• il y a 6 mois
Michel Onfray passe en revue l’actualité de la semaine dans #FaceAMichelOnfray. Présenté par Laurence Ferrari.

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Transcription
00:00Et on se retrouve d'en face à Michel Onfray sur CNews et sur Europe 1 pour une heure d'échange en toute liberté avec vous.
00:05Bonjour Michel.
00:06Bonjour Laurence.
00:07Ravie de vous retrouver en ce samedi, veille du premier tour des élections législatives.
00:11Les Français sont inquiets, Michel.
00:12Inquiets pour leur avenir, pour l'avenir de leurs enfants, inquiets de ce monde dans lequel ils vont les faire grandir.
00:17Comment analyser cette grande peur de nos concitoyens ?
00:20Est-ce qu'il y a d'autres périodes de notre histoire où un tel sentiment a conduit à des bouleversements ?
00:25Ou est-ce que l'humanité était condamnée à vivre avec la peur au ventre ?
00:28La peur est-elle forcément déraisonnable ?
00:31Voilà quelques questions que nous allons nous poser au cours de cette émission.
00:33On évoquera aussi les notions de civilisation et de décivilisation.
00:39À la lumière de ces nouveaux faits de société mettant en scène des mineurs,
00:42que ce soit ce drame de courbe-voix et le viol d'une petite fille de 12 ans lié à l'antisémitisme,
00:47ou encore ce qui s'est passé à mes yeux dans le Rhône,
00:49où deux adolescentes de 13 ans se sont filmées sur les réseaux sociaux
00:52en train de saccager, incendier leur ancienne école primaire.
00:55Pourquoi cette volonté de détruire de la part des plus jeunes,
00:58d'anéantir les lieux d'apprentissage du savoir, de l'histoire, de la culture,
01:02est-on face à un phénomène de décivilisation ?
01:05Et puis, comment naît, vit et meurt une civilisation ?
01:09Autre thème de débat avec vous, Michel Onfray.
01:12Comme lors des élections européennes, vous le savez,
01:14nous n'avons pas le droit de parler de la situation politique actuelle,
01:17de tel ou tel parti, de tel ou tel élu qui aurait dit des sottises,
01:20ça va peut-être nous faire quelques vacances.
01:22On parlera en tout cas, Michel, avec vous,
01:24des institutions de la Ve République,
01:26telles qu'elles ont été pensées par ses pères fondateurs,
01:28General De Gaulle et Michel Debré.
01:30Sont-elles à toute épreuve ?
01:32Peuvent-elles résister à tous les changements ?
01:34C'est ce que l'on verra.
01:35Et puis, un petit coup d'œil aussi à ce qui se passe aux Etats-Unis,
01:37avec ce premier débat entre Donald Trump et Joe Biden,
01:40diffusé à la télévision.
01:42Un spectacle assez inquiétant, à certains titres.
01:45On en parlera à la lumière de ce que disait le philosophe Alexis de Tocqueville.
01:49Il faut une science politique nouvelle, un monde tout nouveau.
01:52Là, on est un tout petit peu dans l'ancien monde.
01:55Voilà pour le sommaire. Ça vous va, Michel ?
01:56Parfait.
01:56On y va alors.
01:57On commence par cette grande inquiétude des Français.
01:5961% d'entre eux se disent inquiets de ce qui peut se passer dans les prochains jours.
02:03Est-ce que c'est normal dans ces périodes de bouleversement, à vos yeux ?
02:06Oui, d'ailleurs, je pense que tout le monde instrumentalise un peu la violence.
02:09Certains en disant qu'il faut qu'elle soit,
02:10d'autres en disant qu'il faut qu'elle n'existe pas, qu'elle n'existe plus.
02:14Et donc, on en fait le centre, je ne vais pas dire du monde,
02:17enfin presque, c'est quand même le moteur du monde, la violence.
02:19Nous sommes des animaux, nous sommes restés des animaux.
02:22On n'a pas tiré les leçons de ce que Darwin nous dit dans la filiation de l'homme,
02:26dans l'origine des espèces, mais la filiation de l'homme,
02:28on est des animaux de territoire et ça ne cessera d'être le cas.
02:32Donc, il y a effectivement des guerres, il y a de la violence, il y a de la méchanceté.
02:35C'est ainsi que ça fonctionne.
02:37Et il est plus facile d'en appeler à la déraison des gens, à leur bêtise, à leur passion,
02:41à ce que Spinoza appelait les passions tristes, la haine, la jalousie, l'envie, la méchanceté, etc.
02:44que d'en appeler à la raison.
02:46La raison, il faut qu'elle soit constituée.
02:47On ne devient pas un être raisonnable, enfin, on ne naît pas raisonnable, on le devient.
02:51On le devient parce qu'on aura été éduqué par une époque, par une civilisation,
02:54par un milieu, par des parents, par des instituteurs, des institutrices,
02:57des professeurs, des enseignants, des prêtres ou des religieux qui vous accompagnent.
03:02Quand il n'y a plus ce travail de civilisation, c'est-à-dire de construction d'une stature debout,
03:08c'est-à-dire vivre debout, c'est quand même merveilleux.
03:10Il y a tellement de gens qui rampent aujourd'hui et qui sont dans la réputation en permanence.
03:14Si on n'est pas éduqué, on est un serpent.
03:17On va parler de ça à la lumière de ce qui se passe pour les mineurs.
03:19Mais d'abord, j'aimerais qu'on écoute les Français.
03:21On les a interrogés à Tulles, en Corrèze, sur leurs préoccupations.
03:24Quelles sont vos préoccupations ?
03:26Écoutez les réponses.
03:28Le pouvoir d'achat a des gens en premier.
03:29Vous savez, les retraités, on a des petites retraites.
03:33On se serre des fois la ceinture sur pas mal de choses pour pouvoir vivre.
03:37Il y a ça et puis la guerre partout, comme il y en a.
03:40Mais ça, c'est l'éternel problème.
03:43Après, le pouvoir d'achat, effectivement, la sécurité.
03:46Après, la guerre, de toute façon, ça va de soi.
03:49Mais c'est surtout ça, oui.
03:50Ça serait bien que ça change, que les Français soient un peu valorisés.
03:53Plus de personnel dans l'éducation nationale et dans le domaine de la médecine,
03:58dans les hôpitaux et tout ça.
04:00Principalement, le pouvoir d'achat, évidemment, comme tout le monde.
04:02Un petit peu, je ne suis pas d'accord avec vous.
04:05On est oubliés, on n'existe plus.
04:07Les retraités, à l'heure actuelle, n'existent plus.
04:10On vit comme on peut, on peut vivre, mais c'est tout.
04:12L'emploi, l'emploi, les salaires, les gens y galèrent.
04:16Je pense qu'il y a quand même un gros fossé entre la vie quotidienne
04:20et les lois qui sont votées à Paris.
04:22Voilà, pour ce que disent les Français interrogés à Tulle.
04:24Michel Onfray, on est oubliés.
04:26Moi, ça m'a frappé ce que dit cette dame.
04:27Il y a vraiment ce sentiment pour les Français d'être oubliés,
04:30d'être déclassés, d'être à l'écart de cette société mondialisée, globalisée,
04:35dans laquelle la consommation est l'ultime acte important de la vie, Michel.
04:41Oui, mais ça, vous savez, Tocqueville l'avait bien dit,
04:43vous l'avez cité tout à l'heure, mais dans un très beau livre
04:45qui s'appelle L'Ancien Régime et la Révolution Française,
04:47que la France est très centralisée.
04:49Elle est très jacobine, même avant les jacobins.
04:51Lui dit, depuis Philippe le Bel, donc jusqu'à aujourd'hui, c'est Paris qui décide.
04:55Et si Paris décide, quelles que soient les couleurs politiques,
04:58c'est la province qui obéit.
04:59C'est-à-dire, d'ailleurs, la capitale au sens étymologique, c'est la tête.
05:02Et donc, le reste du corps, c'est la province.
05:05Les territoires, comme on dit aujourd'hui.
05:06On n'ose plus dire la province.
05:08Non, on dit les territoires.
05:09Ou les régions.
05:11Alors, les régions, ça me va. Ce sont des régions.
05:13Ce sont la province. Moi, j'aime beaucoup la province, voire les provinces.
05:16Les territoires, on s'en fait en éthologie,
05:17c'est-à-dire la science du comportement des animaux.
05:19Les éthologues nous disent, je regarde les animaux se comporter
05:21et je vois que les hommes se comportent exactement de la même manière
05:23puisque nous sommes des animaux.
05:25L'éthologie parle de territoire.
05:26C'est terrible. Ça veut dire que nous sommes des animaux, quoi.
05:29Et le territoire, ça suppose que des animaux puissent, dans trois endroits,
05:33parce que deux endroits, ça fait une ligne et trois endroits, ça fait un espace.
05:36Vous balisez avec des matières fécales, l'urine, etc.
05:39Vous dites, ça, c'est chez moi. C'est mon territoire.
05:42Et l'idée qu'il y aurait Paris, qui serait la crème de l'intelligence,
05:46de la raison, etc. et du bon goût.
05:47Et puis, les territoires, c'est-à-dire les animaux dans lesquels
05:50les provinciaux ont mis leurs matières fécales pour dire, ça, c'est chez nous.
05:53Il y aurait des Bérichons, il y aurait des Normands, il y aurait des Savoyards,
05:56il y aurait des Corses, etc.
05:57Je trouve ça très méprisant.
05:59Alors, je ne sais pas si les technocrates ont fait ce genre de choix
06:03à dessein, ou si c'est simplement une espèce d'inconscient collectif
06:06qui fait la loi, mais nous ne sommes pas des animaux de territoire
06:09ou alors tout le monde l'est.
06:10Et à Paris aussi, on a des territoires.
06:11Alors, parlons du territoire parisien, si on veut.
06:13Mais il y a la capitale et les provinces.
06:15Et cette idée que la décision, elle est prise à Paris,
06:19mais enfin, elle peut être aussi prise à Bruxelles et passée par Paris.
06:21Pour arriver dans les campagnes, je pense qu'il y a un tas de gens,
06:23ce que disent ces personnes-là, qui disent, on n'en peut plus.
06:26On n'a pas voté pour un président de la République
06:28qui sera un président européen.
06:30Donc, on a juste envie que peut-être sur le terrain,
06:32la politique revienne, c'est-à-dire un communalisme libertaire,
06:36un pouvoir aux régions, aux départements,
06:38enfin, ce que le général De Gaulle avait appelé
06:39la régionalisation en son temps, ou d'autres.
06:41Le Gaston de Fer, si on veut, etc.
06:43Au moment de la régionalisation avec François Mitterrand.
06:45Enfin, c'est un vieux projet anti-jacobin, un peu,
06:47et assez girondin, qui consisterait à redonner du pouvoir
06:51aux gens qui ne sont pas dans les hyper-centres des villes.
06:53Il y a aussi, Michel, l'idée que les élites ont fait sécession
06:57et qu'elles se sont complètement séparées du peuple
07:00en ne vivant plus la même vie, au fond,
07:02en étant complètement déconnectées des réalités
07:04de ce que vivent 90% des Français.
07:05Ça aussi, c'est très important, c'est très présent.
07:08Oui, mais ça aussi, il y a eu un travail très important
07:10de fait par Pierre Bourdieu,
07:12formation philosophique, mais sociologue surtout,
07:14et qui faisait la sociologie de la reproduction des élites.
07:17Vous savez très bien, moi, dans mon village natal,
07:18je sais bien qu'il y a assez peu de probabilités
07:20pour qu'on ait un jour un polytechnicien,
07:23un énarque, ou quelqu'un qui fasse Sciences Po,
07:25ou qui devienne un jour un grand cinéaste, un grand compositeur,
07:27parce qu'effectivement, il y a de la reproduction sociale
07:31et que l'école, quand elle ne fait plus son travail,
07:33et là, ce n'est pas une affaire de politique politicienne,
07:35c'est une affaire d'un fléchissement de la pédagogie.
07:38Après Mai 68, l'école ne fonctionne plus comme un ascenseur social
07:42et on sait donc très bien qu'on va reproduire les choses,
07:44que les fils d'ouvriers, les enfants d'ouvriers restent plutôt ouvriers,
07:48qu'éventuellement, il peut y avoir un peu de bourgeoisie,
07:50de petite promotion, comme on dit, mais pas au-delà.
07:52Donc, il y a une espèce de souffrance aussi à se dire,
07:54quoi qu'on fasse, même si on travaille beaucoup,
07:56même si on a un peu d'argent, on ne parviendra pas
07:59à forcer les portes de ces endroits où on fabrique des élites.
08:01Et donc, un petit garçon qui dirait, je veux faire de la danse classique
08:05et une petite fille qui dirait, je ne devrais pas être dans les stéréotypes de genre,
08:08enfin l'un ou l'autre, des enfants qui voudraient ça,
08:11ou qui voudraient dire, moi, je voudrais faire de la peinture
08:13ou être compositeur de musique contemporaine,
08:16de musique savante, comme on dit, c'est très, très difficile,
08:19c'est très, très improbable.
08:20Le fils d'ouvrier agricole que je suis avait 0,4% de probabilité
08:24d'entrer à l'université.
08:28– D'entrer seulement à l'université.
08:29– Ça voulait dire donner son bac.
08:30Dire, j'ai un papier qui s'appelle un baccalauréat,
08:32je peux donc m'inscrire.
08:330,4% de probabilité pour entrer.
08:36Vous imaginez bien que sortir et sortir avec les bons diplômes,
08:40ça n'existe pas, c'est vraiment très improbable.
08:43Donc, tout ça, ça s'est renforcé.
08:46L'enfant que j'étais avait quand même la possibilité de s'en sortir.
08:49Je crois qu'aujourd'hui, ça n'est plus possible.
08:50Et pour plein de gens, c'est-à-dire pour d'autres classes.
08:53On peut imaginer aujourd'hui que des enfants du pharmacien de mon village
08:56ou du notaire de mon village auront des difficultés
09:00qu'ils n'avaient pas il y a 50 ans.
09:01Parce qu'effectivement, la société est une société de reproduction
09:04et les élites dont vous parliez sont des produits de l'élite.
09:08On sait très bien que machin, fils de bidule, fils d'un tel.
09:10Et ça se voit aujourd'hui dans le cinéma, dans les médias,
09:13enfin, un peu partout.
09:14Il faut bien avoir des parents bien placés pour réussir.
09:16– C'est clair.
09:17– Michel, pour en revenir juste un instant sur cette notion de peur
09:20que l'on évoquait au début.
09:22Est-ce qu'on est dans une société du doute permanent aujourd'hui ?
09:25Est-ce que l'espoir et la crainte ont en commun le doute,
09:29comme le disait Spinoza ?
09:30Et est-ce qu'il y a eu des grands moments dans l'histoire
09:32où les peurs ont amené des bouleversements ?
09:34– Ah mais toujours !
09:36Les peurs et le ressentiment.
09:38Marc Féraud, qui était un très grand historien, écrit un petit livre,
09:40je pense que c'était son âge qui a fait qu'il n'a pas fait un très gros volume,
09:43mais ce petit livre est magnifique, sur le rôle du ressentiment dans l'histoire.
09:46Le ressentiment, c'est de dire j'ai des choses à reprocher à quelqu'un.
09:50Et quand on est dans la misère et dans la pauvreté,
09:51c'est facile de trouver des boucs émissaires.
09:53Les riches, les bourgeois, l'aristocratie, le clergé, avant la révolution française,
09:57ça peut être aujourd'hui d'autres catégories sociales,
09:59on ne va pas faire référence au quotidien,
10:01mais on sait très bien que c'est facile de trouver un bouc émissaire,
10:04d'un point de vue racial, d'un point de vue ethnique,
10:06d'un point de vue politique, d'un point de vue social ou sociologique.
10:09Et on dit à ce moment-là, tous les problèmes viennent d'ici,
10:11et à ce moment-là, c'est la haine qui fait la loi.
10:13Donc évidemment, une passion triste, la passion triste par excellence.
10:15Et puis le ressentiment du genre, oui, mais vos ancêtres, dans le passé,
10:18ont dit que, ont fait que, sont responsables du fait que, etc.
10:21Et on dit, vous allez payer des factures anciennes.
10:24Si on vous dit, votre arrière-grand-père a laissé une facture
10:27qu'on vous demande aujourd'hui d'honorer, vous allez dire,
10:28excusez-moi, mais c'était mon arrière-grand-père,
10:30je ne suis pas du tout au courant, etc.
10:31Aujourd'hui, ça fonctionne très bien.
10:33C'est-à-dire que c'est difficile aujourd'hui de pouvoir être serein
10:37sur le terrain rationnel, d'autant que dans les écoles,
10:39on n'apprend plus la raison.
10:40C'est-à-dire que jadis, on nous apprenait Descartes, le doute,
10:43l'idée qu'on doit commencer une réflexion par le doute,
10:47en disant, je doute pour être sûr de ce que je penserai par la suite.
10:50Et puis après avoir douté, je me dis, je ne peux pas douter de mon doute,
10:53au moins, donc, voilà le fameux, je pense, je suis de Descartes.
10:57Et on disait jadis, Descartes, c'est la France.
10:59Et on pensait que c'était même le rationalisme français par excellence.
11:02Alors, ce n'est pas forcément vrai, mais enfin,
11:04on n'est pas là pour démonter ce lieu commun.
11:06Toujours est-il que la France passe pour un peuple cartésien,
11:08c'est-à-dire pour un peuple qui met la passion à la distance.
11:12Et puis, le grand malheur, c'est Rousseau, au 18e siècle,
11:15qui, lui, met la passion au centre de tout.
11:17C'est-à-dire qu'on parlait tout à l'heure du péché originel,
11:19d'une certaine manière, ou du mal radical.
11:21Il y a un moment donné où le christianisme dit,
11:23il y a un mal radical, c'est le péché originel.
11:25Donc, on invente, d'un point de vue mythologique, je ne veux pas être insultant,
11:29mais enfin, le jardin d'Éden, l'arbre de vie, l'arbre de la connaissance,
11:33et puis le serpent, et puis le mal, et puis le péché originel, etc.
11:37C'est une façon très poétique de raconter une chose que, par la suite,
11:41on nommera, je pense à Kant, au 18e siècle, le mal radical.
11:44Et lui, il dit, l'homme est fait d'un bois courbe,
11:46et dans ce bois courbe, on ne peut pas tailler une baguette bien droite.
11:50Et il y a Rousseau qui arrive et qui dit,
11:51mais finalement, le péché originel, il n'est pas dans l'homme.
11:55L'homme est naturellement bon, nous dit-il.
11:57Il est dans la propriété.
11:58C'est-à-dire que dès qu'un homme a commencé à dire,
12:00ceci est à moi, dit-il, Rousseau,
12:02dans le discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes,
12:04dès qu'un homme a commencé à enclore sa maison et a dit,
12:06ceci est à moi, ça a été le début de la fin.
12:08Et ça, c'est le péché originel, c'est la propriété.
12:11Vous voyez bien qu'on n'a pas le droit d'en parler,
12:13mais ceux qui pensent que si on change la propriété,
12:15les modalités de la propriété, on changera la nature humaine,
12:18sont des gens qui ne pensent pas du tout comme le christianisme.
12:21D'autant que moi, j'aurais dit à Rousseau,
12:23écoutez, qu'est-ce qui fait que certains ont construit des maisons,
12:26que d'autres n'en ont pas construit,
12:28que certains veulent s'approprier les maisons de ceux qui en ont construit
12:31et que d'un seul coup, on ait besoin de mettre du barbelé ou de la clôture ?
12:34Donc, je répondrais à Rousseau que le problème,
12:37ce n'est pas la propriété, c'est ce qui fait que certains ont travaillé,
12:40ont généré une propriété et que d'autres qui n'ont pas travaillé,
12:43ont désiré s'approprier la propriété de l'autre.
12:46Donc, ça, c'est un peu la théorie qui fait la loi désormais,
12:48c'est-à-dire une espèce de théorie post-révolution française.
12:50Je rappelle à nos auditeurs qui le savent probablement,
12:54mais que Rousseau n'a pas connu la Révolution française.
12:56C'est 1762 pour ces textes-là et 1789 pour la Révolution française.
13:00Mais cette idée qu'on pourrait changer la nature humaine
13:02uniquement en changeant la société,
13:04c'est un péché mortel dans nos civilisations d'aujourd'hui.
13:07On est face à Michel Onfray sur CNews et sur Europe 1.
13:10Michel, on va parler des notions qu'on a déjà commencé à aborder,
13:13civilisations et décivilisations,
13:16notamment à la lumière de ces faits divers, faits de société,
13:18je veux vraiment, je souhaite dire.
13:21On va parler de courbe de voie, mais aussi ce qui s'est passé à mes yeux.
13:24Près de Lyon, deux adolescents de 13 ans qui rentrent dans leur ancienne école,
13:28qui saccagent tout, qui incendient, qui insultent.
13:30Et alors, suprême, il dit aussi que ce film met ça sur les réseaux sociaux.
13:34Ils ont été interpellés, ils sont placés sous contrôle judiciaire,
13:38ils sont donc libres et ils seront jugés ultérieurement,
13:40car vous le savez, la loi pour les mineurs ne permet pas de sanctions immédiates.
13:44Est-ce qu'on voit le niveau d'une société à l'éducation
13:47ou la non-éducation de ses enfants ?
13:49Oui, il y a deux choses.
13:50Moi, je ne suis pas d'accord avec l'idée qu'on aurait là encore une fois
13:52de trouver un bouc émissaire en disant enfant coupable,
13:55parent responsable et on va, je ne sais pas quoi,
13:57supprimer des allocations familiales, je ne sais quoi.
13:59Il y a plein de parents qui sont un peu débordés.
14:01Maintenant, les parents ne font pas la loi.
14:02Combien de temps les enfants passent-ils à l'école ?
14:05Combien de temps passent-ils devant les écrans ?
14:07Combien de temps passent-ils devant les parents ?
14:09Et éventuellement devant des parents qui sont qui ou qui sont quoi ?
14:12Jadis, il y avait une famille constituée où il y avait des repas à table
14:15et où on avait la possibilité de converser, d'échanger, de dialoguer
14:18sans télévision, sans téléphone portable.
14:20Ça a disparu.
14:21Beaucoup de familles qu'on dit recomposées,
14:23mais qui, d'abord, pour avoir été recomposées, sont décomposées.
14:26Et le reste, parfois un peu.
14:27Parfois un père absent, parfois des mères célibataires, toutes seules,
14:30qui ne peuvent pas porter toute la misère du monde sur leurs épaules.
14:33Un mari parti, un mari qui ne paie pas les pensions alimentaires,
14:36un boulot extrêmement difficile,
14:37de femme de ménage qui suppose que vous preniez le métro à 6h du matin,
14:41que vous rentriez fatigué, que vous ayez besoin de faire la nourriture,
14:44les courses, etc.
14:45Et des gamins qui, eux, vont passer l'essentiel de leur temps
14:48sur des réseaux sociaux.
14:49Je pense qu'on peut attaquer les réseaux sociaux.
14:51On peut attaquer peut-être aussi le fait qu'à l'école,
14:53le travail ne soit pas fait, parce que c'est interdit.
14:56J'avais aujourd'hui un politiquement correct à l'école
14:58qui fait que dès qu'on parle de morale,
15:00dès qu'on parle d'éducation civique...
15:01Moi, j'ai l'âge de me souvenir de l'époque
15:03où Jean-Pierre Chevènement passait pour un fasciste.
15:06– Parce qu'il avait dit les sauvageons.
15:07– Il parlait des sauvageons, et puis parce qu'il parlait
15:08de l'apprentissage de la marseillaise à l'école,
15:13et le salut aux couleurs, ou ce genre de choses.
15:15Alors, je veux bien qu'on puisse dire les parents sont responsables de tout,
15:17mais les réseaux sociaux sont responsables de beaucoup,
15:19où il y a une immoralité totale.
15:21C'est le business qui fait la loi.
15:22Et puis une école, on n'a surtout pas envie d'enseigner le drapeau,
15:25l'éducation civique, ou ce genre de choses.
15:26Moi, j'adorais les cours de morale qui nous étaient faits.
15:29On avait une phrase,
15:30« Bien mal à qui ne profite jamais », ou ce genre de choses,
15:33et on nous expliquait une petite histoire
15:34où quelqu'un qui avait volé était puni, etc.
15:37Donc, on nous enseignait des choses
15:38que peut-être à la maison, on ne pouvait pas nous enseigner.
15:40Donc là, les enfants ne sont pas que le produit des parents.
15:43Maintenant, les parents, évidemment, vous avez des familles
15:45dans lesquelles on vous apprend à dire bonjour, s'il vous plaît, merci, etc.
15:48Et d'autres familles, et je suis très étonné, par exemple,
15:51que tous ceux qui sont contre le patriarcat aujourd'hui
15:52ne voient pas que, par exemple, les traditions arabo-musulmanes
15:55sont des traditions patriarcales.
15:56Cette idée que le petit garçon, ce n'est pas la petite fille.
15:59Là, les stéréotypes de genre, vous y avez droit.
16:01Et qu'un garçon, ça a des droits que n'ont pas les filles,
16:03et qu'on enseigne parce que c'est ainsi.
16:06On n'est pas en train de reproduire des stéréotypes de genre à dessin.
16:09Simplement, quand on a un petit garçon qui arrive dans la famille,
16:11c'est formidable, une petite fille, on va faire avec,
16:13mais c'est ainsi, tout ça est écrit dans le Coran,
16:15et puis ça se trouve transmis.
16:17Donc, l'idée de dire les parents, rien que les parents, non.
16:20Il y a un ensemble, les parents, l'éducation nationale,
16:23la classe politique droite et gauche confondue,
16:25qui a renoncé à cette idée d'enseigner la nation,
16:29le pays, la République et ses valeurs,
16:30en disant que tout ça était fasciste et assimilable à du détestable
16:34parce qu'il nous fallait une grande Europe multiculturelle, etc.
16:37Et je pense qu'il y a des parents qui sont un peu perdus.
16:39Puis, il y a des parents qui ne savent pas
16:40ce qui se passe quand ils ont le dos tourné.
16:42Et puis, il y a des parents qui font semblant de ne pas comprendre
16:44parce que le soir, il y a un billet de 100 euros sur la table.
16:47Et que c'est facile d'aller faire les courses avec un billet de 100 euros
16:49et on ne va pas demander à son fils comment il a obtenu ça.
16:51– Oui, ça, absolument.
16:52Il y a aussi la question de l'antisémitisme qui était très présente
16:55pendant ces derniers mois, depuis le 7 octobre, évidemment.
16:58J'aimerais qu'on écoute Muriel Ouaknin Melki,
17:00qui est l'une des avocates de cette petite fille de 12 ans de courbe voie
17:03dont on a parlé, qui a été violée pour des motifs antisémites.
17:06Son petite amie l'a attirée dans un guet-apens avec deux autres garçons,
17:10motif qu'elle lui aurait menti sur le fait qu'elle était juive.
17:13On va écouter ce que dit son avocate sur le grand courage
17:16de cette petite fille de 12 ans qui a osé témoigner, raconter et dire la vérité.
17:20– Lorsqu'elle est réveillée, elle a des flash-backs.
17:23Elle revit les scènes de viol et de violences qui lui ont été infligées.
17:30Et lorsqu'elle essaye de dormir et qu'elle parvient à dormir,
17:33elle est réveillée par des cauchemars.
17:35Donc, pour l'instant, elle est plongée dans un monde de cauchemars, véritablement.
17:41Donc, elle n'a pas réussi encore à se sortir.
17:45Elle est très courageuse, vraiment très courageuse.
17:48– Vous avez échangé avec elle, j'imagine, vous avez parlé avec elle.
17:50– Oui, bien sûr, je l'ai reçue avec mon confrère Oudibloc
17:53à deux reprises longuement au cabinet.
17:57Elle est touchante, elle a une forme de timidité qui est bien normale,
18:02mais pourtant, elle a été en mesure de nous expliquer
18:05dans les détails ce qui lui était arrivé.
18:07– Voilà pour ce que dit Muriel Wagnil-Melki, qui est l'avocate de cette petite fille.
18:10Il y a un niveau de barbarie de la part des adolescents
18:13qui n'a jamais été atteint, qui a été déjà atteint comme cela pour vous,
18:17au fil des siècles, Michel.
18:18– Oui, si on fait de l'histoire, là, c'est l'histoire du monde.
18:21C'est l'histoire de la civilisation qui est plus intéressante.
18:25Mais, moi, le petit garçon que j'étais a connu les cours de catéchisme
18:29où on disait que Jésus, on avait un grand Jésus,
18:31dans l'église où les cours se faisaient, était juif.
18:33Et que c'était un juif qui… etc. On lui racontait l'histoire.
18:38Et puis, mon père qui était né en 21 et qui avait connu l'occupation
18:41et puis la libération dans notre village natal,
18:43nous parlait de la Shoah, d'Hitler, du nazisme, etc.
18:47Ma mère, un jour, lui avait offert une chemise noire.
18:49Il a dit, moi, je ne porterai jamais de ma vie une chemise noire.
18:51C'était les chemises noires des fascistes, donc pas question.
18:54C'est-à-dire qu'aussi bien à l'école que chez les parents ou à l'église,
18:58on vous enseignait à respecter les juifs.
19:00Aujourd'hui, on vous enseigne le contraire.
19:02On dit la plupart du temps que les juifs, c'est Israël.
19:04Israël, c'est l'argent. L'argent, c'est le capital.
19:06Que ce sont des colons, etc.
19:08Et puis, si vous n'enseignez pas ça, vous laissez la chose être enseignée
19:12parce que vous ne voulez pas avoir d'ennuis.
19:14Si vous commencez à dire, moi, j'ai eu une discussion l'autre jour avec quelqu'un,
19:17je ne veux pas qu'on la reconnaisse cette personne,
19:18mais qui me disait que son mari était enseignant,
19:21avec un nom à consonance juive n'étant pas lui-même juif,
19:23qui avait dit dans son cours de français qu'il fallait enseigner la Bible,
19:27la Torah du moins, la Bible et le Coran,
19:30exactement de la même manière en disant que c'était des textes historiques.
19:33Une jeune fille est allée voir son père en disant que le professeur avait dit ça.
19:36Il s'est fait convoquer par le proviseur qui lui a intimé l'ordre
19:39de ne pas dire que le Coran était un livre comme la Bible et comme la Torah,
19:45qu'il fallait les lire comme Homère ou Échil ou Sophocle ou qui l'on voudra,
19:49qui sont des textes, pas forcément contemporains,
19:51mais qui relèvent de l'Antiquité.
19:53C'est-à-dire que d'un seul coup, vous dites qu'on ne peut pas faire
19:55un travail critique sur les textes ou sur les religions sans être soi-même.
20:01Après tout, je suis catholique, je suis musulman, je suis protestant,
20:04je suis peu importe, mais faire un travail laïque,
20:06par exemple, j'ouvre un texte, je lis ceci et je dis cela.
20:09Et donc, évidemment, il faut dire que l'antisémitisme n'existe pas.
20:13Ou alors du côté d'une extrême droite fantasmée,
20:15en nous disant de toute façon, c'est dans les gênes des gens,
20:18dans les années 30, l'extrême droite égale l'antisémitisme.
20:20C'est vrai, ce n'est plus le cas.
20:22Je suis en train de faire un travail sur les philosophes du XXe siècle,
20:24mais c'est sidérant de voir Simone de Beauvoir, de voir Jean-Paul Sartre,
20:27de voir Gilles Deleuze, de voir Roger Garroudi, communiste,
20:30qui va finir par être négationniste et encensé par l'Iran, par exemple,
20:35ou d'autres, Jean Genet, toute l'intelligentsia de gauche
20:38qui n'aime pas les Juifs, qui n'aime pas Israël.
20:40Donc, si vous avez une espèce de pression comme ça,
20:42de la gauche culturelle, je dirais, et de l'éducation nationale,
20:45où la gauche culturelle est assez bien représentée,
20:47on vous enseigne qu'il ne faut pas toucher à ces choses-là, à cet explosif,
20:50et de dire non, non, ne cherchez pas la dangerosité de l'antisémitisme
20:54aujourd'hui à gauche, cherchez-le dans un passé où il a effectivement existé.
20:57Pétain était de droite et antisémite, Hitler était de droite et antisémite,
21:02on est d'accord, et d'autres l'ont été qui étaient d'extrême droite et antisémite.
21:05C'est vrai, mais l'histoire a bougé.
21:06Or, on n'enseigne plus l'histoire.
21:08Exactement comme je vous disais tout à l'heure que dans les familles,
21:10on n'enseigne plus rien, que dans les écoles, on n'enseigne plus rien,
21:12du moins pas grand-chose ou pas grand-chose de très utile sur ces sujets-là.
21:16Ce ne sont pas non plus les réseaux sociaux qui vont vous apprendre
21:18ce qu'il faut savoir sur ce sujet-là.
21:20La plupart du temps, ce sont les copains qui vous envoient sur des sites
21:23où on vous fait l'éloge du conspirationnisme, etc., etc., d'unicationnisme.
21:27L'unicationnisme ne s'est jamais aussi bien porté depuis que les réseaux sociaux existent.
21:31Michel Onfray, on fait une petite pause.
21:33On se retrouve pour la seconde partie de l'émission dans un instant.
21:35On continuera à parler un instant de civilisation,
21:38comment naît vie et surtout meurt une civilisation.
21:40Est-ce que la nôtre est menacée ?
21:42La réponse d'En face à Michel Onfray, à tout de suite.
21:45On se retrouve pour la seconde partie de Face à Michel Onfray.
21:48Michel, on a beaucoup parlé de civilisation.
21:49Comment ça meurt, une civilisation ?
21:51Et est-ce que la nôtre, la civilisation occidentale, est menacée ?
21:55Oui, je pense qu'elle est en train de mourir.
21:56D'abord, je pense qu'il n'y a que du vivant partout,
21:59c'est-à-dire que des planètes, voire des univers jusqu'au siron,
22:04comme on disait chez Pascal, c'est-à-dire la plus petite bestiole
22:07qu'on connaissait à l'époque, ou la paramecie,
22:09on a appris ça théoriquement au collège.
22:11Ce sont les mêmes lois qui fonctionnent,
22:12c'est-à-dire qu'il y a naissance, croissance, décroissance, vieillesse,
22:15disparition.
22:16Et Goethe a raconté tout ça dans un très beau livre sur les fleurs,
22:19sur les plantes, en expliquant que, je dirais, du gland jusqu'au chêne,
22:24en passant même par la symbolique du chêne, c'est-à-dire la porte, le bois, etc.
22:28Il y a toute une symbolique et on se dit mais les civilisations
22:30obéissent exactement aux mêmes lois, c'est-à-dire naissance,
22:32croissance, disparition, etc.
22:34De la même manière que vous avez des enfants qui meurent à la naissance,
22:37vous avez hélas des enfants qui ont des cancers à 15 ans et qui meurent,
22:39vous avez des gens qui vivent en mauvais état à 60 ans,
22:42d'autres qui sont en pleine forme à 100 ans,
22:43vous avez des gens qui vont jusqu'à 100 ans.
22:45Les civilisations, ça fonctionne comme ça,
22:46c'est-à-dire qu'on ne peut pas dire la civilisation, c'est 1000 ans.
22:49Non, Hitler a voulu ça pour le Troisième Reich,
22:52mais on ne décide pas d'une civilisation qui durera 1000 ans.
22:56La nôtre, elle est où ? Elle est à maturation ?
22:58Non, elle est à sa fin.
23:00Je pense.
23:00Il y a une écrivainerie qui s'appelle Décadence et qui montre qu'il y a
23:03une espèce de croissance jusqu'à un moment donné où vous croyez en Dieu
23:06comme une évidence.
23:07Si vous parlez des anges comme si vous parliez de votre voisin,
23:10vous parlez de la Sainte Vierge et de Joseph
23:11comme si vous parliez de votre père ou de votre mère.
23:13Et puis, on n'a pas besoin de faire des démonstrations.
23:16On y croit, voilà.
23:17C'est tout l'art roman, si vous voulez, très sobre, très simple,
23:20avec quelques ouvertures et la lumière qui entre.
23:22C'est-à-dire la lumière descend parce que c'est l'évidence.
23:25Et puis, avec l'art gothique, il faut à un moment donné
23:27que vous fabriquiez des espèces de flammes.
23:28C'est tout ce qui fait de l'architecture gothique.
23:30Et cette flamme, elle s'en va chercher un peu la lumière.
23:32Ça veut dire que déjà, la lumière ne tombe plus toute seule.
23:34Il faut aller la chercher.
23:35Et puis après, on commence à mettre des vitraux.
23:37Et alors, les vitraux, ils vont être très jolis.
23:39Vous avez des bleus, vous avez des rouges.
23:41Puis la lumière qui descend.
23:42Vous avez des couleurs chatoyantes sur le sol, etc.
23:45Et puis, à un moment donné, on s'aperçoit qu'il y a autre chose
23:47que le christianisme.
23:48On ne dit pas que c'est mieux, mais on dit,
23:49moi, vous pouvez aller voir Lucrèce,
23:51vous pouvez aller voir en philosophie,
23:52vous pouvez aller voir Vitruve pour l'architecture,
23:54vous pouvez aller voir Columel, par exemple, pour l'agriculture.
23:57Vous pouvez aller voir Sénèque pour la philosophie, etc.
24:00Et on vous dit, vous avez vu,
24:01il y avait un monde avant le christianisme.
24:02Et la Renaissance, c'est ça.
24:04Le début de la Renaissance, c'est-à-dire après le gothique.
24:07Mais la Renaissance, c'est de dire Jésus ne se suffit plus.
24:10Dieu ne se suffit plus.
24:11La religion ne suffit plus.
24:12Et à partir de ce moment-là, le verre est dans le fruit.
24:14Donc, ça commence à descendre.
24:16Et on a Descartes, plus besoin de Dieu.
24:18Faisons l'économie de Dieu.
24:18Il existe, bien sûr.
24:19Mais allons voir ce que nous pouvons faire par nous-mêmes.
24:22Et puis, il y a un Rousseau qui nous dit, on n'a plus besoin de tout ça.
24:24Il faut un Dieu qui, lui, n'ait rien à voir avec la religion.
24:26Et un Robespierre qui nous dit, une religion civile, ce sera formidable.
24:29Et là, il n'y a plus de sacré.
24:31Donc, il y a un moment donné où tout ça disparaît.
24:33Et aujourd'hui, on est à peu près à l'époque de Saint-Augustin,
24:36c'est-à-dire cinquième siècle.
24:38Enfin, dans ces eaux-là, un peu avant, un peu après Saint-Augustin.
24:40Mais je veux dire troisième, quatrième, cinquième, sixième,
24:43où l'Empire s'effondre, où l'Empire païen.
24:46Et alors, évidemment, la chute de l'Empire romain.
24:47Vous avez 250 thèses pour nous expliquer pourquoi ça a chuté,
24:51y compris aujourd'hui des écologistes qui nous disent,
24:52mais c'est parce qu'il y a eu des réchauffements,
24:54c'est parce qu'il y a eu des épidémies, c'est parce qu'il y a eu etc.
24:57L'île de Pâques, évidemment, on a déforesté l'île de Pâques.
25:00C'est bien la preuve que la civilisation disparaît.
25:01Donc, on projette nos obsessions.
25:03Moi, je dis simplement que ça intends une civilisation
25:07et qu'il y a parfois des maladies qui sont dangereuses,
25:10puis parfois des maladies mortelles.
25:12C'est-à-dire que la maladie mortelle, elle est là
25:13quand on commence à dire qu'on ne croit plus à sa civilisation.
25:17Si vous dites, notre civilisation, c'est le colonialisme,
25:20c'est l'impérialisme, c'est le nazisme.
25:22Ça n'est que ça. C'est le racisme, etc.
25:24J'entendais l'autre jour quelqu'un qui disait que c'était l'Europe
25:27qui avait inventé l'antisémitisme.
25:29Je rêve ou quoi ?
25:30Une personne très sérieuse sur ce plateau, je crois d'ailleurs,
25:33qui nous disait que l'antisémitisme avait été inventé.
25:36Mais on se dit, enfin, c'est pas possible de dire une bêtise pareille,
25:39une contre-vérité pareille.
25:41C'est-à-dire qu'on n'a plus le sens de l'histoire.
25:42On n'a plus le sens de l'histoire.
25:44On n'a plus le sens de la projection dans le temps et dans les longues durées.
25:47Donc, on ne sait plus où on en est. Là, nous, on se déteste.
25:50Et comme on est dans une détestation, évidemment,
25:52là, tout ce qui nous déteste est bienvenu.
25:54Tout ce qui veut nous détruire est bienvenu.
25:56Et alors, ça prend des formes diverses et multiples.
25:58Et aujourd'hui, un certain nombre d'individus célèbrent
26:00tout ce qui détruit cette civilisation en disant,
26:01mais passons à autre chose.
26:03Il nous faut en finir avec cette vieille civilisation.
26:06Qu'est-ce qui tient encore debout, Michel Onfray ?
26:08Dans nos civilisations, il y a quand même les institutions qui tiennent debout.
26:12La Vème République, elle tient encore debout.
26:14Elle a été pensée à l'époque par le général de Gaulle et Michel Debré
26:17pour résister à peu près à toutes les situations.
26:20On va juste écouter le général de Gaulle en 1962.
26:23Il définit les contours de ce qu'est le président de la République.
26:26On ne parle pas de politique, on reste sur les notions générales.
26:30Mais c'est important de bien comprendre comment tout ça a été pensé
26:33et mis en place à l'époque.
26:35Écoutons le général de Gaulle.
26:37Suivant la Constitution, le président est en effet garant,
26:41vous entendez bien, garant,
26:45de l'indépendance et de l'intégrité du pays,
26:50ainsi que des traités qu'il engage.
26:52Bref, il répond de la France.
26:57D'autre part, il lui appartient
27:02d'assurer la continuité de l'État et le fonctionnement des pouvoirs.
27:06Bref, il répond de la République,
27:11puisqu'en vertu de la Constitution,
27:15il négocie et conclut les traités puisqu'il est le chef des armées,
27:21puisqu'il préside à la défense.
27:24Voilà pour ce que disait le général de Gaulle en 1962.
27:27Dans un avenir proche, mettons, dizaines, quelques décennies,
27:30ça existera encore, ce type de raisonnement ?
27:32Cette République, cette verticalité dans le pouvoir ou pas ?
27:36D'abord, il faut dire qu'elle est morte,
27:39cette Constitution de 1958, et depuis longtemps.
27:41Les gens qui nous disent qu'il y a une espèce de Constitution
27:43qui serait un peu platonicienne,
27:45c'est-à-dire que dans un ciel des idées,
27:46vous auriez une Constitution.
27:48Ce n'est pas vrai.
27:49La Constitution, elle est écrite et elle est modifiée,
27:52retoquée, bricolée, on enlève ceci, on enlève cela, etc.
27:55Et on a enlevé l'essentiel de ce qui faisait l'esprit
27:59de la Ve République.
28:00Le général de Gaulle avait l'esprit de rassemblement.
28:03Il disait, il y a une France de droite, il y a une France de gauche.
28:05Il dit, la droite a raison, mais la gauche aussi.
28:07Il faut les deux.
28:08On ne peut pas avoir une France hémiplégique.
28:10Il y a eu des royalistes, il y a eu des monarchistes.
28:12Il faut les deux.
28:13Donc, il faut qu'on trouve quelque chose qui permette une synthèse.
28:15Je pourrais partir longtemps sur tous les sujets,
28:17que ce soit la régionalisation, que ce soit la participation.
28:19Il y a une théorie de la synthèse chez le général de Gaulle.
28:21Mais restons sur cette question
28:23de l'esprit des institutions de la Ve République.
28:26Il dit qu'il nous faut un roi et une république.
28:29Comment on peut faire ?
28:31Chez nous, c'est le roi ou la république,
28:32la république ou le roi, mais pas les deux.
28:34Lui, il dit, il faut un roi, c'est moi.
28:35Ce n'est pas moi, c'est moi le chef de l'État.
28:37Mais en 62, pas en 58, en 62, il dit,
28:40élection au suffrage universel direct
28:42qui permet aux hommes et aux femmes de choisir un homme.
28:44Et il dit, une présidentielle,
28:45c'est la rencontre entre un homme et un peuple.
28:48Et il dit, ça, c'est la partie royauté.
28:50S'il n'y a que ça, ce n'est pas défendable.
28:52C'est une royauté.
28:53On n'a pas fait la République pour faire revenir la royauté.
28:56Et il dit, il faut aussi la République.
28:57La République, c'est quoi ?
28:59C'est le peuple qui fait la loi.
29:00C'est le peuple qui décide.
29:01La démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple, pour le peuple.
29:04Le chef de l'État n'est pas là pour assujettir le peuple,
29:07mais pour obéir au peuple qui lui dit, par des élections,
29:10quelles qu'elles soient, c'est-à-dire communales,
29:12mais législatives, mais référendaires.
29:15Le peuple dit au chef d'État, on veut, on ne veut pas.
29:17Et le chef d'État dit, vous avez voulu,
29:18donc je fais ce que vous voulez.
29:21Le général de Gaulle n'a jamais imaginé
29:22que la cohabitation puisse être possible ou pensable.
29:25Ce n'était pas dans son entendement.
29:27Vous avez perdu le contact avec le peuple,
29:29vous vous en allez, vous démissionnez.
29:30C'est ce qu'il a fait, d'ailleurs.
29:31C'est ce qu'il a fait.
29:32C'est ce que n'ont pas fait Mitterrand,
29:33c'est ce que n'ont pas fait Chirac,
29:34c'est ce qui fait que la démonstration est faite,
29:35que déjà la Ve République s'en est pris un coup dans la figure.
29:38Alors, il dit, mais il n'y a rien dans la Constitution
29:40qui l'interdit, c'est vrai.
29:41Mais il y a une conférence de presse,
29:44je crois qu'elle est de 62,
29:45il faudrait vérifier, une conférence de presse
29:46où il dit qu'il est impensable
29:48qu'il y ait un pouvoir à deux têtes,
29:50un pouvoir bicéphale.
29:51C'est ce que ça veut dire.
29:52Il est impossible que le chef de l'État et le Premier ministre
29:54ne soient pas de la même couleur politique,
29:56de sorte que dans l'esprit du général de Gaulle,
29:58parce qu'il y a un esprit de la Ve République,
30:01dans l'esprit du général de Gaulle,
30:02on se présente à un référendum,
30:04on se présente à des élections,
30:05on les perd, on démissionne,
30:07on remet son mandat en jeu
30:08et si on est réélu, on est réélu.
30:10Il le fait en 68,
30:11il dissout l'Assemblée nationale,
30:13il est réélu triomphalement,
30:15il aurait pu se dire, ça me va, ça va me suffire.
30:17Et lui, il dit, non, c'étaient les élections de la trouille,
30:19ils ont eu peur, je veux qu'ils me redonnent confiance.
30:21Donc référendum.
30:22Et là, il dit, je veux un référendum
30:24pour qu'on puisse, de façon publicitaire,
30:26me redonner ce pouvoir,
30:27que la République redonne à son chef,
30:30un pouvoir que le chef dit,
30:31je vous le rendrai le jour où vous me direz,
30:33à l'heure même,
30:34où vous me direz que vous n'en voulez plus.
30:36Et c'est ainsi que ça se passe, chacun le sait,
30:37et il dit, j'ai perdu, je m'en vais.
30:40Giscard d'Estaing avait inventé le principe de la cohabitation,
30:43puisqu'il imaginait, il avait gardé l'Assemblée nationale
30:45parce qu'il pensait qu'il perdrait l'Assemblée nationale.
30:48Il s'est dit, je suis élu avec peu de voix.
30:50Mitterrand n'est pas loin derrière.
30:51Si Mitterrand gagne les législatives,
30:53il faudra que je cohabite.
30:55Et lui, il avait dit, d'ailleurs, j'irai à Versailles.
30:57Déjà, tout était dit.
30:58Et puis, il a gagné les élections.
30:59Mais c'est ensuite Mitterrand et Chirac
31:01qui ont gardé ce principe de la cohabitation,
31:03qui, évidemment, n'est pas gaulliste.
31:05N'est pas gaulliste, non plus,
31:06le fait qu'on passe du septennat au quinquennat.
31:09Le septennat permettait des élections intermédiaires
31:11qui permettaient de dire, vous n'en prendrez pas pour 7 ans.
31:13Vous en prendrez pour 7 ans si, à plusieurs reprises,
31:15vous me dites que vous en voulez bien encore jusqu'à 7 ans.
31:18C'est-à-dire, chez le général de Gaulle,
31:19c'est le peuple qui fait la loi.
31:20Et comme le peuple doit avoir une voix, une incarnation, un cerveau,
31:24il ne peut pas non plus dire,
31:25on va faire une espèce de consultation électorale
31:27pour savoir quelles relations la France doit entretenir
31:30avec le Laos, par exemple.
31:31Je ne suis pas sûr que les Français soient forcément très au courant.
31:33Et là, il dit, vous me faites confiance,
31:34je mène une politique, etc.
31:36Et cet esprit-là, il est mort depuis qu'en 1992,
31:40on a abandonné notre souveraineté.
31:42Traité de Maastricht, alors là, c'est fini.
31:44C'est-à-dire, quand on a des gens qui nous disent,
31:45on est la cinquième république, etc.
31:47Je dis, mais elle n'existe plus,
31:48dans la mesure où nous avons renoncé à notre souveraineté.
31:51Ça veut dire que c'est un chiffon de papier, la constitution de 58.
31:54Et que les gens qui aujourd'hui sont...
31:57Enfin, je ne sais pas si on a le droit de le dire,
31:58mais je dis, tout ce qui est conseil constitutionnel
32:02est en train de statuer sur des bouts de papier
32:05qui sont taillés ou coupés.
32:07Je ne sais pas si on a le droit de dire ce genre de choses.
32:08Enfin, je n'attaque personne, mais je dis simplement
32:10que la constitution étant devenue ce qu'elle est devenue,
32:13moi, je pense qu'il faudrait revenir à ce qu'elle était en 58
32:16pour qu'on puisse dire qu'elle est évidemment encore efficace.
32:18On est en face à Michel Onfray sur CNews et Europe 1.
32:20Michel, qu'est-ce qu'il pourrait y avoir après la République ?
32:25Si on se projette dans les dizaines d'années dans le futur.
32:28Un gouvernement mondial,
32:29c'est quelque chose qui est envisageable ou pas, selon vous ?
32:32Mais il y a des gens qui y sont depuis très longtemps.
32:34Il y a un révolutionnaire français qu'on connaît assez peu,
32:36qui s'appelle Anacarsis Klotz,
32:38qui était un Prussien qui est devenu Français
32:40parce que la législative, la constituante, je crois,
32:44lui avait donné la possibilité de devenir un citoyen français
32:47et qui a pensé la question du gouvernement planétaire.
32:49Lui, il voulait une République universelle, fraternelle,
32:52avec un pays central, la France, avec une langue qui serait le français
32:55et avec une capitale qui serait Paris.
32:57Les Américains pensent la même chose, hein ?
32:59Bien sûr, tous les pays.
33:00Un pays central, les États-Unis, leur langue, évidemment.
33:03Il est bien évident que quand l'Allemagne fait l'Europe,
33:04elle veut une Europe allemande,
33:08exactement comme le général De Gaulle voulait bien faire une Europe,
33:10mais une Europe française, pas une Europe européenne
33:13au-delà ou au-dessus des partis.
33:14Donc le gouvernement universel, c'est une vieille idée.
33:18Alors évidemment, il y a des gens qui disent complotisme, complotiste.
33:20Je rappelle que Jacques Attali écrit un livre qui s'appelle
33:22Demain, qui gouvernera le monde ?
33:23Point d'interrogation, pas suspect d'être antisémite,
33:25Jacques Attali ou complotiste.
33:27Donc, il pose la question et son livre est très intéressant là-dessus
33:30parce qu'il examine toutes les réflexions qui se sont menées
33:34sur cette question du gouvernement planétaire final.
33:37Là, Anacarsis Clothes, il le pense réellement.
33:39D'ailleurs, Robespierre l'envoie se faire couper la tête
33:42parce qu'il trouve que c'est pour...
33:44Il faut une nation, un chef, un souverain, il dit.
33:46Un prince, pardon, pas un souverain.
33:48Il dit un prince.
33:48Et le prince, c'est De Brinkley, enfin on va pas rentrer dans le détail,
33:51mais ça peut être une assemblée, mais peu importe.
33:54Et il se fait décapiter par Robespierre,
33:57qui d'ailleurs a estimé qu'on ne devait pas permettre aux étrangers
34:01d'être représentants à l'Assemblée nationale.
34:03Robespierre, on oublie beaucoup ces choses-là de ces temps-ci.
34:06Mais le gouvernement planétaire,
34:07évidemment qu'il y a des gens qui y travaillent,
34:08tous ceux qui pensent que le commerce n'a pas besoin de frontières,
34:11tous ceux qui pensent que l'Europe est un État intermédiaire
34:15entre la fin des nations dans l'esprit de 1992
34:19et puis la création d'un gouvernement planétaire.
34:22Mais qui gouvernerait et comment est-ce que ça se passerait ?
34:24Est-ce que vous pensez que la Papouaisie-Nouvelle-Guinée
34:27par exemple, pourrait voter et peser aussi lourd que les États-Unis ?
34:31Ou est-ce que vous auriez…
34:32– Évidemment non.
34:33– Voilà, et on voit bien que le gouvernement planétaire,
34:36qui existe déjà, c'est le marché qui est le gouvernement planétaire.
34:39Après ça, moi je ne crois pas qu'il y ait un individu à la tête du marché.
34:42Le marché, ça se fabrique, ça se bricole, on crée des peurs justement,
34:46on gouverne avec la peur aussi, on fait savoir qu'attention,
34:48il va se passer ceci, il va se passer cela,
34:49et comme par hasard les gens vendent ou les gens achètent
34:52et vous créez des hausses ou vous créez des baisses
34:54et vous faites des bénéfices, etc., c'est que ça fonctionne comme ça.
34:57Moi, je ne suis pas un complotiste du genre à Tavos,
34:59ils ont 10 personnes qui gèrent, etc.
35:01Mais l'idée du gouvernement planétaire,
35:03c'est une idée qui est évidemment dans l'air depuis très longtemps,
35:05je vous dis au moins depuis Anacarsis Close,
35:07et je pense qu'on ira de plus en plus vers ça, oui.
35:09– On va se pencher sur le nom que vous venez d'évoquer.
35:12Un tout petit mot des États-Unis, Michel, puisqu'on en parle.
35:14Il y a eu ce premier débat entre Donald Trump et Joe Biden
35:17dans le cadre de la présidentielle du mois de novembre,
35:19et ce que les Américains vont élire leur nouveau chef d'État.
35:22Des échanges assez tendus entre les candidats,
35:24avec un spectacle assez inquiétant.
35:26On écoute un tout petit extrait entre Trump et Biden,
35:30et puis je vous passe la parole ensuite.
35:32– Il veut des frontières ouvertes.
35:35Il veut soit détruire notre pays,
35:37soit récupérer ses migrants comme électeurs.
35:39Et on ne peut pas accepter ça.
35:41Si lui gagne cette élection, notre pays ne sortira pas du trou.
35:47On n'aurait peut-être plus un pays du tout.
35:49C'est aussi grave que ça.
35:51Il est le pire président de notre histoire, et de loin.
35:56– Quelle idée de parler du pire président ?
35:58C'est une blague.
36:02Regardez sur Internet.
36:03158 historiens professionnels se sont réunis,
36:06et ils ont voté pour le meilleur et le pire président.
36:12Et c'est lui qui était le pire de l'histoire américaine.
36:14C'est un fait.
36:17– Voilà pour cet échange.
36:19Trump-Biden, Michel Onfray, Biden, un démocrate de 81 ans,
36:24Trump, 78 ans.
36:25Quelle image ça donne de l'Amérique pour vous ?
36:27– L'image que donnait l'Union soviétique dans les années 70.
36:30C'est-à-dire les gérontocrates, le pouvoir des vieux.
36:33Mais on sait très bien que ces gens-là n'ont pas le pouvoir.
36:35– Qui a le pouvoir ?
36:36– Il y a des gens qui derrière aident.
36:39Il y a l'État profond.
36:40Et heureusement, si un chef d'État ne peut pas tout savoir, tout faire,
36:43il en va de même avec notre président de la République.
36:46Vous avez des équipes, vous avez des gens qui sont là,
36:48vous avez des techniciens, des questions très précises,
36:50des techniciens qui eux ne sont ni de droite ni de gauche.
36:53Du moins, ils travaillent à un projet.
36:55Et puis voilà, on change de président, on garde les mêmes.
36:57Un ministre qui arrive la plupart du temps,
36:59quand il arrive et qu'il remplace quelqu'un,
37:02il retrouve exactement les mêmes qui disent
37:04« Monsieur le ministre, demain vous irez ici, vous aurez là,
37:06après demain il y aura ceci, il y aura ceci, oui bien sûr, etc. »
37:09– Aux États-Unis, ils changent un peu l'administration.
37:10Il y a le « spoil system » qui permet de changer un peu les têtes de l'administration.
37:13– Oui, mais on sait bien qu'Obama et Clinton sont toujours là
37:16et qu'ils ne cultivent pas leur propre jardin.
37:18Et qu'ils travaillent dans le dispositif américain.
37:21Et que de temps en temps, vous faites sortir quelqu'un.
37:23Mais quand on vous dit, vous avez vu avec les cérémonies du débarquement,
37:26de la commémoration du 6 juin, on nous a beaucoup fait savoir
37:29que c'était la CIA qui décidait du moment où la porte de la voiture
37:33du président des États-Unis allait être ouverte,
37:36quand elle allait être fermée, quand il allait descendre de l'avion.
37:39Quand vous dites que le chef d'État du pays plus puissant de la planète
37:42est entre les mains de la CIA qui lui dit « la porte est ouverte, vous pouvez sortir », etc.
37:46On se dit « tiens, c'est quand même étonnant qu'un chef de l'État
37:49ne puisse pas dire, comme parfois le fait Emmanuel Macron,
37:51c'est-à-dire déborder son service de sécurité, puis aller au-devant des gens,
37:54saluer des gens, risque de prendre des gifles ou des crachats. »
37:57Il a du courage là, au moins, Emmanuel Macron, de faire ce genre de choses.
38:00Mais au moins, ce n'est pas la CIA qui fait la loi.
38:03Ce n'est pas l'équivalent d'un service secret qui dirait au chef de l'État
38:06« vous rentrez à la niche, vous n'en sortez pas parce que l'heure n'a pas été donnée ».
38:11Donc l'Amérique est une démocratie sur le papier,
38:13mais ça ne fonctionne pas vraiment comme ça sur le fond.
38:16– Je parlais tout à l'heure d'Alexis de Tocqueville
38:18qui était parti en 1830 à la découverte des États-Unis,
38:20notamment pour comprendre leur système judiciaire.
38:22Il disait « il faut une science politique nouvelle à un monde tout nouveau ».
38:25Aujourd'hui, est-ce que ce monde n'est pas extrêmement vieux au fond ?
38:28Un ancien système, ce monde politique américain.
38:32– Alors Tocqueville s'appuyait sur Montesquieu
38:34pour une discipline qui n'existait pas encore, enfin qui était en gésine,
38:38c'était la sociologie, l'histoire de la société,
38:41ou l'histoire du fonctionnement de la société.
38:43Et on dit que l'inventeur du mot est Auguste Comte,
38:47le grand philosophe français, du positivisme français.
38:49D'ailleurs, la devise du drapeau brésilien « ordem e progresso »,
38:52« ordre et progrès », c'est de lui, philosophe français.
38:55Et de fait, il y a un moment donné où on peut imaginer que des gens comme…
39:00j'ai perdu la question, on était sur Tocqueville.
39:02– La question c'était un ordre nouveau, une science politique pour un monde tout nouveau,
39:06et finalement est-ce qu'on n'est pas dans un monde qui est, ce qu'on disait, périmé ?
39:08– Et j'étais parti sur la sociologie et je voyais déjà
39:10une occasion de dire du bien d'un philosophe français.
39:12Mais quand il écrit « De la démocratie en Amérique »,
39:15c'est un livre très austère et qu'on a réduit.
39:17Oui, oui, pas facile, enfin pas plaisant à lire,
39:19c'est pas que c'est compliqué à lire, mais on dit que ça pourrait aller plus vite.
39:23Il dit quelque chose que depuis François Furet,
39:25qui est le grand historien de la Révolution française côté social-démocrate,
39:28c'est lui qui a arraché l'histoire de la Révolution française
39:30aux marxistes, aux communistes, etc.
39:31Il a fait une très belle histoire de la Révolution française.
39:33Il a écrit beaucoup d'ailleurs avec Mona Ouzouf, il a écrit des belles pages.
39:37Et là, d'un seul coup, il nous donne un Tocqueville qui serait l'antidote de Marx.
39:41En disant « bon, vous avez peut-être la gauche, vous avez peut-être Marx,
39:43nous, on a Tocqueville ».
39:44Or, ça marche pas comme ça, c'est pas si simple.
39:46D'autant que ces prévisions ne se sont pas réalisées.
39:48Lui dit à un moment donné, la démocratie, ça va être la tyrannie des majorités.
39:52Pas des minorités.
39:53Pas des minorités.
39:54Et c'est Nicolas Sarkozy qui avait utilisé à bon escient cette formule,
39:58de la tyrannie des minorités, car la réalité donne tort à Tocqueville.
40:02Pour le coup, raison Nicolas Sarkozy.
40:03Mais c'est la tyrannie des minorités que nous avons aujourd'hui,
40:06c'est pas la tyrannie des majorités.
40:07On va pas parler de politique politicienne,
40:09mais on voit bien aujourd'hui que ça n'est pas la somme des votes
40:12ce qui permettrait une tyrannie de la démocratie, de la majorité.
40:15C'est ça la démocratie.
40:16On a voté 50% plus une voix, égale majorité.
40:19Tyrannie des majorités, nous disait Alexis Tocqueville.
40:22Non, pas du tout.
40:23C'est-à-dire que la majorité, aujourd'hui, peut toujours aller se faire voir
40:26si les minorités ont décidé que la majorité n'aura pas la voix au chapitre.
40:31Et qu'on peut utiliser d'autres formules.
40:32Donc, Tocqueville, pour moi, est nul et non devenu.
40:34Il a dit des choses intéressantes, plus ses souvenirs.
40:37Moi, je l'invite à lire les souvenirs de Tocqueville, superbement écrit d'ailleurs.
40:40Puis c'est lui qui est à l'origine du train que je vais prendre tout à l'heure
40:42entre Paris-Grandville, entre Paris et Cherbourg,
40:45puisqu'il était député de la Manche, comme vous savez.
40:46Très bien, donc c'est grâce à lui.
40:47Oui, mais j'ai parlé tout à l'heure de l'Ancien Régime et la Révolution française.
40:50Pour moi, c'est la grande œuvre de Tocqueville.
40:52Ce n'est pas tant de la démocratie en Amérique,
40:54dont on a vu qu'une partie des thèses est caduque,
40:57que ce livre-là, qui nous permettrait d'envisager une France girondine.
41:01On va terminer sur quelque chose sur lequel vous avez attiré mon attention.
41:04Michel Onfray, en Corée du Sud.
41:06Un petit robot qui aidait les habitants de la municipalité de Goumi,
41:09dans le centre du pays, s'est jeté du haut d'un escalier.
41:12La presse locale s'est demandé si le travail n'était pas trop dur pour le robot.
41:16Ce n'est pas une blague, je vous dis vraiment ce qui a été écrit.
41:19Une enquête a été ouverte.
41:20Il était l'un des nôtres à déplorer un fonctionnaire.
41:22Il travaillait de 9h à 18h et avait sa carte de fonctionnaire.
41:27On n'est pas dans un film de science-fiction.
41:29C'est ce que j'ai cru.
41:30Donc les androïdes sont des êtres à part entière ?
41:35Oui, quand je fais ma petite revue de presse tous les matins,
41:37je suis tombé sur cette information.
41:38Je me suis dit, bon, fake news, plaisanterie, je ne sais quoi.
41:41Science-fiction ?
41:42Et en fait, pas du tout.
41:44Alors j'ai trouvé très peu d'informations.
41:45Vraiment, j'ai cherché autour.
41:47La Corée du Sud, c'est le plus grand nombre de robots au monde.
41:49Oui, oui.
41:50Et ça pose la question vraiment de l'intelligence artificielle
41:53et de la possibilité de programmer une intelligence artificielle
41:56d'une certaine manière pour qu'elle devienne une intelligence naturelle.
41:58C'est ça qui est problématique.
41:59Puis un jour, quand on mettra du cerveau dans ces machines
42:01ou de ces machines dans nos cerveaux, ce qui est à venir,
42:04au sens étymologique, ça posera problème.
42:07Alors évidemment, le texte dit qu'à un moment donné,
42:09il tournicote sur lui-même.
42:10Et après, il tombe de l'escalier.
42:11Il dit, allez, je me jette par le truc.
42:12Alors, il faut faire attention aux lectures un peu anthropomorphes,
42:14du genre, on s'est dit, oh là là, la vie, j'en peux plus,
42:17je me jette par la fenêtre.
42:18Bon, je ne crois pas tout ce qui est raconté,
42:20mais je crois que quelque chose est à penser à partir de cette aventure.
42:24C'est un signal.
42:24Que la difficulté de mener une vie de fonctionnaire, je veux bien ça.
42:28Mais je pense que les intelligences artificielles,
42:32même si elles ne sont pas programmées comme telles,
42:34sont capables de prendre leur autonomie
42:35parce que c'est le propre de l'intelligence.
42:37Et quand l'intelligence artificielle, fut-elle artificielle,
42:40est laissée à elle-même,
42:41elle va fabriquer une intelligence autonome, c'est probablement.
42:43De là à ce qu'elle fasse surgir de la conscience,
42:46de la conscience de soi, etc.
42:47Moi, je pense qu'on en est au début et que je dis souvent
42:50que le premier avion qui traverse Blériot, par exemple,
42:53qui traverse la Manche ou l'Atlantique et le Concorde,
42:56il se passe 60 ans seulement, ce n'est pas beaucoup.
42:58Ça va très, très vite.
42:58Eh bien, en 60 ans, on ne sera pas là,
43:00moi, du moins, pour en parler.
43:01Il y aura peut-être deux IA à notre place.
43:03Mais oui, le pouvoir de l'intelligence artificielle est annoncé.
43:05Merci, Michel Onfray.
43:07Et ce sera la civilisation future,
43:08celle qui prendra la suite de celle de Montréal.
43:10Absolument, la nouvelle civilisation.
43:12Pour l'instant, c'est la nôtre.
43:13On est très heureux d'avoir passé une heure en votre compagnie.
43:16Merci à vous, Michel Onfray.
43:17La suite de nos programmes, tout de suite.

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