-même chrétien.
39:41 Et là, pour le coup, c'est Voltaire.
39:43 Et là, on déteste les juifs parce que...
39:45 Et puis au 19e siècle, c'est la révolution industrielle.
39:48 Et vous avez un certain Marx qui écrit un livre qui s'appelle "La question juive".
39:51 Et pour le coup, les juifs sont associés à l'argent, à Rothschild, à l'industrie, aux finances.
39:56 Même Proudhon, que j'aime tant, tient des propos antisémites.
39:59 Et pratiquement tous les socialistes du 19e siècle.
40:02 Et la gauche est très antisémite pendant très longtemps,
40:04 justement sur ce principe que le capital, c'est l'argent.
40:07 Et aujourd'hui, on retrouve ça avec "le capital, c'est l'argent",
40:09 l'argent, c'est les Etats-Unis, les Etats-Unis, c'est Israël, c'est le sionisme.
40:12 Et on fait un ensemble et on débouche là-dessus avec un islam qui nous dit,
40:16 de toute façon, que les juifs, c'est le peuple élu.
40:19 Alors que dans le début du Coran, il est dit que les musulmans, c'est le meilleur des peuples.
40:25 Donc c'est à partir de cette espèce de concurrence que...
40:28 Alors que, je le rappelle, judaïsme, christianisme, islam,
40:31 d'un point de vue chronologique, il faut le dire aux gens,
40:33 juste pour éviter de croire que quand les juifs sont là depuis 3000 ans,
40:36 les musulmans y sont aussi.
40:37 Non, sûrement pas des musulmans, des cananéens qui sont animistes
40:41 ou qui ont des religions polythéistes, mais sûrement pas monothéistes.
40:44 Et aujourd'hui, effectivement, il y a un antisémitisme
40:46 qui est préempté par une certaine gauche.
40:48 Et elle a la forme de l'antisionisme et ça continue.
40:52 Et Patrick Bruel a raison de dire que dès qu'on a besoin de haine,
40:55 c'est le juif qui le...
40:57 Alors mon hypothèse en deux mots, c'est qu'effectivement,
40:59 les juifs sont nomades à l'origine.
41:01 Et que les nomades s'opposent au sédentaire.
41:03 Voyez qu'à Abel, il y a un nomade et un sédentaire.
41:05 Et comme par hasard, c'est le nomade qui tue
41:07 et c'est le sédentaire qui se fait tuer.
41:09 Parce que le nomade, il est là, il disparaît,
41:11 et puis il peut voler des poules, on ne sait pas qui il est.
41:13 Alors que quand vous êtes dans un village et sédentaire,
41:15 on sait que vous avez volé la poule ou que vous ne l'avez pas volée.
41:18 Et donc le nomade, c'est celui qui ne surgit de nulle part,
41:20 qui est reparti très vite et qui peut faire tout et n'importe quoi.
41:22 Donc on se méfie du nomade comme on peut se méfier du migrant, d'ailleurs.
41:25 C'est la même logique.
41:26 On ne sait pas d'où ils viennent.
41:28 Ils viennent, ils prennent et puis ils s'en vont.
41:30 C'est vraiment insaisissable.
41:31 Ça, c'est les Juifs. Ce sont les Juifs.
41:33 Alors qu'il y a ceux qui nous disent "nous on est enracinés, on est dans une terre".
41:36 Et il y a donc un sionisme qui, avec Théodore Herzl au XIXe siècle,
41:39 dit "il faut que les Juifs aient leur terre".
41:41 C'est-à-dire faire de telle sorte que les nomades deviennent des sédentaires.
41:43 Et ça, ça pose problème.
41:45 Parce que quand les nomades deviennent sédentaires,
41:47 qu'ils ont eux aussi des racines, et pas seulement les racines de la Torah,
41:49 vous avez des gens qui leur interdisent ça
41:51 parce que ça leur interdirait la possibilité d'être antisémites,
41:54 ce qu'ils sont sur le fond.
41:55 - C'est terrible. Michel Onfray, j'aimerais juste qu'on consacre quelques instants
41:58 sur les débats qui se poursuivent à l'Assemblée nationale
42:01 sur le texte relatif à l'aide à mourir.
42:03 Il y a eu des débats extrêmement intenses,
42:05 avec, je trouve quand même, de la sérénité.
42:08 Et c'est tant mieux parce que le sujet est extrêmement important.
42:10 Il y a des conditions d'accès très larges,
42:14 toujours très larges, pour cette aide à mourir,
42:16 avec une personne qui devra être atteinte d'une affection grave et incurable
42:20 qui engage le pronostic vital en phase avancée ou en phase terminale.
42:23 Il y a une grande différence en mesure entre phase avancée ou phase terminale.
42:26 J'aimerais juste qu'on écoute le docteur François Bertin-Hugo,
42:29 qui fait partie du Conseil national de la gériatrie,
42:31 puis vous allez réagir ensuite.
42:33 - Je l'ai déjà discuté avec certains malades,
42:35 qui me disent que finalement la société, au lieu de leur tendre la main
42:39 et d'essayer de trouver des solutions à leur souffrance,
42:41 ils vont leur demander "Mais est-ce que finalement tu n'as pas ce souhait de mourir ?
42:47 Est-ce que je peux t'accompagner à ça ?"
42:48 Je pense que c'est important de rappeler que donner la mort, en fait, c'est pas un soin.
42:51 Il faut être très clair avec ça.
42:53 Notre objectif à nous, encore une fois, c'est de faire disparaître la souffrance,
42:58 pas le souffrant.
42:59 - Voilà, faire disparaître la souffrance et pas le souffrant, Michel Offray.
43:03 - C'est une belle formule, mais le réel n'obéit pas aux formules.
43:07 C'est très bien qu'il y ait une jolie formule comme ça,
43:09 c'est bon pour les punchlines, comme on dit,
43:11 mais c'est plus compliqué que ça.
43:12 Et d'abord, je pense qu'on a le droit de changer d'avis sur ce sujet.
43:15 On a le droit de vouloir... - À tout moment.
43:17 - Tout moment. Y compris avoir passé sa vie, comme président,
43:20 du droit à mourir dans la dignité, et puis quand il nous reste trois semaines à vivre,
43:23 dire "non, je veux les soins palliatifs". On a le droit.
43:25 Et moi, ce que je souhaite, c'est qu'on ait le droit à tout.
43:29 L'euthanasie et les soins palliatifs. Les deux.
43:31 C'est pas qu'on arrête cette espèce de guerre de religion perpétuelle,
43:34 entre, je sais pas quoi, les Robespierreistes et puis les monarchistes,
43:38 entre Pétain et de Gaulle, entre...
43:40 Les catholiques et les protestants, et les partisans d'euthanasie,
43:43 ceux qui sont contre l'euthanasie,
43:44 est-ce que nous ne pourrions pas, pour une fois, faire de telle sorte
43:46 qu'on puisse développer les deux secteurs ?
43:48 - Évidemment. - Vous avez une possibilité,
43:50 c'est pas une obligation.
43:51 Et puis, ne pas dire des gens qui veulent l'euthanasie,
43:54 ce qui est mon cas, qu'on est des nazis, qu'on veut détruire les vieux,
43:56 qu'on veut les jeter à la poubelle, qu'on est des libéraux
43:59 parce qu'on veut rentabiliser les lits.
44:00 Je pense pas que ce soit ma logique, c'est le contraire de mon combat de gauche
44:03 depuis des années.
44:04 Et d'être du côté des plus oubliés, des plus perdus.
44:09 Et puis, faire de telle sorte que des gens puissent choisir leur propre mort.
44:13 C'est-à-dire, vous pouvez avoir une pilule dans une boîte
44:15 qui est dans votre tiroir,
44:16 et peut-être que la présence de cette pilule pour vous disparaître
44:19 va vous faire tenir.
44:20 Sioran, le philosophe Sioran, disait à un moment,
44:22 moraliste Sioran, disait que l'idée du suicide lui avait permis
44:25 de passer plus d'une nuit.
44:26 Et donc, à un moment donné, l'idée que vous puissiez choisir
44:28 votre propre mort peut faire que vous n'allez pas la choisir
44:31 parce que vous savez que c'est là, et que c'est une hypothèse,
44:33 et que ça va être vous qui allez pouvoir décider de cette chose-là
44:37 et pas les autres.
44:38 - Absolument. En tout cas, on aura l'occasion d'en reparler
44:40 puisque le texte sera encore débattu toute la semaine prochaine à l'Assemblée.
44:43 Merci beaucoup Michel Onfray.
44:44 - On a réussi à ne pas parler de politique pendant toute cette émission.
44:46 Formidable. On en parlera la semaine prochaine.
44:48 - Oui, on se rattrapera.
44:49 - Bonne journée à vous sur nos deux antennes, sur CNews et sur Europe.