• il y a 6 mois
Dans C'est Excellent, Judith Beller reçoit Éric-Emmanuel Schmitt, écrivain, auteur de "La Traversée des temps - tome 4 - La Lumière du bonheur" - Ed. Albin Michel & Marielle Sade, auteure, compositrice, interprète

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##C_EST_EXCELLENT-2024-06-02##

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News
Transcription
00:00 [Musique]
00:06 La Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française.
00:10 Boulanger, pâtissier, vendeur, tourier, des emplois, des métiers d'avenir incarnant le savoir-faire dans l'artisanat.
00:16 Présente...
00:17 [Musique]
00:19 Sud Radio 7 Excellent, Judith Beller.
00:21 Bonjour à toutes et à tous, c'est Excellent sur Sud Radio.
00:23 Bienvenue chez vous au sein de votre rendez-vous du dimanche avec l'excellence française,
00:27 avec ceux qui s'impliquent tout simplement.
00:29 C'est une figure éminente de la littérature francophone qui conjugue brièvement la rigueur philosophique à la sensibilité littéraire.
00:36 Agrégée de philo et formée à l'école normale supérieure, ce membre de l'académie Goncourt s'est imposé comme un auteur incontournable
00:42 et un explorateur des méandres de nos âmes humaines.
00:45 Eric-Emmanuel Schmitt, vous nous offrez avec votre dernier ouvrage,
00:48 "La lumière du bonheur" qui est paru mi-avril chez Albain Michel,
00:51 une nouvelle incursion dans l'histoire de l'humanité, cette fois-ci en Grèce antique.
00:55 Un roman historique qui tend un peu vers la science-fiction même, vous allez nous en dire plus.
00:58 Bienvenue sur ce FIOD Radio.
01:00 - Bonjour.
01:01 - Diplômée en journalisme et en piano au conservatoire, elle a tracé un chemin singulier à travers les mondes du cinéma, de la musique.
01:07 Après une carrière de scénariste à Los Angeles, Miami, Paris,
01:10 Marielle Saad s'est lancée dans la chanson et collabore avec des légendes de la musique française
01:14 telles que François Bernheim, Claude Lemel.
01:16 Marielle Saad, votre nouvel album "Ping-Pong" est sorti en mars
01:20 et il révèle une palette sonore mélangeant pop, mélanconie, électro aussi.
01:25 Puis il y a des influences assumées de Gainsbourg, de Biolay, d'Alain Chanfort, ça fait du bien.
01:28 Bienvenue sur ce FIOD Radio.
01:29 - Merci Judith.
01:30 - C'est excellent chers auditeurs, bienvenue chez vous.
01:33 Alors Éric-Emmanuel Schmitt, comme je le disais en intro, vous venez de faire paraître donc
01:40 chez Albain Michel votre tout dernier roman "La lumière du bonheur".
01:43 Alors c'est le quatrième tome de votre traversée des temps.
01:46 Est-ce que vous allez aller dans le futur aussi ? J'avais envie de savoir.
01:49 - Je pense que tout ça finira non pas aujourd'hui mais demain matin.
01:54 - Oui c'est ça, parce qu'on a envie de se projeter là.
01:56 Parce que là on visualise totalement les époques que vous nous racontez.
01:59 On se demande ce que vous voyez du futur.
02:01 - Dans le dernier tome, je vous dirai à la fois mes inquiétudes et mes espoirs.
02:07 - Alors le pitch un peu de "La lumière du bonheur" pour les auditrices, les auditeurs, c'est Noam.
02:12 Donc votre éternel Noam, immortel, qui débarque en Grèce.
02:17 C'est au 5e siècle avant Jésus-Christ, devient témoin de la naissance de la démocratie, du théâtre, de la philo.
02:23 Mais c'est un métèque aussi, c'est un étranger qui doit obtenir la citoyenneté athénienne
02:28 pour participer à la vie de la cité, notamment aux Jeux Olympiques.
02:31 Alors on y croise Aristophane, Socrate, le médecin Hippocrate, le stratège Périclès, la troublante Aspasie.
02:37 Et puis alors évidemment il y a une histoire d'amour aussi, qui traverse les temps avec sa fameuse Noura.
02:43 Là vous nous transportez vraiment aux sources mêmes de notre propre civilisation.
02:47 - Ah oui je crois que vraiment nous sommes tous grecs sans le savoir.
02:50 - Expliquez-le aux auditeurs.
02:53 - Ah oui la Grèce nous a apporté des éléments absolument essentiels de notre vie contemporaine.
02:58 La Grèce invente la démocratie.
03:01 Il n'y avait jamais eu ça dans toute l'histoire du monde.
03:04 Tous les gouvernements étaient assis sur la force.
03:06 Et si quelqu'un de plus fort arrivait, il prenait de nouveau la place de chef.
03:11 Il n'y avait pas d'autre légitimité que la violence.
03:14 Et tout d'un coup des hommes, un groupe d'hommes, se dessaisissent de la force,
03:18 et se disent "on en finit avec les tyrans, avec les despotes, et on est tous égaux.
03:22 Et on va se distribuer les postes.
03:25 Soit d'une façon élective, soit en tirant au hasard.
03:29 L'invention de cette égalité, c'est la Grèce du 5ème siècle.
03:33 C'est exactement Athènes au 5ème siècle avant Jésus-Christ.
03:36 Alors en même temps, ne rêvons pas, cette démocratie n'était pas celle d'aujourd'hui.
03:42 C'est-à-dire qu'à Athènes, un quart des habitants étaient des citoyens.
03:48 Pourquoi ? Parce que les femmes étaient exclues.
03:53 Il a fallu attendre par exemple 1945 en France.
03:56 - C'est un peu redondant ça.
03:58 - Et les métèques étaient exclus, c'est-à-dire les hommes libres, nés dans une autre cité.
04:05 - Oui, c'est-à-dire même s'ils étaient ailleurs en Grèce, ils n'avaient pas la citoyenneté.
04:10 - Adèle, Fathèbe, dans des cités amies, ils n'avaient pas la citoyenneté.
04:13 Et puis bien évidemment, les esclaves.
04:15 Mais en tout cas, c'est la première fois qu'un groupe d'hommes est égal.
04:20 Ça va disparaître pendant des siècles,
04:22 mais il y aura toujours la petite veilleuse de Athènes au 5ème siècle et au 4ème siècle,
04:27 qui témoignera pour toujours que la démocratie c'est possible
04:30 et que ça peut même donner une grande civilisation.
04:33 - Et puis il y a le témoignage écrit de Platon qui reprend la république de Socrate, qui est très important.
04:38 - Oui, alors Platon, lui, il a une attitude très ambiguë par rapport à la démocratie
04:42 parce que comme la démocratie a tué son maître Socrate, il n'est pas tout à fait démocrate.
04:48 - Oui, bien sûr.
04:49 - Mais voilà, on est grec parce qu'il y a ça, on est grec parce que quoi ?
04:52 Aujourd'hui, on regarde des séries à la télévision, on va au cinéma ou on va au théâtre.
04:56 Ce sont les grecs qui ont inventé ça.
04:58 Avant, il y avait un poète qui se plantait au milieu du village et qui racontait une histoire.
05:02 Et là, tout d'un coup, il y a une scène, un décor, des costumes et des êtres qui incarnent des personnages.
05:08 C'est grec.
05:09 La philosophie, c'est-à-dire un discours délié de toutes les religions,
05:14 un discours qui veut être universel et qui vaut pour tous les hommes.
05:18 Invention grecque.
05:19 Le sport...
05:20 - Les JO.
05:21 - Et les JO.
05:22 Alors les JO, c'est tous les grecs, puisque ça se passait à Olympie.
05:26 Et le sport, c'est aussi tous les grecs.
05:29 C'est-à-dire...
05:30 - Oui, la pratique du sport régulier, etc.
05:32 - La pratique, l'invention.
05:34 Ils n'ont pas inventé le corps humain.
05:36 Ils n'ont pas inventé l'exercice.
05:37 Mais avant, on faisait des exercices pour la guerre ou pour la chasse.
05:41 Et eux, c'est l'exercice pour lui-même, pour le culte du corps, pour le culte de l'harmonie du corps.
05:45 Pour l'esthétisme.
05:46 Et en plus, par exemple, les hommes s'entraînaient absolument nus à la palestre.
05:50 - Il n'y avait pas du tout le même rapport à la nudité. On apprend ça aussi, effectivement.
05:53 - Oui, j'explique effectivement qu'on est nus, mais c'est pas sexué.
05:57 Il ne faut surtout pas avoir de grosses parties génitales.
06:00 - Oui, sinon c'est mal vu.
06:01 - C'est le contraire de ce que les machos pensent aujourd'hui comme le sommet de la virilité.
06:08 - Et du coup, la sexualité, elle n'était pas du tout définie par groupe comme on le fait aujourd'hui en 2024.
06:12 Il n'y avait pas les hétéros, les bi, etc.
06:14 Comment ça se définissait ?
06:16 - Alors, c'est très curieux parce que je me demande si on n'est pas en train de revenir à une espèce de fluidité existentielle
06:21 qui était celle déjà des grecs.
06:23 Ce que je veux dire par là, c'est que les grecs pensaient que la sexualité, le désir, c'était du pollen.
06:29 Du pollen qui était dans l'air.
06:31 Puis alors on en aspirait et on tombait amoureux.
06:33 D'un homme, d'une femme, d'une jeune fille, d'un jeune homme.
06:36 Et ça venait par accident.
06:38 C'est un peu l'image du dieu Héros, le dieu amour, qui est un garnement qui tire des flèches.
06:43 - Qui tire des flèches.
06:44 - Et qui vous fait tomber amoureux.
06:46 Et ça voulait dire que la sexualité ne définit pas l'être.
06:50 Elle n'est pas l'essence de l'être.
06:52 Donc la notion de homosexualité, hétérosexualité, bisexualité inventée à la fin du 19ème
06:58 est complètement inadéquate pour eux.
07:01 Et je trouve qu'aujourd'hui, dans cette idée de délier le sexe, du genre, etc.
07:08 peut-être qu'on est en train de retrouver quelque chose de cette fluidité, de cette légèreté
07:14 qui était celle des grecs.
07:17 Mais attention, précisons, c'était surtout vrai pour les hommes.
07:20 - Oui, parce que les femmes étaient considérées comme le sexe faible à cette époque-là aussi.
07:24 En tout cas, elles servaient à faire les enfants, la cuisine, etc.
07:27 - Moi du coup, j'ai montré dans mon roman des femmes fortes.
07:30 - Incroyables.
07:31 - Oui, incroyablement fortes.
07:32 - Des sacrées bonnes femmes, oui.
07:33 - Qui échappent à la condition de la femme.
07:35 Donc évidemment, Safo, la grande poétesse.
07:37 - Bien sûr.
07:38 - Mais aussi, Xantipe, la femme de Socrates.
07:39 Aspasie, la femme de Périclès.
07:42 Des femmes qui étaient déjà comme Xantipe, par exemple, la femme de Socrates, déjà féministes.
07:46 Et qui disaient "Mais pourquoi est-ce que nous, nous ne votons pas ?"
07:49 Et qui proposent de faire la grève du sexe.
07:51 - Elles ont attendu longtemps !
07:53 C'est vrai, et eux d'ailleurs, les hommes, ont eu la grève du sexe plusieurs fois.
07:57 C'était la pratique à l'époque pour faire passer les choses.
08:00 C'était leur manière de se défendre, les femmes.
08:03 De priver les hommes du sexe.
08:04 - Oui, c'est dans une pièce d'Aristophane, un auteur comique de l'époque,
08:08 que les femmes décident, elles en ont assez, de la façon dont les hommes gouvernent le monde,
08:12 parce que c'est complètement raté.
08:14 Et elles disent "Il faut aussi qu'on prenne le pouvoir."
08:17 Donc elles décident de faire la grève du sexe.
08:19 Mais alors, évidemment, elles ne sont pas d'accord, parce qu'il y en a qui sont réellement amoureuses,
08:23 et puis il y en a qui disent "Tout à son, mon mari ne s'en rendra pas compte."
08:26 Et donc c'est toute une vraie comédie.
08:29 Je précise qu'Aristophane n'était pas féministe.
08:31 C'était pour dire "Les hommes font mal, mais les femmes feront aussi mal."
08:34 - Et c'est comme Saffo n'était pas forcément lesbienne, elle venait de Lesbos.
08:39 Elle racontait ça, c'est intéressant.
08:41 - Si vous aviez demandé à Saffo si elle était lesbienne, elle aurait dit "Oui, j'habite Lesbos."
08:45 - C'est ça.
08:47 - L'île de Lesbos.
08:49 - D'où l'importance de la racine des mots.
08:51 - Oui, c'est ça. Alors Saffo, c'est l'exemple total de la liberté.
08:55 La liberté absolue d'une femme, liberté d'aimer, des hommes, des femmes, des jeunes hommes, des jeunes femmes.
09:00 Elle était amoureuse de l'amour autant qu'elle était amoureuse des êtres.
09:04 Et c'est surtout pour moi le premier auteur de toute l'histoire de la littérature qui dit "je".
09:11 En fait, le premier écrivain est une écrivaine.
09:14 - Ah, c'est bon à savoir.
09:16 - Oui, parce qu'avant il y a juste Omer.
09:19 - Et puis surtout il y a la tradition orale à l'époque, il y a peu de gens qui écrivent finalement.
09:23 - Et puis Omer, il n'a pas existé.
09:25 - Non, c'est plusieurs histoires rassemblées.
09:27 - C'est plusieurs histoires rassemblées, c'est un patchwork.
09:29 Il y a Hésiode qui parle au nom des dieux mais qui ne dit pas "je".
09:32 Et la première qui dit "je", c'est elle.
09:34 Et elle parle de quoi ? Elle parle de ses émois amoureux, de son désir d'aimer, de son chagrin quand elle n'est plus aimée.
09:40 Elle supplie Vénus de tomber de nouveau amoureuse.
09:43 Elle dit "je", elle raconte toute son intériorité et elle atteint l'universel parce qu'elle a été extrêmement personnelle.
09:51 - Marie Elsade, quand vous écoutez, alors je rappelle que vous êtes chanteuse, auteur, compositeur, interprète et puis surtout une femme engagée,
09:57 puisque votre album il est assez engagé pour la cause féminine.
09:59 Quand vous écoutez Éric Emmanuel Schmitt nous raconter ses femmes incroyables qui finalement sont à l'aube de l'humanité, qu'est-ce que ça vous inspire ?
10:06 - Ça m'inspire beaucoup de spiritualité.
10:11 Il y a quelque chose d'intemporel et quelque chose qui reviendra toujours.
10:14 Je pense qu'une femme, par tous les temps, fait rêver.
10:18 Et je pense que dans l'art d'Éric Emmanuel, dans l'écriture d'Éric Emmanuel, il y a une forme d'intemporalité qui est vraiment très présente.
10:30 Et énormément de spiritualité.
10:33 Ça, ça me fait vraiment...
10:35 - Ça vous élève quoi ?
10:38 - Ça nous élève énormément et ça c'est très important dans l'écriture, dans l'art en général.
10:42 C'est très très important et ça porte.
10:45 Ça soulève.
10:47 Et je pense qu'un artiste doit faire rêver, qu'il soit homme ou femme, peu importe.
10:52 - Éric Emmanuel Schmitt, j'ai appris en faisant mes petites recherches que vous êtes quand même fils d'une ancienne championne de sprint.
10:59 Pas n'importe qui votre maman aussi, une guerrière.
11:02 - Oui, oui, ma mère était championne de France, de course.
11:06 Et son record a mis 20 ans à être battu, pour vous dire le niveau de la championne quand même.
11:11 - Ça c'était une femme assumée et un peu effrontée, c'est comme ça que vous les aimez.
11:16 - Moi, tout ce que j'ai de bien, je lui dois.
11:18 Quand on me parle de mes qualités, je dis "non mais ça c'est ma mère".
11:21 Vous savez, à l'époque, le monde du sport était encore extrêmement machiste.
11:26 C'est-à-dire que les hommes et les femmes ne couraient pas les mêmes distances.
11:29 L'homme courait 100 mètres, la femme 80.
11:32 L'homme courait 200 mètres, la femme 120.
11:35 - On vient de loin quand même.
11:36 - Voilà, en 1945, ma mère était la championne du 120 mètres.
11:39 Aujourd'hui, ça serait le 200 mètres, comme Marie-Jo Pérec, vous voyez.
11:42 - Oui, bien sûr.
11:43 Et alors ça, ça a dû vous inspirer aussi, toutes ces femmes que vous nous racontez, forcément.
11:48 - Bah bien sûr.
11:49 - Vous la visualisez quand vous écrivez, parfois ?
11:51 Comment s'appelait votre maman ?
11:53 - Elle s'appelait Jeannine, mais moi je l'appelais maman.
11:55 - Oui, bien sûr.
11:56 - Et... comment dirais-je ?
11:59 Oui, bon, un des plus grands...
12:01 peut-être le plus grand chagrin de ma vie, ça a été évidemment de la perdre.
12:06 Parce qu'on avait un...
12:07 - C'est le seul chagrin qu'elle ne peut pas consoler.
12:09 - Oui, et c'est en même temps...
12:11 Elle m'en a sorti de ce chagrin, parce qu'elle ne m'avait pas mis au monde pour que je sois malheureux.
12:14 - Oui.
12:15 - Et donc, pendant que je vivais le deuil, je me disais,
12:17 elle ne supporterait pas de me voir comme ça.
12:19 Il faut que je me reprenne.
12:20 Elle m'avait mis sur terre pour le bonheur, et pas pour le malheur.
12:23 Donc c'était encore elle qui me relevait.
12:26 - Comme quoi, les femmes ont marqué votre vie,
12:30 et c'est aussi pour ça que vous avez envie de nous les raconter, Eric-Emmanuel Schmitt.
12:34 - Oui.
12:35 - Parce que elles sont quand même très présentes dans votre littérature en général,
12:37 et souvent très libres.
12:39 - Très. Parfois ça choque à l'étranger.
12:41 - Oui.
12:42 - Parce que nous, en France, on ne se rend pas compte.
12:43 - On n'a pas les mêmes mœurs.
12:44 - Moi, par exemple, quand mes pièces ou mes films ont été...
12:47 Enfin, j'ai fait deux films, mais ils ont...
12:49 Au Japon, on m'a dit, "Oh là là, vos femmes, quand même !"
12:52 (rires)
12:54 "Elles sont pas dociles, elles emploient des gros mots,
12:58 elles sont insolentes."
13:00 Vous savez, nous, des femmes comme...
13:01 - Pas dociles.
13:02 - Oui, oui.
13:03 Et carrément, un producteur m'a dit,
13:04 "Vous savez, nous, des femmes qui parlent comme ça,
13:06 c'est des prostituées."
13:08 (rires)
13:09 - Ben voyons.
13:10 - Bon, ben voilà.
13:11 C'est excellent, sur Sud Radio, avec Eric-Emmanuel Schmitt
13:14 et le traitement des femmes au Japon.
13:16 On va revenir tout de suite avec l'auteur-compositrice et interprète,
13:19 Marielle Saad.
13:20 Restez avec nous.
13:22 - C'est excellent, avec la Confédération nationale
13:25 de la boulangerie-pâtisserie française.
13:27 Boulangères, pâtissières, vendeuses, tourières,
13:30 des emplois, des métiers d'avenir
13:32 incarnant le savoir-faire dans l'artisanat.
13:34 - Sud Radio, c'est excellent. Judith Beller.
13:39 - Merci d'être avec nous sur Sud Radio.
13:41 C'est un bon choix, je dirais même plus,
13:42 c'est excellent, avec moi ce soir, l'écrivain Eric-Emmanuel Schmitt
13:45 et l'auteur-compositrice et interprète, Marielle Saad
13:47 et son nouvel album, Ping Pong.
13:49 On écoute.
13:50 - La vie, ça tourne autour de toi
13:52 Un tour du monde, etc.
13:54 Nos années folles n'en finissent pas
13:57 Danse, tcha-la-la, danse, tcha-la-la
14:01 Danse, tcha-la-la, danse, tcha-la-la
14:09 Oh, tu me dis que j'ai tort
14:16 Single hero, jeu de caractère trop colloque
14:23 Vrai ou faux ?
14:26 C'est vrai, l'enfer n'existe pas
14:36 Puisqu'il est bien ici, à l'endroit où tu vis
14:40 En vrai, au-delà des nuages
14:44 Un bel enfer sans âge
14:46 Sans toi, c'est le paradis
14:48 - Marielle Saad, sur Sud Radio et son nouvel album, Ping Pong.
14:52 Alors Marielle, déjà, cet album, j'ai envie de dire que ça aussi,
14:57 c'est un hymne à la liberté, à votre propre liberté, clairement.
15:00 - C'est essentiel. C'est essentiel, la liberté, on se la prend,
15:04 on se l'empare, c'est très important, c'est un choix.
15:08 - Ouais. - Ouais.
15:09 - Et alors, justement, par exemple, donc Single Hero,
15:13 c'est donc le deuxième extrait qu'on a entendu,
15:15 ça s'adresse à cette génération de femmes que je représente aussi, on peut le dire,
15:20 monoparentales, battantes, indépendantes, etc.
15:23 et qui doit finalement assumer, peut-être en rajouter un peu parfois.
15:26 - Ouais, sûrement, oui. Il y a peut-être de ça, c'est bien dit.
15:30 Rouler un peu des mécaniques pour y arriver, quoi.
15:35 C'est vrai que d'abord, je pense qu'on n'a pas le choix,
15:38 parce que quand on est une femme monoparentale,
15:41 en ce qui me concerne, j'avais la garde exclusive des enfants
15:45 parce que mon papa avait une déficience, il était en hôpital psychiatrique.
15:49 Donc c'est vrai qu'on n'a pas le choix,
15:52 et voilà, on s'occupe avant tout des enfants,
15:54 et c'est vrai que souvent on est mal regardé, surtout il y a 20 ans, 20-25 ans.
15:58 - Ouais, vous avez senti les regards, vous, vraiment ?
16:00 - Oui, oui. - C'est-à-dire ? Donnez-moi un exemple concret.
16:03 - Bah, le voisinage, en général, c'est pas très très bien vu,
16:07 c'est pas excessivement bien regardé.
16:09 Une femme qui est là, seule, avec deux enfants,
16:12 qui de temps à autre a quand même un homme dans sa vie,
16:15 qu'on vient chercher, qui laisse ses enfants avec une babysitter de temps à autre,
16:19 - Et surveille les voisins. - Mais tout ce qu'on fait de bien, on le voit pas.
16:23 - Et alors vous, vous poussez la liberté jusqu'au bout,
16:25 parce que votre album, il est auto-financé.
16:28 Vous avez votre boîte, cette production.
16:30 - C'est Panache Compagnie. - C'est Panache Compagnie, d'accord, ok.
16:33 C'est une erreur du web.
16:35 Et puis alors en plus, vous avez fait financer aussi
16:38 une partie des chansons sur la plateforme Qu'est-ce qui se banque ?
16:42 Vous vous êtes pris en main, puis vous avez décidé,
16:44 "Allez, c'est tout, je balance, j'y vais, c'est mon nouveau chemin, liberté."
16:48 Liberté, chérie, j'ai envie de dire.
16:49 - Je dirais défi. Challenge. - Parce que c'est pas facile.
16:52 - Ouais, non, c'était vraiment pas évident, j'y croyais pas du tout.
16:54 J'ai fait trois Qu'est-ce qui se banque ?
16:56 Et je dois dire que c'était assez dingue, parce que
17:00 j'ai reçu des sommes assez colossales, en fait.
17:03 Je me suis vraiment fait l'album de mes rêves.
17:06 - Ouais, ça c'est quand même assez dingue.
17:08 Et puis dans "Shalala", c'est un peu, la vie ça tourne autour de toi,
17:12 mais ça tourne autour de nous, donc ça c'est aussi de vous que vous parlez,
17:15 ou de nous les femmes, de ce qui nous...
17:17 Racontez-nous un petit peu ce que vous avez envie de nous dire, en fait.
17:21 Là-dessus. - Là, c'est vraiment...
17:23 - C'est juste le fun, quoi. - J'ai pas un parti pris tellement, tellement...
17:26 - Pas pour chaque chanson ?
17:27 - Non, pas forcément. Je pense que là, c'est vraiment au niveau humain
17:31 que je parlais, et je pense que la chance, comme je le disais là tout de suite,
17:35 il faut s'en parer, il faut essayer de l'attraper au vol,
17:39 et la saisir, mais aussi la provoquer.
17:42 Et chaque instant est un moment où il faut essayer de suivre son instinct,
17:48 de suivre sa voix, de suivre sa linéarité,
17:52 et d'être le plus sincère, le plus déterminé possible dans son existence,
17:56 sinon la vie, elle est courte. - Bien sûr.
18:00 Et alors, pour pousser justement sur le côté libre et auto-entrepreneur
18:05 de cet album, déjà, c'est un album que vous avez écrit et composé sur votre piano
18:11 le long de vos voyages, et puis aussi majoritairement ensuite
18:14 pendant le Covid à Bruxelles directement,
18:17 et donc vous avez tout fait pratiquement, sauf un des titres qui a été écrit
18:21 par Boris Bergman, qu'on connaît bien ici,
18:24 et donc il fallait aussi que ça soit votre objet, quoi, complet.
18:27 - Non, je suis pas du tout comme ça, moi non, pas du tout.
18:30 Disons que j'avais pas le choix, c'est sorti tout seul,
18:33 voilà, c'est sorti comme ça, et puis Boris, à deux reprises, m'a proposé
18:37 de faire un texte, de toute façon avec Boris, on n'a pas le choix,
18:40 on co-écrit pas, donc j'ai dit vas-y.
18:44 En fait, je suis arrivée avec une musique, j'ai commencé à lui dire
18:46 "ouais, je voudrais tel thème", il me dit "non, ne me dis rien du tout,
18:49 je veux rien savoir". - D'accord.
18:51 - Et puis, paf, il y en a une qui s'appelait "Le Toucha Tout"
18:54 entre ping-pong, et c'est beaucoup de jeux de mots,
18:57 et beaucoup de gens me disent "ah, c'est pas toi qui l'as écrit,
18:59 mais on dirait que c'est toi", j'ai dit "ah bah non, c'est Boris".
19:01 - Il est bon, le Boris Bergman, c'est un des meilleurs.
19:04 - Ça n'a rien à voir avec mon écriture, mais c'est clair que
19:07 c'est vraiment, il est très fort, parce qu'en cinq minutes,
19:10 le texte était là, je lui avais joué la mélodie,
19:14 et en cinq minutes, quelques petites retouches à faire, mais rien d'autre.
19:17 - Et alors la musique, chez vous, même si vous en avez fait,
19:20 vous avez fait pas mal de scènes entre 2002-2007,
19:23 votre première EP, il faut que je pense à t'oublier,
19:25 vous avez repris ça à plus de 45 ans,
19:28 et ça c'est aussi un choix de vie,
19:31 ça veut pas dire n'importe quoi,
19:34 et c'est important comme message aussi pour les autres femmes.
19:36 - Encore et toujours, aller au bout de ses rêves,
19:38 et ne jamais lâcher son désir profond,
19:41 et ne pas partir de cette terre sans avoir réalisé tous ses rêves.
19:44 - Oui, bien sûr.
19:45 Et le son que vous avez choisi, qui est très 80's,
19:48 mais quand même assez contemporain, parce qu'il y a de l'électro,
19:51 il y a du rock, c'est glam, ça touche en fait toutes les générations.
19:55 Comment il vous est venu, vous allez chercher où vos inspirations ?
19:58 - Ça c'est une question que j'arriverais pas à répondre.
20:03 - Non, vous savez pas ? Musicalement, ça fait tout seul ?
20:06 - Oui, vraiment, ça coule de source,
20:08 que ça soit 80's, évidemment, j'adore tout ce qui est 80's,
20:11 et tout ce qui est 70's aussi d'ailleurs.
20:13 Mais non, c'est surtout, j'aime beaucoup ce qui est pop,
20:16 ce qui est électro, ce qui est aussi très acoustique,
20:19 puis j'adore le piano, parce que ma grand-mère était une...
20:22 - Vous avez été formée au conservatoire vous-même ?
20:24 - Oui, et puis ma grand-mère était une très grande concertiste,
20:26 et puis j'avais un grand-oncle qui était aussi un très grand musicien.
20:30 - C'était pas n'importe qui votre grand-oncle, là, vous pouvez le dire à l'antenne ?
20:33 - Il y avait Rayvon Toura, puis il y avait Sacha Distel.
20:36 - Autant dire que vous n'aviez pas trop le choix finalement, au bout du compte.
20:41 - Tout le monde dans la famille est musicien.
20:43 On est tombés dedans.
20:45 - Et alors vous, vous avez flirté avec d'autres chemins quand même ?
20:48 - Oui, l'écriture aussi, parce que mon père était très très littéraire,
20:51 et c'est vrai que j'ai reçu ça de lui aussi.
20:54 Et les deux, voilà, ça fait la composition et l'écriture.
20:58 Je pourrais pas l'un sans l'autre.
21:00 - Ouais ?
21:01 - Peut-être l'écriture tout seul, non, quoi que, non.
21:03 - Non, l'écriture sans la musique, ça marche pas ?
21:05 - Non.
21:06 - D'accord, vous allez pas écrire un roman, quoi.
21:08 - Si, peut-être bien, mais il y aura de la musique dedans.
21:10 - Ok, un roman avec un sédain incrusté.
21:12 Si, ça existe encore.
21:13 - Mais des films musicaux, ouais, peut-être.
21:15 - Et alors, cet album, vous l'avez réalisé à Bruxelles, on l'a dit.
21:18 Alors, Bruxelles, vous avez ça en commun avec Eric Emmanuel Schmitt,
21:21 c'est votre ville natale.
21:23 Et vous avez enregistré ça, je sais pas si vous le connaissez d'ailleurs,
21:26 Eric Emmanuel Schmitt, le mythique studio ICP, non ?
21:30 - Oui.
21:31 - Ben voilà, c'est là que l'album a été fait.
21:33 Pourquoi ce choix ?
21:35 - Alors, tout à fait par hasard, parce que j'avais reçu une résidence de la SACEM,
21:39 et je pouvais choisir, j'avais trois studios à choisir,
21:42 et puis ma mère habitait Bruxelles, c'était le confinement,
21:45 et je me suis dit "bon, allez, je vais la rejoindre".
21:48 - D'accord, c'est une bonne raison.
21:50 - Et puis après, j'ai resté tout le confinement, en fait, à ICP.
21:52 Enfin, une bonne partie du confinement à ICP.
21:54 - Et alors vous, l'un comme l'autre, finalement, vous avez un peu le pied entre les deux villes.
21:58 Vous, Eric Emmanuel Schmitt, j'ai envie de dire que votre cœur, il balance, quoi, quand même.
22:02 Il n'y a pas de choix à faire chez vous.
22:04 - Oui, je dois avoir deux cœurs, alors.
22:06 - C'est ça.
22:08 - Oui, oui, oui, moi je suis franco-belge,
22:11 et fort heureusement, aujourd'hui, en Europe, on peut additionner les nationalités,
22:16 donc on peut avoir des papiers qui correspondent à la vérité de notre histoire.
22:20 Et donc, oui, moi je me sens un écrivain français,
22:23 mais je vis plutôt à la belge.
22:25 - Oui, c'est-à-dire ?
22:27 - À la cool.
22:29 - Oui, voilà, en riant beaucoup, en...
22:34 - Un deuxième degré.
22:36 - Oui, en ayant une espèce de folie douce aussi,
22:39 que parfois, un petit peu, dans ce que j'écris, quand même.
22:41 Et puis, ce que j'aime, c'est...
22:45 Personne ne peut dire qu'il est modeste,
22:48 mais en tout cas, les Belges cultivent la modestie.
22:51 - Ce qui n'est pas le cas des Français, a priori.
22:53 - Ils ne la cultivent pas.
22:55 - D'accord.
22:57 - En fait, le Belge, il n'a aucun égo.
23:03 - D'accord. Aucun.
23:05 - Aucun.
23:06 - Vous savez, il y a une blague belge qui dit,
23:08 comment tu fais pour tuer un Français ?
23:10 Eh bien, tu prends la carbine, tu vises juste au-dessus de la tête,
23:13 là où il y a son complexe de supériorité.
23:16 - Bon, ben voilà !
23:18 Chers auditeurs et chers auditeurs,
23:20 moi, je ne la connaissais pas.
23:22 Alors, pour revenir un petit peu à votre album,
23:26 Marielle Sade, c'est un album que vous dites,
23:29 alors ça, je vous cite,
23:31 "un album qui s'adresse à notre génération de femmes et d'hommes aussi,
23:33 je vous rassure, messieurs."
23:35 - C'est important quand même de lier les genres.
23:37 - Pour moi, on est égaux.
23:39 J'ai un fils aussi,
23:41 je veux dire, moi, je ne voudrais pas que la femme
23:43 se sente supérieure à l'homme, ni l'un ni l'autre.
23:45 Dans un sens comme dans l'autre,
23:47 il faut vraiment réussir à avoir cet équilibre.
23:49 J'espère que vraiment, on va y arriver, une bonne fois pour toutes,
23:51 pas que la femme va prendre le dessus non plus,
23:53 ça serait un peu dommage.
23:55 - Donc l'équilibre, ça serait quoi ?
23:57 Ça serait une forme d'équité ?
23:59 - Complètement.
24:01 Je pense aussi,
24:03 alors là, je vais peut-être un peu choquer,
24:05 mais je pense qu'on a des qualités intrinsèques, chacun, chacune.
24:07 - Chaque genre ? - Chaque genre.
24:09 Je sais que là, je vais peut-être choquer,
24:11 mais j'en suis complètement convaincue.
24:13 - C'est-à-dire que vous pensez que les genres peuvent pas être égaux,
24:15 mais qu'ils peuvent être dans l'équité, c'est ça ?
24:17 Parce qu'il n'y a pas forcément de sens à dire qu'un homme...
24:19 - C'est un peu comme une coccinelle et une mouche,
24:21 ils ont pas les mêmes... Je sais pas, c'est pas pareil.
24:23 - Qu'est-ce que vous en pensez, Thaddeus ?
24:25 - Moi, je suis la coccinelle.
24:27 - Moi, je suis pas la mouche.
24:29 - Bon ben voilà, on est entre une coccinelle et une mouche ce soir,
24:33 donc c'est excellent.
24:35 - On va pas la coccinelle et l'oiseau, alors.
24:37 - Vous restez avec nous, chères auditrices, chers auditeurs,
24:39 je suis avec l'écrivain Eric Emmanuel Schmitt et son roman "La lumière du bonheur",
24:43 très joli, sorti chez Albain Michel,
24:45 et la chanteuse Marielle Saad, que vous entendez derrière,
24:48 et son tout dernier album "Ping-Pong".
24:50 Vous restez avec nous, on revient.
24:52 - On revient.
24:54 C'est excellent, avec la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française.
25:01 Boulanger, pâtissier, vendeur, tourier, des emplois,
25:04 des métiers d'avenir incarnant le savoir-faire dans l'artisanat.
25:08 Sud Radio, c'est excellent, Judith Beller.
25:12 - Merci d'écouter Sud Radio, c'est excellent,
25:14 comme tous les dimanches, vous êtes ici chez vous, chères auditrices, chers auditeurs,
25:17 avec l'écrivain qui n'est plus à vous présenter, Eric Emmanuel Schmitt,
25:20 et Marielle Saad, la chanteuse pop à découvrir pour ceux qui ne la connaissent pas.
25:23 Alors Eric Emmanuel Schmitt, on a parlé de votre roman "La lumière du bonheur"
25:27 qui est sorti chez Albain Michel, et puis vous avez pas mal d'actus,
25:30 notamment il y a "Avignon off",
25:32 il y a votre roman "Variations énigmatiques"
25:36 qui est mis en scène par Paul-Émi Fourny,
25:39 avec Hugo Becker et Pierre Rochefort,
25:41 alors ça va être au théâtre du Chêne-Noir,
25:43 pour ceux que ça intéresse, du 7 au 29 juillet,
25:45 alors ça sera tous les jours à 12h50.
25:48 - C'est un huis clos là ?
25:50 - Oui, ça avait été créé en 1996 par Alain Delon et Francis Huster,
25:54 et puis c'est une pièce qui se joue tout le temps dans le monde entier,
25:59 et ça y est, il faut changer de génération,
26:01 donc Hugo Becker...
26:02 - Il y a un défi à relever pour les deux là !
26:04 - Il le relève très très bien,
26:06 puisque j'ai vu le spectacle quand c'était à l'Opéra de Metz.
26:09 - D'accord.
26:10 Et alors, "Adapté", c'est vous qui avez fait l'adaptation ?
26:13 - Non, non, en fait c'est une pièce.
26:15 - C'est une pièce déjà ? D'accord.
26:17 - En fait moi...
26:18 - Vous avez tellement écrit avec Emmanuel Chouque qu'on a dû me la pousser !
26:21 - Même mon assistante n'y arrive plus !
26:23 Parfois elle confond les titres !
26:26 Non mais j'ai commencé par le théâtre en fait.
26:28 Les années 90, je faisais une pièce par an,
26:31 parce que j'avais des choses à dire au théâtre,
26:33 et puis après, j'étais torturé intérieurement,
26:35 parce que je sentais qu'il y avait des choses,
26:37 des histoires que je devais écrire,
26:39 et qui nécessitaient un romancier.
26:41 Et je suis parti à la découverte du romancier éventuel.
26:43 - Ah c'est comme ça !
26:44 - C'est comme ça que ça s'est passé.
26:46 Et donc à ce moment-là, j'ai écrit "L'évangile selon Pilate",
26:48 "La part de l'autre", etc.
26:50 Et bon, finalement, il y avait un romancier.
26:53 Et voilà, j'ai beaucoup fait de théâtre au départ,
27:00 et après beaucoup fait de roman.
27:02 Maintenant je fais les deux,
27:04 puisque cette rentrée, il y avait "Bengalo 20th",
27:06 avec Emmanuel Seignier et Mathilde Seignier,
27:09 qui vont partir en tournée.
27:11 Et puis je viens de finir une autre pièce,
27:13 tout en faisant de l'écriture romanesque.
27:16 En fait, c'est les histoires qui commandent.
27:18 Une histoire me dit "je suis une pièce de théâtre"
27:20 ou "je suis un roman".
27:22 - D'accord, c'est l'histoire qui se raconte à vous.
27:24 - Voilà, vous savez, moi j'obéis.
27:26 Je suis même l'esclave de mon imagination.
27:28 - Je peux comprendre.
27:30 - Voilà.
27:31 - Ça c'est très bien dit.
27:33 - Les gens croient qu'on est des créateurs,
27:35 qu'on est autosuffisants.
27:37 Ça nous tombe dessus, on essaye d'être à la hauteur.
27:39 - Vous êtes un peu des médiums en fait.
27:41 - Oui, mais on bosse pour être à la hauteur
27:43 de ce qui nous tombe dessus.
27:45 - Moi j'avais entendu quelque chose que vous disiez un jour,
27:47 je m'explique. - Marie-Alissade, allez-y.
27:49 - Un jour vous aviez dit que peut-être l'artiste
27:51 il est touché par une visibilité
27:53 de l'au-delà.
27:55 Il m'avait semblé entendre ça.
27:57 - Oui, c'est-à-dire que qu'est-ce que c'est l'inspiration ?
27:59 D'où ça vient ? - Oui.
28:01 - Alors les matérialistes vont vous dire que c'est du recyclage de la mémoire.
28:03 Puis d'autres, avec des théories
28:05 plus ouvertes vont vous dire que peut-être
28:07 vous sentez des vibrations du monde
28:09 et qu'il se passe quelque chose dans vous.
28:11 Et puis on peut aussi penser qu'il peut y avoir
28:13 une inspiration supérieure
28:15 qui vous tombe dessus, donc vous êtes tout d'un coup
28:17 le relais. Moi je garde
28:19 toutes les portes ouvertes.
28:21 - Moi je pense pas que la rationalité doit être
28:23 au-dessus de tout personnellement.
28:25 - Non. Qu'est-ce qui doit être au-dessus de tout alors ?
28:27 - La liberté.
28:29 Encore et toujours.
28:31 - C'est pas rationnel la liberté ?
28:33 - Non. - D'accord.
28:35 - Pas forcément. - Ok.
28:37 - C'est quelque chose qui nous guide malgré nous.
28:39 Puis on s'écoute beaucoup,
28:41 donc s'écouter beaucoup c'est pas forcément très rationnel.
28:43 Quelquefois on doit... C'est un risque.
28:45 C'est un déf... Comment dire ?
28:47 C'est un risque.
28:49 On saute sans filets. - Oui.
28:51 - En tout cas ce n'est pas raisonnable, si ce n'est pas rationnel.
28:53 - Voilà. Je crois que ça a la même...
28:55 Rationnel et raisonnable doit avoir
28:57 la même étymologie. - C'est la même
28:59 étymologie, mais effectivement,
29:01 raisonnable, la liberté ne l'est pas.
29:03 - C'est sûr. - Elle décide de se mettre au-dessus...
29:05 - Au-dessus parfois des arguments,
29:07 du pragmatisme, du calcul
29:09 d'intérêt. Et c'est vraiment
29:11 une valeur qu'on essaye... La liberté n'existe
29:13 que si on la fait vivre.
29:15 - Je l'adore cette émission. - Ça c'est beau.
29:17 Ça je la reprendrai celle-là.
29:19 - Et alors, comme vous avez
29:21 des jeunes comédiens, pour en revenir un petit
29:23 peu à "Variation ligne mathique" par exemple,
29:25 puisque c'est un exemple parmi tant d'autres, Eric et Manuel Schimitt,
29:27 Hugo Becker et Pierre Rochefort, est-ce qu'ils vous ont
29:29 consultés pour capter l'essence des personnages
29:31 ou pas du tout, ils ont préféré faire leur chemin
29:33 tout seul ? - Pas du tout, ils ont fait comme si j'étais
29:35 mort. Du coup, ils ont été
29:37 paniqués le jour où je suis arrivé. - C'est la fin.
29:39 - Parce qu'ils se sont rendus compte que "Ah, finalement
29:41 il est vivant". - Il est là quand même.
29:43 - Mais j'ai pas été déçu.
29:45 Non, au contraire, moi je
29:47 trouve extraordinaire de voir
29:49 des êtres humains
29:53 qui ont une autre histoire que la mienne,
29:55 parce qu'ils sont plus jeunes, et qui ont
29:57 une autre histoire artistique aussi. - Bien sûr.
29:59 - Qui ont d'autres références dans la tête que
30:01 des gens de ma génération, qui n'ont pas
30:03 vu Delon et Huster jouer ça,
30:05 s'emparer du texte, tout d'un coup
30:07 c'est beaucoup plus... - Y'a pas de captation,
30:09 ils sont pas allés regarder ce qu'on fait ? - Non, parce qu'il y en avait pas,
30:11 parce que Delon avait demandé une telle somme que personne
30:13 n'a voulu. - D'accord.
30:15 J'adore les petites histoires comme ça.
30:17 - Mais ils sont beaucoup plus
30:19 physiques. Ils sont beaucoup plus physiques
30:21 et beaucoup plus, je dirais,
30:23 l'expression du
30:25 désarroi
30:27 prend d'autres formes.
30:29 C'est légèrement
30:31 moins intellectualisé, et du coup
30:33 la pièce, elle prend aussi une chair.
30:35 - Oui, plus animale
30:37 quoi. - Oui, c'est très intéressant. - Plus humaine
30:39 en fait, en soi. - Marie Elsa,
30:41 de vous, alors quand même, je fais
30:43 un petit point pour que les auditrices et les auditeurs
30:45 vous connaissent, vous êtes quand même diplômée en cinéma,
30:47 vous êtes diplômée
30:49 aussi de piano, du conservatoire,
30:51 vous avez été scénariste pour la télé,
30:53 vous avez partagé votre vie
30:55 entre, on l'a dit tout à l'heure, Los Angeles, Miami,
30:57 Brussels, Paris, et finalement c'est Paris
30:59 et c'est la musique qui ont emporté la victoire,
31:01 mais après moult pérégrinations,
31:03 j'ai envie de dire. - Non, toujours un retour à Paris.
31:05 C'est vrai que c'est
31:07 une diva Paris. On la quitte,
31:09 mais on a toujours besoin de la
31:11 retrouver. - Vous avez la même
31:13 sensation par rapport à Paris, M. Schmitt ? - Oui, une fois,
31:15 j'ai dit, parce que
31:17 la séduction de Paris est
31:19 terrible. Moi, j'ai jamais pu écrire une ligne
31:21 à Paris, parce que quand je suis à Paris,
31:23 mon énergie et mon temps appartiennent à Paris.
31:25 Donc une fois, je m'étais permis de dire
31:27 "Bruxelles est
31:29 une épouse, Paris est une maîtresse".
31:31 - Ouh là là ! - Il ne faut plus
31:33 dire ce genre de choses, aujourd'hui.
31:35 - Merci, merci. - Bon, on a
31:37 le droit à liberté, liberté chérie, on l'a dit.
31:39 - Vous êtes sincère, quand même. - Alors, vous avez un autre
31:41 point commun, tous les deux. Il y a Bruxelles,
31:43 il y a l'écriture, il y a plein de petites choses, mais il y a aussi
31:45 le fait que vous êtes montés tous les deux sur scène
31:47 et que le rapport à la scène,
31:49 c'est quand même autre chose que l'écriture.
31:51 Alors, vous et Eric-Emmanuel Schmitt, l'écrivain,
31:53 il est seul, on l'imagine, devant son
31:55 bureau, tout seul, tout seul, tout seul.
31:57 Quand vous arrivez sur scène,
31:59 le rapport au public, ça vous transcende, j'imagine,
32:01 ça change complètement. - J'ai l'impression
32:03 que c'est la fin de la solitude. - C'est ça.
32:05 - Et que c'est le bout du bout
32:07 de l'incarnation. D'un coup, les histoires
32:09 qui sont passées dans mon esprit
32:11 à travers ma plume, sur le papier,
32:13 eh bien, elles vivent dans
32:15 ma chair, dans mon corps, dans ma voix,
32:17 dans mon énergie.
32:19 Alors, c'est arrivé par accident.
32:21 Je me souviens, parce qu'il y a 30 ans, Jean-Claude Brialy m'avait
32:23 dit, parce qu'un acteur était malade,
32:25 et il devait
32:27 jouer à Ramatuel, une de mes pièces,
32:29 et il m'avait dit "Viens le remplacer".
32:31 Je lui avais dit "Mais plutôt crever,
32:33 je ne monterai jamais sur scène". Et puis,
32:35 il y a 14 ans, un acteur
32:37 jouait magnifiquement bien d'ailleurs,
32:39 M. Ebrahim et les Fleurs du Coran. - Oh là là !
32:41 - Magnifique. - J'adore. - Merci.
32:43 Seul sur scène, et il avait des
32:45 dates qu'il ne pouvait pas honorer.
32:47 La production m'a dit "Et si tu le remplacais ?"
32:49 Je me suis entendu répondre
32:51 "Oui". - Oh, voilà.
32:53 - Et voilà. Et je suis monté sur... J'ai vomi.
32:55 J'ai eu... - Jacques Brel.
32:57 - Oui, c'est ça. J'ai eu 5 jours
32:59 de répétition. 5 jours. - C'est pas beaucoup.
33:01 - Alors qu'il y avait eu un mois et demi de répétition pour l'acteur.
33:03 Bon, moi j'ai une mémoire d'enfer.
33:05 J'ai un laser à la place. Bernard Pivot,
33:07 à la table du concours,
33:09 m'appelait toujours l'hypermusique. - Le regretté Bernard.
33:11 - Le regretté Bernard.
33:13 Mais le public
33:15 a été tellement extraordinaire,
33:17 que j'ai recommencé. Et après,
33:19 je me suis mis à travailler pour
33:21 mériter l'accueil que j'avais eu dès le départ.
33:23 Mais je pense... - Vous y avez pris goût.
33:25 - Parce que c'était des fans dans la salle.
33:27 - Faites pas, non. - Ah, et j'ai pris goût.
33:29 - On fait pas de cadeaux à quelqu'un qui est sur scène.
33:31 - Oui, c'est vrai. - Alors justement, tiens,
33:33 Mariela, ça a parlé de nous,
33:35 de votre rapport au public, justement,
33:37 et du fait que forcément, une chanson,
33:39 elle prend une autre ampleur
33:41 quand elle est sur scène.
33:43 - C'est un lâcher prise. - Ouais. - Puis c'est surtout
33:45 une générosité, c'est un partage.
33:47 Pour moi, la musique
33:49 et l'écriture, c'est partager
33:51 ce qu'on a au fond de son cœur.
33:53 Et au plus intime, qui doit devenir
33:55 universel. Et quand on le lâche, ça devient universel.
33:57 Donc cette intimité,
33:59 c'est quelque chose d'incroyable
34:01 quand on le lâche.
34:03 - Oui, vous avez complètement raison.
34:05 On écrit pas comme on vomit,
34:07 on écrit pour les autres.
34:09 Et on ne joue pas comme
34:11 on s'exhibe. - Ah bah non.
34:13 - On est complètement offert à l'autre
34:15 pour essayer de le rendre heureux.
34:17 Donc c'est vraiment
34:19 la main tendue, l'écriture
34:21 ou monter sur scène. C'est vraiment pour l'autre.
34:23 Et on se rend malade pour être
34:25 à la hauteur du plaisir qu'on veut
34:27 procurer à l'autre. - Oui, bien sûr.
34:29 - Il n'y a que ça qui est con.
34:31 - Et il faut vraiment se dire qu'il faut lâcher.
34:33 Il faut lâcher la bête
34:35 qu'on a en soi. - Et alors,
34:37 comment ça se passe bien ? C'est super.
34:39 Et quand ça se passe mal ? Comment ça se passe ?
34:41 - Ça peut arriver, hein. Ça peut arriver,
34:43 bien sûr. Il y a des fois où on se trouve bien moins bien.
34:45 - Ouais. - C'est peut-être parce que
34:47 vous êtes en train... Est-ce que le fait d'avoir son propre
34:49 regard sur soi, c'est un truc à éviter
34:51 complètement, par exemple ? - Ah bah, ça c'est clair.
34:53 Il faut surtout pas... Je pense, plus
34:55 on prend de l'âge, plus
34:57 on...
34:59 on prend un second degré par rapport à tout ça.
35:01 On se dit "Bon, ça va, on va pas mourir, donc
35:03 c'est pas la fin du monde, au pire on se gamelle."
35:05 Et puis ce qu'il faut faire, surtout,
35:07 c'est partager,
35:09 en fait. C'est comme si on avait des enfants en face
35:11 de soi. Quand on a un enfant, on a envie
35:13 de lui donner. Et tout le
35:15 public qui est là, tout ce qu'il veut, c'est du bonheur,
35:17 c'est du rêve. Donc il faut lui donner
35:19 ce rêve et si on n'est pas à la hauteur de ça, il faut rentrer
35:21 chez soi. - On sent que vous êtes habité, hein, quand vous dites ça.
35:23 - Merci. - Vraiment, c'est comme ça que vous montez,
35:25 quoi. Vous vous offrez, en fait. - Je descends.
35:27 Je descends dans l'arène.
35:29 - OK. C'est une autre vision
35:31 des choses. Eric-Emmanuel Schmitt.
35:33 - Oui, quand ça se passe mal, en fait,
35:35 souvent le public a raison.
35:37 - Bah oui. - Ce que je veux dire, c'est que...
35:39 - C'est pas sincère. - Moi, une fois, non ?
35:41 Moi, une fois, ça s'est passé pas bien,
35:43 mais enfin...
35:45 J'ai joué
35:47 M. Ibrahim et le Feur du Courant le lendemain de la mort
35:49 de mon père. - Vous êtes
35:51 allé quand même, quoi. - J'y suis allé quand même.
35:53 - C'est dur, ça. - Mais
35:55 j'étais raide. - Ah oui. - J'étais triste.
35:57 Et au moment où je devais
35:59 jouer la mort de M. Ibrahim,
36:01 j'ai failli y rester, quoi.
36:03 Et j'ai vu après sur Internet
36:05 "Oh,
36:07 il était raide,
36:09 il était triste, il y avait un drôle
36:11 de rythme." La seule fois où j'ai eu des critiques
36:13 comme ça. Et
36:15 les gens disaient... Et en plus, il avait l'accent
36:17 belge.
36:19 J'arrivais pas à contrôler.
36:21 Donc je pense qu'il y avait l'accent
36:23 belge et l'accent lyonnais, puis c'est l'accent de mon enfance.
36:25 - Il y avait "papa", quoi.
36:27 - Et j'en ai jamais voulu aux gens, parce qu'ils savaient pas.
36:29 J'en ai jamais voulu aux gens de ce
36:31 qu'ils avaient écrit ce jour-là, parce que
36:33 je pense qu'ils avaient réellement raison. - Comme quoi on peut pas
36:35 mentir à son public. - Exactement.
36:37 - Merci à vous d'ailleurs, chers auditeurs, chers
36:39 auditrices qui écoutez CET EXCELLENT sur Sud Radio.
36:41 Nous sommes avec l'écrivain Éric-Emmanuel Chimit
36:43 et son très joli roman "La lumière du bonheur"
36:45 qui est sorti chez Albert Michel.
36:47 Et Marielle Saad, la chanteuse aux mille vies
36:49 qui nous chante tout ça dans Ping-Pong. Aussi
36:51 sur toutes les bonnes plateformes. Vous restez avec nous pour la
36:53 dernière partie de l'émission.
36:55 CET EXCELLENT avec la Confédération nationale
36:57 de la boulangerie-pâtisserie française.
36:59 Boulangères, pâtissières, vendeuses,
37:01 tourrières, des emplois,
37:03 des métiers d'avenir incarnant le savoir-faire
37:05 dans l'artisanat.
37:07 - Sud Radio
37:09 CET EXCELLENT, Judith Beller.
37:11 - CET EXCELLENT sur Sud Radio, c'est bientôt la fin
37:13 de votre émission autour de l'excellence française
37:15 et de ses esprits polyformes. Ce soir
37:17 pour encore un quart d'heure, je suis en compagnie de l'écrivain
37:19 Éric-Emmanuel Chimit et de son roman
37:21 "La lumière du bonheur" sorti chez
37:23 Albert Michel. Et c'est un bonheur.
37:25 Et la chanteuse Marielle Saad et son tout dernier album
37:27 Ping-Pong. Et ça aussi, ça fait du bien.
37:29 Alors Éric-Emmanuel Chimit, sur votre site,
37:31 je vous cite, vous dites, alors ça c'est
37:33 tiré de la nuit de Valognes et c'est la citation de
37:35 vendredi dernier. "Je me fuis moi-même
37:37 mais je ne perds jamais ma trace,
37:39 je me rattrape toujours."
37:41 Est-ce que ça vous définit ça ou c'est juste un de vos personnages
37:43 qui raconte ça ? J'ai envie
37:45 de savoir quand même. - En fait
37:47 ce qui est juste c'est que c'est pas
37:49 que je me fuis moi-même, c'est que
37:51 je n'éprouve aucun intérêt à me connaître.
37:53 Vous savez, Socrates
37:55 il disait "Connais-toi toi-même". Moi je
37:57 dis exactement l'inverse, mais connais-toi
37:59 toi-même. - Pourquoi ? - Comme ça on est libres.
38:01 - Ah bon ? - Comme ça on est libres.
38:03 - Est-ce que la liberté c'est pas la connaissance justement
38:05 Éric-Emmanuel Chimit ?
38:07 - Moi je, par exemple, vous savez, la question se pose souvent
38:09 quand on est créateur.
38:11 Les gens vous demandent "Est-ce que vous avez suivi
38:13 une analyse ou pas ?" etc.
38:15 Et moi je réponds "Sauf si
38:17 j'allais très mal, ce qui est
38:19 toujours possible, je ne le
38:21 ferais pas parce que je ne veux pas."
38:23 Mais on me dit "Mais comme ça vous vous connaitriez mieux
38:25 et peut-être que ça servirait votre art."
38:27 Et moi je réponds toujours
38:29 que si on touche à l'équilibre ou au
38:31 déséquilibre actuel
38:33 qui me rend fécond,
38:35 qui me rend créateur,
38:37 eh bien ça serait grave. Et donc c'est pour ça
38:39 j'ai jamais...
38:41 C'est Victor Hugo
38:43 en parlant de je ne sais plus quelle personne,
38:45 ce personnage dit "Je suis une force qui va."
38:47 Moi ce que j'aime être,
38:49 c'est une force qui va. - D'accord.
38:51 En fait pour vous, s'analyser
38:53 c'est ressasser aussi.
38:55 - Non, non. Il faut s'analyser
38:57 pour voir ce qu'on a dysfonctionnel
38:59 par rapport à soi et surtout ce qu'on a dysfonctionnel
39:01 par rapport aux autres. Donc de temps en temps je fais
39:03 quand même des grands shake-up
39:05 psychologiques pour
39:07 éviter d'être un monstre.
39:09 Parce que quand on a beaucoup de force,
39:11 on en a
39:13 trop. Et moi je suis plutôt
39:15 de ce côté-là. - De cet âge, ouais.
39:17 - Mais heureusement j'ai aussi une grande douceur et une vraie
39:19 réflexion. - Ah bah quand on vous lit, clairement.
39:21 - Oui, voilà. Mais j'essaye d'équilibrer.
39:23 Enfin tout à l'heure le problème de l'être humain c'est
39:25 d'équilibrer... - Le juste milieu.
39:27 - Oui, le juste milieu comme disait les grecs, comme disait
39:29 Aristote. Mais
39:31 donc non, moi je crois que
39:33 j'ai envie d'être hors de moi
39:35 plutôt que d'être...
39:37 - Qu'à l'intérieur. - D'être en moi.
39:39 Et en même temps quand je vais au plus profond
39:41 de moi, qu'est-ce que je trouve ? Les autres.
39:43 Les écrits les plus
39:45 intimes que j'ai faits.
39:47 Le livre que j'avais consacré à
39:49 ma mère qui s'appelle
39:51 "Le journal d'un amour perdu"
39:53 ou les écrits que j'ai faits
39:55 sur ma vie intérieure,
39:57 mon chemin spirituel, "La nuit de feu"
39:59 ou "Le défi de Jérusalem".
40:01 En fait je dis "je" mais je me rends compte que je rencontre
40:03 l'autre.
40:05 Plus on descend dans l'intime, plus on est dans
40:07 l'universel. - C'est l'infini.
40:09 - Oui. Donc
40:11 c'est l'ouverture à l'infini. - C'est un peu ce que
40:13 vous disiez tout à l'heure d'ailleurs.
40:15 C'est-à-dire que finalement
40:17 plus vous créez vous aussi
40:19 Marielle Sade, plus finalement vous êtes offerte
40:21 aux autres qui vous habitent aussi finalement.
40:23 - C'est ça, rejoindre l'infini.
40:25 C'est ça, je pense qu'on
40:27 doit être au service, enfin un créateur
40:29 il est au service de l'infini.
40:31 - D'accord. Qu'est-ce que c'est l'infini ?
40:33 - C'est une infinitude.
40:35 - D'accord.
40:37 - Enfin je...
40:39 - Si je vous dis "Le vide et plein" par exemple, ça vous parle ?
40:41 - Oui. Et le plein et vide.
40:43 - Et vous savez ce que c'est "vide" ?
40:45 C'est l'anagramme de "Dieu".
40:47 Ça vous parle aussi ça ? - Ah bah moi je crois
40:49 énormément en Dieu. - D'accord.
40:51 Et vous aussi Eric-Emmanuel Schmitt ?
40:53 - Moi je crois que... - En une force
40:55 en tout cas. Une force qui
40:57 nous unit tous. C'est pas le Dieu
40:59 qu'on va... - C'est pas le patriarche avec la barbe blanche là-haut.
41:01 - Non, pas du tout. - On a compris.
41:03 - Moi je crois que le vide est plein et que le silence n'est pas athée.
41:05 - Ah oui. - Voilà.
41:07 - C'est très joli tout ça. Alors
41:09 justement quand on
41:11 navigue comme ça, comme vous Marielle Sade
41:13 entre différents
41:15 milieux, le cinéma, la musique...
41:17 Vous avez été scénariste et vous l'êtes toujours pour
41:19 la télévision etc. - Ça, ça veut dire qu'elle a été
41:21 malheureuse. - Ah !
41:23 - Je ne connais pas de scénariste de télévision
41:25 heureux. - C'est vrai ? - Dites-moi. - Marielle ?
41:27 Vous avez été malheureuse en tant que scénariste ?
41:29 - Non. - Non. Voilà.
41:31 - Voilà. - Ma théorie qui se fond dans...
41:33 - C'est peut-être l'exception qui confirme la règle. - Tant mieux pour vous.
41:35 - Et alors ce que je voulais savoir c'est comment est-ce que
41:37 vous avez réussi à... Parce que vous avez dit vous avez jamais lâché
41:39 la musique. Comment vous avez réussi à équilibrer
41:41 toutes ces passions ?
41:43 - Ça, ça ne m'a jamais lâché.
41:45 Le piano, tous les soirs, tous les matins.
41:47 À n'importe quel moment.
41:49 Avec moi, dans n'importe quel voyage.
41:51 Donc il est toujours avec moi celui-là.
41:53 Il y a un tout petit piano comme ça
41:55 mais il voyage avec moi.
41:57 - Donc en fait il vous accompagne même
41:59 quand vous faites complètement autre chose quoi.
42:01 - Bah oui. Oui.
42:03 - En fait rien n'est séparable chez vous.
42:05 - Non. Non c'est vrai.
42:07 Je n'y ai jamais pensé comme ça mais
42:09 j'ai bien jugé. - Et du coup il y a des choses qui ont pris
42:11 plus de place que d'autres à certains moments.
42:13 C'est juste une histoire de mouvement c'est ça Marielle ? - Peut-être.
42:15 Oui. - D'accord. - Aussi
42:17 bon il fallait quand même que je
42:19 nourrisse mes enfants à un moment donné.
42:21 Donc c'est sûr que l'écriture scénaristique
42:23 pas de long métrage mais de
42:25 pour certaines télévisions
42:27 c'est plus... - Ça paye bien quoi.
42:29 - Ça paye. Ça permet en tout cas
42:31 de payer le loyer. - Et de faire de la musique derrière après.
42:33 - Bien sûr. - Quand on a envie. - Exactement.
42:35 - Ça c'est pas un sujet que vous avez eu vous ?
42:37 Ou c'est un sujet à un moment donné ? Parce que vos pièces
42:39 de théâtre en fait, Eric et Magnushin, vous avez commencé par ça.
42:41 Vous l'avez dit tout à l'heure, elles ont fonctionné assez
42:43 rapidement. - Oui, oui, oui. Moi j'étais
42:45 j'enseignais la philosophie à l'université.
42:47 J'ai enseigné 4 ans,
42:49 5 ans puis j'ai été rattrapé par le succès.
42:51 - C'est ça. - Tout de suite. - Vous avez vite
42:53 arrêté quoi. - Bah j'ai pu. - Vous avez pu le temps en fait.
42:55 - C'est exceptionnel pour un auteur
42:57 que la vie lui offre de pouvoir
42:59 se consacrer totalement à l'écriture et moi
43:01 la reconnaissance a été immédiate. J'ai pas
43:03 pitiéné dans l'antichambre. Moi j'ai beaucoup
43:05 de compassion pour les gens qui
43:07 piétinent dans l'antichambre. Je comprends très bien
43:09 beaucoup d'aigreurs qui habitent
43:11 tant d'écrivains. C'est normal.
43:13 Et d'ailleurs j'essaye
43:15 de jouer mon rôle
43:17 parce que je pense... - Parce que vous faites des masterclass aussi.
43:19 - Oui, mais surtout je suis au Goncourt.
43:21 - Oui, bien sûr. - Qu'est-ce que c'est être au Goncourt ?
43:23 C'est passer son temps bénévolement.
43:25 - A lire des livres. - A lire des livres
43:27 pour repérer des talents, mettre la lumière
43:29 sur des talents et peut échanger la vie
43:31 de plusieurs auteurs parce qu'il y a
43:33 le prix Goncourt de novembre mais il y a aussi ceux du printemps,
43:35 Premier Romand, La Nouvelle, etc.
43:37 Et voilà, moi je donne beaucoup
43:39 de temps à ça parce que moi j'ai été tellement
43:41 gâté qu'il faut bien que je rende un peu.
43:43 - Alors je le rappelle pour les
43:45 auditeurs aussi, vous êtes quand même agrégé de philo
43:47 et puis vous avez fait l'école normale sup et donc
43:49 membre de l'Académie Goncourt.
43:51 Finalement, c'est un destin
43:53 tout tracé, j'ai envie de dire, assez logique.
43:55 Il y a une certaine logique dans votre chemin.
43:57 - Oui, c'est-à-dire
43:59 que quand j'étais jeune, je voyais
44:01 que Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre
44:03 étaient sortis de l'école
44:05 normale supérieure. Donc je me suis dit
44:07 ça doit être une école d'écrivains.
44:09 Ou en tout cas, Charles Péguy, Gilles Romain,
44:11 etc. Ou en tout cas c'est pas une école qui fait
44:13 du mal aux écrivains. Et donc
44:15 en fait c'est une école qui prépare
44:17 les professeurs du
44:19 supérieur de l'université.
44:21 Mais la chose extraordinaire,
44:23 je ne crois plus qu'elle existe aujourd'hui,
44:25 la chose extraordinaire, moi c'était
44:27 en 1980, c'est que
44:29 on rentrait à Normale Sup, donc moi mon
44:31 prof c'était Jacques Derrida, Althusser.
44:33 - J'allais le dire, Jacques Derrida.
44:35 - Grand Jacques Derrida. - Et on nous disait
44:37 "faites ce que vous voulez,
44:39 mais réussissez."
44:41 Vous vous rendez compte ?
44:43 "Faites ce que vous voulez, mais réussissez."
44:45 Donc
44:47 moi j'étais rentré en lettres classiques,
44:49 je suis tout de suite passé à la philo,
44:51 j'ai passé la grecque, le doctorat, etc.
44:53 Mais j'avais ce "Va démer comme,
44:55 réussissez." Et je savais que ça serait
44:57 l'écriture. Et ça m'avait donné
44:59 aussi la force, le loisir.
45:01 Quand je suis arrivé à Paris, parce que j'étais en Normale Sup,
45:03 j'avais un salaire qui me permettait d'être
45:05 presque tous les soirs à la comédie française, pour regarder
45:07 les pièces, d'acheter
45:09 des livres, etc. Donc ça a été
45:11 une école de liberté. La vraie
45:13 formation, c'est marrant que le thème
45:15 revient aujourd'hui. - Comme quoi le cadre,
45:17 le cadre donne la liberté.
45:19 - Exactement. Mais aujourd'hui je crois qu'on est
45:21 beaucoup plus, on contraint beaucoup plus
45:23 les jeunes étudiants.
45:25 - Les jeunes étudiants dans le supérieur, oui.
45:27 - Marie Elsade,
45:29 à quoi peut-on s'attendre de Marie Elsade
45:31 dans les années qui viennent et dans les jours qui viennent
45:33 déjà pour commencer ?
45:35 - Dans les jours qui viennent, alors il y aura des concerts
45:37 cet été.
45:39 Il y aura bien sûr un nouvel âge
45:41 l'année prochaine. - Vous êtes déjà
45:43 dessus ? - Oh bah ! - Bien sûr !
45:45 - Alors là ! - Vous avez votre
45:47 fille à côté hors antenne, j'ai envie de lui demander si elle n'est pas
45:49 un peu fatiguée de temps en temps, Romy.
45:51 - Allez-y !
45:53 - Non, c'est hyper inspirant d'avoir une
45:57 mère et une femme.
45:59 - Aussi complète. - Oui, qui est complète
46:01 et qui assume sa créativité
46:03 et qui ne s'arrête pas sur des injonctions
46:05 que ce soit l'âge ou un lieu
46:07 de vie.
46:09 - Bon, vous avez réussi votre
46:11 chemin. Alors vous
46:13 donnez, allez-y. - Justement,
46:15 Romy est réalisatrice, et je tiens
46:17 à le dire, donc j'ai joué dans son précédent film
46:19 qui s'appelle "Le divorce de mes marrants", en l'occurrence
46:21 "Le divorce de son père et moi"
46:23 qui était épique
46:25 et elle en a fait une
46:27 oeuvre d'art merveilleuse,
46:29 chaleureuse, optimiste,
46:31 pas du tout de règlement de compte, rien que du bonheur
46:33 et de l'espoir, et avec
46:35 plein de mélodies parce que cette jeune personne
46:37 est également compositrice.
46:39 - On entend la maman fière. - Non, non, je suis pas
46:41 comme ça, moi je suis très dure.
46:43 - Alors juste rapidement vos concerts parce qu'on va devoir
46:45 rendre l'antenne. - Un film aussi, un long-métrage
46:47 que Romy va t'occuper
46:49 d'écrire qui s'appelle "Disc d'or" dans lequel
46:51 on va travailler aussi, et puis
46:53 donc un prochain album. - Et vos
46:55 concerts c'est quoi les dates et les lieux ? - Et les concerts, ça sera
46:57 sur mon Instagram, Facebook, machin, etc.
46:59 - Marielle Saad, comme le Marquis,
47:01 n'est-ce pas ? Voilà, vous êtes pas de la famille ?
47:03 - Non, et puis c'est pas un pseudo non plus.
47:05 - Bon, ben voilà.
47:07 Eric-Emmanuel Schimitt, ben on sait que vous
47:09 avez la lumière du bonheur, qu'on peut attraper
47:11 et aller l'acheter surtout.
47:13 Dans toutes les bonnes
47:15 librairies, c'est sorti chez Emmanuel
47:17 n'importe quoi, chez Albin Michel.
47:19 Et puis vous avez aussi
47:21 à Strasbourg, il y a aussi encore du théâtre
47:23 avec vous,
47:25 "Hôtel des deux mondes", c'est au théâtre du
47:27 Cube Noir à Strasbourg bientôt. - Mais vous me l'apprenez.
47:29 - Voilà, et ben voilà, c'est présenté
47:31 par la C12, le collectif 314
47:33 et ça sera du 18 au 22 juin
47:35 à 20h30, Eric-Emmanuel Schimitt.
47:37 Quel star, vous savez même plus
47:39 quand on vous joue. - Non. - C'est beau.
47:41 Allez, on s'écoute un petit peu de Marielle Saad pour ce qui
47:43 est en musique.
47:45 * Extrait de "Tour du monde" de Marielle Saad *
47:47 C'est excellent, c'est tous les dimanches
47:51 à 19h.
47:53 Et vous pouvez nous retrouver évidemment en podcast
47:55 sur le site YouTube de Sud Radio.
47:57 Le tout nouveau roman
47:59 d'Eric-Emmanuel Schimitt, c'est "La lumière du bonheur",
48:01 son tome 4 de "La traversée des temps"
48:03 et puis l'excellent album "Ping-Pong"
48:05 de Marielle Saad, disponible sur toutes les plateformes d'écoute.
48:07 Allez, c'est parti, à la semaine prochaine.

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