Quelles sont les attentes des étudiants et jeunes diplômés en finance concernant la RSE ? SMART IMPACT creuse le sujet à l’occasion de la publication de l’étude de Denjean & Associés « RSE et finance : Je t’aime moi non plus », en avril 2024. Tandis que Thierry Denjean, président fondateur de Denjean & Associés, partage les résultats, Perrine Lichou, chargée de projet bénévole chez re.boot, évoque les bootcamps de cette association qui forme les jeunes à la finance durable.
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00:00 [Générique]
00:06 Le débat de Smart Impact avec Thierry Dangen, bonjour.
00:10 Bonjour.
00:10 Bienvenue à vous, vous êtes le président fondateur de Dangen & Associés.
00:14 J'accueille également Périne Lichoux, bonjour.
00:15 Bonjour.
00:16 Vous êtes consultante en finances durables chez EcoAct et chargée de projets au sein de l'association Reboot.
00:22 Dangen & Associés, cabinet d'expertise comptable, audit, conseil, vous avez publié, je crois que c'était en avril dernier,
00:28 une étude sur les perceptions et les attentes des étudiants et des jeunes diplômés en matière de finances durables.
00:34 Question très générale pour démarrer, pourquoi cette démarche ? Pourquoi une telle étude ?
00:38 C'est important pour nous, chez Dangen & Associés, de répondre à ces valeurs de RSE.
00:44 Moi-même, à titre personnel, je suis très engagé en matière de durabilité et je souhaite que le cabinet,
00:51 que j'ai fondé il y a 30 ans, perpétue cette notion d'engagement et je transmets à toutes mes équipes cet engagement,
01:02 ces notions de RSE.
01:03 Et comme on a des partenariats, notamment avec l'Université d'Auffine, on a souhaité intégrer dans cette démarche
01:10 et notamment dans le cadre de notre recrutement, tous les étudiants pour étudier un peu leur savoir-faire
01:18 et leur sensibilité à l'impact, à la durabilité.
01:23 Ils savent ce qu'ils croient savoir, ce qu'ils attendent en matière de RSE.
01:27 C'est ça, oui, parce que souvent, c'est assez nébuleux.
01:30 Alors, même si 100% des étudiants aujourd'hui, c'est quand même une bonne chose, ont des notions de RSE,
01:36 on s'aperçoit qu'en fonction du degré d'étude, les perceptions peuvent être un petit peu différentes.
01:42 On va rentrer dans le détail, évidemment, de cette étude.
01:44 Périne Lichoux, avant de réagir, vous nous direz ce que vous en pensez.
01:48 Parlez-nous de Reboot. C'est quoi, cette association ?
01:50 Reboot, c'est une association qui a été créée il y a deux ans.
01:53 Et à la genèse de ce projet, il y avait quatre étudiants qui s'interrogeaient un peu sur leurs études en finance.
01:58 Ils pensaient et ils trouvent qu'il n'y avait pas assez d'enjeux environnementaux et sociaux qui étaient inclus dans leur cursus.
02:06 Et donc, ça a été corroboré d'ailleurs par Climat Subfinance.
02:09 Je ne sais pas si vous avez vu cette étude.
02:10 Seulement 5% des études en finance, des cursus, intègrent ces enjeux.
02:15 Et selon la même étude, il y a plus de trois quarts des étudiants qui aimeraient que ces enjeux soient inclus dans leur cursus en finance.
02:21 Donc, ils se sont dit on crée une structure qui va proposer ça, c'est ça, de certaine façon ?
02:26 Tout à fait. On crée notre propre formation.
02:28 Et on a créé du coup le Bootcamp.
02:29 Donc, c'est notre programme phare.
02:30 On est à la cinquième édition.
02:32 Là, on vient de terminer ce semestre l'édition 5.
02:35 Et c'est quoi le Bootcamp ?
02:37 Le Bootcamp, ce sont des masterclass.
02:39 Donc, on en a huit.
02:40 C'est destiné à des jeunes professionnels et des étudiants en finance classique.
02:45 Et on propose à des professionnels de la finance durable d'intervenir.
02:50 On a eu la chance d'avoir Lucie Pinson de Reclaim Finance,
02:53 Philippe Zawadsy de Mirova, que vous connaissez déjà peut-être.
02:57 Et donc, à travers ce programme, on permet d'avoir à ces étudiants des outils pratiques et techniques
03:04 pour s'inscrire dans la finance durable et travailler dans ce secteur.
03:08 – Alors, vous nous en direz plus dans un instant.
03:11 Le titre de votre étude cette année, Thierry Dangean, c'est RSE et finance, je t'aime moi non plus.
03:16 C'est ce qui ressort d'une espèce d'amour-haine ?
03:19 – C'est ça.
03:20 Alors, le côté haine, on va commencer par ce qui est le plus désagréable et un petit peu décevant.
03:25 On s'aperçoit que finalement, il y a 50% quand même des étudiants et des jeunes diplômés
03:31 qui ne sont pas obligatoirement impactés et qui seraient prêts encore aujourd'hui.
03:38 Et c'était déjà le cas il y a 3 ans, 2020, qu'ils seraient prêts encore à travailler pour des entreprises
03:44 qui n'aient pas spécialement d'impact, qui ne soient pas vraiment engagées dans des démarches RSE.
03:50 On en a quand même 25% qui n'iraient jamais dans une entreprise qui ne soit pas à mission,
03:57 qui ne soit pas forte en impact.
04:01 Mais oui, il y a encore 50% des étudiants et des jeunes qui restent un petit peu en deçà de ces valeurs
04:09 et pas spécialement concernés encore aujourd'hui, même s'ils considèrent,
04:13 et vous l'avez vu dans l'étude, et à plus de 80% qu'aujourd'hui,
04:17 la première institution qui peut avoir un impact sur l'environnement,
04:22 c'est l'entreprise et devant l'État, devant l'institution État.
04:25 Donc, il y a des choses qui sont très attirantes, très attractives, qui sont très positives.
04:31 Et puis, il y a encore un petit peu de retard.
04:34 Mais je crois que Périne, quand elle dit que les études ne sont pas encore assez poussées
04:40 et les filières ne sont pas encore assez poussées en matière d'RSE, c'est vrai.
04:45 Si je me rapproche de l'expertise comptable, qui est notre cœur de métier,
04:50 il y a très, très peu de cours encore aujourd'hui qui sont consacrés à ces études-là.
04:56 Et c'est dommage, c'est dommage, d'autant plus que notre activité,
04:59 demain, on va être obligé d'auditer des indicateurs extra-financiers.
05:03 Bien sûr. C'est même presque toutes les normes comptables
05:06 qu'il va falloir d'une certaine façon réinventer.
05:08 Qui sont un peu révolutionnées.
05:10 Donc, on va aider nos clients grand compte à bâtir ces indicateurs et ces CRD.
05:16 Et clairement, on a besoin de jeunes, non seulement qu'ils soient concernés,
05:20 mais ça, on y arrive, mais qu'ils soient formés et bien formés à ces sujets.
05:24 Parmi les jeunes qui viennent dans ces bootcamps,
05:27 il y en a beaucoup qui avaient quasiment zéro connaissance
05:31 en matière de finances durables ou de RSE, si on généralise ?
05:35 La plupart ont quand même une connaissance, mais qui n'est pas assez approfondie.
05:39 C'est-à-dire, ils ont eu une formation, mais parfois un peu courte, c'est ça ?
05:42 Tout à fait. Parfois, c'est plutôt par leur curiosité qu'ils sont allés chercher
05:46 des savoirs, des études pour s'alimenter, puisque leur formation ne leur permettait pas
05:52 et n'était pas directement fournisseur de ces données-là, de ces expertises-là.
05:58 Et donc, c'est aussi comme ça qu'ils viennent nous chercher.
06:00 Ce sont des étudiants qui ont envie d'approfondir ces sujets
06:03 et c'est comme ça qu'ils trouvent aussi le bootcamp.
06:05 Vous, vous aviez été formé en matière de RSE ?
06:08 Tout à fait. J'ai fait un master à Dauphine, qui est un parcours dirigé par Hervé Alexandre
06:14 et qui dispose de cours de finances durables, d'impact investing.
06:19 Mais il est assez, on va dire, inédit dans ce cadre.
06:24 Petite question, vous n'avez peut-être pas fait de sondage,
06:26 mais parmi tous les étudiants que vous avez côtoyés dans ces années à Dauphine,
06:31 il y en avait beaucoup qui, justement, pour reprendre un peu ce que nous a tiré d'enjeu,
06:35 qui disaient, "Bon non, attendez, moi, ce n'est pas un critère de choix d'entreprise,
06:39 la RSE ou l'engagement ou l'impact positif."
06:44 Je pense qu'on peut très bien être dans une entreprise qui n'a pas forcément une politique RSE,
06:49 mais on aura peut-être envie d'aller dans cette entreprise, justement, pour changer les choses.
06:54 Pour la faire changer de l'intérieur ?
06:55 Pour la faire changer de l'intérieur.
06:55 Donc, je pense qu'il y a pas mal de gens qui ont cette conviction.
06:58 Et il y a aussi d'autres personnes qui, peut-être, ne sont pas forcément sensibles,
07:02 mais qui vont devoir, par le marché, c'est ce que vous exprimiez, avoir ces compétences
07:08 et du coup, malgré eux, aller vers ce genre de pratiques.
07:13 Donc, ça ira avec eux ou malgré eux, mais ça ira.
07:16 Oui.
07:17 Meilleure connaissance de la loi Pacte et des sociétés à mission, c'est une autre leçon de l'étude.
07:22 Si on compare entre 2000, je crois qu'il y en avait une en 2020, c'est ça ?
07:25 Oui.
07:26 Et celle-ci, ça a beaucoup évolué ?
07:28 Oui, parce que malgré tout, les formations académiques évoluent et heureusement,
07:33 j'ai envie de dire qu'il était temps.
07:35 Oui, même s'il n'y a que 1300 ou peut-être 1400, aujourd'hui, entreprises à mission.
07:40 Je crois que c'est 1600.
07:41 1600.
07:41 Je le sais parce que j'ai fait une émission il y a quelques jours.
07:45 Donc, c'est quand même un nombre très réduit.
07:46 C'est incroyable.
07:47 Il y a quand même 3 millions d'entreprises en France.
07:49 Il y a 1600 entreprises à mission.
07:51 C'est incroyable.
07:52 Dans le milieu de l'expertise comptable, il doit y avoir 3 entreprises à mission,
07:55 ce qui est rien sur 14 000 entreprises.
07:58 Donc, vous voyez que c'est très peu.
07:59 Mais effectivement, et vous avez raison de le souligner,
08:02 les étudiants réagissent à la notion d'entreprise à mission.
08:07 Au-delà de ça, quand on fait du recrutement chez Dangeur Associé,
08:11 c'est très ancré chez nous, comme vous l'avez compris, ces notions de RSE,
08:15 on les interroge sur leur connaissance en matière de RSE,
08:18 même s'ils vont faire peut-être pas que du RSE, mais de l'expertise comptable.
08:22 Et quand on leur pose la question sur est-ce que vous connaissez une entreprise à mission ?
08:27 Est-ce que dans toutes les entreprises dont vous avez entendu parler,
08:32 souvent, ils sont encore incapables de nous fournir le nom d'une entreprise à mission ?
08:37 Ou même, quelques fois, quand on leur dit, au cours de la dernière année,
08:42 qu'est-ce que vous avez fait comme action durable ?
08:45 Est-ce que vous pouvez imaginer, réfléchissez, prenez votre temps,
08:48 dites-nous en quoi vous avez fait quelque chose pour la planète,
08:53 au sens large, sur cette dernière année ?
08:56 Et souvent, on est un peu déçus, même si depuis 2020,
08:59 on sent quand même des jeunes qui sont beaucoup plus engagés.
09:03 Et je vais laisser la parole à Périne,
09:05 mais dernièrement, je faisais passer des entretiens à Dauphine,
09:08 justement, pour des admissions en master,
09:10 et j'étais surpris de voir que beaucoup, beaucoup de jeunes étaient engagés
09:15 quand même dans des actions, et notamment en mécénat de compétences.
09:18 Il y avait quatre étudiants sur cinq qui, dans leur CV,
09:21 revendiquaient des actions en termes de mécénat de compétences,
09:24 et j'ai trouvé ça top.
09:25 – Oui, donner du sens à la fois à sa formation,
09:27 et ensuite à l'entreprise, enfin à ses choix professionnels.
09:30 L'ARSE, est-ce que c'est encore perçu par certains des étudiants
09:34 qui viennent dans vos bootcamps comme un outil de communication ?
09:38 Parce que c'est un peu comme ça qu'on parlait de RSE
09:41 il y a encore quelques années.
09:42 Est-ce que c'est encore vrai aujourd'hui ?
09:43 – Je dirais que le terme RSE est un peu dévoyé,
09:46 et qu'aujourd'hui, quand on recherche de l'impact dans son travail,
09:50 en fait, on veut que la raison d'être,
09:51 on veut que le cœur de l'activité de l'entreprise
09:54 soit comprise dans les limites planétaires et dans les planchers sociaux,
09:57 et qu'elle contribue réellement à améliorer notre société.
10:01 Et l'ARSE, parfois on cite la RSE à la papa,
10:04 qui est un peu justement dévoyée, n'est pas suffisante,
10:08 ou en tout cas quand on recherche des étudiants,
10:10 des jeunes professionnels engagés,
10:12 ce n'est pas comme ça qu'on va les convaincre de venir dans l'entreprise.
10:15 C'est réellement par le business model,
10:17 par la vision aussi des fondateurs, fondatrices de l'entreprise,
10:21 et c'est comme ça qu'on arrive à engager.
10:22 – Mais ça je trouve ça très intéressant,
10:23 c'est-à-dire que le degré d'exigence il est plus important.
10:26 – Oui, Périne a raison, et je rebondis sur ce qu'elle dit,
10:29 dans le sens où quelquefois on est bousculé,
10:32 même moi j'ai 60 ans, j'ai 30 ans de recrutement, de jeunes,
10:36 de temps en temps je suis bousculé effectivement par des garçons ou des filles,
10:41 qui, je ne veux pas dire me brutalisent,
10:44 mais qui me font remettre en question sur certains sujets.
10:47 Je peux prendre un exemple assez récent, qui a une petite année,
10:52 on n'avait pas jusqu'à présent dans le calcul de nos…
10:55 dans les propositions de services qu'on faisait à nos clients,
10:57 on n'avait pas de calcul d'impact carbone que la mission
11:00 qu'on signait avec un grand compte allait générer.
11:06 Et c'est un jeune, il y a une petite année,
11:08 il dit "mais je ne comprends pas, vous êtes RSE, vous êtes engagé etc.
11:11 Quel est votre impact si vous faites cette mission
11:13 dans cette grande banque française ?
11:16 Quel va être l'impact de cette mission au niveau de l'environnement ?
11:20 Et ça c'est un jeune au recrutement qui nous a un petit peu bousculé
11:26 sur le sujet et qui nous a fait prendre conscience
11:28 et qui nous aide à avancer parce que l'RSE,
11:32 c'est l'œuvre de tout le monde, c'est les échanges avec tout le monde,
11:37 c'est ça qui nous permet d'avancer tous.
11:39 Je veux dire, on découvre plein de sujets tous les jours
11:41 et plein de connaissances, plein de parties prenantes
11:44 et c'est cet écosystème dans lequel on baigne qui fait avancer tout le monde.
11:47 L'expertise constable, on est très loin de l'RSE au départ, à la base.
11:51 Oui, mais maintenant vous y êtes au cœur.
11:53 Merci beaucoup, merci à tous les deux d'avoir participé à ce…
11:56 A ce débat bientôt sur Bismarck. On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.