• il y a 7 mois
Avec Martial Fraysse, Docteur en Pharmacie membre de l’académie de nationale de Pharmacie et Pierre Lellouche, ancien Ministre

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##POULIN_SANS_RESERVE-2024-05-31##

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News
Transcription
00:00terre-de-france.fr, le premier site d'articles français et patriotes présente
00:05Alexis Poulin, sans réserve, l'invité.
00:09Et notre invité, c'est Marcial Fraisse, docteur en pharmacie, membre de l'Académie nationale de pharmacie,
00:15pour parler de cette grève inédite des pharmaciens.
00:18Hier, 9 pharmacies sur 10 ont suivi la grève fermée.
00:21Quels étaient les mots d'ordre de cette grève,
00:25et quelles sont les revendications et les inquiétudes de la profession ?
00:28Bonjour à tous, merci de me recevoir.
00:31Cette grève a été très suivie, comme vous le dites,
00:34ça a été même presque étonnant.
00:37L'Académie est, je dirais, un témoin privilégié de tout ce qui se passe au niveau pharmaceutique,
00:42et 9 sur 10, c'est vraiment important, et ça montre bien l'inquiétude des pharmaciens.
00:47Alors, nos motivations, principalement, et les motivations des pharmaciens,
00:51c'est l'inquiétude qu'ils ont de fournir des médicaments de façon régulière à leurs patients,
00:55notamment les patients chroniques, en voyant que toutes les classes médicamenteuses sont touchées.
01:00Les antiépileptiques, les antibiotiques, les antidiabétiques,
01:04que ce soit oraux ou injectables, on a énormément de classes touchées,
01:08et qui provoquent des ruptures de parcours de soins.
01:11Actuellement, même nos confrères hospitaliers ont du mal à trouver de la rifampicine,
01:15et nous également, pour soigner les cas de tuberculose.
01:19Mais d'où ça vient cette pénurie de médicaments ?
01:22Cette pénurie de médicaments, ce n'est pas nouveau,
01:25on a déjà eu des alertes cet hiver et auparavant.
01:29Comment on en arrive là, à ce degré d'effondrement du système de santé ?
01:33Pour vous remettre dans le contexte, en 2010, on avait 40 lignes de pénurie,
01:39donc 40 lignes de médicaments, 40 sortes de médicaments qui manquaient.
01:43En 2018, 320, 350, et là on a passé les 4200 lignes.
01:48C'est-à-dire qu'on est sur près de 20-25% du répertoire national.
01:52Un quart de médicaments qui manquent régulièrement,
01:56et avec une angoisse des malades,
02:00une angoisse même des pharmaciens qui sont là pour leur fournir
02:03les médicaments dont ils ont besoin.
02:05Comment on arrive à ça ?
02:07Principalement par l'éloignement des chaînes de production,
02:09c'est-à-dire quand vous avez des molécules qui sont fabriquées en Chine ou en Inde,
02:13qui sont nos molécules primaires, ce qu'on appelle les API,
02:16ensuite le façonnage peut se faire en Europe, voire en France,
02:19le moindre grain de sable dans la chaîne,
02:23c'est-à-dire ça peut être un cargo qui bloque Suez,
02:27ça peut être une grève dans une usine, un incendie,
02:30ça peut être toutes sortes de choses,
02:32fait que le médicament peut tomber en rupture.
02:34Et il y a un autre phénomène qui est arrivé, c'est l'inflation.
02:38Pour l'économie, on voit que la France va être notée ce soir par Standard & Poor's,
02:42pour pouvoir avoir une économie saine au niveau des dépenses de santé,
02:45le médicament a toujours été une variable d'ajustement,
02:48donc on a toujours diminué le prix du médicament,
02:50et on a continué à le diminuer,
02:52alors qu'on a une inflation qui s'est installée depuis plus de 3 ans.
02:56Donc à partir de ce moment-là, l'inflation étant là et une diminution des prix,
03:00on est dans un monde compétitif, même au niveau européen.
03:03Si vous voyez la différence entre, par exemple,
03:05si on prend l'amoxycilline qui a été en rupture pendant longtemps,
03:0730 gillules d'amoxycilline en Belgique, c'est autour de 18 euros,
03:1130 gillules d'amoxycilline en France, on est environ à 4-5 euros.
03:16Quand on est sur des écarts aussi importants,
03:18il est évident que les exportateurs, les importateurs et les laboratoires
03:23vont favoriser le plus offrant.
03:26Un autre paramètre dans la rupture, c'est qu'avant,
03:29si on avait une production qui était de 100,
03:32la demande mondiale, elle était à peu près de 95-98,
03:36si bien que les pays qui n'achetaient pas cher, la France comme la Grèce,
03:39trouvaient encore à se fournir.
03:41Mais les pays émergents commencent à consommer eux-mêmes,
03:44la production a augmenté, mais elle est toujours de 100,
03:48et la demande est de 110.
03:50Et à partir de ce moment-là, les pays qui essaient d'acheter le moins cher
03:53pour avoir des finances, on pourrait dire, de santé vertueuses,
03:56ne peuvent plus se fournir.
03:58Mais là, on voit bien qu'il y a un jeu de l'offre et de la demande
04:01où les labos essayent de faire monter les prix.
04:04Est-ce qu'il n'y a pas une réflexion qui pourrait avoir lieu
04:07sur la réindustrialisation, mais aussi sur une filière étatique du médicament ?
04:11Puisque la santé, c'est quand même important et on est censé...
04:14Cette réflexion, elle existe depuis des années.
04:17En 2018, on pouvait citer déjà l'entreprise américaine,
04:21qui est une association Civica.
04:23Alors, tout le monde dit Civica, mais c'est de la folie,
04:25mais Civica, c'est une association à but non lucratif.
04:29On pourrait dire, dans la bouche des Américains, c'est un gros mot.
04:33Et maintenant, ils l'ont fait.
04:35Actuellement, Civica fournit plus de 50 millions d'Américains
04:38avec des médicaments peu chers.
04:41Et le congrès américain a limité à 50% la fourniture du marché américain.
04:46En sachant que les acteurs qui ont créé Civica, c'est l'armée américaine,
04:50nous avons des chaînes de production aussi en France,
04:52il y a des chaînes de production d'armée en Allemagne,
04:55pareil, militaires, Espagne, Italie.
04:58Renaud crée un noyau dur, comme ça a été fait aux Etats-Unis
05:03pour avoir un consortium pharmaceutique.
05:06Ce serait possible, mais ce n'est qu'une partie du problème.
05:10C'est-à-dire que l'APHP, l'assistance publique des hôpitaux de Paris,
05:13est capable de fabriquer, mais il faudrait vraiment coordonner tout cela
05:17pour avoir une capacité d'un public de production pour faire le lien.
05:22Et également, revoir au niveau européen,
05:25parce que la France n'est pas suffisante à elle toute seule,
05:28pour pouvoir organiser le marché du médicament.
05:31Il faut que les Européens se mettent ensemble
05:33pour pouvoir être suffisamment puissants par rapport aux acteurs producteurs,
05:38aux laboratoires, pour déterminer une politique commune.
05:41Seulement le problème, on n'a pas de politique commune.
05:43Ce n'est pas ça justement, on ouvre l'Europe à longueur de plateau
05:45en disant on est plus fort ensemble, on a l'impression qu'en réalité non.
05:48Mais on n'a pas tous les mêmes problèmes.
05:50Vous avez une Europe vertueuse au nord, une Europe un peu plus dépensière,
05:53la France en fait partie avec un déficit qui est critique,
05:57et à partir de ce moment-là, nous n'avons pas les mêmes soucis.
06:02La Suède a décidé, elle, de payer très cher les médicaments
06:06pour avoir très peu de ruptures.
06:08On arrive à avoir des écarts de prix, notamment pour un produit de chimiothérapie,
06:12de 1 à 37.
06:14Si c'est 1 en France, c'est 37 en Suède, au niveau prix d'achat.
06:18Donc on voit bien que cet écart n'est pas jouable
06:20et que sans avoir une bonne coordination entre les différents pays européens,
06:23nous n'y arriverons pas.
06:24Que ce soit pour les médicaments dits « matures »,
06:27c'est-à-dire tous les médicaments qu'on a en générique dans les pharmacies
06:30qui sont très bon marché,
06:32mais maintenant qu'ils sont tellement bon marché en France
06:34qu'ils auraient tendance à éviter le marché français.
06:36Que ce soit aussi, et ça c'est la Cour des comptes qui l'a dit cette semaine,
06:40d'avoir une surveillance un peu plus attentive
06:42sur le prix de remboursement et le remboursement
06:45des traitements de chimiothérapie,
06:47qui représentent quand même 6 milliards d'euros.
06:49Donc le marché du médicament en France, c'est un tout.
06:54Et le résultat, c'est qu'actuellement on a des manques
06:57et que les patients en souffrent.
06:59Les pharmaciens en souffrent pour leurs patients
07:01parce que pour un pharmacien, il n'y a rien de pire que de dire « je n'ai pas ».
07:05Et donc notre grève était, je dirais, motivée par cela,
07:10mais aussi également par le fait qu'il n'y a pas de reconnaissance
07:14de l'inflation dans les honoraires des pharmaciens.
07:16Et que je plane aussi une sorte de miroir aux alouettes
07:20qui ferait croire aux institutionnels ou aux politiques
07:22que la dérégulation et la vente sur Internet de médicaments
07:28pourrait pallier à la rareté du produit.
07:31Et là, il faudrait faire très attention
07:33parce que quand on parle de dérégulation,
07:35voire de financiarisation, ça veut dire que ce sont souvent
07:39des acteurs financiers extérieurs au pays qui rentreraient
07:42tout simplement parce que l'État français
07:45et notre système d'assurance maladie est quelqu'un de solvable
07:50et pourrait permettre à des éléments extérieurs
07:53de s'enrichir finalement sur le travail des travailleurs français.
07:58Mais il y a quand même, c'est extrêmement inquiétant,
08:01cette image du système de santé français.
08:04On voit l'état de l'hôpital public, les urgences qui alertent,
08:08urgences fermées, etc.
08:10Maintenant, les pharmaciens qui alertent aussi
08:13sur la rupture des médicaments.
08:15Est-ce que vous avez eu des échos ou un dialogue
08:17avec le ministère de la Santé sur ce qui pourrait être fait
08:19dans les médias pour les patients ?
08:22Alors, on parle de coordination.
08:25La directrice de la NSM a quitté son poste
08:27et un des degrés F qui lui était reproché,
08:30c'était le manque de coordination qu'il y a eu
08:32entre les pharmaciens et les laboratoires.
08:35Mais pour la NSM, il faut bien se rendre compte
08:37que c'est quasiment impossible d'avoir une coordination facile,
08:40c'est-à-dire qu'on remplit énormément de papiers,
08:42on fait beaucoup d'administratifs à partir du moment
08:45où on n'a pas de médicaments disponibles.
08:47Vous pouvez regarder à la loupe le vide,
08:49c'est toujours du vide.
08:51Vous photographiez l'état des ruptures,
08:53mais j'ai toujours dit, la photo d'un pont en ruine
08:56n'a jamais fait traverser la rivière.
08:58Donc actuellement, on devrait surtout, je dirais,
09:01se focaliser sur les chaînes de production
09:04qui sont proches de la fermeture en France,
09:08parce qu'il y a un manque d'accompagnement, je dirais,
09:11de l'État pour les aider à se moderniser,
09:14les aider à se mettre à niveau.
09:16Il ne faudrait surtout pas perdre ce qui reste.
09:18Il faut absolument préserver nos chaînes,
09:21parce que si les chaînes ne deviennent plus rentables,
09:24puisque pour fabriquer, il faut de l'énergie.
09:26Donc l'énergie, on en a besoin.
09:28L'énergie la moins chère, c'est ce qui fait une industrie.
09:31Et il faut absolument les aider à se mettre
09:34au niveau de leur fonctionnement,
09:37et éviter les fermetures.
09:39Il faudrait tout répertorier, voir ce qui ne va pas,
09:42et que les services de l'État compagnient.
09:44Cet état des lieux, il est fait, non ?
09:46Les services de l'État fonctionnent très bien,
09:49ils contrôlent, mais là, il faudrait accompagner
09:52les entreprises pour éviter, on pourrait dire,
09:55la rupture de fabrication.
09:57À un moment, oui, là ça ne va pas,
09:59mais il faut absolument tout de suite mettre en route
10:01toutes les oeuvres possibles,
10:04ou toutes les aides possibles,
10:06pour que les chaînes de fabrication ne s'arrêtent pas.
10:09Et aujourd'hui, quels sont les principaux médicaments,
10:14où il y a un danger vital,
10:16si ces chaînes sont en rupture, comme c'est le cas actuellement ?
10:19Les antibiotiques, principalement.
10:22Les façonniers qui fabriquent des produits injectables,
10:26parce que la chaîne des produits stériles injectables
10:30est excessivement fragile, et sur des normes,
10:32et ça, il faut rassurer les Français,
10:35si on a des problèmes, souvent c'est pour des lots
10:37qui sont refusés également,
10:39tout simplement parce que le contrôle est très strict.
10:41Donc nous avons des médicaments de qualité.
10:43Si on veut garder ces médicaments de qualité,
10:45et surtout garder des médicaments disponibles,
10:47il faut vraiment que toute la mise en œuvre des actions
10:51soit dans le même sens.
10:53La FDA, aux États-Unis,
10:55est devenue accompagnante.
10:57C'est l'autorité qui autorise les médicaments.
10:59C'est l'agence du médicament américaine.
11:02Elle aide énormément les industriels
11:04pour être à niveau.
11:06La fameuse Civica, c'est 2500 hôpitaux,
11:09des grosses usines de production,
11:12et il y a un accompagnement pour aider à produire, produire.
11:16Il faut que les Français se rendent compte,
11:18et nos institutionnels,
11:20que produire du médicament, c'est produire de la richesse.
11:23C'est vendre pour des pays
11:25qui n'arrivent pas à le produire également.
11:27Il ne s'agit pas de dire
11:29qu'ils vont s'en mettre plein les poches.
11:31Mais non, le médicament, c'est un bien commun.
11:33Il faut raisonner au niveau européen.
11:35L'agence européenne du médicament existe
11:37pour essayer de mutualiser
11:41les efforts
11:45et les dossiers
11:47pour pouvoir continuer à travailler.
11:49Actuellement, on verrait des chaînes
11:51qui quittent la France
11:53parce qu'ils n'arrivent pas à se mettre à niveau,
11:55qui vont en Pologne, en Tchéquie, en Slovaquie.
11:58Pourquoi ? Parce que là-bas, ils ont un accompagnement direct
12:01pour pouvoir continuer à produire
12:03parce que ces pays sont en train de se spécialiser
12:05dans la fabrication de médicaments.
12:07L'Italie nous a remplacés d'ailleurs.
12:09C'est un choix stratégique de dire que finalement,
12:11la France laisse tomber la filière médicaments
12:13et tous ces discours sur la réindustrialisation,
12:16sur la capacité aussi de souveraineté,
12:19sont en fait du vide.
12:21Non, ce n'est pas du vide.
12:23Je pense qu'on est en train de louper une étape.
12:25On passe tout de suite à l'étape d'après.
12:27On a le plateau de Saclay
12:29avec des ingénieurs brillants
12:31et on a des techniques de fabrication de molécules
12:34qui vont nécessiter moins d'énergie
12:36et qui seront plus durables,
12:38avec des centrifugeuses, avec toutes sortes de moyens
12:40qui vont permettre de faire de la chimie plus propre.
12:42Mais la difficulté, c'est que ce n'est pas pour demain.
12:44Le temps qu'on installe ça,
12:46il faut faire le reste.
12:48C'est-à-dire qu'on fait énormément d'efforts sur la grande innovation,
12:51mais pas assez sur le maintien de ce qui existe.
12:54Et il faut bien raisonner sur le fait,
12:57par exemple, quand un patient traverse la frontière allemande
12:59pour aller chercher son médicament qui manque en France
13:01et qui va en Allemagne, en Belgique ou en Italie,
13:03l'assurance maladie
13:05le rembourse sur le prix qu'il a payé
13:07en Italie, en Allemagne ou en Belgique,
13:09c'est-à-dire beaucoup plus cher.
13:11Donc, il y a un juste milieu
13:13pour les choses,
13:15mais il faut avoir une coordination.
13:17L'Académie nationale de pharmacie,
13:19depuis des années,
13:21elle conseille
13:23ou elle préconise
13:25la mise en place
13:27d'une sorte de coordonnateur
13:29auprès du Premier ministre
13:31pour que tous les ministères
13:33aient un seul interlocuteur par rapport au médicament.
13:35Parce qu'actuellement,
13:37quand vous êtes divisé entre
13:39le ministère des finances qui fixe les prix,
13:41l'agence du médicament,
13:43le ministère de la santé,
13:45la haute autorité de santé,
13:47une autre agence qui a son intérêt,
13:49mais que tout le monde ne se parle pas
13:51et la cour des comptes qui arrive après
13:53pour dire qu'il fallait faire attention.
13:55Donc, on a des compétences,
13:57mais on manque d'efficacité.
13:59Je dirais même d'agilité.
14:01Parce que quand on a autant de compétences,
14:03autant de gens bien formés,
14:05on devrait pouvoir faire quelque chose d'important.
14:07La France a toujours été un acteur majeur de la pharmacie,
14:09et là, on est en train de disparaître,
14:11on est remplacé par nos voisins italiens.
14:13Mais moi, je refuse
14:15cet état de fait, nous refusons à l'Académie.
14:17Nous avons encore
14:19des formations de qualité.
14:21Je dirais même qu'il faudrait
14:23augmenter le numerus clausus.
14:25J'ai un étudiant, peut-être,
14:27qui sera digne d'un prix Nobel.
14:29Mais pour celui-là, il fallait l'avoir.
14:31Et donc,
14:33ce n'est pas un risque de former.
14:35C'est un coup, c'est vrai,
14:37mais former plus de pharmaciens,
14:39plus de médecins, plus de sages-femmes,
14:41et ainsi de suite, c'est
14:43créer un réseau solide pour prendre en charge
14:45les patients.
14:47Autre sujet, c'est justement la désertification médicale.
14:49Est-ce que les pharmacies
14:51sont soumises aussi
14:53à cette loi de la fermeture ?
14:55Et finalement,
14:57des citoyens français
14:59se retrouvent très loin de l'accès aux soins,
15:01y compris d'une pharmacie.
15:03Ce n'est pas encore le cas, mais ça va le devenir.
15:05C'est-à-dire que si on regarde l'âge moyen
15:07des pharmaciens en France,
15:09beaucoup de pharmacies
15:11où le pharmacien est seul avec sa
15:13préparatrice, son préparateur,
15:15un adjoint ou une adjointe
15:17à mi-temps ou à temps plein,
15:19ça veut dire qu'il va être
15:21ouvert 52 heures par semaine, il va effectuer
15:23des gardes de nuit et de jour,
15:25et cette perspective pour des jeunes
15:27n'est pas toujours engageante.
15:29C'est pour cela qu'il vaudrait
15:31avoir,
15:33comme c'était le cas avant,
15:35suffisamment de pharmaciens pour pouvoir
15:37occuper ses postes
15:39et être à proximité de la population.
15:41La crise de la Covid a montré à quel point
15:43la proximité était importante.
15:45Si un réseau a bien tenu
15:47le choc, c'était les pharmaciens,
15:49et quand on voit, par exemple, la téléconsultation
15:51par les médecins,
15:53notamment sur les angines,
15:55quand le médecin prescrit
15:57un trot d'angine,
15:59il se présente dans une pharmacie
16:01de brique et de mortier, comme on le dit,
16:03pour pouvoir faire le test et avoir
16:05la délivrance de l'antibiotique.
16:07La présence des pharmacies au cœur
16:09des territoires est vraiment importante.
16:11Ça, justement,
16:13ça a été une des motivations
16:15de la grève, parce qu'on
16:17a peur que
16:19beaucoup de pharmacies ferment,
16:21parce qu'ils ne trouvent pas de repreneurs. On l'a vu en Bretagne,
16:23on l'a vu dans des reportages.
16:25Il y a quand même des pharmaciens
16:27qui sont formés. Il faudra
16:29en former plus pour pouvoir
16:31reprendre ces pharmacies
16:33et avoir un exercice
16:35qui soit suffisamment,
16:37je dirais, de qualité.
16:39En Belgique, l'année dernière,
16:41les honoraires des pharmaciens ont été
16:43revalorisés de 8%,
16:45cette année, de 6%.
16:47Les honoraires, depuis 2017, en France, ils n'ont pas été revalorisés.
16:49Donc, voyez,
16:51tout ce décalage entre
16:53le discours ambiant,
16:55l'inflation qui s'est installée
16:57et les moyens que l'on peut donner aux équipes,
16:59parce que nous, nous suivons les équipes,
17:01les équipes ont besoin d'une reconnaissance,
17:03et la réalité des choses
17:05fait que les pharmaciens sont très inquiets.
17:07Merci beaucoup,
17:09Martial Fraisse, docteur en pharmacie,
17:11de l'Académie nationale de pharmacie,
17:13d'avoir expliqué cette crise
17:15du médicament et de la pharmacie
17:17en France. Merci à vous.
17:29Alors hier, il y avait encore un débat avec
17:31toutes les têtes de listes aux européennes
17:33où on a discuté un peu de
17:35choses et d'autres, et pour une fois, on a parlé
17:37du pouvoir d'achat des Français avec un moment
17:39assez lunaire, vous allez voir où
17:41Valérie Ayé, tête de liste de
17:43Renaissance, a eu un moment un peu Marie-Antoinette,
17:45vous savez, ils n'ont pas de pain alors qu'ils mangent
17:47de la brioche. Là, c'était sur
17:49une question sur la voiture.
17:51On écoute ce que disait la candidate.
17:53J'ai vu que Fabienne, elle avait
17:55une voiture, et dans le reportage, il était dit que
17:57sa préoccupation, c'était de
17:59payer le contrôle technique. Je ne sais pas si
18:01Fabienne probablement a une voiture thermique,
18:03eh bien, une mesure de pouvoir d'achat
18:05aussi, c'est d'aller vers la voiture
18:07électrique abordable pour les Français.
18:09Voilà, alors, effectivement,
18:11Fabienne, enfin, vous ne pouvez pas payer le contrôle
18:13technique, achetez une voiture électrique.
18:15On avait eu, je crois que c'était Bruno Le Maire
18:17qui parlait aussi à un
18:19Français qui avait du mal à se chauffer,
18:21qui ne pouvait pas payer la facture d'électricité,
18:23et le conseil était tout simplement de refaire
18:25l'isolation du logement. Alors Fabienne, c'est
18:27pareil, s'il y a un problème de toiture, une tuile
18:29endommagée ou quelque chose, changez la toiture,
18:31mettez des panneaux solaires. Par exemple, si
18:33Fabienne a du mal à payer le loyer,
18:35plutôt qu'elle soit locataire,
18:37elle n'a qu'à devenir propriétaire. Et puis,
18:39si Fabienne a du mal à nourrir
18:41ses enfants, eh bien, elle peut aller dans la forêt
18:43et essayer d'abandonner ses enfants, comme
18:45les contes et les légendes l'ont
18:47parfois montré par le passé. C'est assez
18:49incroyable, quand même, cette déconnexion des
18:51candidats sur le
18:53quotidien des Français qui ont
18:55affaire à l'inflation, qui ont affaire aussi
18:57aux difficultés de ce quotidien.
18:59Le contrôle technique, oui, ça peut être
19:01difficile. On voit les zones à faible
19:03émission qui se sont multipliées, qui sont
19:05autant de punitions pour les propriétaires
19:07de voitures anciennes. Et voilà,
19:09la seule réponse, c'est
19:11simplement d'acheter une voiture hors de prix.
19:13Voiture électrique, bien sûr. Alors,
19:15évidemment, on va essayer de sauver la planète avec
19:17Fabienne. Faites un effort, quand même.
19:19Mais j'aimerais, à un moment,
19:21que certains se rendent compte
19:23du fossé grandissant entre
19:25ceux qui ont fait de la politique plus
19:27qu'une occupation, un métier, et ceux qui,
19:29englués dans le réel, ont bien du mal
19:31à payer ne serait-ce que le contrôle technique.
19:33Alexis Poulin, sans réserve,
19:35l'invité.
19:37Et notre invité, c'est
19:39Pierre Lelouch, ancien ministre député,
19:41spécialiste de géopolitique et de questions
19:43internationales, qui
19:45va revenir avec nous sur
19:47cette crise ukrainienne,
19:49guerre en Ukraine, qui
19:51pourrait déboucher sur une troisième
19:53guerre mondiale, si on voit
19:55cette escalade se poursuivre.
19:57Hier, c'était Emmanuel Macron qui
19:59disait qu'il était pour l'emploi des armes
20:01de l'OTAN par l'Ukraine
20:03sur le territoire russe. Aujourd'hui, c'est l'Allemagne
20:05qui embraye le pas.
20:07Le président Zelensky est en Suède
20:09pour essayer d'emmener davantage
20:11des alliés de l'OTAN vers
20:13cette escalade. Et Joe Biden,
20:15on apprend, président américain, qui lui aussi
20:17finalement revient sur ses positions
20:19et dit que, compte tenu de l'offensive
20:21sur Kharkiv,
20:23Kiev pourrait utiliser les armes américaines
20:25également sur le territoire russe.
20:27Alors, où en est-on aujourd'hui de cette crise ukrainienne ?
20:29Et pour vous, quels sont les
20:31dangers immédiats ?
20:33Tous ces dirigeants me font penser
20:35au livre de Christopher Caldwell
20:37sur le début de la première guerre mondiale.
20:39Vous savez, le livre qui s'appelle...
20:41le livre formidable qui s'appelle Les Somnambules.
20:43Ma tribune, dans le Figaro d'hier,
20:45je l'avais intitulé
20:47Comment trébucher dans la guerre ?
20:49Le Figaro a mis un titre
20:51plus accrocheur, mais
20:53c'est bien de ça dont il s'agit.
20:55C'est le titre aussi de mon livre
20:57à l'automne,
20:59ce qui va s'appeler L'engrenage, c'est que
21:01on rentre dans un processus
21:03qui est...
21:05qu'on aurait pu éviter
21:07depuis longtemps, mais bon,
21:09on y est, et
21:11la dynamique fait
21:13que plus ça va,
21:15plus ça devient dangereux. Alors, je rappelle quand même
21:17de quoi il s'agit.
21:19Depuis 1945, et l'invention
21:21de la bombe atomique, il y a eu
21:23avant l'Ukraine, un seul cas
21:25de confrontation directe entre
21:27les Américains et les Russes,
21:29c'était lors de la crise des fusées de Cuba.
21:31Les Russes avaient déployé
21:33des missiles à moyenne portée à Cuba
21:35parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de missiles en terre
21:37continentaux, donc ils avaient déplosé
21:39à Cuba, et Kennedy
21:41avait organisé un blocus.
21:43Il y a eu un blocus naval, et une période
21:45très tendue, le monde avait tremblé
21:47pendant une douzaine de jours, à cause
21:49du risque d'affrontement direct entre les deux grands.
21:51Là, ça fait deux ans et demi
21:53que
21:55quatre puissances nucléaires se font
21:57face à face autour de l'Ukraine,
21:59les Etats-Unis,
22:01l'Angleterre et la France d'un côté,
22:03la Russie de l'autre, autour de ce
22:05pays tampon qui s'appelle l'Ukraine,
22:07et dont le sujet, c'est au fond le statut
22:09neutre, pas neutre
22:11à l'ouest ou à l'est, c'est ça
22:13l'histoire de l'Ukraine depuis son indépendance
22:15il y a trente ans. C'est ça que je raconte
22:17dans mon livre. Toutes les occasions ratées
22:19d'organiser pacifiquement
22:21le statut de l'Ukraine
22:23à l'intérieur d'un système de sécurité
22:25en Europe, on a raté.
22:27Mais c'était le sujet des accords de Minsk
22:29qui ont été non respectés.
22:31C'était le fameux format Normandie
22:33sous
22:35Macron-Merkel qui a raté, enfin on a raté
22:37plein d'occasions, et du coup
22:39tout ça a basculé dans la guerre
22:41à cause de Poutine, bien sûr,
22:43mais aussi, pas mal,
22:45c'est ce que je dis dans mon livre,
22:47à cause des erreurs que nous avons commises
22:49de ne pas avoir entendu ce que disait
22:51l'autre côté, puis surtout de ne pas être
22:53préparé au pire,
22:55c'est-à-dire à la situation de guerre.
22:57Bon, alors, depuis deux ans
22:59et demi, deux règles
23:01ont émergé
23:03pour éviter justement
23:05une confraglation générale, type
23:071914,
23:09et ces deux règles, c'était
23:11la première explicite de Biden
23:13dès le début, dès février 2022,
23:15ne pas mettre
23:17de soldats américains ou de l'OTAN
23:19en Ukraine.
23:21No boots on the ground.
23:23Pas de soldats...
23:25Cette ligne rouge a commencé
23:27à être entamée
23:29par le président
23:31Macron, le 26 février dernier,
23:33quand il a commencé à dire, mais en fond,
23:35pour reprendre l'ambiguïté stratégique,
23:37il faut mettre, pourquoi pas,
23:39des soldats en aide à l'Ukraine.
23:41Et il a cessé
23:43de répéter cela depuis trois mois,
23:45recueillant depuis, d'ailleurs,
23:47le soutien des Baltes ou des Polonais
23:49qui sont les plus exposés. Les Américains
23:51sont toujours sur une ligne, pas de soldats
23:53en Ukraine. Puis il y avait
23:55une deuxième limite qui consistait
23:57à livrer un maximum d'aide
23:59militaire à l'Ukraine,
24:01mais à condition de confiner la guerre
24:03géographiquement sur le territoire ukrainien.
24:05Au fond, il y avait une sorte
24:07de deal implicite, les Russes
24:09n'interrompaient pas le flot
24:11d'armes occidentales vers l'Ukraine
24:13et il y en a eu beaucoup,
24:15quelque chose comme 200 milliards
24:17d'aides militaires depuis deux ans et demi,
24:19c'est sans précédent, une quantité d'armement
24:21considérable.
24:23Mais de l'autre côté, ces armes,
24:25elles ne tapaient pas le territoire russe.
24:27C'était ça,
24:29la contrepartie de cette règle
24:31implicite. Or,
24:33il se trouve que, depuis l'échec
24:35il y a un an de l'offensive ukrainienne,
24:37la fameuse de juin 2023,
24:39sur laquelle tout le monde comptait
24:41pour mettre fin militairement
24:43au conflit, repousser les
24:45forces russes hors des territoires occupés.
24:47Depuis,
24:49l'initiative, en fait, est en train
24:51de passer côté russe, l'armée ukrainienne
24:53est en grande difficulté et,
24:55naturellement, Zelensky est dans son rôle
24:57en essayant d'aller vers l'escalade
24:59et vers l'internationalisation
25:01de la guerre. Le problème,
25:03c'est que, là encore, les occidentaux,
25:05après avoir hésité,
25:07commencent à dire
25:09à Kharkov, à Kharkiv,
25:11il y a un risque
25:13que la ville tombe et, pour ça, il faut
25:15pouvoir taper en profondeur. La profondeur,
25:17c'est un territoire russe.
25:19Sur les bases de lancement des missiles russes,
25:21il y a déjà des drones qui ont attaqué
25:23des radars.
25:25Dans ma deuxième règle
25:27implicite, on ne l'a jamais
25:29appliquée aux Ukrainiens. Les Ukrainiens avaient
25:31tout à fait le droit, avec leurs propres armes,
25:33c'est ce qu'ils font d'ailleurs,
25:35en mer Noire, sur les raffineries
25:37russes et même sur Moscou.
25:39La question aussi de troupes
25:41au sol, certes, elle est soulevée
25:43par Emmanuel Macron, mais il y a déjà
25:45sans doute
25:47des opérateurs
25:49ou des troupes spéciales de l'OTAN
25:51qui épaulent les armées
25:53ukrainiennes. On avait déjà eu, en demi-teinte,
25:55l'aveu du fait qu'il y avait
25:57un soutien. Il y a sûrement
25:59des agents.
26:01Le New York Times a parlé de
26:0314 réseaux, de 14 agences
26:05CIA le long de la frontière.
26:07Il y a sûrement des espions de tout genre.
26:09Après, entre des
26:11techniciens et puis une présence
26:13militaire forte, c'est une autre histoire.
26:19Ensuite se posera une autre question,
26:21qui est les techniciens qui font marcher
26:23les missiles à longue portée.
26:25Donc on est dans
26:27une zone qui n'est pas
26:29claire et qui est potentiellement dangereuse.
26:31Après,
26:33j'espère que
26:35les dirigeants qui nous gouvernent ne sont pas
26:37comme les snobnobules de
26:391914.
26:41Tout ça ne va pas dégénérer.
26:43Il y a la cérémonie du
26:45débarquement qui est prévue le 6 juin.
26:47Emmanuel Macron a décidé de ne pas inviter la Russie.
26:49En revanche, le président ukrainien
26:51Zelensky sera là. Joe Biden également.
26:53Emmanuel Macron prévoit de faire des annonces.
26:55Et on a vu
26:57un pas de deux entre la France et l'Ukraine
26:59sur l'accueil de formateurs
27:01auprès de l'armée ukrainienne, démentie
27:03par le ministère de la Défense français.
27:05Mais là, si déjà dans la presse
27:07on entend parler de ces annonces,
27:09c'est qu'elles risquent d'être assez cruciales
27:11pour la suite des opérations.
27:13J'ai l'impression que, compte tenu de la réticence américaine,
27:15les Américains campent sur une ligne.
27:17Ils ne veulent pas faire de troisième guerre mondiale en Ukraine.
27:19Ils ont d'autres soucis. Leur souci principal
27:21c'est la Chine. Donc ils n'ont pas
27:23du tout l'intention de s'engager dans une guerre
27:25en Ukraine, ni même d'ailleurs de prendre l'Ukraine
27:27à l'intérieur de l'OTAN.
27:29Sinon ça se saurait.
27:31Oui, ça a été annoncé d'ailleurs en disant que
27:33des négociations pour parler sont pour plus tard,
27:35bien plus tard.
27:37Oui, on a vu à VILNEWS l'été dernier,
27:39c'était l'occasion de faire rentrer l'Ukraine dans l'OTAN.
27:41Les Américains ont dit non, tant que la guerre continue.
27:43Pas question, etc.
27:45C'est une des questions
27:47majeures d'ailleurs. Qu'est-ce qui se passe
27:49après la guerre ?
27:51C'est ce sur quoi j'ai travaillé dans mon livre.
27:53C'est ça qui est très très important.
27:55Mais d'ici là,
27:57moi j'ai un regret.
27:59C'est que
28:01cet anniversaire très important
28:03en 1944-2024,
28:07il aurait pu être l'occasion
28:09d'essayer de relancer
28:11le mot tabou
28:13que personne ne veut prononcer,
28:15le mot négociation. Il y a bien un moment
28:17où cette guerre va s'arrêter.
28:19Soit elle s'arrêtera sur la capitulation
28:21de l'un ou l'autre,
28:23soit par un accord, un armistice,
28:25un cessez-le-feu.
28:27Et quelque chose qui fera qu'on peut ensuite
28:29espérer reconstruire et refabriquer
28:31un système de sécurité en Europe.
28:33Mais ce mot, personne ne va entendre parler.
28:35Or, l'occasion, elle était là en réalité.
28:37Mais il y a quand même les Chinois
28:39qui essayent de pousser
28:41vers une issue diplomatique.
28:43Non, les Chinois ne s'en mêlent pas.
28:45Le président de la République a tout fait
28:47pour faire de Xi Jinping
28:49un arbitre de paix. Ils ne veulent pas s'en mêler.
28:51C'est leur intérêt, les Chinois,
28:53de laisser leur allié vassal,
28:55la Russie, s'embourber dans la guerre
28:57et les Occidentaux aussi.
28:59Pour les Chinois,
29:01c'est bon dans tous les cas de figure
29:03et plus ça dure, mieux c'est pour eux.
29:05Et qui aujourd'hui promeut une solution
29:07de négociation ?
29:09Mais personne n'ose le faire, sauf votre serviteur
29:11et quelques autres aux Etats-Unis
29:13qui immédiatement prennent une baffe sur la tête.
29:15Le Pape a essayé, lui-même a pris
29:17une baffe sur la tête.
29:19Personne ne veut parler de négociation.
29:21La mantra côté occidental
29:23consiste à dire et à répéter
29:25que seuls les Ukrainiens
29:27peuvent décider du moment
29:29où ils feront cette négociation.
29:33Quelque chose qui m'a profondément étonné
29:35dès le début de ce discours,
29:37c'est qu'on donne
29:39la carte de crédit
29:41et un droit de tirage sur l'aide économique
29:43et militaire à très
29:45grande ampleur
29:47pour les Ukrainiens dans nos budgets
29:49et en même temps
29:51on s'interdit de dire
29:53il y a un moment où il faut que ça s'arrête
29:55et il faut que les intérêts...
29:57On va reprendre
29:59l'entretien dans un instant et voir
30:01justement sur ces solutions
30:03que vous allez évoquer dans votre livre
30:05et surtout sur le risque d'engrenage
30:07actuel. A tout de suite.
30:17Et on reprend
30:27avec notre invité Pierre Lelouch,
30:29ancien ministre spécialiste de questions géopolitiques
30:31sur cette crise ukrainienne
30:33qui va vers l'engrenage, on en parlait
30:35à l'instant. Aujourd'hui, on voit
30:37que l'Ukraine cherche,
30:39du moins le président Zelensky cherche
30:41à emmener les alliés vers davantage
30:43de guerre, davantage d'implication.
30:45Est-ce qu'il n'y a pas un problème tout simplement
30:47démographique aussi de voir
30:49une armée ukrainienne exsangue
30:51qui a bien du mal face
30:53à la Russie qui recrute
30:55et envoie massivement des combattants
30:57pour... Il y a un problème démographique
30:59à la base qui est que vous avez plus de 140
31:01millions d'habitants en Russie
31:03et qu'en Ukraine la population
31:05elle est tombée à
31:07moins de 40 millions.
31:09Pendant les années d'indépendance
31:11le pays était tellement mal géré
31:13que vous avez eu presque 8 à 9 millions
31:15d'Ukrainiens qui sont partis. Et depuis
31:17la guerre, 8 autres millions. Donc là,
31:19le nombre d'Ukrainiens actuellement
31:21en Ukraine, ça tourne autour de 36
31:23peut-être au maximum 40 millions
31:25avec un trou démographique
31:27pour les 18-25 ans.
31:29Ce qui fait que Zelensky
31:31a beaucoup hésité d'ailleurs
31:33il ne l'a toujours pas fait,
31:35a baissé l'âge de la conscription et
31:37il a baissé de 27 à 25 ans.
31:39Voilà, 25 ans c'est l'âge de la
31:41mobilisation. Vous imaginez que
31:43les gens sont sur le front depuis 2 ans,
31:45ils n'ont jamais eu de retour chez eux
31:47et la moyenne
31:49d'âge maintenant c'est 43 ans.
31:51D'un autre côté vous avez
31:53à l'extérieur de l'Ukraine, d'après les
31:55chiffres d'Eurostat, donc
31:57européens, 600 000
31:59hommes en âge de combattre ukrainiens
32:01qui évitent de
32:03rentrer en Ukraine. Mais il y a eu des lois qui ont été
32:05votées récemment justement pour les forcer à rentrer
32:07ou les consulats
32:09ukrainiens, notre délivrerie, notre passeport,
32:11pour pousser
32:13au retour de potentiels combattants.
32:15Disons que le climat a changé. Au début il y avait un
32:17enthousiasme pour prendre les armes et défendre le pays.
32:19Depuis, vu le nombre,
32:21le massacre, c'est une guerre
32:23extrêmement
32:25meurtrière
32:27qui est équivalente à celle de 14-18
32:29en termes de tranchées, mais pire encore
32:31parce qu'il y avait des dirigeables,
32:33aujourd'hui vous avez des drones, donc les gens sont
32:35littéralement massacrés.
32:37Il y a au moins
32:39un demi-million de victimes
32:41d'ores et déjà des deux côtés.
32:43Et là des combattants, on ne parle pas de civils.
32:45Non, on ne parle que des combattants.
32:47C'est extrêmement coûteux,
32:49c'est dramatique pour ce malheureux pays
32:51qui est l'Ukraine.
32:53C'est pas bon non plus pour la Russie.
32:55Je suis profondément
32:57triste de voir que cette situation
32:59ait pu
33:01dégénérer à ce point
33:03par d'une part
33:05l'aveuglement de Poutine d'un côté
33:07et de l'autre côté notre surdité
33:09quand il disait des choses.
33:11Deux choses l'une, quand quelqu'un vous dit
33:13non, je ne souhaite pas que
33:15soit on lui dit non et on se prépare à la guerre
33:17soit
33:19on écoute ce qu'il dit.
33:21Comme souvent avec les démocraties,
33:23c'est du ni-ni, ni on a écouté
33:25ni on s'est préparé. On se retrouve
33:27aujourd'hui dans une situation où il y a une guerre
33:29sur le continent européen
33:31avec un possible risque d'escalade
33:33si quelqu'un fait une bêtise
33:35et Nicolas Sarkozy a dit on est sur
33:37le bord d'un volcan et il a raison.
33:39C'est une situation qui est périlleuse.
33:41Nous ne sommes pas prêts.
33:43Nous avons un discours très martial
33:45sur le thème je vais envoyer des forces
33:47on va tirer sur les Russes
33:49quand c'est nécessaire, etc.
33:51Mais de l'autre côté je ne vois pas de préparation
33:53du pays
33:55de nos forces armées à un conflit
33:57de cette taille.
33:59Il y a eu des opérations de l'OTAN ?
34:01Ça fait 30 ans qu'on est en désarmement
34:03budgétaire unilatéral. L'Occident
34:05a totalement baissé
34:07les bras, notamment les Européens.
34:09Les Américains ont quand même un énorme budget de défense.
34:11Oui parce que ça s'intéresse aussi au Pacifique
34:13au Moyen-Orient. Nous on a
34:15comme disait Fabius à l'époque
34:17en 92, on a
34:19engrangé les dividendes de la paix
34:21et on a engrangé des dizaines et des dizaines
34:23de milliards d'euros
34:25qu'on n'a pas dépensé pour la défense et qu'on a mis
34:27dans les régimes sociaux et autres
34:29Tout ça est bel et bon
34:31mais on se retrouve à l'arrivée, nous les Français
34:33les Anglais et les Allemands avec
34:35200 chars de combat chacun
34:37200 avions au maximum
34:39quelques frégates et c'est tout.
34:41Donc quand on dit
34:43qu'on va s'impliquer dans un conflit
34:45où il y a un million d'hommes sur
34:47un front d'un millier de kilomètres
34:49on est dans un autre monde.
34:51C'est délirant d'une certaine façon.
34:53Il y a un vrai problème démocratique
34:55si vous voulez. Moi j'entends ce que
34:57dit le Président.
34:59C'est vrai que Poutine est un problème.
35:01Je ne suis pas du tout ni poutinien.
35:03Je connais le système, je le connais lui.
35:05Je sais ce qu'il m'a dit à moi en 2003
35:07sur l'Ukraine. Jamais je ne laisserai l'Ukraine
35:09passer à l'Ouest. A partir de là
35:11soit on se prépare à stopper les Russes
35:13soit on trouve un deal sur la neutralité
35:15de l'Ukraine. On n'a fait
35:17ni l'un ni l'autre. Aujourd'hui
35:19on en est à suivre
35:21les Américains. Est-ce qu'ils vont tirer, pas tirer ?
35:23Tout ça n'est pas glorieux
35:25et c'est dangereux.
35:27A minima, ce que je souhaiterais
35:29c'est que la démocratie
35:31soit appliquée.
35:33Vous savez qu'aujourd'hui,
35:35je crois que les Français ne le savent même pas,
35:37la décision d'emploi des forces
35:39c'est l'article 35 de la Constitution.
35:41C'est-à-dire que le Président seul
35:43peut décider de l'emploi des forces
35:45et revenir au Parlement pour une
35:47information 3-4 jours plus tard
35:49pour une déclaration sans vote.
35:51Alors ça, ça allait
35:53très bien quand on faisait des interventions
35:55à minima. Enfin,
35:57Barkhane c'était important, mais
35:59à minima en Afrique, on prévenait
36:01et puis on revenait 3 mois après.
36:03Mais quand il s'agit d'un conflit
36:05de très haute intensité en Europe,
36:07ça mériterait au minimum
36:09un débat de fond
36:11avec les formations politiques, de préparer
36:13le pays. Si on rentre dans ce monde-là,
36:15alors il faut se préparer.
36:17Ce que je crois, c'est que
36:19cette guerre d'Ukraine est en train d'avoir
36:21des conséquences bien plus graves
36:23que la guerre d'Ukraine elle-même.
36:25Elle est en train de provoquer
36:27des changements systémiques
36:29dans le monde entier,
36:31d'organiser des nouvelles relations,
36:33des nouveaux clivages
36:35qui vont être extrêmement compliqués
36:37pour l'Europe.
36:39Ce qui s'est passé en Afrique n'est pas non plus étranger.
36:41C'est ce qu'on a fait, nous,
36:43avec cette histoire qu'on a mal gérée.
36:45On a fabriqué, d'abord,
36:47le cauchemar de Kissinger,
36:49c'était l'alliance
36:51sino-russe,
36:53plus
36:55deux cavaliers de l'Apocalypse
36:57en plus, Corée du Nord
36:59et Iran. Maintenant, vous avez
37:01une alliance militaire
37:03entre la Russie,
37:05la Chine, la Corée du Nord
37:07et l'Iran, c'est-à-dire quatre
37:09puissances nucléaires,
37:11qui sont résolument
37:13hostiles au modèle occidental
37:15et qui veulent le dominer, chacune
37:17de leur manière. Les Russes veulent
37:19redevenir la puissance dominante en Eurasie.
37:21Les Chinois veulent
37:23dominer la planète. On a ça comme problème
37:25maintenant, à cause et autour
37:27de cette question qui était au départ
37:29extrêmement limitée, à savoir quel était
37:31le statut du Donbass et de la Crimée.
37:33Passionnant, mais enfin,
37:35pas de nature à changer la nature du...
37:37Eh bien si, on a changé la nature du système mondial.
37:39Et la relation internationale. Et donc, je crois
37:41que c'est à ça qu'il faut se préparer.
37:43Et c'est pour ça que je dis
37:45que l'occasion du 80e
37:47anniversaire du débarquement, c'était l'occasion
37:49de réouvrir la négociation.
37:51Plutôt que de dire aux Russes, vous venez pas,
37:53on veut pas vous voir, on veut pas vous parler,
37:55c'est la guerre totale. C'était peut-être
37:57le moment de se dire, bon, comment est-ce qu'on
37:59peut rebâtir un système de sécurité
38:01en Europe et
38:03comment éviter qu'on reparte pour 50 ans
38:05de... Il y a la question ukrainienne aussi
38:07parce que vous parliez de Nicolas Sarkozy,
38:09dans un entretien au Figaro, il explique que
38:11l'Ukraine est un pont entre le monde slave
38:13et l'Europe, et que sa vocation
38:15est de maintenir ce lien entre deux mondes
38:17qui ne se ressemblent pas mais qui doivent
38:19coexister. Ça aussi,
38:21cette question de la position
38:23de l'Ukraine, de l'histoire aussi de l'Ukraine
38:25avec une communauté russe importante,
38:27elle est niée systématiquement...
38:29Parce que personne ne la connaît.
38:31Les grands historiens de
38:33l'Ukraine, dans les années 90-2000,
38:35comme l'a appelé l'autrichien,
38:37disaient que l'Ukraine était un point blanc
38:39dans l'histoire de l'Europe. On s'en
38:41n'est pas intéressé.
38:43Ni au moment de la signature
38:45du traité de Versailles, une délégation
38:47ukrainienne est venue, mais personne ne l'a reçue.
38:49On s'en foutait.
38:51Pour les occidentaux, il n'y avait que
38:53la Russie. C'était la petite Russie.
38:55C'est ce qu'on appelle ça, la petite Russie.
38:57Or, l'Ukraine, c'est un pays
38:59très complexe, composé d'une
39:01partie occidentale
39:03qui est très proche de la Pologne, de l'Allemagne,
39:05du monde européen,
39:07et une autre, à l'est, qui a été colonisée
39:09par les Russes,
39:11prise de la Crimée par Catherine II,
39:13puis colonisation de ce qu'on appelle
39:15aujourd'hui le Danbas,
39:17industrialisée par les Russes.
39:19Donc vous avez cette division interne du pays
39:21qui a naturellement été gommée
39:23par la guerre, mais qui est très profonde.
39:25Et c'est pour ça que ça pouvait être...
39:27On aurait pu
39:29trouver une sorte
39:31d'équilibre entre les deux
39:33mondes, mais ces occasions
39:35ont été ratées.
39:37A la fois par la mauvaise volonté
39:39des Russes, évidemment, qui voulaient garder la main
39:41mise sur une zone d'influence
39:43dans leur ancienne république,
39:45et puis par notre incapacité à nous,
39:47occidentaux, d'avoir une stratégie
39:49et sur la Russie et sur l'Ukraine.
39:51C'est ce ratage
39:53qui est celui des 30 dernières années que nous payons
39:55aujourd'hui dans la guerre, et que ces malheureux
39:57qui meurent tous les jours
39:59payent dans la guerre.
40:01Merci beaucoup, Pierre Lelouch, pour
40:03ces mots et ces témoignages sur l'Ukraine.
40:05On en reparlera sans doute à l'occasion de la sortie
40:07de votre livre à l'automne.
40:09Merci à vous.
40:10Merci. Dans un instant, c'est La Culture
40:12dans tous ses états, avec André Bercoff
40:14et Céline Alonso, qui reçoivent aujourd'hui
40:16Annick Cogent pour son
40:18livre sur le D-Day, le débarquement,
40:20où 18 vétérans racontent
40:22leur histoire du débarquement
40:24heure par heure. A tout de suite sur Sud Radio.

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