Michel Onfray passe en revue l’actualité de la semaine dans #FaceAMichelOnfray. Présenté par Laurence Ferrari.
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00:00 - Ravie de vous retrouver sur CNews pour Face à Michel. On ferait bonjour Michel.
00:03 - Bonjour.
00:04 - Très heureuse d'être avec vous pendant une heure pour évoquer l'actualité depuis votre point de vue de philosophe bien sûr,
00:09 mais aussi de citoyen attaché, faut-il le rappeler, à la souveraineté de notre pays,
00:13 et attentif à toutes les secousses qui traversent notre société.
00:17 La première chose dont vous avez voulu nous parler cette semaine Michel, c'est cette succession d'actes violents.
00:22 Depuis l'agression de la jeune Samara à Montpellier le week-end dernier,
00:26 lynchée par d'autres jeunes filles parce qu'elles voulaient s'habiller à l'européenne et s'emporter le voile.
00:31 Il y a eu aussi le jeune Shem Sedin battu à mort à Viry-Châtillon par quatre hommes
00:35 qui le reprochaient de parler, d'avoir des conversations par SMS avec la soeur de deux d'entre eux, une jeune fille de 15 ans.
00:42 Et puis il y a eu Bordeaux et ce crime au couteau perpétré par un demandeur d'asile afghan de 25 ans
00:47 qui s'en est pris à deux hommes de nationalité algérienne en leur reprochant de boire de l'alcool en cette fin de Ramadan.
00:53 L'un d'entre eux est mort, l'autre a été grièvement blessé.
00:56 On va d'abord, si vous le voulez bien Michel, écouter la procureure de Bordeaux sur le profil de l'assaillant qui a été abattu par la police.
01:03 Et puis je vais vous passer la parole pour vous demander ce qui, selon vous, sous-tend toutes ces agressions.
01:09 Mais d'abord on écoute la procureure de Bordeaux.
01:11 Le mis en cause décrit comme le porteur d'un camis et d'un keffier couvrant son visage, ne laissant voir que ses yeux,
01:18 frappait dans un premier temps les deux victimes à coups de poing, puis il s'éloignait.
01:23 Ces dernières se relevaient, puis lançaient des canettes de bière en direction de leur agresseur,
01:28 lequel revenait alors vers elle, sortait un couteau à cran d'arrêt et les poignardait tour à tour.
01:35 Michel Onfray, qu'est-ce qui sous-tend toutes ces agressions ? C'est une lecture rigoriste de l'islam, selon vous, qu'est-ce que c'est ?
01:40 C'est un conflit de civilisation.
01:42 Et effectivement, il y a dans les textes sacrés de quoi faire son marché.
01:48 Que ce soit dans la Torah, l'Ancien Testament ou le Nouveau Testament, ou dans le Coran,
01:51 on peut choisir des textes qui vont nous permettre de défendre une option violente ou une option pacifiste.
01:57 Il y a dans le Nouveau Testament des invitations à la violence.
02:01 Jésus avec un fouet qui chasse les marchands du Temple, ce n'est pas le Jésus qui nous dit "il faut tendre notre joue".
02:07 Donc il y a eu tout un travail de civilisation, la civilisation judéo-chrétienne, pour nous faire savoir que,
02:11 même s'il y a eu des croisades, etc., mais que le Jésus pour tout le monde, c'était le Jésus du pardon des offenses,
02:17 c'était le Jésus de l'autre joue tendue.
02:20 Il y a dans le Coran, effectivement, matière à un islam de paix et de fraternité, et de tolérance.
02:27 Et puis il y a aussi dans l'islam, nombre de surates et de versets qui sont extrêmement violents et belliqueux,
02:32 et qui nous disent d'ailleurs que si l'on est violent et belliqueux, on obtient son paradis.
02:35 Ça c'est problématique, parce qu'effectivement, il y a une logique du pardon dans le christianisme,
02:39 et il y a une logique de la vengeance dans l'islam.
02:43 - Il a été dit à un moment donné qu'il ne pouvait pas être question de crimes d'honneur, que c'était des crimes de déshonneur.
02:48 - C'est ça. En l'occurrence, c'est moi qui ai dit, on parlait de crimes d'honneur à propos du jeune Shem Sediq,
02:54 moi je dis que ce sont des crimes de déshonneur. Vous n'êtes pas d'accord avec ça, Michel Morin ?
02:57 - Et Dupond-Moretti a repris votre formule sans dire que...
02:59 - Non, il a dit "crime d'horreur", qui pour moi ne veut rien dire. Parce que pour moi c'est honneur-déshonneur.
03:04 - Oui, parce qu'il n'y a pas un honneur. Ça c'est l'erreur de la Révolution française,
03:08 de laisser croire que nous sommes universels, que nous sommes tellement géniaux nous les français,
03:11 qu'on a dit la vérité pour toujours et pour tout le monde, et que nous avons une bonne conception du droit,
03:15 de la liberté, du féminisme, etc. Et que les autres civilisations n'ont qu'à se mettre au pas.
03:19 Je rappelle quand même que c'est toute cette gauche qui rend possible les guerres de la Révolution française,
03:24 et puis ensuite le colonialisme, et l'universalisme. Moi je ne suis pas universaliste, je pense qu'il y a un honneur musulman.
03:30 Et que les musulmans procèdent d'une civilisation arabe, pour certains, pas tous.
03:35 On peut être musulman et ne pas procéder d'une civilisation arabe, je renvoie à l'Iran, la Perse.
03:39 Ça peut être la même chose en Afghanistan ou au Pakistan.
03:42 C'est-à-dire que nous on pense trop souvent que l'islam c'est finalement l'islam de l'Afrique du Nord,
03:46 et point la ligne, c'est pas autre chose, c'est plus compliqué que ça.
03:49 Il y a donc une tradition arabo-musulmane, qui fait qu'effectivement, à un moment donné,
03:53 à un moment de l'Égypte, dans les années 600, on a une civilisation qui devient une civilisation islamique.
03:59 Mais avant il y a une civilisation qui est une civilisation arabe,
04:02 qui est une civilisation de tradition chevaleresque. On a le sens de l'honneur.
04:05 Et, alors je ne juge pas, il y a ceux qui nous disent que l'islam c'est tellement formidable,
04:09 il y a des gens qui nous disent que l'islam c'est une telle catastrophe,
04:11 le philosophe dit mais c'est quoi exactement l'islam ? Est-ce qu'on peut s'entendre ?
04:14 Est-ce qu'on peut réfléchir sur ce qu'il signifie l'honneur ?
04:18 Il y a une conception de l'honneur arabo-musulmane, qui n'est pas la conception de l'honneur judéo-chrétienne, la nôtre.
04:23 - Pourtant il y avait des vendettas, il y a eu des affrontements à Fleuret, il y avait des duels à l'époque.
04:29 - Oui, mais vous avez raison de placer chronologiquement tout ça.
04:33 C'est la révolution française qui arrête les crimes d'honneur, qui nous dit qu'il n'y a plus d'honneur.
04:36 C'est quoi les duels ? C'est des trucs en aristocrate, c'est-à-dire que quelqu'un qui est un aristocrate
04:40 ne peut pas provoquer en duel quelqu'un qui l'aura mal servi au café, dans une taverne, et qui l'aura regardé de travers.
04:46 - Et ça décimait d'ailleurs toutes les familles de la noblesse. - Absolument.
04:49 - C'est pour ça que ça a été arrêté.
04:50 - Et on nous dit à un moment donné, la révolution française nous dit que l'honneur, tout ça c'est une vertu bourgeoise,
04:54 c'est une vertu aristocratique, on n'a plus besoin de ça, on n'a plus besoin de politesse non plus.
04:58 On ne se dit plus vous, on se tutoie, on est citoyen, etc.
05:02 Donc nous avons eu une conception de l'honneur qui était très féodale,
05:05 et nous avons perdu cette conception de l'honneur.
05:07 Les musulmans, eux, l'ont gardée.
05:09 Alors ce n'est pas la nôtre, peut-être, quand on n'est pas soi-même musulman ou arabo-musulman,
05:13 mais c'en est une, et ça se discute.
05:15 Sur le terrain sexuel, par exemple, on estime que les femmes sont libérées, qu'elles font ce qu'elles veulent,
05:20 quand elles veulent, comme elles le veulent.
05:22 - En 1968. - En 1968, c'est ce que j'allais vous dire.
05:24 Contraception, avortement, libertinage, après tout, on se teint les cheveux en rouge,
05:28 vu que c'était un motif d'agressivité, ou on ne se teint pas les cheveux en rouge,
05:32 on fait comme on veut, etc.
05:33 Et puis de l'autre côté, on dit mais pas du tout, ce n'est pas ça une femme.
05:36 Une femme, ça appartient à son mari, ça appartient à ses frères,
05:38 ça appartient aux cousins, ça appartient aux hommes.
05:40 C'est-à-dire qu'il y a une tradition phallocratique.
05:42 Je ne dis pas que ce n'est pas bien ou que c'est bien,
05:44 je dis voilà, il y a une place du père, une place de l'homme.
05:47 Mais misogyne et phallocrate, une femme, c'est fait pour faire des enfants.
05:50 Et si elle a une sexualité, c'est pour faire des enfants, etc.
05:52 Et la conception de l'honneur...
05:53 - C'est vrai dans d'autres religions aussi, judéo-chrétiennes.
05:55 - Plus maintenant, ça l'a été, mais ce n'est plus le cas.
05:57 - Quand même.
05:58 - Je pense que non, il y a eu une époque où...
06:00 Enfin maintenant, vous pouvez dire je ne veux pas d'enfant,
06:03 je veux être autonome et indépendante, je fais ce que je veux de ma sexualité,
06:06 je suis une libertine, etc. Tout ça est possible.
06:09 Et la civilisation arabo-musulmane dit non, ce n'est pas possible.
06:12 Ce sont deux conceptions de la civilisation.
06:13 Faites la même chose, non pas avec la sexualité, mais avec l'habillement.
06:16 On nous dit qu'effectivement, cet afghan, il était habillé d'une manière particulière,
06:19 c'est-à-dire pas de jeans et baskets.
06:20 - Non. Il avait la tenue religieuse et un keffier qui lui cachait le visage.
06:24 - Voilà, c'est une tenue. Je ne vais pas la juger.
06:26 Moi, par exemple, j'ai trouvé obscène qu'aux glières,
06:29 on demande à des enfants avec des jeans et des baskets
06:33 d'être là et de pratiquer la cérémonie d'hommage aux résistants
06:39 qui, effectivement, avaient été en combat avec les nazis, la milice, etc.
06:43 - A vous de savoir.
06:44 - Nous, on n'a aucun problème pour dire,
06:45 "Mais non, les enfants, ça peut arriver, en jeans et baskets, il n'y a aucun problème."
06:47 Eux, ils ont des tenues qui sont des tenues traditionnelles.
06:50 Il y a des tenues d'hommes, et puis il y a des tenues tribales, etc.
06:52 Là encore, je ne juge pas.
06:54 Je dis, est-ce qu'on peut s'entendre sur le fait qu'il y a des conceptions de l'honneur,
06:57 qu'il y a des conceptions de la sexualité, qu'il y a des conceptions d'habillement,
07:00 qu'il y a des conceptions de la nourriture ?
07:02 Il y a des gens qui, en France, mangent du porc, de la charcuterie, boivent de l'alcool,
07:06 et puis il y a des musulmans qui n'en boivent pas.
07:08 Et puis il y a aussi, à Bordeaux, ces musulmans qui disent,
07:11 "Nous, on fête la fin du ramadan avec un peu d'alcool."
07:13 Parce que moi, j'avais un copain musulman qui me disait,
07:15 "Mais moi, pendant le ramadan, je ne bois pas d'alcool."
07:17 Je dis, "Mais ça veut dire quoi ? Est-ce que tu bois de l'alcool, le résistant ?"
07:20 Alors, vous avez des gens qui disent, "Mais prenez un verset,
07:22 et qui vous dira que l'alcool est interdit."
07:24 Je me disais, "Mais pas du tout, c'est pas l'alcool qui est interdit, c'est l'ivresse."
07:27 - Mais vous faites du relativisme, là, Michel.
07:29 - Je veux bien qu'on dise ça, parce qu'aujourd'hui, c'est une grande insulte relativiste.
07:32 - Non, alors pas dans ma bouche. - Non, pas vous.
07:34 - Je vous rassure. - J'entends bien.
07:35 - C'est une question. - Je veux qu'on puisse penser la question de l'islam
07:37 indépendamment de l'islamophilie ou de l'islamophobie.
07:39 - Bien sûr. - C'est la phrase, vous savez, de Spinoza,
07:41 "Ni rire, ni pleurer, mais comprendre."
07:43 Je dis, mais lisez le Coran, lisez les Indices du Prophète, lisez une biographie, et puis tâchez de voir que peut-être,
07:48 le libertinage, les rillettes et la canette de bière, c'est pas forcément l'horizon indépassable.
07:55 Maintenant, il y a une autre civilisation. Que fait-on de cette autre civilisation ?
07:59 Alors, on peut dire, effectivement, vivez votre autre civilisation, si on rend ça possible,
08:03 parce qu'il y a avec tout ça, quand même, cette idée de la possibilité d'avoir plusieurs femmes.
08:09 Est-ce que monogamie ou polygamie, est-ce que c'est acceptable ?
08:11 - C'est interdit en France. - C'est interdit, mais on sait très bien
08:13 qu'il y a plein de choses interdites et qui sont tout de même tolérées.
08:15 C'est interdit, la GPA, mais vous pouvez avoir des enfants, vous vous êtes allé faire aux Etats-Unis,
08:19 et vous pouvez revenir avec et faire savoir que c'est formidable, faire un livre,
08:22 être invité partout sur les plateaux de télé, vous n'irez pas en prison.
08:24 Donc je pense que si on veut faire une analyse véritablement du choc des civilisations,
08:28 il faut qu'on dise quelles civilisations sont en jeu.
08:31 Qui dit quoi ? Et puis qu'on entende éventuellement les féministes ou les mélenchoniens, etc.,
08:35 nous dire, il y a une bonne phallocratie, il y a une bonne misogynie,
08:38 c'est bien quand les femmes sont au foyer pourvu que ce soit le Coran qui les demande.
08:42 - On ne les entend pas beaucoup sur ce sujet-là.
08:44 - Oui, justement, c'est pour ça que je pense que si on voulait vraiment des débats,
08:47 on arrêterait de dire, en faisant des jeux de mots, là, ce n'est pas vous que je vise,
08:50 mais civilisations de l'honneur, du déshonneur ou de l'horreur, etc.,
08:53 nous on se dit que ce sont des civilisations différentes.
08:55 Si on veut montrer que la nôtre est meilleure, supérieure, qu'on le fasse,
08:58 qu'on soit à la hauteur et qu'on assume nos propres valeurs,
09:01 et qu'on s'en vient de dire que peut-être le libertinage, c'est mieux que la monogamie,
09:06 la fidélité avec des enfants qu'on marie en disant "tu vas épouser cette femme", etc.
09:10 Et je défends la civilisation judéo-chrétienne, c'est celle-ci que je défends,
09:14 c'est la civilisation qui fut celle des mini-jupes, qui fut celle de la liberté, etc.
09:18 - Et puis enfin, ce sont des... - Qu'il est encore, qu'il est encore.
09:20 - Ça dépend où, ça dépend dans quel quartier. - Je suis d'accord.
09:23 - Vous avez bien vu que dans certains collèges et dans certains lycées,
09:26 ce n'est plus du tout le cas.
09:27 C'est des gens qui nous annoncent "ah non, ça c'est fini".
09:29 - Il y a même des proviseurs de l'lycée Maurice Ravel qui a quitté ses fonctions il y a quelques jours.
09:32 - Et puis des syndicats en Seine-Loire qui disent qu'effectivement c'est provoqué.
09:36 - Justement, j'aimerais atterrer votre attention sur une autre séquence
09:39 qui montre à quel point les islamistes, pour le coup,
09:41 multiplient les provocations pour tester notre République.
09:44 Là, c'est le gérant d'une boutique de chaussures qui a été menacé à mort à Strasbourg
09:48 parce qu'il avait refusé à une vendeuse intérimaire
09:52 le fait de venir travailler en portant le voile islamique.
09:56 Ce qu'il a le droit de faire, puisque ce qui est prévu par la loi française.
09:58 On va juste regarder un extrait de cette séquence,
10:01 que la jeune fille a filmé sur son téléphone portable et l'a mise sur les réseaux sociaux.
10:04 Puis on va essayer de comprendre pourquoi cet homme est menacé de mort aujourd'hui.
10:08 - Vous allez vous mettre dehors parce que c'est un lieu...
10:10 - Mes affaires sont en haut. Je vais attendre que vous finissiez avec ce student-pub.
10:14 - Non, non, vous m'excusez parce que là, je vais entendre bien.
10:16 - Parce que c'est une mission qui vous concerne.
10:17 - Non, alors là, on est sur un lieu privé, donc vous récupérez vos affaires et vous sortirez.
10:19 - Monsieur, je parle calmement. Je vais patienter pour vous appeler l'agence qui m'a fait amener ici.
10:24 - Là, c'est moi qui vous demande de récupérer vos affaires et de sortir.
10:26 - J'attends que vous finissiez. - Non.
10:28 - C'est un lieu privé. Vous n'avez pas le droit.
10:30 - Parce que vous n'allez pas changer mes propos.
10:32 - Je ne sais pas si vous entendez ou pas, mais...
10:34 - C'est vous qui changez mes propos. - J'ai mis ce collar. Là, elle est devant moi.
10:36 - J'attends que vous finissiez.
10:38 - Ah, mais vous n'allez pas attendre que je finisse.
10:40 - Bien sûr. - Si je vous demande de sortir, vous sortez.
10:42 - Non, bien sûr. J'attends que vous finissiez. - Ah, alors, vous n'allez pas sortir.
10:44 - J'attends que vous finissiez parce que je ne veux pas que vous changez mes propos en disant que c'est moi qui ne veux pas rester.
10:48 - Je ne change pas les propos. - Vous me dites de partir. C'est différent.
10:50 - Je ne change pas les propos. - Vous me dites de partir. C'est différent.
10:52 - Vous n'avez pas la tenue adéquate. Je ne peux pas vous garder si vous ne souhaitez pas garder la tenue adéquate.
10:56 - Voilà. Dites ça. Mais ne dites pas que c'est moi qui ne veux pas rester.
10:59 - Vous m'avez dit que de toute façon, vous ne vouliez pas faire la mission comme ça.
11:02 - Non, non. Pas du tout. - C'est vous qui me l'avez dit.
11:04 - Bref, on ne va pas y parler. - Pas du tout.
11:06 - Vous me dites de partir parce que j'ai le voile.
11:08 - Alors, vous m'excusez. Je suis au téléphone. - Je parle.
11:10 - Oui, parce que vous n'avez pas la tenue adéquate. - J'ai le voile. Il faut le dire. Il faut passer par les mots.
11:15 - Oui. Mais parce qu'on est en France, madame. C'est dans la loi.
11:20 - La loi française, effectivement, qui dit qu'un employeur privé est en droit d'imposer une tenue vestimentaire,
11:26 notamment dans le secteur du commerce. Le résultat, c'est que c'est ce monsieur-là qui est aujourd'hui menacé de mort.
11:31 Qu'est-ce que ça dit aujourd'hui de notre société ? Michel Onfray.
11:34 - Vous avez raison de dire que cette dame, elle pousse des pièces.
11:37 On voit bien que quand vous avez ce genre de discussion, c'est quand même bizarre de filmer ça.
11:41 Et puis quand vous avez filmé la chose, c'est quand même bizarre aussi, quand je dis bizarre, évidemment, c'est une litote,
11:45 mais de mettre ça sur le net en sachant très bien que ça va produire ce genre d'effet et que ça va produire ce genre de commentaire.
11:49 Donc, vous avez effectivement des gens qui disent oui, effectivement, il y a deux manières de vivre sa civilisation,
11:53 mais il y a une manière qui va imposer la sienne, une manière minoritaire qui veut devenir majoritaire.
11:58 Et c'est là que c'est un peu problématique, c'est-à-dire que ce monsieur, il a effectivement des problèmes
12:02 avec éventuellement une communauté de musulmans intégristes qui ont fait savoir qu'il serait du côté de cette dame
12:06 et qu'il pouvait menacer de mort. Peut-être pas non plus des communautés,
12:10 ce sont peut-être des individus qui interviennent de manière anonyme, parce que c'est aussi comme ça que fonctionne le net.
12:16 Et puis s'il y a encore quelques autres problèmes, qui va défendre ce monsieur ?
12:20 Il y a un moment donné où le syndicat de la magistrature ne le défendra pas, ça c'est évident.
12:24 La police le défendra, la police fait bien son travail.
12:27 Et quand elle aura bien fait son travail, il y a un moment donné où quand il faudra mettre cette dame en présence du juge,
12:32 on fera savoir à ce monsieur que c'est un raciste, que c'est un islamophobe, etc.
12:36 Donc il y a plein de gens qui préfèrent se taire ou qui préfèrent mentir.
12:38 Mais on sait très bien que la discrimination, elle est perpétuelle.
12:41 Si vous avez des CV pour un métier et que vous arrivez et que vous êtes 15 personnes et qu'il y a un poste pourvu,
12:46 il y a 14 personnes qui n'auront pas été sélectionnées. Pour quelle raison ?
12:49 On ne dira pas non plus qu'on fait des discriminations faciès, des filles qui ne sont pas jolies, sexy, etc.
12:53 Ça ne se dit pas, ça non plus. On dira "bah non, madame, le poste est pourvu"
12:56 ou quelqu'un qui bégayera ou je ne sais quoi en dira "bah non, madame, etc."
12:59 - Et comment vous faisiez-vous, Michel ? Vous avez été enseignant pendant longtemps,
13:02 quand vous étiez confronté à ce genre d'attitude.
13:05 - Il y a 20 ans que je ne suis plus enseignant. - Donc c'était il y a longtemps.
13:08 - On dirait que c'était il y a 40 ans. Donc j'avais une vingtaine d'années,
13:12 quand j'étais un jeune prof, la question ne se posait pas.
13:14 Et je pense que maintenant elle se pose, évidemment.
13:17 Elle commençait à se poser, il y avait une jeune fille dans ma classe
13:21 qui était une jeune convertie musulmane.
13:23 Et là, pour le coup, j'ai commencé à dire "bon écoutez, on va lire le Coran ensemble avec la classe".
13:28 En disant "c'est dit dans le Coran". "Mais non, ce n'est pas vrai, monsieur."
13:31 Je dis "bah je ne l'ai pas sur moi, mais évidemment, demain je reviens".
13:34 Il lui aura le Coran, on va faire une analyse de texte.
13:36 Et on fait une analyse de texte ensemble.
13:38 Et on faisait un travail philosophique sur le texte.
13:40 Comment on peut faire un travail philosophique sur les civilisations ?
13:43 Il n'y a pas que la charia, il y a aussi des traditions.
13:45 Il y a une charia qui dit "ben voilà, vous êtes un voleur, on vous coupe la main".
13:48 Est-ce que c'est ce qu'il faut faire en France ?
13:50 - En tout cas, c'était possible dans un cadre scolaire,
13:52 c'est difficile dans un magasin de chaussures.
13:55 - Oui, parce qu'effectivement, qui plus est, quand vous êtes filmé,
13:58 que vous avez presque une arme sur la tempe.
14:00 C'est une arme médiatique. Vous avez une arme médiatique sur la tempe.
14:02 Et on dit "cher monsieur, vous êtes en train de parler à des millions de gens".
14:04 Et la dame, elle avance ses pions.
14:06 Et le monsieur, il ne lui dit pas "à un moment donné, arrêtez de filmer".
14:08 Il ne dit pas ça, il laisse se faire.
14:10 Il sait très bien qu'il y aura un usage de ces choses-là.
14:12 C'est-à-dire qu'il y a, oui, un choc des civilisations.
14:14 Mais ceux qui disent qu'il n'y a pas de choc des civilisations
14:16 sont déjà des gens qui ont choisi leur camp.
14:18 - Oui, mais on peut dire que ce choc des civilisations existe.
14:20 Mais nous, nous en avons une aussi.
14:22 Et on va vous expliquer pourquoi.
14:24 Plutôt que de dire non en permanence, et je ne veux pas,
14:26 parce que vous avez un voile, parce que finalement,
14:28 tout ça devient un problème, alors que ça ne devrait pas en être un.
14:30 J'ai beaucoup dit que le problème, c'était pas ce qu'on avait sur la tête,
14:32 mais dans la tête.
14:34 Cette dame, moi, ce qui m'intéresse, c'est ce qu'elle pense.
14:36 C'est pas ce qu'elle a sur la tête.
14:38 Si elle défend un islam d'une certaine manière laïcisée,
14:42 c'est pas exactement la même chose que quelqu'un qui arriverait sans voile,
14:45 mais qui en même temps serait déterminé à être une intégriste.
14:48 Donc c'est pas aussi manichéen que ça de dire
14:52 "je vois votre tête, je vois votre religion, je vois votre nom, je vois votre voile,
14:55 et immédiatement je vous associe à quelqu'un qui n'a pas le droit de faire ce genre de choses".
14:59 On n'arrête pas de s'envoyer des "j'ai le droit, j'ai pas le droit en France"
15:02 et on ne discute plus, et c'est terrible.
15:04 - Il y a un autre thème, M. Lomprey, sur lequel j'avais très envie de vous entendre aujourd'hui,
15:07 c'est cette étude sur la lecture chez les jeunes,
15:10 qui est absolument effrayante, une étude d'Ipsos,
15:12 commandée par le Centre National du Livre,
15:14 qui montre que la pratique de la lecture chez les 7-19 ans est en chute libre,
15:17 et alors si on prend la catégorie d'âge des 16-19 ans,
15:21 ils passent moins d'1h25 à lire par semaine,
15:25 quand ils passent 5h10 par jour sur leurs écrans.
15:28 La différence est absolument vertigineuse.
15:31 Et pour moi tout est lié, quand on n'a pas les mots pour s'exprimer,
15:34 et bien c'est la violence qui devient un langage quotidien.
15:37 On va juste écouter Emmanuel Macron,
15:39 qui lui a demandé, en se rendant au Festival du Livre de Paris,
15:44 il y a très peu de temps,
15:46 à ce qu'il y ait quasiment un quart d'heure ou une demi-heure de lecture imposée aux enfants.
15:49 On va l'écouter, vous allez me dire ce que vous en pensez.
15:51 - Il va nous falloir relancer très fortement l'initiative pour la lecture,
15:55 dont j'ai demandé à la ministre, et on va y travailler ardemment,
15:58 à l'école, dans les bibliothèques,
16:00 mais en quelque sorte dans tous les lieux où nos enfants se trouvent,
16:03 les crèches et autres, s'assurer qu'on a des livres,
16:06 on met plus de livres, inciter à la lecture,
16:09 et peut-être maintenant systématiser ces rites de lecture quotidienne.
16:13 Un quart d'heure, une demi-heure de lecture chaque jour pour nos enfants,
16:17 c'est je crois un geste très simple qu'on peut organiser dans la société.
16:20 - Voilà pour Emmanuel Macron.
16:22 Il y a beaucoup d'injonctions dans cette société,
16:24 mais l'injonction à lire, ce n'est pas une injonction comme les autres, Michel Onfray.
16:27 - C'est une journée de la femme.
16:28 - Ce n'est pas cinq fruits et légumes par jour, c'est autre chose.
16:30 - Oui, c'est une journée de la femme, et puis le restant de l'année,
16:32 on a le droit d'être misogyne.
16:33 - Ritualiser, c'était quoi l'expression ?
16:36 - Oui, ritualiser la lecture.
16:38 - Le rituel. Ça doit être un rituel.
16:41 Ce n'est pas un rituel, ça s'appelle l'éducation nationale.
16:43 Mon père, il a quitté l'école, il savait lire, écrire,
16:46 il a été ouvrier agricole toute sa vie, il a quitté à 13 ou 14 ans,
16:50 il savait lire, non pas parce qu'il y avait eu un rituel de lecture
16:53 qui aurait montré qu'il y avait une espèce de truc magique
16:55 qui s'appelle le livre, regarder les enfants, il y avait ce genre de choses.
16:57 Il y a encore quelques temps, Gabriel Attal,
16:59 qui est une espèce de ministre de l'éducation nationale,
17:02 était en train de nous expliquer tout ça, formidable, puis il ajoutait
17:05 "et puis aussi l'écran ceci et l'écran cela", etc.
17:07 On disait "ben voilà, c'est en même temps".
17:10 - Il ne veut pas d'une génération TikTok, qui est un réseau social très connu chez les jeunes.
17:14 - Je vais te dire une chose, quand j'étais jeune homme,
17:16 j'allais dans une bibliothèque.
17:18 - Il y en a encore, Michel, des bibliothèques.
17:21 Oui, il y a encore des bibliothèques.
17:23 - Des bibliothèques, peut-être, mais quand on a commencé à dire
17:26 "ben voilà, on a des médiathèques", ça voulait dire qu'on mettait à égalité,
17:29 à l'époque c'était des cassettes VHS, ou c'était des disques 33 tours,
17:32 et on disait "voilà, maintenant vous avez des disques, des cassettes VHS,
17:35 des cassettes audio, et puis vous avez aussi les livres".
17:37 C'était mettre le loup dans la bergerie.
17:39 Il n'y avait qu'à faire une médiathèque avec des trucs pour des médias,
17:42 mais un livre n'est pas un média, comme les autres.
17:44 Et on aurait très bien pu dire "non, non, c'est un sanctuaire".
17:46 Pas du tout.
17:47 C'est-à-dire qu'on a commencé à toucher au livre,
17:49 puis après on a commencé à faire une littérature pour enfants,
17:51 une espèce de bouillie idéologique, alors que finalement on a des grands auteurs.
17:54 Je relisais aujourd'hui, quand je dis relire, c'est vraiment relire,
17:58 "La Chèvre de Monsieur Seguin".
18:01 Chose que j'ai lue quand j'étais à l'école, et je me suis dit
18:03 "tiens, à quoi ça ressemblait véritablement ce texte d'Alphonse?"
18:06 C'était très très intéressant, parce que c'est une leçon de morale en même temps.
18:09 Cette espèce de désir, de liberté, en disant "ah la liberté, attention,
18:12 il y a des loups, et dans un monde qui..." etc.
18:14 Et on se dit "bien sûr que c'est l'histoire d'un berger avec sa petite chèvre,
18:18 d'un chevrier, et avec sa petite chèvre,
18:20 mais en même temps, c'est une leçon de morale.
18:22 Et on peut très bien dire "mais regardez, amener les enfants au livre
18:27 avec des histoires comme celle-ci".
18:29 Je lis des contes de maupassance, mais il y a un tas de contes
18:32 qui sont des leçons de philosophie pour les enfants,
18:34 et plutôt que d'avoir une espèce de rituel de ceci ou je ne sais quoi,
18:37 juste dire "mais l'école c'est le lieu du livre, c'est pas le lieu du média,
18:40 c'est pas le lieu de l'ordinateur, c'est pas le lieu de la tablette,
18:43 c'est pas le lieu de l'écran".
18:44 - C'est aussi ce lieu-là, au fur et à mesure de l'année 2024.
18:47 - Oui, c'est surtout.
18:48 Aujourd'hui, on apprend la grammaire ou la syntaxe avec une tablette,
18:51 mais non plus avec la main, avec le papier, avec l'écriture.
18:54 Ce qui se passe par la main, ça ne sollicite pas le même cerveau.
18:57 - On est d'accord, le même endroit du cerveau.
19:00 Mais pour en revenir au constat que je faisais,
19:02 c'est-à-dire que moins vous avez de mots à votre disposition,
19:05 plus votre vie en société est difficile,
19:08 et plus vous êtes amené à être violent,
19:10 parce que quand vous ne pouvez pas vous exprimer,
19:12 quand vous ne comprenez pas les codes de la société dans laquelle vous vivez,
19:15 la violence est peut-être parfois la réponse la plus simple.
19:17 - Oui, parce que vous avez raison.
19:19 Si on a des difficultés, on voit bien,
19:21 quand les gens parlent, d'où ils viennent.
19:24 Bourdieu avait écrit un livre qui s'appelait "Ce que parler veut dire".
19:27 Et on voit bien que dans la façon de parler, dans les mots qu'on utilise,
19:30 dans l'étendue du spectre, le vocabulaire, dans la nature de la syntaxe,
19:33 dans l'usage du ton,
19:35 vous avez des gens qui parlent d'une manière assez particulière, étonnante.
19:38 Il y a une publicité, je ne vais pas la dire,
19:40 mais il y a un moment donné, on a l'impression
19:42 que ces gens-là se mettent à parler comme François Hollande.
19:44 La France, elle est ceci.
19:46 On se dit "mais qu'est-ce que c'est que cette façon de parler ?"
19:48 Et donc il y a un moment donné où on voit bien que des gens maîtrisent
19:50 les codes linguistiques, les codes du langage, les codes du vocabulaire,
19:52 et qu'ils peuvent avoir un débat.
19:54 D'accord, pas d'accord, ils peuvent utiliser l'ironie,
19:56 ils peuvent utiliser l'humour, ils peuvent calmer le jeu,
19:58 ils peuvent envoyer une pique pour répondre avec une espèce de mise à distance, etc.
20:04 Tous les gens qui sont incapables de ça, immédiatement, ils insultent.
20:06 Et dès que l'insulte suit, d'abord l'insulte c'est la fin du langage,
20:11 et puis à partir de ce moment-là, c'est la première gifle, le premier coup de pied,
20:16 et puis on revient, vous avez vu ce genre de choses ?
20:18 Les gens reviennent avec des couteaux, quand ils n'ont pas le couteau sur eux,
20:21 ils reviennent avec des tournevis, des marteaux.
20:23 Mais tout est lié pour vous, le fait que la lecture s'effondre dans notre pays,
20:27 parce que là on a les chiffres sous les yeux,
20:29 et on peut lier ça à l'augmentation de la violence ?
20:32 Alors là pour le coup il faudrait revenir à cette idée, au statut de la violence.
20:36 Je pense que dans le judéo-christianisme, même si je le redis,
20:38 il y a dans l'Ancien Testament et dans le Nouveau Testament matière à justifier des actes violents,
20:42 il n'y a pas eu les croisades, l'Inquisition par hasard,
20:45 il y avait des textes de Saint-Paul qui le permettaient,
20:48 mais il y a quand même dans le Coran une culture viriloïde.
20:53 - Viriloïde ? - Viriloïde.
20:55 Les mecs, les hommes, les durs, les costauds, les tatoués, ce sont des guerriers,
20:58 ce sont des gens qui sont avec leurs chevaux,
21:01 qui vont faire des expéditions punitives, et qui égorgent, et qui coupent la tête, etc.
21:05 C'est une éthique de combat, comme l'éthique féodale chez nous au Moyen-Âge,
21:08 c'était aussi une éthique de combat, il faut faire avec la société.
21:11 L'islam est une religion qui pense le monde à partir de catégories du 7e siècle de notre ère.
21:16 Vous vous rendez compte ?
21:18 On se dit "mais c'est une éthique tout à fait particulière,
21:21 la morale du désert, la morale chevaleresque des Arabes du désert,
21:24 elle peut fonctionner dans une logique tribale, de tribu, au sens premier du terme,
21:29 est-ce qu'elle peut aussi fonctionner exactement de la même manière au 21e siècle ?
21:32 S'il n'y a pas de travail expliquant que, attention, peut-être qu'on peut être un peu plus subtil,
21:37 ce que je disais tout à l'heure de cette amie qui me disait "l'islam n'interdit pas l'alcool,
21:40 il interdit un certain type d'usage de l'alcool".
21:43 C'est plus du tout la même chose.
21:44 Mais l'islam n'interdit pas la lecture.
21:46 Alors ça dépend quel type de lecture, vous allez toujours pouvoir trouver le verset dans la Sourate
21:51 qui nous dit qu'on doit augmenter son savoir jusqu'à la Chine,
21:54 si on a envie de savoir des choses sur Dieu, et il faut effectivement,
21:57 donc les gens vous disent "bah vous voyez, c'est bien la preuve qu'il faut être cultivé,
22:00 intelligent, réfléchir, etc." Oui, bien sûr.
22:02 Et puis après vous avez un verset qui dit le contraire.
22:04 Suivant qu'un individu ira prélever le verset qui justifiera l'intelligence,
22:08 ou qu'il justifiera avec un verset qui lui justifie la décapitation,
22:12 ça viendra du même texte, ça ne donnera pas la même société.
22:15 J'ai bien peur que le problème de la lecture chez les jeunes soit évidemment qu'un problème très général
22:20 et pas lié à telle ou telle religion.
22:22 C'est vraiment un problème qui touche absolument tous les jeunes,
22:24 toutes les catégories socios...
22:26 Mais la lecture du Coran, vous avez une lecture musulmane du Coran,
22:30 qui est une lecture de la répétition,
22:32 vous avez une lecture occidentale qui est une lecture de commentaires,
22:34 ce qui ne signifie pas exactement la même chose.
22:36 Bon, allez, on fait une petite pause Michel, on ferait,
22:38 sur cette première partie qui était passionnante,
22:40 on va se retrouver dans un instant, on va parler des commémorations d'Emmanuel Macron,
22:43 vous avez évoqué au début de l'émission les plateaux des Glières,
22:46 le 80e anniversaire des combats du plateau des Glières,
22:49 on écoutera André Malraux à votre demande,
22:51 et puis on parlera aussi du Pape, de ce que l'Église catholique a donné comme vision
22:55 pour la dignité humaine.
22:57 A tout de suite, dans Face à Michel Onfray.
22:59 Et on se retrouve pour la seconde partie de Face à Michel Onfray.
23:01 Michel, on va parler maintenant de l'Église catholique,
23:03 puisque cette semaine, elle a donné sa vision de la dignité humaine,
23:06 avec un texte publié par le Vatican intitulé "Dignitas Infinita",
23:11 qui est le fruit de 5 ans de travail publié par le Dicaster
23:13 pour la doctrine de la foi chargée du dogme.
23:16 On fait le point avec Augustin Donadieu sur ce qu'il y a dans ce texte,
23:19 et je vous passe la parole pour savoir ce que vous en pensez.
23:22 On regarde.
23:23 Solennellement intitulé "Dignitas Infinita",
23:26 la déclaration sur la dignité humaine en français,
23:29 le texte publié par le Vatican hier vient réaffirmer les principes éthiques
23:33 qui fondent la vision de l'Église catholique de la personne humaine.
23:37 14 thématiques y sont abordées, parmi lesquelles la théorie du genre,
23:41 l'avortement, la gestation pour autrui, l'euthanasie et le suicide assisté,
23:45 ou encore les migrants.
23:47 Des sujets plus ou moins dans l'actualité,
23:49 sur lesquels l'Église a voulu rappeler sa pensée.
23:53 Toute intervention de changement de sexe risque en général
23:56 de menacer la dignité unique qu'une personne a reçue
23:59 dès le moment de la conception.
24:01 Sur l'homosexualité, l'Église se dresse contre sa criminalisation,
24:05 toujours en vigueur dans de nombreux pays, notamment en Afrique.
24:09 L'Église dénonce le fait que dans certains endroits,
24:12 de nombreuses personnes soient emprisonnées, torturées,
24:15 et même privées du bien de la vie, uniquement en raison
24:18 de leur orientation sexuelle.
24:20 Sur la fin de vie, l'Église redit sa ferme opposition
24:23 à l'euthanasie et au suicide assisté,
24:25 alors qu'un projet de loi sur la fin de vie ouvrant le droit
24:28 à une aide à mourir doit être présenté mercredi
24:31 en Conseil des ministres en France.
24:33 - Michel, on va revenir dans le détail de ce que dit
24:36 l'Église catholique, mais pour vous,
24:38 qu'est-ce que ça serait une définition de la dignité humaine ?
24:41 - C'est effectivement ce qui manque.
24:43 Moi, je n'ai pas lu encore ce texte-là intégralement.
24:46 J'ose espérer que la définition est donnée.
24:49 Je ne sais pas où il y a de l'indignité.
24:51 Je défends l'euthanasie, mais je défends aussi
24:54 le droit à mourir dans la dignité, l'expression existe.
24:57 On n'est pas indigne quand on est mourant.
24:59 J'ai connu, moi, hélas, ces choses-là d'assez près.
25:02 Il n'y a pas d'indignité.
25:04 Les gens qui sont dans un état d'agonie ne sont pas indignes.
25:08 Je ne vais pas rentrer dans les détails,
25:11 mais on peut vomir, on peut faire ses besoins partout.
25:14 Ce n'est pas indigne, surtout quand on aime les gens.
25:17 Même quand on les aime et qu'on est infirmiers, infirmières,
25:20 médecins, etc., et qu'on s'occupe des gens.
25:22 J'ai un peu un problème avec ce mot de dignité.
25:24 Je ne sais pas où il se termine.
25:26 C'est ça, en disant que quelqu'un qui fait sous lui,
25:29 qui part partout, n'est pas indigne.
25:31 Je défends tout de même.
25:33 Il faudrait peut-être faire un débat sur l'euthanasie,
25:36 la dignité, peut-être avec Philippe de Villiers.
25:39 - On le fera. Premier, on va l'organiser avant la fin de la saison.
25:42 - La question se pose de la définition de la dignité.
25:44 Je pense que c'est la liberté qui est en jeu, plus que la dignité.
25:47 Il y a plein de cas de figure.
25:49 Entre quelqu'un qui a eu un AVC massif
25:51 et qui n'a plus les moyens de choisir
25:53 de le vivre ou de ne pas le vivre,
25:55 et quelqu'un qui dit "je n'en peux plus de vivre,
25:57 aidez-moi à en finir", ce n'est pas du tout la même chose.
26:00 Vous avez un suicide assisté, etc.
26:02 Il faudrait s'entendre sur ce sujet.
26:04 Il faudrait lire très précisément le texte.
26:07 C'est un millefeuille, l'Église.
26:09 Jésus est une chose. Je ne vais pas parler de la question de l'historicité de Jésus,
26:13 mais Jésus dit quelque chose.
26:15 - Il y a un livre là-dessus.
26:17 - Je crois que c'est un concept, Jésus.
26:19 Ce n'est pas une existence historique, mais peu importe.
26:21 Autre sujet de différence avec Philippe de Villiers.
26:23 Il y a Jésus, puis il y a le Christ crucifié,
26:25 puis il y a Saint Paul qui fabrique une doctrine,
26:28 puis il y a ceux qu'on appelle les pères de l'Église
26:31 qui pensent toutes ces questions-là.
26:33 Puis après, vous avez les conciles.
26:35 Le pape dit à un moment donné, dès sa conception.
26:39 C'est un truc philosophique très important.
26:41 Pour une raison bien simple.
26:43 Quand le spermatozoïde et l'ovule se rencontrent,
26:45 vous avez l'œuf et vous avez deux écoles philosophiques chrétiennes
26:48 qui vous disent, pour l'une, Saint Augustin,
26:51 dès qu'il y a l'œuf, il y a la vie.
26:54 La vie est digne et il y a l'humain.
26:56 Et puis, vous avez une autre école, celle de Thomas d'Aquin,
26:59 qui lui dit, l'âme arrive plus tard.
27:01 L'âme arrive dès la conception, dit Augustin.
27:04 C'est la doctrine officielle de l'Église, c'est ce que dit le pape.
27:07 Et puis d'autres disent, l'âme arrive à la 25e, 22e semaine.
27:10 Donc, en attendant, s'il n'y a pas d'âme,
27:13 on peut peut-être être catholique et justifier l'avortement.
27:15 On pense bien que Jésus n'a rien dit sur l'avortement,
27:17 encore moins sur la gestation pour autrui.
27:19 C'est-à-dire qu'à un moment donné, quand le pape parle au nom du Christ,
27:22 il parle au nom des conciles.
27:24 Et les conciles, ce sont des gens qui,
27:26 quand on s'occupe de l'histoire des conciles,
27:28 vous avez des évêques illettrés, des gens qui arrivent alcooliques,
27:30 alcoolisés, ils ont fait une espèce de fiesta entre eux,
27:32 ils viennent de loin, etc.
27:33 Vous avez des gens qui vous donnaient un petit peu d'argent
27:35 et qui disent, tu vas voter pour l'âme qui arrive dès la naissance.
27:38 D'autres disent, non, tu vas voter pour l'âme qui arrive 25 semaines plus tard, etc.
27:42 Les conciles, ce n'est pas seulement l'Esprit Saint qui s'exprime.
27:44 Ce n'est pas toujours comme ça que ça se passe.
27:45 - Non, c'est parfois des tractations et chacun le sait.
27:47 - C'est même tout le temps.
27:48 C'est le genre Assemblée générale du Parti socialiste.
27:50 Enfin, quand le Parti socialiste existait.
27:52 Mais là, vous avez, chez le pape,
27:54 il faudrait reprendre chaque mot et dire, attention, derrière tout ça,
27:56 il y a 15 siècles de théologie, il y a 15 siècles de patristique,
28:00 il y a 15 siècles d'histoire.
28:01 - Mais avec des sujets d'actualité, Michel Onfray.
28:03 La théorie du genre, voilà, le Vatican dénonce avec force cette théorie du genre.
28:06 - Ce n'est pas la même chose, la théorie du genre, par exemple,
28:08 et l'euthanasie et le mariage des homosexuels et la possibilité de changer de sexe.
28:12 - Pas sur le même plan.
28:13 - Et puis les migrants.
28:14 C'est-à-dire cette façon de prendre, que viennent faire les migrants dans cette aventure.
28:17 On peut avoir peut-être un autre texte sur la question de l'hospitalité.
28:20 Est-ce que l'hospitalité d'un homme, c'est l'hospitalité d'une civilisation ?
28:24 Est-ce que, etc., etc.
28:25 Enfin, il y aurait des choses à dire.
28:26 Mais on voit les migrants apparaître dans cette aventure.
28:28 On se dit, qu'est-ce qui tient tout ça ? La dignité ?
28:31 Il y a une théorie de la vie dans l'Église qui est constante, quand même.
28:34 Tout de même, cette idée que la vie est donnée par Dieu,
28:36 elle doit être reprise par Dieu.
28:38 Et les hommes n'ont pas à reprendre cette vie-là,
28:41 ni même à la donner selon leur choix.
28:43 Vous savez que la contraception est théoriquement interdite,
28:45 en dehors de la méthode d'Eugéno,
28:46 qui suppose qu'on puisse dire méthode prétendument naturelle,
28:50 mais pas de méthode artificielle, parce que c'est interdit.
28:52 Vous ne choisissez pas, c'est Dieu qui veut.
28:54 Tout ça, ça se discute.
28:55 Moi, je trouve très bien que le pape dise des choses de cette nature-là,
28:59 parce que ces motifs à discussion, c'est une civilisation
29:02 qui se joue dans cette aventure.
29:04 C'est même l'avenir d'une civilisation.
29:05 Vous avez évoqué la question des migrants,
29:07 et effectivement, les questions de l'immigration sont très présentes
29:10 dans le débat public national.
29:12 Cette semaine, les membres du Conseil constitutionnel
29:15 ont rejeté la demande de référendum d'initiative partagée
29:18 qui avait été formulée par les Républicains.
29:21 Les Républicains souhaitaient pouvoir donner la parole
29:24 au peuple français sur cette question-là.
29:26 Ça ne vous étonne pas que le Conseil constitutionnel ait dit non
29:28 pour telle et telle raison ?
29:30 Il n'est pas question d'organiser un référendum sur ce thème-là ?
29:34 Ils font tous de la politique politicienne.
29:35 Je rappelle quand même que les Républicains
29:37 ne se sont pas manifestés comme des grands amateurs de référendum.
29:40 Je crois me souvenir qu'il y a eu un moment donné, d'ailleurs,
29:43 où un référendum a existé en 2005, et où en 2008,
29:46 on a dit "votre référendum, républicains, socialistes et autres,
29:49 on va vous le mettre à la poubelle tout de même".
29:51 Donc il y a beaucoup de politique politicienne là-dedans.
29:53 Ce que je retiens dans cette aventure, le pire,
29:55 c'est que la démocratie est morte.
29:57 On va demander à un Conseil des prétendus sages
30:00 de décider de la politique de la nation.
30:03 Donc la démocratie est morte pour vous ?
30:04 Oui, parce que c'est à la nation de décider
30:06 de la politique de la nation.
30:07 Mais elle s'exprime dans les élections.
30:09 Oui, alors là, on est entièrement d'accord.
30:10 Mais là, vous avez des gens qui vous disent non,
30:11 la démocratie ne s'exprime pas dans les élections.
30:12 Ça continue.
30:13 Ça continue.
30:14 En 2005, on vous dit "vous avez voté, vous avez mal voté, etc.
30:16 On va vous refaire le référendum, on vous le remet à la poubelle".
30:19 Là, ça continue.
30:20 On va demander à M. Fabius,
30:21 qui veut, je crois, rentrer à l'Académie française,
30:23 ce qu'il en pense véritablement,
30:25 et M. Fabius et ses copains disent "bon, non, finalement,
30:27 on a décidé que non".
30:28 Mais qui sont ces gens-là ?
30:29 Mais ils ont peur du peuple.
30:30 Est-ce qu'aujourd'hui, nos élites politiques,
30:31 quelles qu'elles soient, de quelque parti que ce soit,
30:33 ont peur des Français et du jugement des Français ?
30:35 Oui.
30:36 Je pense que le gaullisme, c'est ça.
30:38 C'est de dire "on va au peuple"
30:39 et le peuple nous dit "j'y vais ou j'y vais pas,
30:40 je fais ou je fais pas".
30:41 On n'a pas à demander à des conseils de sages,
30:43 qui sont des gens qu'on peut circonscrire,
30:46 on dira pour rester poli,
30:47 et qu'on peut inviter autour d'une table.
30:49 Donc on peut toujours corrompre des gens avec lesquels on mange.
30:51 C'est toujours une leçon Brias-Avarin.
30:53 Mais là, on se dit "mais on ne peut pas corrompre un peuple qu'on sollicite".
30:57 Demandez au peuple.
30:58 Ils sont français, ils sont en train de nous dire
30:59 "le général de Gaulle disait que",
31:00 "le général de Gaulle pensait que",
31:01 "mais le général de Gaulle, il devrait vous dire où sont vos référendums".
31:04 On a un sondage qui a été fait pour CSA/Cnews Europe 1 de Gilead,
31:08 "êtes-vous pour ou contre un référendum sur la politique migratoire en France ?"
31:11 69% des Français se disent "pour",
31:13 31% "contre".
31:15 Les Français sont favorables, est-ce qu'on leur pose la question ?
31:17 Bien sûr, et voilà pourquoi ces gens-là ne sont pas favorables,
31:19 parce qu'on demande au peuple, puisqu'ils connaissent la réponse.
31:21 Vous dites "on demande au peuple",
31:22 il va vous répondre majoritairement qu'il est pour,
31:24 et eux ne sont pas pour,
31:25 puisqu'ils ont décidé qu'ils étaient pour l'immigration.
31:27 Ils sont pour une immigration massive.
31:29 Le peuple n'est pas contre l'immigration,
31:31 il est contre une immigration qui est faite de manière sauvage,
31:33 en disant "tout le monde",
31:34 parce que c'est formidable, comme le peuple le fait.
31:36 C'est juste de dire "non, s'il s'agit de faire venir des gens qui veulent bien être intégrés",
31:41 c'est-à-dire des gens qui peuvent réserver un certain nombre de pratiques,
31:44 ce dont on a parlé tout à l'heure,
31:45 pour l'intérieur, l'intérieur de la maison, le domaine privé,
31:48 où on dit "non, on va s'habiller comme ça, on va manger comme ça,
31:50 on va se comporter comme ça",
31:51 dans la maison,
31:52 mais en dehors de la maison,
31:54 eh bien on est Français, on a un mode de vie, etc.
31:57 Donc les Français ont le droit de vivre,
31:59 mais acceptons tous les gens qui veulent partager notre mode de vie,
32:02 quant à ceux qui ne le veulent pas,
32:03 peut-être ne sont-ils pas forcément prioritaires.
32:05 Donc c'est très sain, dans l'esprit des Français, ces choses-là.
32:08 Simplement dans l'esprit de ceux qui disent
32:10 "non, on a absolument besoin de faire une immigration massive,
32:14 parce qu'il faut absolument que le peuple,
32:15 que j'ai appelé "old school",
32:16 le peuple des travailleurs qui dit rien,
32:19 qui paye ses impôts,
32:20 enfin ses impôts à dire rien,
32:21 parce que lui, quand il va chercher sa baguette,
32:22 son morceau de beurre, etc.,
32:24 il paye des impôts,
32:25 et celui-là, on n'a pas envie de l'entendre.
32:26 On dit "taisez-vous".
32:27 Monsieur, je ne vais pas reprendre son nom,
32:29 mais je vais dire "Monsieur du Conseil d'État,
32:31 Monsieur du Conseil Constitutionnel,
32:32 Monsieur de telle instance,
32:33 a décidé que,
32:34 le banquier de l'ABCE a décidé que",
32:37 on dit "oui, mais nous, elle est où notre parole ?"
32:40 On dit "non, mais c'est fini,
32:41 le peuple, il obéit, il ne commande plus".
32:42 Le peuple doit commander,
32:43 c'est ce que disait le Général de Gaulle,
32:45 et il commande d'une manière extrêmement simple,
32:46 c'est-à-dire en faisant des majorités à l'Assemblée Nationale,
32:48 des majorités au Sénat,
32:50 c'est-à-dire une majorité au Congrès,
32:51 et il fait des majorités sur des questions,
32:53 comme le référendum.
32:55 On peut très bien, moi j'ai confiance dans l'intelligence du peuple français,
32:58 dire "on va faire des vrais débats dignes de ce nom",
33:00 sur un plateau comme ici,
33:02 en disant "on va faire un débat sur l'euthanasie,
33:04 sur l'immigration,
33:05 et on va entendre des gens,
33:06 pas seulement des gens...
33:07 - Qui ne sont pas d'accord,
33:08 avec tous les points de vue représentés.
33:09 - Mais pas des gens de politique,
33:11 politiciennes, je ne vais pas...
33:12 - Oui, alors des experts.
33:13 - Des sociologues, des psychologues,
33:15 des philosophes, des écrivains,
33:17 enfin des gens dont l'intelligence est le métier,
33:19 un peu je dirais,
33:21 des professeurs reconnus comme tels,
33:23 en disant "on va s'expliquer,
33:24 on ne va pas s'insulter,
33:25 on va débattre,
33:26 et puis après, une fois éclairé",
33:27 c'est ce que disait Condorcet,
33:28 "une fois que le peuple est éclairé,
33:29 il s'exprime et il fait la politique de la nation,
33:32 qui se trouve conduite par un chef d'Etat".
33:34 Ce n'est évidemment pas ce qui se passe actuellement.
33:36 - Alors justement, chef d'Etat,
33:37 vous vouliez me parler, nous parler,
33:39 mon cher Michel Onfray,
33:40 des commémorations qui ont eu lieu le week-end dernier,
33:43 pour le 80e anniversaire des combats du plateau des Glières,
33:46 en Haute-Savoie,
33:47 foyer ardent de la résistance
33:49 où une centaine de martyrs furent tués en 1944.
33:52 Le président Macron s'y est rendu.
33:54 On va écouter un extrait du discours qu'il y a tenu,
33:56 puis on va écouter après André Malraux,
33:58 parce que vous avez tenu à ce qu'on ressorte
34:00 une archive d'André Malraux de septembre 1973.
34:02 D'abord on écoute Emmanuel Macron.
34:04 - Alors que l'étau se resserrait sur les zones des Glières,
34:07 ils reçurent un ultimatum.
34:10 Le chef de la milice offrait un sauve-conduit
34:13 aux membres de l'armée secrète.
34:15 En échange de la livraison des communistes et des apatrides.
34:20 Son message n'obtint pour toute réponse qu'un non.
34:28 Parce qu'il n'y avait plus alors précisément, aux Glières,
34:35 aucune division.
34:37 Il n'y avait que des enfants d'un même peuple de l'ombre.
34:40 Leur nom à tous était la France.
34:44 Leur cause à tous était la liberté.
34:47 Leur grandeur partagée était les Glières.
34:51 - Voilà pour le discours du président Macron.
34:54 On va écouter tout de suite le discours d'André Malraux,
34:57 au même endroit, le plateau des Glières.
35:00 C'était en septembre 1973.
35:02 Après vous nous direz pourquoi vous avez voulu ces deux extraits-là.
35:05 - Comme tous nos volontaires,
35:08 depuis Birakem jusqu'à Colmar,
35:11 comme tous les combattants de la France en armes
35:14 et de la France en rayons,
35:16 nos camarades vous parlent par leur première défaite
35:20 comme par leur première victoire,
35:23 parce qu'ils ont été vos témoins.
35:28 Les ombres inconnues qui se bousculaient aux Glières
35:32 dans une nuit de jugement dernier
35:35 n'étaient rien de plus que les hommes du nom.
35:38 Mais ce nom, du maquisard obscur
35:41 collé à la terre pour sa première nuit de mort,
35:45 suffit à faire de ce pauvre gars
35:48 le compagnon de Jeanne et d'Antigone.
35:52 L'esclave dit toujours oui.
35:55 - Formidable. Quel ton inimitable, André Malraux.
35:58 On ne va pas comparer les deux discours, ce n'est pas le sujet, Michel Onfray.
36:01 - Ah bon ? - Quel est le sujet pour vous ?
36:03 C'est quoi ? C'est cette manie des commémorations
36:06 qu'on a de plus en plus ?
36:08 - C'est le quart d'heure club théâtre d'Emmanuel Macron.
36:11 Il n'habite pas à son texte, il ne le croit pas, il n'est pas crédible.
36:14 - Pourquoi ? - Parce que j'ai des frissons quand j'écoute André Malraux.
36:17 Quand j'écoute Macron, je rigole. Il ne croit pas.
36:20 - C'est un procès d'intention.
36:23 - Non, non. - Vous ne pouvez pas dire que le président
36:26 n'est pas ému en se trouvant au plateau des Glières.
36:29 - Il peut être ému, mais il va être ému par le contraire dix minutes après.
36:32 Je suis un citoyen qui le subit depuis un mois et demi.
36:35 Je ne sais pas ce qui va se passer.
36:38 Il y a les résistants et les collabos.
36:41 Sous-entendu, il y a Marine Le Pen et moi-même.
36:44 Tout le monde doit comprendre ce genre de choses.
36:47 Il s'agit de faire de la récupération. Malraux fait de la récupération aussi.
36:50 J'entends bien mettre les choses en perspective.
36:53 - Quel type de récupération il fait à l'époque ? - Malraux ?
36:56 Quand le général de Gaulle arrive au pouvoir, tout le monde a collaboré ou presque.
36:59 Les vichistes, les pétinistes, etc. Les résistants, il n'y en a pas beaucoup.
37:02 On met faveur. Ce sont les gens qui le disent le 10 juin 1940.
37:05 Ils vont en disant "on y va". Il n'y a pas Malraux.
37:08 Notre ami Malraux arrive en mars 1944.
37:11 Il n'y a pas nos amis communistes qui eux sont deux ans en collabos, etc.
37:14 Evidemment, il n'y a pas les maréchalistes.
37:17 Pas beaucoup de profs de fac, tous les profs de fac ou presse,
37:20 tous les journalistes, tous les éditeurs, etc. ont été plus ou moins
37:23 vichistes, maréchalistes, etc. Marguerite Duras distribue le papier
37:26 pour vichier pétin, etc. Que fait le général de Gaulle ?
37:29 Il dit absolument qu'on fabrique une mythologie. Paris libéré par lui-même, etc.
37:32 Donc, on fait des commémorations. Non, alors lui, il invente une fiction
37:35 qui est "la France a été résistante et à la marge, il y avait quelques collabos".
37:38 Et donc, il faut absolument mettre en scène,
37:41 alors à la manière homérique avec Malraux,
37:44 on va mettre en scène une résistance qui aura été la France.
37:47 C'est bon pour la France. Ce n'est pas bon pour moi.
37:50 Pour être réélu, moi, un petit président de la République, je voudrais être réélu,
37:53 je voudrais faire des bons chiffres aux prochaines élections.
37:56 La France est ingouvernable si, effectivement, elle est explosée.
37:59 Il faut la rassembler. Donc, on fabrique ce mythe-là.
38:02 Et Malraux est là. Et comme Homère ou comme Echil,
38:05 enfin les grands tragédiens grecs, voilà quelqu'un qui nous raconte quelque chose
38:08 qui nous met les poils de boue sur le bras. Et puis, on se dit,
38:11 bon, on adhère à ce moment-là. Chez Macron, on sent bien qu'il y a toujours
38:14 un petit truc. C'est-à-dire qu'il ne parle que de lui.
38:17 Vous pensez vraiment qu'il ne parle que de lui ? Mais tous les présidents ont fait ça.
38:20 Ils ont tous commémoré. François Hollande, Nicolas Sarkozy,
38:23 François Mitterrand ont organisé des commémorations.
38:26 Ils ont tous fait la même chose. - On va dire que vous avez raison parce que,
38:28 je pense que quand vous n'avez pas rencontré l'histoire, vous faites semblant de l'avoir rencontrée.
38:34 Quand vous êtes le général de Gaulle ou Malraux, même si comme Malraux,
38:36 vous l'avez rencontrée un peu tardivement, vous l'avez rencontrée.
38:38 Vous avez l'onction de l'histoire. Ce n'est pas la même chose.
38:40 Qui a eu l'onction de l'histoire après ? Alors Mitterrand, mais quelle histoire ?
38:43 Si on peut se permettre de dire. La Francisque, la proximité avec la Cagoule avant-guerre,
38:48 les manifestations d'extrême droite contre les Juifs dans les années 30,
38:52 c'est hommage au travail de Pehan sur ce sujet.
38:55 Mais effectivement, le chef de l'État devrait être beaucoup plus modeste sur ce genre de questions.
38:59 Et peut-être laisser faire, alors peut-être pas son ministre de la Défense,
39:03 mais peut-être sa ministre de la Culture, je ne sais pas si elle est légitime aussi sur ce sujet.
39:07 Sur des commémorations comme celle-ci et des militaires.
39:09 - Mais est-ce qu'on ne fait pas nation sur ces moments-là ?
39:11 On ne fait pas nation comme ça. - Ce n'est pas ces rares moments.
39:13 On commémore l'ébarquement, on va le commémorer là. On commémore la fin des guerres.
39:17 - Le Normand que je suis prend le pari qu'on ne va pas parler beaucoup des Soviétiques le 8 juin.
39:22 - Ils ne seront pas là. - Non, non, ils ne seront pas là.
39:24 Mais simplement, cette guerre a été gagnée parce qu'il y a eu Stalingrad.
39:27 Il y a eu 20 millions de morts chez les Soviétiques quand même.
39:29 Donc je suis le premier à parler du pacte germano-soviétique,
39:32 mais je veux aussi être le premier à parler du sacrifice du peuple des Soviétiques à l'époque.
39:37 Il y a eu Stalingrad, s'il n'y avait pas eu cet effondrement du régime nazi sur le front de l'Est,
39:42 il n'y aurait jamais eu les Américains en France.
39:44 Il ne faut pas arrêter avec la mythologie des Américains.
39:47 Mais là, on va nous refaire le coup de la mythologie des Américains qui aiment tellement la liberté,
39:50 qui sont arrivés là, etc.
39:51 Il y avait aussi de l'autre côté les Soviétiques qui ont donné leur peau.
39:54 Simplement, comme Poutine c'est un méchant et que les Russes sont tous des méchants,
39:58 on ne va pas parler des Russes et on ne va pas, le 6 juin 1944, si on met place au débarquement,
40:02 on n'aura sûrement pas un éloge des soldats soviétiques ou éventuellement d'un...
40:06 - Peut-être. - Non, je prends le pari.
40:08 - D'accord. Mais en tout cas, je comprends ce que vous nous dites sur les commémorations
40:11 et l'utilisation qu'en font les présidents, mais je trouve quand même que ce sont des moments
40:15 où on peut faire nation et se rappeler qu'on est un grand pays qui a vécu des pans de l'histoire tragique.
40:20 - Je remettrai votre phrase au conditionnel, ce sont des moments où nous pourrions.
40:23 Et pas où on fait. On ne le fait pas comme ça.
40:26 Quand on voit ces gamins avec des t-shirts blancs, des baskets et des jeans qui sont là...
40:31 - Bateau d'église. Ça vous a choqué, ça ? - Oui.
40:32 - Les enfants qui sont là pour cette cérémonie, soit en basket. - Oui.
40:36 - Il aurait fallu qu'ils soient en costard ? - Non, pas les enfants.
40:38 Les enfants sont là, ils assistent à ça, ils prennent une leçon. Ils ne donnent pas des leçons.
40:41 Là, c'est notre époque. Les enfants donnent des leçons aux adultes,
40:44 les enfants ont des leçons à prendre. Ils sont là, ils écoutent, etc.
40:46 Et on a peut-être des héros de l'armée française qui peuvent tenir ce rôle-là.
40:52 Des gens qui, peut-être, ont donné une jambe, un bras, leur vue,
40:55 parce que ce sont des soldats de combat ou éventuellement des soldats de commando
40:58 qui sont là, qui sont présents, qui sont l'élite de l'armée française,
41:01 à qui on pourrait donner ce genre de travail à faire.
41:03 C'est le moment. Le patron d'Aiglière, c'est un militaire, c'est un soldat.
41:09 Et là, c'est comme les gamins qu'on avait fait courir dans je ne sais plus quelle commémoration
41:13 d'un cimetière de la guerre 14-18. Alors, ils étaient tous en train de s'égailler, etc.
41:16 Mais c'est honteux. On doit aux morts autre chose que ça.
41:19 On doit à la France et à l'histoire de France autre chose que ça.
41:22 Et puis, les enfants ont leur place. Les enfants n'ont pas de leçons à donner aux adultes.
41:25 Un jour, quand ils seront adultes, ça viendra. Mais pour l'heure, cette façon de...
41:28 Il y en a qui tirent le vêtement de l'autre. Est-ce qu'on regarde d'à côté ?
41:33 Est-ce que c'est le moment de poser sa fleur ? On pose sa fleur, etc.
41:36 On sent bien la répétition, un peu comme le discours de Macron est un discours de club théâtre.
41:40 Là, on a eu des petits cours pour nous expliquer.
41:42 Vous faites deux pas en avant et puis c'est le moment de poser votre fleur.
41:44 Alors là, ils se disent qu'est-ce que je fais ? Je pose deux fleurs.
41:46 Non, c'est deux pas. Ah non, deux pas, c'est pas deux fleurs.
41:48 Et puis, ils sont un peu paumés. Et puis, on assiste à tout ça.
41:50 Non, c'est pas réglé comme du papier à musique, comme ça devrait l'être.
41:52 Vous avez la dent dure, comme toujours, contre Emmanuel Macron, mon cher monsieur.
41:57 Non, je vous assure que je l'avais avec tous les présidents de la République depuis...
42:01 Non, mais c'est vérifiable.
42:02 Nous vérifierons.
42:03 Ah, mais c'est vérifiable.
42:04 Au fil de vos déclarations.
42:05 De Mitterrand jusqu'à celui-ci.
42:06 Il vaut mieux pas être président de la République si on veut être apprécié par Michel Onfray.
42:10 On va se terminer par un petit clin d'œil, mon cher, parce que je vais vous parler d'une petite guéguerre entre Michel Sardou et Sandrine Rousseau.
42:18 Michel Sardou, que vous connaissez évidemment, va être décoré, c'est ce qu'a annoncé Emmanuel Macron, au mois de juin, à l'Elysée par le président de la République.
42:27 En apprenant la nouvelle, le sang de Madame Rousseau n'a fait qu'un tour.
42:30 La voilà donc qui a dégainé un tweet, trempé dans la cime, pour affirmer "le patriarcat va tomber, il vacille déjà, mais ils se décoreront tous mutuellement".
42:39 Est-ce que c'est un voyage en absurdi pour vous ou pas du tout ?
42:43 Est-ce que là on est face à une idéologie féministe qui est nocive ?
42:49 Moi je ne crois plus beaucoup aux légions d'honneur.
42:54 Il y a quand même aussi une espèce de légèreté à la donner un peu à tout le monde et puis de facilité pour beaucoup de gens à l'accepter.
43:02 Moi ça tombe bien, on ne me l'a jamais proposé.
43:05 Vous l'avez proposé et vous l'aurez accepté ?
43:06 Non.
43:07 Pourquoi ?
43:08 D'abord on ne la proposera pas parce que je ne fais pas partie de tous ces gens à qui on est...
43:11 Mais parce que ça se mérite et je n'ai rien fait pour mériter ça.
43:14 Il faut montrer du courage au combat, il faut honorer la France.
43:18 Je n'ai pas fait tout ça.
43:20 Ou faire rayonner la France dans le monde entier.
43:22 Oui, rayonner en faisant quoi ? En disant "j'écris des livres".
43:25 Il faut être sérieux.
43:27 Et puis, peu importe, le sujet n'est pas là.
43:31 Le patriarcat.
43:32 Oui, on a tort de croire que quand Michel Sardou chante quelque chose, c'est ce qu'il pense lui, c'est un chanteur.
43:38 On peut bien imaginer que quand Brassens chante quelque chose, il le pense.
43:42 Mais pas vraiment Michel Sardou.
43:44 C'est un grand chanteur, c'est la chanson populaire française.
43:47 Il symbolise le patriarcat ou pas ?
43:49 Sur certaines chansons, oui.
43:51 Il y a des moments où effectivement il joue le rôle du macho.
43:54 Mais c'est comme si on disait, vous avez vu, moi j'adore Jean Gabin par exemple.
43:57 On va arrêter de voir les films de Jean Gabin parce que, à un moment donné, il dit
44:00 "je crois que c'est une réplique d'Otan Lara, tu ne vas pas lui claquer le béni à ta gonzesse".
44:03 C'est un dialogue d'audiards et on va dire "c'est inadmissible ce genre de choses".
44:08 Oui, d'accord, c'est admissible, mais simplement c'est une époque.
44:10 On ne pourra plus faire ces films-là, évidemment.
44:12 Je pense que les chansons de Michel Sardou, on ne les ferait plus non plus.
44:15 C'est un monument de la chanson française, il a son âge, on le décore.
44:19 Pour ceux qui acceptent ce genre de jeu de décoration, c'est une bonne chose que ce soit fait.
44:23 D'autres ont mérité des décorations pour des faits de guerre moins honorables.
44:29 Il faut rappeler juste que Michel Sardou, pendant son dernier concert à Paris, a égratigné Mme Rousseau
44:33 au moment où il lançait sa chanson culte "Je vais t'aimer" et il dit "aujourd'hui on ne pourrait plus écrire cette chanson-là".
44:38 Il n'a pas tort.
44:40 Non, mais bien sûr. L'époque a changé, on a une jeunesse qui ne pense plus les choses de la même manière.
44:44 Il y a des figures qui sont tombées, la figure du père, la figure du soldat, la figure du prêtre, la figure du libertin.
44:49 Le don de Giovanni de Mozart, le don de Tirso de Molina, les mémoires de Casanova, tout ça, ce n'est plus possible, c'est plus pensable.
44:57 Ce libertin est un violeur, donc il faut absolument le mettre au bûcher.
45:01 Ou Mosquincy, il y a des figures, il y a eu des figures jadis qui ont disparu avec la Révolution française.
45:06 Simplement, ce n'est pas parce que la Révolution française a supprimé la figure du libertin, par exemple,
45:13 "Grand seigneur méchant homme", pour citer Molière, que pour autant on ne doit pas écouter Molière ou lire Molière.
45:18 Vous avez raison. Je voulais qu'on termine sur cette note un peu plus légère.
45:22 Vive Molière, si vous le voulez vraiment.
45:24 Et vive Sardou aussi, au passage. On ne les met peut-être pas au même niveau, mais on les aime.
45:29 Ce n'est pas la même chose, parce qu'en même temps, on n'a pas le temps pour ça, mais je veux dire que les chanteurs ont dit,
45:33 parfois beaucoup plus tôt que les philosophes, un certain nombre de choses.
45:35 Ou les acteurs de cinéma. Brigitte Bardot, par exemple, a fait beaucoup plus avec Vadim que Simone de Beauvoir avec Le Deuxième Sexe.
45:41 Formidable thème de débat. On le garde pour la prochaine émission. Vous êtes d'accord ?
45:44 Volontiers.
45:45 Merci en tout cas Michel Onfray pour cette heure passée en votre compagnie.
45:47 Merci à vous, chers amis téléspectateurs.
45:49 L'info continue sur CNews.